Chapitre 15 : La couronne suprême

Sieg ne put s'empêcher de grogner en entendant parlerd'une nouvelle prémonition. Même si elle donnait du crédit à sesdires qui étaient pourtant assez durs à avaler, devoir faireconfiance à des prophéties racontées par une personne dont il nesavait rien ne le rassurait pas particulièrement.

Anoro se racla la gorge et prit la parole pour lapremière fois depuis le début de la conversation.

– Je pense que je parle pour tout le monde en disantque nous aimerions en savoir plus sur cette prémonition. Aprèstout, comme vous le supposez, il semble qu'elle est liée à notre mission.

– Et moi qui commençait à penser que vous étiez muet ! s'esclaffa Crodan en souriant. Bon, je veux bien vous le dire avant de poser ma prochaine question, il serait injuste de vous donner une réponse aussi incomplète. Alors écoutez moi bien...

De la soif de pouvoir de l'incarnation de la magie

L'avènement de la fin naîtra impitoyablement.

La septième rejoindra ses frères et sœurs déchaînés

Et fera sien tout ce qui existe jusqu'à ce que tout disparaisse.

– Bon, j'admets que c'est beaucoup plus court que votre prémonition, mais le ton est donné. Par contre, si les trois dernières phrases sont faciles à comprendre, la première peut tout vouloir dire... Du moins, c'était ce que je pensais avant que vous ne parliez de ce fameux mage...

– Saga, un arcaniste, pour être plus précis, ajouta Sieg. Une personne capable de manier la mana dans sa forme la plus pure et lancer des sorts avec une aisance foudroyante. Ça ne fait aucun doute que c'est de lui que parle cette prémonition.

– Alors voici ma prochaine question : à quoi devons-nous nous attendre de sa part ?

– Ha ! s'exclama Bélial. On commence par quoi ? Plus de pouvoirs magiques que n'importe qui ? Tu dois l'avoir compris ! Il est aussi très intelligent, il a toujours des plans en plus au cas où les précédents foirent ! La dernière fois qu'on s'est frotté à lui, il a réveillé une arme antique capable de tout détruire rien que pour faire diversion. Et il a une tonne de gars sous ses ordres, y compris ce sale traître de Tyrian !

– Traître ? demanda Crodan.

– Ouais... grinça la jeune femme en serrant les poings de rage. Il faisait parti de mon village, mais il a pas hésité à sacrifier mon clan entier pour faire plaisir à son nouveau maître. Alors tu peux me croire que même si ces deux enfoirés allaient pas détruire le monde, j'aurais quand même envie de leur faire la peau !

– Oui, je peux le croire, sympathisa Crodan. Je n'ai pas particulièrement de patience pour les traîtres, alors je ne vais pas vous juger sur vos motivations. C'est à vous de nous poser une question.

Le trio du monde de la lumière se concerta un moment avant que Sieg ne se tourne vers leur hôte.

– La prophétie nous concernant parlait d'une couronne suprême. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?

– Ah ça... Je me demandais quand vous alliez en parler... Je vous avais dis que Dredia où nous sommes a un roi, comme toutes les autres nations démoniaques. Mais il existe une autorité au-dessus de ces monarques qui remonte au premier roi des démons. Avant que j'aille plus loin, savez-vous quelles sont les différentes sortes de démons ?

Sieg fronça les sourcils, devinant rapidement le sous-entendu.

– Il n'y en a pas que trois, finalement ?

– En un sens, il y en a quatre, acquiesça Crodan. La quatrième version est cependant unique. À tout moment, il ne peut en exister que deux à la fois, et uniquement quand la dernière heure d'un d'entre eux approche. Le premier roi, Grégorio, était un démon extrêmement puissant qui a unifié toute notre race il y a des millénaires de cela. Le jour où il a acquis le respect de chaque démon du monde des ténèbres, il s'est transformé, son pouvoir grandissant encore. Ses cornes se sont allongées et des ailes sont apparus dans son dos, le glorifiant d'autant plus à nos yeux. Puis, dans les jours qui ont précédé sa mort, une de ses petites-filles s'est elle aussi transformée, imitant son grand-père. Y voyant là la preuve qu'elle était sa plus digne descendante. Et quand celle-ci avait approché la mort bien plus tard, un de ses petits- neveux l'a imitée. Depuis, il y a toujours eu un porteur du sang de Grégorio qui s'est éveillé à cette forme absolue, Ténèbraile. Même Xerec ne peut pas nier que cette forme surpasse celle des Cendressang, mais il espère l'atteindre. Car au fil des siècles, les descendants de Grégorio ont fondé des nations qui demeurent au service du Ténébraile. Chaque pays dispose de son autonomie, mais si le Ténébraile décrète quelque chose, caque monarque se doit de s'y plier.

