Chapitre 94 : Le mortel le plus proche du divin

Fourbu, Anoro essaya de se redresser mais ses jambes refusèrent de lui obéir. À genoux, il laissa Zanita passer son bras derrière ses épaules et l'éloigner du combat. Cela ne faisait même pas dix minutes que l'affrontement contre Valence faisait rage, et déjà, plusieurs combattants avaient été forcés de se retirer pour leur propre sécurité. Dépité, le soldat ne put que jeter un regard en arrière pendant que la voleuse se démenait pour le porter en sûreté.

La puissance de l'aventurier dépassait tout ce que le groupe avait envisagé. Dès qu'il avait annoncé qu'il se battrait plus sérieusement, ses premiers assauts confirmèrent qu'il ne lançait pas ces paroles en l'air. Sa vitesse s'était décuplée, lui permettant de fermer des distances de plusieurs mètres en un clin d'œil et de ravager un bâtiment en un seul coup d'épée. Pas une seule battisse dans un rayon de vingt mètres tenait encore debout, témoignant de la force implacable du guerrier.

Une dizaine de ses adversaires étaient déjà tombés sous ses coups, peu importe leurs armures, forçant les survivants à adopter une approche évasive, donnant la priorité à l'esquive au détriment de la défense et même l'attaque. Face à une force de la nature pareille, tenter de lui faire front était suicidaire, comme tenter de s'abriter d'un tsunami derrière un bouclier. Leur meilleure chance de s'en sortir était d'attendre des renforts en laissant Valence s'épuiser petit à petit, cependant l'aventurier semblait posséder une énergie infinie.

Tachant d'attirer au mieux l'attention du guerrier sur lui, Sieg brillait de mille feux. Sa capacité à voir les actions de Valence avec de l'avance couplée à son agilité naturelle, renforcée par sa magie du vent qui le laissait valser dans les ars sans restrictions, lui permirent d'esquiver chaque assaut de son ennemi qui enrageait à chaque échec, focalisant d'autant plus son attention sur son insaisissable adversaire.

Bélial profitait des ouvertures que lui offrait son partenaire pour asséner des coups violents qui purent parfois faire tituber l'aventurier, mais elle ne semblait pas pour autant arriver à entamer son incroyable endurance. La démone restait prudente, ne s'avançant pas trop pour éviter de se prendre un mauvais coup qui pourrait l'envoyer au tapis ou pire. Heureusement, bien qu'ils étaient rapides, la barbare pouvait deviner les mouvements de l'aventurier et se jouer d'eux avec aise.

Ce ne fut cependant le cas des autres combattants présents qui ne pouvaient au mieux placer qu'une seule attaque avant de devoir se reculer pour leur propre protection. Une danse brutale s'opérait sur le champ de bataille, avec pour principaux acteurs Valence, Sieg et Bélial, échangeant des coups qui dépassaient l'entendement humains, ne laissant que rarement d'autres personnes à prendre très brièvement part au spectacle.

Après un énième échec à toucher le bretteur, Valence perdit définitivement patience et décida de ne plus prendre de gants. L'écarlate eut l'impression de voir les muscles de l'aventurier gonfler avant de perdre le fil de ce qui se passait. Les gestes de Valence suivirent presque instantanément ses pensées, réduisant la marge de manœuvre de Sieg qui avait moins de temps pour réagir à cette nouvelle vitesse. Il tenta de reculer, mais Valence empoigna son bras dominant et le comprima, brisant l'os aussi facilement qu'une brindille. L'épéiste hurla de douleur, sa lame lui échappant des mains, alors que l'aventurier le soulevé par le membre meurtri et l'agita devant lui.

– Je suis impressionné ! ricana Valence en jouant avec sa prise. Un dixième de ma vraie force ! Voilà ce qui m'a pris rien que pour mettre la main sur un moustique comme toi ! Mais maintenant que je te tiens, c'est terminé !

