Chapitre 89 : Fuir dans le sang
Bélial serra Sieg contre elle en fixant Valence qui s'approcha d'eux, laissant la ponte de son épée riper sur le sol. Les yeux du guerrier irradiaient de colère et ne quittaient pas l'écarlate.
– Tout ce que vous aviez à faire, c'était vous laisser sacrifier bien gentiment, mais non... C'était trop vous demander. Rien de bien étonnant de la part d'un pouilleux qui n'a jamais compris où est sa place et continue de défier l'ordre établi. Il est grand temps pour moi de mettre fin à vos pitreries et m'assurer que vous cessiez de m'importuner.
Adam fit un pas en avant pour s'interposer, mais ses jambes se gelèrent au sol. Ahmés s'apprêta à jouer un accord, deux flèches se plantant dans sa jugulaire et dans son luth pour couper les cordes interrompant sa représentation avant qu'elle ne commence. Lorelya bandit son arc avant de sentir une lame sous sa gorge et une présence derrière elle. Valence ricana et écarta les bras.
– Oh, et si vous comptiez sur vos compagnons pour vous aider, laissez tomber ! Même dans mes choix de partenaires, je vous suis de loin supérieur ! Par contre Kiria, je te serais reconnaissant de ne pas amocher ta proie. Après tout, une elfe à la peau et la chevelure d'émeraude, voilà une perle rare qui mérite de se tenir à mes côtés. Et si je dois lui faire comprendre l'honneur que je lui fait, je suis prêt à lui consacrer mon temps. Sans oublier...
Valence tendit la main vers la démone qui eut pour réflexe de couvrir Sieg avec son corps.
– Je veux bien vous laisser une ultime chance de me rejoindre, vaillante Bélial. Vous avez démontré votre détermination en plus de votre force, vous seriez un atout. Et je suis même prêt à promettre la survie de Sieg, même s'il devra passer le reste de ses jours enfermés. Pour vos trois derniers compagnons par contre, je ne...
Ne supportant pas que l'on menace les siens, Bélial se retourna en se levant et frappa vers Valence avec un cri. L'énergie obscure qui recouvrit son bras enfla et frappa le guerrier avec un poing large de deux mètres. Toujours campé sur ses jambes, Valence fut repoussé sur trois mètres et observa la barbare avec déception.
– Tu peux te la garder, ta pitié à deux balle ! lui aboya la démone en se mettant en garde. Comme si j'allais perdre mon temps avec un minable comme toi !
– Bon, espérons que l'elfe sera plus...
Un tintement contre son armure invita le guerrier à baisser le regard avec curiosité. Il vit à peine un objet sphérique avant que celui-ci ne lui explose au visage. Deux autres détonations de différentes natures se déclenchèrent au même moment, une d'elle nimbant le gardien de flammes et l'autre libérant un gaz qui fit tousser Kiria en laissant la verdoyante infectée. Profitant de l'ouverture, les deux prisonnier se libérèrent, l'archère projetant l'assassin par dessus son épaule, avant de se replier en arrière.
Ce fut à cet instant que l'employée revint et réalisa vite que la situation leur échappait.
– Dernier voyage ! s'écria-t-elle en lançant la corde à un aventurier ! On se dépêche, départ imminent !
Voyant là leur seule chance de s'échapper, Sieg se leva et fut aussi surpris que Bélial de voir qu'il n'était pas fatigué. Il ne prit pas le temps de s'intéresser à ce point cependant et ordonna la fuite, consigne que personne voulut désobéir quand ils virent Valence grogner après avoir encaissé une explosion de Farca sans une égratignure. L'écarlate se concentra et appela Venwë Fëa qui se mit à parcourir les couloirs de la forteresse pour rejoindre son maître.
Arrachant enfin le projectile qui l'empêchait de chanter, Ahmés se racla la gorge et chanta un air qui vit tourbillonner du sable autour des acolytes du guerrier. L'archère tira trois flèches aux pieds de Valence qui poussèrent et devinrent des arbres qui s'entortillèrent autour de lui. Il grogna et commença à se libérer en renforçant ses capacités physiques avec sa magie.
Au centre de toute cette débâcle, Artra regarda tour à tour sa fille qui s'enfuyait et Valence qui rugissait comme une bête enragée. Le cœur déchiré entre deux souhaits, le prêtre ne sut où donner de la tête. Chérissant un dernier espoir de concilier ses deux objectifs, le démon s'approcha de Valence et plaida avec lui.