– Attends, t'es en train de nous dire qu'il y a un gars au-dessus de Xerec qui pourrait lui dire d'arrêter ses conneries mais il fait rien ? explosa Bélial. Me dis pas qu'il pense comme lui ?

– Je ne pense pas, non... soupira Crodan. Le Ténèbraile actuel, Sirocion, se moque éperdument de ce qui se passe dans le monde. Il y a eu toute sorte de Ténébrailes au cours de notre histoire, allant des souverains impliqués dans la gouvernance des royaumes démoniaques aux paresseux qui se contentent de vivre dans le luxe. Et honnêtement, un Ténèbraile qui ne fait rien est préférable à un qui a de grands projets mais aucune compassion. Le monde des ténèbres se souvient encore de Viania, la plus cruelle des Ténèbrailes, qui a causé la guerre du Crépuscule. Elle n'a pas hésité à sacrifier son peuple pour envahir votre monde dans l'unique but d'ensuite subjuguer les autres races. À cause de son ambition sans limite, les portes entre nos deux dimensions sont restées éternellement closes. Et dire que son prédécesseur comptait à la place s'allier aux humains. Malheureusement, tout ses rêves de paix et fraternité ont été balayés comme un simple château de sable...

Sidérée, Bélial observa la réaction de son partenaire qui se crispait. Le bretteur apprenait enfin qui avait ourdi la guerre auquel il avait dû prendre part, risquant d'y perdre son âme. La jeune femme s'approcha de l'écarlate et lui prit doucement la main, le contact le détendant. Les autres démons remarquèrent le geste et sourirent, ce qui n'échappa à Anoro qui s'exprima de nouveau.

– Excusez moi, je sais que c'est à votre tour de poser une question, mais je tiens à savoir. L'esclavagisme des humains... Juste à quel point cette pratique est-elle ancrée dans la culture de ce monde ?

Crodan jaugea le soldat en inspirant.

– Soit, de toute façon, je n'ai plus qu'une question pour le moment, alors je veux bien vous répondre. Je ne peux que comprendre à quel point ce sujet vous est important. Il y a toujours eu une longue histoire d'esclavagisme des humains, mais elle est ponctuée de plusieurs changements. Quand les portails entre les mondes se sont fermées, en plus de perdre quelques démons, bien des humains et autres races de la lumière se sont retrouvés coincés ici. J'ai entendu dire qu'il y avait des elfes et des nains parmi ces personnes déracinées, des prisonniers de guerre rapatriés chez nous pour en apprendre plus sur vous, mais seule votre espèce semble avoir survécu ici. Au début, ils ont tous été traité comme de la main-d'œuvre, mais quand Viania est morte, son successeur, Quara, il a tenté de réparer bien des torts qu'elle a commis. Parmi ses nombreux décrets, l'un d'eux avait interdis l'esclavage en général, libérant les humains qui sont devenus libres de choisir leur destin. Malheureusement, avec le passage du temps, de nombreux Ténèbrailes se sont succédé. Certains ont ramené l'esclavage, d'autres l'ont de nouveau abolis, et certains, comme le prédécesseur de Sirocion, ont donné quartier libre à chaque nation de décider s'ils souhaitaient avoir des esclaves ou non. Je vous laisse deviner quelle option a choisi Xerec... Si vous voulez avoir un court plus précis sur l'histoire des humains dans notre société, vous devrez bien vous accrocher, parce qu'entre les décisions des Ténèbrailes et celles des différentes nations, c'est à peine si on arrive à se souvenir parfaitement de ce qui se passait il y a un siècle. Certaines périodes restent floues, surtout connues de nos historiens.

– Pour résumer, si vous cherchez des nations où vous ne serez pas traités comme des esclaves, vous avez des options, intervint Belba. Vous pouvez oublier Casar au nord, mais Vardria au sud a une longue histoire de prospérité pour les humains. Cela fait des millénaires que la nation se refuse à les réduire en esclavage, même quand les Ténébrailes le réclament. Le pire qu'ils ont fait, c'est leur affubler l'étiquette d'esclaves royaux. En clair, le roi se réserve le droit de demander n'importe quel service des esclaves, mais au final, ce système n'a jamais été abusé.

– Ce titre a donc plus servi de protection pour les humains que de collier pour les soumettre, traduisit Sieg. Je dois admettre que Vardria me plaît particulièrement...

– Oui, je peux croire ça... ricana Crodan. C'est aussi une nation où le mariage entre les races est non seulement accepté, mais commun. Je me doute que ça vous plairait de vous y installer...

Sieg écarquilla les yeux en entendant cela mais se reprit vite. Il n'avait pas réalisé que sa relation avec Bélial était aussi évidente, le déstabilisant un peu. Le bretteur jeta un regard vers sa partenaire qui lui rendit un sourire gêné, ses yeux trahissant cependant une certaine attente. Cependant, avant que l'un d'entre eux ne puisse parler, Anoro prit la parole.