Voyant rouge, Bélial se déchaîna sur l'aventurier, abandonnant toute prudence. Ses coups pleuvaient sur son adversaire qui ne semblait pas les sentir. Motivée par les gémissements de douleur de son partenaire, la jeune femme redoubla d'efforts pour essayer de le libérer, sa puissance grimpant alors que son assaut se prolongeait. Comme pour répondre à la volonté de sa porteuse, son armure renforça d'avantage la barbare, la rendant plus rapide et puissante, mais même cela ne fut pas suffisant, n'arrachant qu'un rire supérieur à Valence.

– Et toi aussi, tu es bluffante ! Je suis bien content que tu ne te sois pas chargée d'une de mes associées, même Lanis n'aurait pas fait le poids contre toi dans ton état actuel ! Malheureusement...

Bien qu'elle ait deviné que l'attaque venait et s'était recouverte d'obscurité pour encaisser le coup, Bélial eut le souffle coupé quand la jambe de l'aventurier rencontra sa poitrine. Propulsée en arrière, la démone fut réceptionnée M'ganok qui l'aida à se ressaisir et retrouver son souffle. Furieux de voir la femme qu'il aimait encaissait une telle attaque, Sieg hurla et déploya une importante quantité de magie de foudre dans son bras meurtri. Il savait que faire ça endommagerait ses nerfs, risquant même de lui faire perdre l'usage de son bras définitivement, mais celui-ci était déjà dans un sale état et il avait besoin de se libérer.

Valence grimaça, relâchant juste assez sa prise sur l'écarlate pour qu'il se libère et se jette en arrière. S'écrasant au sol, il fut rejoint par Farca qui criait des insanités naines pendant que d'autres combattants s'interposaient entre eux et l'aventurier qui posait sur le bretteur un regard assassin.

– Tu ne vas pas recommencer, bordel ! s'égosilla l'alchimiste en auscultant le membre brisé. Je t'avais déjà dis que ne pas canaliser de magie dans ton corps, surtout celle de la foudre ! Tu as oublié notre combat contre le Ragrar ou quoi ?

D'autres soigneurs s'approchèrent pour essayer de soigner le blessé mais se figèrent en découvrant ce qui se passait. Même la sang-mêlée eut un mouvement de recul quand elle vit le bras de Sieg se tordre dans tous les sens sous le regard ahuri de son maître. Bien que l'opération était douloureuse, la blessure guérit d'elle même en un instant, rendant à l'épéiste l'usage de son bras qui aurait dû être condamné.

Même Valence s'arrêta de bouger quand il réalisa ce qui venait de se passer. Une guérison aussi soudaine dépassait l'entendement, même un miracle de la par d'un haut prêtre ne pouvait pas ressouder aussi prestement un os brisé. Et pourtant, Sieg pouvait déjà bouger son bras comme si de rien n'était. Une idée traversa l'esprit de Farca qui porta sa main à sa bouche.

– Mais oui ! Raya a failli se réincarner en toi ! Ton corps a été imprégné de son pouvoir divin, même s'il était limité ! Quand elle est partie, elle a du en laisser un peu derrière elle ! C'est pour ça que tu étais en forme après qu'on t'ai ramené à la vie !

Ne pouvant qu'acquiescer avec l'alchimiste, Sieg se releva, dévisageant Valence qui lui adressait un regard haineux. Les yeux de l'écarlate se posèrent sur la démone qui se tint prête au combat elle aussi, un sourire mauvais étirant ses lèvres. Le bretteur inspira en fermant les paupières, sentant sa mana parcourir son corps.

– Impossible ! rugit Valence en se ruant sur l'écarlate. Tu es indigne de manier un tel pouvoir ! Je suis le seul digne d'un tel...

Sieg rouvrit les yeux, des éclairs crépitants autour de lui. Les personnes qui l'entouraient jusque là s'étaient déjà écartées, ne voulant pas être touchées par l'attaque de Valence. Cependant, pour l'écarlate, l'assaut semblait terriblement lent. La lame n'était qu'à une poignée de centimètre de sa tête, mais il eut l'impression qu'il pouvait prendre son temps pour l'éviter. Avec un simple pas sur le côté, Sieg se décala hors de sa trajectoire, la regardant descendre lentement vers le sol.

