Chapitre 80 : En quête de réponses
Maurice savait qu'il n'aurait pas dû organiser cette fête. Pourtant, ça avait été plus fort que lui.
Maintenant, il regardait avec dépit les comptes de la veille qui étaient dans le négatif. Ce qui aurait dû être la soirée la plus rentable de la semaine devenait un trou béant dans ses recettes.
Regrettait-il son choix ? Pas entièrement, Sieg et ses compagnons méritaient chaque pièce perdue et lui rapportaient au moins un mois de bénéfices du bar quand ils pointaient le bout de leur nez. Enfin, excepté hier.
Le criminel releva son nez de son livre de comptes en fronçant les sourcils quand il entendit une commotion. Intrigué, il ignora ses recettes et se dirigea vers la porte de son bureau. Verno se prêta pas attention au passage de son patron, trop occupé à évaluer le dernier butin que lui rapportait une de ses équipes.
De façon théâtrale, Maurice ouvrit la porte de son entre et s'appuya contre la rambarde en face pour toiser du regard son bar. Il découvrait avec un certain étonnement quatre des six invités d'honneur de la veille aux prises avec certains des clients qui commençaient à regretter de prendre part à ce combat. Le criminel ne sourcilla pas quand quelqu'un traversa une fenêtre, blasé par un événement qui arrivait au moins cinq fois par jour ici. Il pourrait toujours compter sur le mage de sa bande pour la réparer, comme d'habitude.
– Désolée pour la casse, mais vous savez comment c'est... Un abruti manque de respect, la première baffe vole, et après...
Maurice baissa son regard en se retournant et aperçut Farca qui était accoudée au mur près de sa porte. Elle ne semblait pas penser sincèrement ce qu'elle pensait et paraissait blasée par ce qui se passait en bas.
– J'espère vraiment que vous êtes là pour me redonner le sourire, parce que je ne suis déjà pas d'humeur après les recettes catastrophiques d'hier soir...
La naine ne sourcilla pas malgré le ton glacial employé, se payant même le luxe de soupirer en levant les yeux au ciel.
– Regardez bien qui sont en bas avant de me regarder à nouveau. Vous comprendrez vite pourquoi nous ne sommes pas d'humeur à discuter de vos chiffres...
Un des lieutenants fit un pas vers elle mais son chef l'arrêta d'un mouvement de la main avant de se pincer l'arrête du nez. Quatre en bas à dévaster son établissement, une en haut à le provoquer sans crainte. Non seulement le compte n'était pas bon, mais Maurice savait qui manquait. De plus, maintenant qu'il prêtait attention à ce qui se déroulait, il reconnaissait enfin ce qui se passait. La raison donnée pour la bagarre n'était qu'un prétexte, le groupe avait de base prévu de faire le plus de vagues possible, non seulement pour montrer qu'ils n'étaient pas d'humeur à plaisanter, mais aussi pour se défouler. Quelque chose s'était passé et avait mis en pétard l'équipe la plus efficace et la plus instable que le criminel ait jamais rencontré. Et leur garde-fou n'était pas là pour les encadrer.
Le propriétaire de l'établissement porta deux doigts à sa bouche et siffla. Le son résonna dans le bar et mit fin à la confrontation. Même le vaurien que Bélial portait au-dessus de sa tête pour le projeter à travers une fenêtre cessa de s'agiter pour fixer le maître des lieux. Personne osait défier Maurice chez lui quand il réclamait le calme. Ceux qui avaient l'avaient fait ornaient son entrée jusqu'à ce que l'odeur devienne trop forte et que leurs têtes devaient être jetées dans la fosse commune.
Maurice balaya la scène du regard avant de désigner son bureau par un pouce pointant derrière lui en grognant. Le quatuor de la destruction délaissa leur dévastation et montèrent les marches pendant que Farca emboîtait le pas au criminel qui retournait dans son repère. Maurice alla s'asseoir à son bureau et posa lentement ses pieds sur son bureau, laissant tomber au sol quelques documents sans quitter les fauteurs de trouble qui s'amassaient devant lui. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas reçu ainsi des individus qui lui causaient des soucis mais restaient confiants face à lui. Décidément, travailler avec ses alliés avait quelque chose de... rafraîchissant.
– Bon, j'imagine que vous avez une bonne raison de foutre le boxon chez moi. Enfin, vous avez intérêt si vous ne voulez pas que la moitié de l'Abri ne vous traque pour vous pendre par les extrémités de leur choix... Mais avant tout ça, surtout parce que je sens que c'est lié... Où. Est. Sieg ?