– Je vois où vous souhaitez en venir, mais une telle chose ne sera pas nécessaire s'ils souhaitent vivre ensemble. À Danatal, la nation que je sers, non seulement la nature de Maîtresse Bélial est connue de tous, mais sa relation avec Maître Sieg est respectée et même admirée. Sans oublier qu'à notre retour, il sera anobli, lui offrant bien des privilèges.

– Anobli, vraiment ? s'étonna Crodan. Pour tout vous dire, à sa façon de se tenir, j'avais cru qu'il était déjà noble.

– Seulement d'âme pour le moment, mais les exploits des Déicides qu'il mène sont légendaires. Plus d'une fois, ils ont déjoué des complots qui auraient plongé un continent entier dans le chaos et ils ont occis des êtres divins. Ma nation a une telle dette envers eux que nommer Sieg Marquis est la moindre des choses. Je pourrais même dire que Danatal lui doit bien plus que ça !

– Marquis... répéta Crodan en se frottant le menton. Si ce rang est l'équivalent du notre, ça ne ferait pas de lui un petit noble, je me trompe ?

– Je peux comprendre que le sujet soit fascinant, mais pouvons-nous en revenir au sujet actuel, toussa Sieg avec une certaine gêne. Vous disiez avoir une dernière question ?

Crodan détailla longuement Sieg avant de ricaner et croiser les bras.

– Soit. Alors, maintenant que vous en savez autant sur notre situation, pourrais-je vous demander de nous aider ? Bien évidement, nous comptons vous apporte notre soutien dans votre propre quête vu que notre avenir semble en dépendre. Vous savez désormais que notre nation est en proie a un trouble dangereux à cause de Xerec, il doit partir. Ou sinon, le prochain Ténèbraile doit partager nos idéaux. Sirocion se fait vieux, on raconte qu'il ne tiendra pas plus de deux mois, alors son successeur ne tardera pas à s'éveiller. Pour cette raison, les descendants de Grégorio vont bientôt se rassembler à Eclipsia, le palais des Ténèbrailes, afin d'y accueillir leur futur souverain suprême. Officiellement, du moins. Car en réalité, un véritable jeu d'alliances va s'y dérouler, et il n'est pas rare que de nombreux assassinats seront perpétrés. Après tout, éliminer la concurrence avant que le nouveau Ténèbraile soit nommé ne fait qu'augmenter les chances de chacun d'atteindre ce titre. Ne vous inquiétez pas, nous ne vous demanderons pas de tuer qui que ce soit, nous compterons sur vous pour protéger Lardzar, le troisième enfant de Xerec. Contrairement à son père et ses frères et sœurs, il est révulsé par l'état de notre pays et souhaite réparer les torts du roi. Dans le meilleur des cas, il deviendra le prochain Ténèbraile, lui permettant d'imposer sa vision sur Dredia. Sinon, s'il peut s'attirer les faveurs du prochain Ténèbraile, il pourra peut-être agir en sa faveur. Et vous aurez votre compte à y trouver. Si vous arrivez à gagner le respect du Ténèbraile...

– On pourrait lui demander de lancer des recherches sur la porte ! s'extasia Bélial en prenant le bretteur par les épaules. On se demandait comment la trouver, mais si on arrive à obtenir l'aide du Ténèbraile, ça sera facile !

Sieg partagea l'engouement de la démone mais décida de rester plus posé qu'elle. L'écarlate soupira avant de se tourner vers Crodan.

– Nous permettez-vous d'en discuter avec nos compagnons ? Même si je suis le meneur, pour ce genre de décisions, j'aime avoir leur avis sur la question.

– Absolument, répondit Crodan avant de s'adresser à Wadro. Faites en sortes que nos invités soient confortablement installés. Je veux qu'ils voient que nous sommes sincères dans nos intentions.

Wadro s'inclina et invita le trio à le suivre pour rejoindre leurs compagnons. Sieg se félicitait d'avoir fait autant de progrès en si peu de temps, mais il se mit à redouter que l'avenir ne promettait pas que bons présages.

Une fois qu'ils furent seuls, Belba s'approcha de Crodan, laissant ses doigts caresser son bras musculeux, une envie dévorante dans le regard. Cependant, ce ne furent pas des mots doux qui sortirent de sa bouche.

– Alors ? Qu'en dis-tu ? Moi, je pense que c'est bien d'eux que parle la prémonition. Par contre, je ne sais pas encore quel rôle exactement ils vont y jouer...

– Moi non plus, est c'est bien pour ça que je veux les garder çà l'œil... marmonna le démon. S'ils sont supposés améliorer les choses, tant mieux, autant les garder à portée qu'ils nous soient utiles. Mais si le changement qu'ils doivent apporter va plonger le monde dans le chaos...

– Des héros et leur antithèse... souffla Belba. Je me demande lequel nous venons d'accueillir...

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