Cependant, la confiance qui croisait en lui diminua quand il croisa le regard de Valence. Bien que l'écarlate se mouvait trop vite pour l'œil humain, l'aventurier suivait ses mouvements même si son corps n'était pas encore assez rapide pour en faire de même. Se souvenant que le guerrier avait affirmé ne déployait qu'un dixième de sa force, Sieg ne douta pas qu'il pourrait imiter sa vitesse s'il lui en laissait le temps.

Comprenant que chaque fraction de seconde comptait, l'épéiste rappela à lui Venwë Fëa et la serra entre ses doigts. Aussi vif que l'éclair et implacable que le tonnerre, Sieg frappa le ventre de Valence du tranchant de sa lame, la nimbant de flammes et de vent pour rendre son assaut encore plus destructeur. L'épée rencontra de la résistance, mais elle finit par traverser l'armure avant de se heurter au corps endurcit. Ce nouvel obstacle sembla encore plus résistant que le premier, mais avec un râle enragé, Sieg puisa plus de forces de la terre sous ses pieds avec sa magie tellurique et amplifia celle qui renforçait son épée.

De là où ils se tenaient, les spectateurs de cette scène ne perçurent qu'un éclair flamboyant. Juste à l'instant où Valence allait le pourfendre, Sieg s'était changé en un éclair, se retrouvant juste derrière l'aventurier, une épée irradiant d'énergie s'étant matérialisée dans sa main. Valence hurla de douleur quand une blessures enflammée se forma sur son corps, le trancha à moitié en deux. Pour tous ceux qui n'avaient pas vu le bretteur se battre à Taouy, le mouvement qu'il venait d'exécuter semblait impossible, les plongeant dans une intense confusion. De leurs côtés, Farca et Bélial ne purent que sourire en assistant à une spectaculaire démonstration de force de la part de leur chef.

L'écarlate pivota sur ses appuis, levant son épée au dessus de sa tête pour achever l'aventurier. Valence refusa de se laisser faire cependant, réussissant à se retourner malgré sa blessure et bloqua l'attaque avec sa lame rayonnante de lumière. Il ouvrit la bouche pour rétorquer quelque chose, mais une ombre vint obscurcir son visage. Le guerrier distingua à peine se rictus victorieux de la barbare au dessus de lui avant qu'un poing sombre colossal vint s'écraser contre sa tête, le sonnant. La lame de Sieg sectionna l'arme de Valence et trancha son torse. Dans une explosion de sang, l'aventurier s'effondra au sol et cessa de bouger.

Au dessus du corps ensanglanté, Sieg et Bélial échangèrent un regard avant de se saisir mutuellement de la tête de l'autre et se rapprocher pour coller leurs fronts ensemble.

– On l'a fait... s'extasia l'écarlate qui n'en revenait toujours pas.

– Et pas qu'un peu ! se gaussa la démone. On en a fait qu'une bouchée !

Comme s'il leur avait fallut autant de temps pour pleinement assimiler ce qui venait de se passer, la foule se mit à hurler et acclamer les deux héros. Le danger enfin écarté, on se rua sur eux pour les porter en triomphe. Ils furent hissés sur des épaules, Bélial devant être portée par de solides gaillards, et mis bien en évidence pour qu'ils puissent être adulés.

La jeune femme éclata de rire, ce moment lui rappelant toutes les fois où son village la félicitait pour ses coups d'éclats. Une douce chaleur la conquit, ayant cru que jamais plus des gens lui démontreraient une admiration aussi sincère. Elle regarda son partenaire qui appréciait tout autant qu'elle cet instant de gloire, rendant l'expérience encore plus précieux pour elle. Ce n'était pas juste son triomphe, mais le leur.

– Ah ben super, j'ai l'air fine maintenant...

Le duo baissa le regard vers leur amie qui les détaillait avec un air légèrement dépité, un large objet sphérique à ses pieds qui leur rappelèrent des souvenirs.

– Attends, ce n'est pas avec ça que tu avais terrassé Narcission ? s'inquiéta l'écarlate. Et tu voulais utiliser ça en plein milieu de la ville ?