– Je vous en prie, n'oubliez pas qu'elle est ma fille ! L'Ordre m'a garanti qu'elle serait...
Une main serra la gorge du prêtre et le souleva au dessus du sol. Étouffant, Artra ne put que détailler le regard noir du guerrier.
– Votre fille a fait son choix, elle est l'ennemi juré de l'Ordre ! Nous ne pouvons pas la laisser en vie. Et si vous voulez encore qu'on la ressuscite avec le pouvoir des dieux d'or, je vous conseille de ne plus vous mettre en travers de mon chemin !
Valence jeta le prêtre contre un mur et s'avança vers le groupe qui se concentrait autour de l'autel. Un sifflement dans l'air attira son attention et il vit une épée voler jusqu'à la main de Sieg qui la tira de son fourreau pour la pointer vers le guerrier qui ne put s'empêcher de ricaner. Une barrière se dressa devant lui pour l'empêcher d'avancer et l'irrita d'avantage. D'un geste de l'épée, il fissura aisément la protection du gardien qui commença à répéter en boucle le mot Erreur.
L'employée de l'autel de Syndras serra les dents, ne pouvant se résoudre à abandonner les retardataires qui auraient encore besoin de dix secondes pour les rejoindre et empoigner la corde salvatrice. En ajoutant à cela les cinq secondes supplémentaires requises pour le transfert, elle doutait qu'ils allaient tenir assez longtemps.
Comme pour lui donner raison, Valence brisa la barrière avec un second coup et éclata de rire.
– Mais qu'est-ce que vous croyez ? Que vos pitoyables efforts suffiront à arrêter l'inévitable ?
Valence leva son épée au-dessus de sa tête, la lame rayonnant d'un vif éclat. Sieg, sans lâcher la corde qui devait le téléporter, imita le geste mais ne rivalisa pas avec la puissance du guerrier.
– Ha ! cracha Valence. Comme si vous pouviez...
Un poing percuta sa joue, faisant vaciller le guerrier qui perdit sa concentration. Légèrement sonné, il se tourna vers son agresseur, un homme qui venait de déchirer le haut de son habit monacale, exhibant ses muscles puissants sous sa peau sombre. Une queue fouettait l'air et deux cornes décorait son front, quelques centimètres au-dessus d'un regard déterminé. De là où elle se tenait, Bélial vit son père se dresser contre un ennemi trop fort pour lui sans montrer le moindre signe de peur.
– Tu ne toucheras pas ma fille, enfoiré ! hurla Artra en se ruant vers Valence.
La course du démon fut interrompu par un tir de flèche qui lui perfora le genoux. Grimaçant, Artra posa une main au sol et se retrouva coincé sur place par de la glace. Il voulut hurler, mais un éclair de douleur le traversa alors que la lame de Kiria lui ouvrit la gorge. La barbare hurla de rage en voyant le sang de son père couler de sa plaie béante.
– Cloporte... cracha Valence avec mépris
Stupéfait par l'intervention du prêtre, l'écarlate se souvint qu'il avait son arme levée et l'abattit devant lui, projetant une rafale de vent tranchante sur le guerrier qui la dévia d'un revers de la main.
– Fini de jouer ! rugit Valence en préparant un nouvel assaut. Cette fois, c'est la bonne !
Voyant que tout le monde tenait la corde, l'employée activa la téléportation, ne sachant pas si elle se terminerait à temps. Horrifiée, elle fixa le guerrier qui préparait une attaque dévastatrice. Adam dressa une nouvelle barrière, mais personne était convaincu qu'elle tiendrait le coup.
Le corps d'Artra explosa de ténèbres, brisant la glace qui le retenait. Réunissant ses dernières forces, le démon se mua en une masse d'obscurité et fondit sur le guerrier qui le vit du coin de l'œil. Bélial allongea son bras vers son père avec désespoir en voyant Valence changer ses appuis.
– P'pa ! Non !
La dernière chose que vit la barbare avant que la téléportation ne s'active fut la lame de Valence qui tranchait en deux le démon. Puis, elle ne perçut qu'un mur.
La jeune femme tomba à genoux, son bras toujours tendu droit devant elle. Les larmes coulaient sur ses joues tels des fleuves intarissables.
– Pourquoi ? Pourquoi t'as fait ça ? Après toutes les horreurs que t'as fait ? Pourquoi t'es...