Ponctuant ses trois derniers mots, Maurice attendit une réponse claire et rapide, montrant par la même occasion qu'il cernait la forme du problème et avait besoin de connaître se détails. Bélial, peu réceptive à l'attitude calculée du criminel, s'approcha du bureau et posa ses poings sur celui-ci en se penchant en avant pour lui grogner au visage.
– Les crevards de l'Ordre de la Première Vérité viennent de l'enlever et vont le sacrifier pour ramener un dieu. Alors tu comprends pourquoi on est pas d'humeur à faire ami-ami. Alors soit t'es utile, soit je me sers de ta tête pour finir de refaire toute la décoration de ton bar !
Maurice ne s'étonna même pas de constater qu'aucun de ses hommes n'esquissait le moindre geste pour l'aider. Ils connaissaient bien la force de la barbare sous leurs yeux, tout comme ses compagnons qui se tenaient prêts à faire parler leurs talents respectifs si la situation empirait. Le patron soupira et se prélassa dans son fauteuil.
– Ah oui, l'Ordre de la Première Vérité... Une bande de zouaves insolente il y a encore quelques années, mais de nos jours, c'est comme s'ils avaient la main dans toutes les affaires du continent, peu importe leur nature. Sans oublier qu'ils ont fait exploser la fourmilière en beauté après leur exploit à Hydralia. Dur de les ignorer... Et ce sont eux qui auraient réussi à enlever Sieg ? Ils ont des ressources, c'est vrai, mais le p'tit gars n'est pas du genre à se laisser faire aussi aisément. Et si vous ne les avez pas empêchés... Voilà qui cache quelque chose de juteux...
Enragée, Bélial plongea ses mains dans le centre du bureau et les sépara, déchirant en deux le mobilier en bois massif. Même Maurice ne put se retenir d'écarquiller les yeux bien que le reste de sa posture ne changeait pas. Peut-être avait-il trop titillé la bête ? Car maintenant, plus rien ne la séparait de lui.
– Oh tu veux une bonne blague ? rugit la démone en se rapprochant d'avantage du criminel. Et bien je vais faire simple ! L'Ordre a capté que j'étais la porteuse de Raya, déesse d'or de la lumière et ont tout fait pour m'obliger de les suivre. Quand il a compris qu'il pouvait plus me sauver, Sieg s'est débrouillé pour déplacer Raya et la foutre en lui. Résultat, l'homme que j'aime s'est sacrifié pour moi et j'ai très envie de dévaster toute leur église de merde ! Manque de bol pour toi, je sais pas où les trouver, mais toi, t'es juste devant moi ! T'as besoin que je sois plus claire ?
– Non, tu es limpide comme de l'eau de roche... souffla Maurice en se tassant autant que possible dans son fauteuil. Donc, vous avez besoin de notre aide pour retrouver Sieg... Je veux bien, mais qu'est-ce qui vous...
Bélial fut tirée en arrière et Farca prit sa place devant lui, ce qui était à peine une amélioration vu qu'il pouvait maintenant voir les expressions de tout le monde.
– Vous venez à peine de dire que l'Ordre est impliqué dans tout ce qui se passe à Legenia, développa la sang-mêlée. Ce qui doit impliquer les affaires les plus louches. En bon homme d'affaire, vous devez bien vous être un minimum renseigné sur eux. Alors nous avons juste besoin de quelques renseignements pour localiser leur base. Nous avons bien d'autres contacts qui mènent leurs recherches, mais je sens que vous nous serez plus utiles qu'eux.
Maurice retrouva une partie de sa contenance et se racla la gorge.
– En effet, je sais quelques petites choses à leur sujet... Par contre, j'ai entendu dire qu'ils avaient plusieurs repères. Sans plus d'information, je ne vais...
Ignorant le criminel, Farca sortit sa boussole de son sac, en étudia les aiguilles avant de hocher la tête de satisfaction et présenta une carte à Maurice. Elle représentait le nord du continent, une ligne partant de Danatal et remontant vaguement vers le Nord-est jusqu'à sortir de la carte.
– Et si vous ne voyez pas ce qu'il y a dans ces environs de Legenia, on peut vous montrer une carte plus grande et vous nous direz ce que vous en pensez. Alors, ça vous parle ?
Maurice ne gaspilla pas son temps à demander comment l'alchimiste avait autant réduit leur champ de recherche et plissa des yeux en étudiant le document. Après une seconde, il réclama une carte qui affichait Frostera au nord. Intriguée, la naine obtempéra, reconnaissant la lueur dans le regard du criminel qui superposa les deux cartes pour qu'elles deviennent le prolongement l'une de l'autre. Il fit signe à un de ses hommes de s'approcher et le fit se pencher devant lui pour qu'il se serve de son dos comme une table. Se saisissant d'une règle et une craie, il prolongea le tracé jusqu'à un point au milieu de montagnes qu'il entoura d'un cercle avec un cri de victoire.