– Je commençais à me dire qu'on serait obligé, vu comment il repoussait toutes les attaques... soupira Farca avec les poings sur les hanches. Mais si j'avais su que tu passerais en mode divin, je n'aurais pas perdu de temps à l'assembler...

– Dans ce cas, rends moi service et démonte moi cette horreur avant que...

Une onde d'énergie déchira l'air, envoyant voler la foule dans toutes les directions. Des gens s'écrasèrent au sol dans des râles de douleur plus ou moins prononcés. Sieg et Bélial firent de leur mieux pour atterrir sans heurt mais restaient abasourdis par ce qui venait de se produire. Qu'est ce qui aurait bien pu se passer ? D'où provenait cette déflagration ? La bombe de Farca avait-elle explosée, pulvérisant la naine ?

Tous les regards se posèrent sur le centre de ce cataclysme, découvrant un vaste cratère autour du corps de Valence. L'aventurier se redressait la tête baissée, son armure se craquelant. Le guerrier grandissait à vue d'œil, un pouvoir titanesque s'échappant de lui. Il devint immense, se dressant à présent de cinq mètres de haut. Sieg reconnut vite le pouvoir qui irradiait du noble et resta sans voix. Valence inspira avant de finalement lever le regard et toiser ses ennemis choqués.

Que des cloportes m'obligent à dévoiler le plus grand secret de la famille Vanéria, je n'en reviens pas... retentit une voix tremblant d'un échos qui éthéré. Nous avons toujours caché que nous étions la descendance de l'union entre une humaine et Dévastak, le dieu de la guerre. Le pouvoir divin qui coulait dans nos veines depuis la nuit des temps était certes si faible qu'il en devenait inutilisable, je suis l'exception qui prouve ma grandeur ! Je suis né avec plus de pouvoir divin en moi que mille de mes ancêtres, faisant de moi un véritable demi-dieu ! Ma famille m'a supplié de garder le secret, mais j'ai toujours su que j'étais choisi par le destin. Choisi pour devenir à mon tour un dieu et régner sur ce monde !

Valence fit un pas en avant, ses pupilles luminescentes ne quittant pas Sieg qui pouvait ressentir une haine sans limite l'écraser.

Alors qu'un pourceau comme toi ose manier un pouvoir qui me revient de plein droit, je ne peux voir en tes actes qu'un blasphème impardonnable à mon encontre ! Je suis le seul mortel digne d'atteindre la divinité ! Je suis le summum de la perfection alors que toi, tu n'es qu'un moustique qui pompe un pouvoir dont tu es indigne, te gorgeant de cette puissance qui te dépasse ! Tu vas payer ton affront de ta...

– TU PARLES TROP, MORTEL IMPUDENT !

Des vagues d'obscurité apparurent sous les pieds de Valence. Des cadavres émergèrent par dizaines de cette mer sombre et tentèrent d'engloutir l'aventurier qui se contenta d'un rugissement capable de détruire la pierre pour les dissiper.

Insignifiant ! Un pouvoir si médiocre...

– De tous les humains que j'ai rencontré, tu es de loin le plus insolent et imbus de ta personne...

Des arbres poussèrent de la terre et s'entortillèrent autour de l'aventurier en essayant de le comprimer. En contractant ses muscles, il se libéra et chercha du regard les fous qui osaient se dresser contre lui.

Vous allez tous payer pour...

– Négatif !

Un cube enferma Valence qui hurla de frustration de se savoir interrompu de toutes parts. Il serra son poing pour briser sa prison quand son pied heurta un objet. Il baissa le regard pour étudia un objet métallique juste quand celui-ci explosa. Le cube fut rempli par une colossale explosion avant que la barrière ne se dissipe, libérant le guerrier divin qui tituba en essayant de se remettre les idées en place.

– Tu veux devenir un dieu ? La belle affaire !

Au fond de son cratère, Valence se tourna vers la source de la provocation, dévisageant six individus qui le toisaient, armes en main pour ceux qui en avaient et prêts à en découdre. Posant son chapeau rouge que venait de lui tendre l'alchimiste sur sa tête, Sieg défia l'adversaire le plus coriace de toute son existence.

– Nous sommes les Déicides ! Comprends-tu donc ce que ça implique pour toi ?

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