Une main posée sur son épaule accapara son regard et elle observa le visage de son partenaire qui s'accroupissait à ses côtés. Son expression était le théâtre du chaos dans son esprit, après avoir vu un homme qu'il détestait donner sa vie pour la femme qu'il aimait. Après avoir vu la tristesse de sa partenaire, le bretteur refoula sa haine pour le démon qui ne s'éteindrait jamais entièrement.
– Artra est mort en vrai guerrier, souffla-t-il. Une fin digne d'un Sombresang.
Devinant combien sortir ces mots faisait du mal à son partenaire, Bélial le serra dans ses bras, reconnaissante pour ces mots réconfortants. Dans ses derniers instants, son père avait retrouvé son honneur. Il était redevenu l'homme qu'elle admirait.
Anoro soupira de soulagement avant d'écarquiller les yeux et se tourner vers l'employée. Sa panique se dissipa en l'apercevant en train de travailler sur l'autel, signe qu'elle le désactivait avant que l'ennemi ne l'emploie pour les pourchasser. Zanita passa son bras autour de ses épaules et ricana dans son épaule.
– Je ne pensais vraiment pas que tu t'en sortirais, p'tit soldat ! Tu es plus tenace que je le pensais !
– Nous avons évité le plus possible le combat, c'est normal que je m'en sois sorti... grommela le militaire en se détachant de la voleuse. Mais je dois admettre que je ne suis pas mécontent que toi et les autres mécréants vous en soyez sortis...
– Ôtez moi d'un doute, mais... Ne devions nous pas partir pour Griganar ?
La question du musicien arracha un grognement de frustration de la naine qui se frotta les yeux.
– Ouais, mais on devait partir après le dernier groupe, pas avec... Par contre, après ce qu'on vient de vivre, je pense que personne ici n'a envie d'explorer des ruines pour le moment...
– Des ruines ? répéta Sieg avant d'écarquiller les yeux. Tu voulais nous téléporter dans le laboratoire de Vaporo ? Mais ça ne va pas ? La dernière fois...
– Je sais, mais on voulait voyager en attirant le moins possible l'attention, se défendit l'alchimiste. Et puis, on avait un plan pour le traverser sans encombre.
– Quoi ? Jeter mon cadavre dans un couloir pour faire diversion ?
– Tu vas vraiment continuer de m'en vouloir pour ça ? soupira Farca avec lassitude.
– Au moins une semaine !
Des rires fusèrent de toutes part dans l'autel alors qu'on s'amusait de la petite scène entre l'écarlate et la sang-mêlée qui se souvinrent qu'ils étaient en public. Bélial, en revanche, n'avait pas la tête à ça.
– Alors elle est partie... Je la reverrais plus...
Sieg ignora Farca et essaya de consoler la démone en lui prenant la main.
– Tout ce qu'elle a fait, c'était pour te protéger... Et n'oublies pas qu'elle n'est pas morte... Elle est avec une nouvelle partenaire, elle continue d'exister. Un jour, qui sait, nous recroiserons peut-être sa route. Pour le moment, garde bien dans ton cœur tes souvenirs d'elle.
Touchée par les mots de l'épéiste, la barbare embrassa son front avant de se lever. Farca profita du calme pour tirer la manche de l'écarlate et le dévisager.
– Et toi, ça va ? Pas trop crevé après ton retour d'entre les morts ?
– Non, et c'est assez étrange... répondit Sieg en serrant son poing. Je pensais que je serais plus fatigué, mais je suis plus en forme qu'avant ma mort. La dernière séance de tatouage m'avait épuisé, pourtant là...
– Étrange... admit Lorelya. Enfin, tant mieux au final. Mieux vaut ça que d'être épuisé.
– Ce n'est pas faux, renchérit Ahmés. Et si nous partions d'ici ? Nous avons bien mérité un peu de repos avant de reprendre la route.
– Et nous avons fait nos adieux avant de partir... grommela Farca. On va avoir l'air fin, en revenant même pas une demi-journée plus tard...
– Nous devrions fêter cette victoire ! s'exclama Jilias. M'sieur Sieg est de sauvé, il faut qu'on boive à ça !
Laissant la bonne humeur chasser leurs doutes, Bélial et ses compagnons se laissèrent entraînés dehors où on se chamaillait déjà où les héros seraient invités à boire. Ignorant les disputes qui remplissaient la rue, un des employés profita de l'inattention de ses collègues et des gardes pour s'approcher de l'autel.
– Que s'est-il passé ? Je dois retourner au sanctuaire pour comprendre comment tout est parti de travers...
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