– Putain, c'était donc ça ! Je n'avais jamais compris pourquoi ils avaient pris un tel risque ! Maintenant, tout est clair !
Maurice redressa la tête et vit qu'il ne recevait que des regards perdus.
– Laissez-moi vous expliquer... Qui parmi vous a entendu parlé de l'Yrakan ?
Deux visages sur cinq perdirent leurs couleurs, le laissant supposer que pour elles, cette créature n'était pas qu'une légende.
– Et bien sachez que ce cauchemar de l'ère du Chaos se terrait jusqu'à assez récemment à l'endroit que je viens de dessiner.
– Oui, on sait... grommela Farca qui revivait sa rencontre avec l'antique horreur et sa monture en particulier. Mais maintenant, il se trouve à Griganar. Enfin ça, c'était il y a trois mois... Maintenant, qui sait quelle région est au bord de la ruine...
– Alors c'était là... Les rumeurs veulent que l'Ordre a perdu des centaines de fidèles en essayant de téléporter l'Yrakan loin de son territoire pour s'approprier une forteresse abandonnée au beau milieu des montagnes de Paladas. Bien sûr, personne n'a pris le risque de vérifier si c'était vrai pour trois raisons. Une, si c'est faux, les chercheurs se retrouveraient face à l'Yrakan en personne, ce qui est une condamnation à mort. Deux, si c'est vrai, ils se retrouveraient dans le collimateur de l'Ordre, ce qui est relativement mieux mais pas particulièrement réjouissant. Trois, ces montagnes glacées sont si dangereuse que leur exploration est considéré comme un acte suicidaire. En clair, c'est l'endroit parfait pour se cacher du reste du monde !
– Alors c'est là qu'on doit aller ! déclara Bélial. C'est quoi l'autel des voyages le plus proche ?
– Oh, je dirais celui de Vagara, à trois semaines à vol d'oiseau de cette forteresse... soupira Maurice. Sans oublier que c'est en pleine montagne, ce qui rallongera dramatiquement le voyage à pied...
– Mais vous avez l'air d'avoir une meilleure idée en tête... intervint Ahmès en s'approchant de Maurice. Je reconnais ce regard, ce n'est pas celui d'un homme qui laisse le hasard décider de sa vie. Vous avez une option bien plus pratique...
Maurice ricana et se leva pour tapoter l'épaule du musicien.
– Un peu que j'ai une idée ! Et j'ai bien envie de sauver Sieg ! Mais voyez-vous, je suis...
– Un homme d'affaire qui cherche son profit, blablabla... marmonna Farca avec lassitude. Changez de registre, vous devenez prévisible...
L'alchimiste extirpa un deuxième sac de son premier et le jeta à Verno qui le réceptionna avec surprise.
– Moi, Farca Acieroux, renonce officiellement à la propriété de mon grand sac de Vincerent. Voila, ça vous convient comme paiement ?
Abasourdi, Maurice ne quitta pas des yeux Verno qui étudia l'objet avec minutie. Ce dernier prit une pièce d'or qu'il posa dans le sac et le referma. Après une inspiration, il le rouvrit et vit qu'il était vide. En répétant l'opération, la pièce revint. Le comptable se leva, chose que la plupart des personnes présentes ne l'avaient jamais vu faire, si bien que beaucoup pensaient que le vieil homme vivait sur sa chaise. Sa mine réjouie en disait long sur l'artefact dans ses mains.
– Soit c'est la meilleure arnaque du monde, soit j'ai en main un trésor qui vaut la moitié de ton empire, Maurice ! Bordel, si tu veux leur repayer la moitié de ce que tu leur dois, tu leur dois au moins cinq services de ce niveau là en plus !
– On le mettra sur votre note, commenta Lorelya en ignorant le comptable. Vous êtes payé, alors arrêtez de tourner autour du pot.
Maurice ricana et se rassit en croisant ses jambes.
– Oh, je vais parler, pas de problème. Selon vous, comment l'Ordre fait-il pour aller et venir à cette forteresse si elles est si inaccessible ? Je vous donne un indice : c'est comme ça qu'ils ont enlevé tout ce gratin il y a quelques semaines...
– Il y a un autel des voyages sur place ! s'exclama Farca. Mais bien sûr, c'est la seule solution ! Par contre, si c'est une forteresse, j'imagine qu'il faut un talisman assez spécial pour l'activer, sinon n'importe qui pourrait l'envahir sans problème...
– Exactement. Par contre, je peux vous donner un début de piste pour en obtenir un. Il se trouve que des rumeurs peu reluisantes courent en ce moment sur une certaine personne... Un individu qui pourrait avoir un talisman en sa possession...
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