Chapitre 71 : Une matinée haute en couleurs

La mâtiné était déjà bien entamée quand Sieg entrouvrit les yeux le lendemain. Comme d'habitude, il découvrit qu'il avait servi d'oreiller à Bélial qui le serrait contre elle avec un sourire béa. Ayant retenu les leçons du passé, l'écarlate n'essaya pas de forcer sa libération, cherchant à la place de lentement glisser hors de l'étreinte de sa bien-aimée. Dès qu'elle s'agitait, il cessa même de respirer, sachant que la barbare avait l'habitude de le serrer plus fort quand son sommeil était perturbé.

Il lui fallut quatre minutes pour se libérer de cette position, un nouveau record.

Assis sur le bord du lit, le bretteur prit une profonde inspiration, profitant de sa liberté regagnée. Il tenta de se lever mais quelque chose lui retenait la main. Sieg baissa le regard et vit que la queue de la démone s'était enroulée autour de son poignet et semblait refuser de le laisser partir. Après un rapide coup d'œil, il vit que la jeune femme femme dormait profondément, indiquant que le mouvement avait été instinctif.

Ce moment étira les lèvres de l'écarlate en un sourire serein. Même assoupie, sa partenaire ne manquait pas de lui montrer combien elle tenait à lui. Délicatement, il délia la queue qui le retenait et chercha ses vêtements. La nuit passée avait été particulièrement sauvage, faisant que toutes leurs possessions avaient finies éparpillées de partout. Une fois vêtu d'une veste et un pantalon sombres sur une chemise blanche, il adressa un dernier regard à Bélial qui sommeillait toujours avant de quitter la chambre.

Ses pas le guidèrent naturellement vers la salle à manger où il ne fut pas étonné d'y découvrir ses quatre autres compagnons qui le regardèrent de travers.

– Tu étais vraiment obligé de hurler à la lune quand tu as... Enfin, tu vois... l'interrogea l'alchimiste aux yeux cernés.

De nouveaux souvenirs revinrent à l'épéiste qui se crispa en réalisant leur manque de discrétion. Une analyse plus poussée de la salle attestait que leurs ébats n'avait échappé à absolument personne.

– Oui, il me semble que cette bonne Gisèle te cherche, d'ailleurs, prévint Ahmés en accordant son instrument. Elle a dis quelque chose à propos de la fougue de la jeunesse et des conséquences de celle-ci...

Voyant que l'avenir ne lui réserverait pas que de bonnes choses, l'écarlate s'assit sans un mot et déjeuna en fuyant les regards oppressants de trois occupants de la tablée. S'il devait être reconnaissant d'une chose, c'était qu'Adam ne lui demandait pas de rapport complet sur ce qui s'était passé la veille pour ses recherches.

– Et Bélial ? demanda Lorelya. Va-t-elle nous faire grâce de sa présence, ou l'as-tu tuée à la tâche ? Vu le boucan que vous avez fait, je ne serais pas étonnée...

– Elle dort encore, et de nous deux, c'est moi qui a été usé à la moelle... commenta Sieg d'un ton neutre. Je ne sais pas quand elle va se réveiller, je verrais si je dois la tirer du lit une fois que j'aurais bu mon café.

– Inutile, Bélial Nous Rejoint Maintenant !

Avant même de se retourner, l'écarlate savait que la démone allait encore une fois être le centre de l'attention. Farca fixait un point par dessus son épaule avec des yeux vitreux pendant que Lorelya faisait mine de ne pas connaître la personne qui approchait. Sieg se retourna et ouvrit la bouche en grand.

Si hier, la barbare avait détonné par son élégance, ce matin, c'était son manque de manière qui marquait les esprits. Elle ne prenait que rarement le temps de se coiffer si ce n'était pas pour une occasion particulière, mais cette fois en particulier, sa crinière partait tant tous les sens et semblait plus indisciplinée que d'ordinaire. Cette coiffure catastrophique ne fit qu'accentuer son air endormi alors qu'elle traînait mollement des pieds. Fort heureusement, la démone avait prit le temps de mettre son collier pour dissimiler sa vraie apparence, mais autrement, elle n'était vêtue que d'une ample tunique qui descendait à peine assez bas pour dissimuler ce qu'il fallait.

Pas un regard ne la quitta pendant qu'elle s'asseyait à table en empoignant un pot de confiture et une cuiller à soupe. Bélial ne semblait pas remarquer les regards ahuris de ses compagnons.

Estimez-vous heureux que j'ai pu la forcer à en porter autant... Vous savez bien que le réveil n'est pas son meilleur moment...

– Heu, Bélial...

– Chhhh... souffla la jeune femme en plaquant sa main sur la bouche du bretteur. Pas maintenant, j'ai la tête en bouillie...

Réduit à l'état d'impuissance, l'écarlate se recula assez pour libérer sa bouche mais n'ajouta rien. Changer les habitudes de la barbare se révélait être une cause perdue, surtout quand elle n'avait pas la tête à écouter les autres. Il décida de laisser faire en attendant que son amante à moitié-nue soit plus disposée à converser. En face d'eux, leurs compagnons décidèrent de suivre la même stratégie par sécurité.

Un pot et demi plus tard, Bélial semblait reprendre vie et était prête à engager la conversation.

– Bon, si j'ai bien compris, on va se faire... tatouer, c'est ça ? C'est comme ça que tu as eu tes dessins sur ton corps, Sieg ? Ça se passe comment ?

Houla, je vous laisse vous débrouiller... Je ne touche pas à ça, moi...

Ce qui aurait dû permettre au groupe d'échanger ne fit au contraire qu'empirer le silence pesant sur eux. Ils comprirent que la barbare avait eu trop faim de l'écarlate la veille pour pleinement prêter attention à ce qui s'était dit. Certes, elle avait saisi les grandes lignes, mais elle ne s'était pas intéressée à des détails qui pourraient maintenant poser problème.

Sans échanger un seul mot, les compagnons de Bélial eurent un échange bref et intense de regards pour désigner un sacrifice. Personne n'avait envie de lui expliquer qu'elle devrait laisser des inconnus l'approcher avec des aiguilles et la piquer. Une fois de plus, ce fut la personne la plus à même de calmer la démone qui fut désignée.

– Il s'agit de pigmenter... commença le bretteur avant de se rappeler à qui il parlait. De colorer la peau en injectant des produits qui ne sont pas toxiques...

Bélial fronça les sourcils.

– Qui ne vont pas te faire de mal, comme la flèche que tu t'es prise avant Port-Écume...

Bélial resta tendue mais montra qu'elle comprenait.

– Ils vont l'injecter dans ton corps, et pour ça, ils doivent tremper des aiguilles dans des produits, puis... l'enfoncer dans ta peau...

Le groupe prit des positions défensives en voyant le visage de la jeune femme lentement se décomposer. En clair, Farca, Lorelya et Ahmès se cachèrent derrière Adam qui ne réagissait pas alors que Sieg espérait que sa partenaire ne frappe pas le messager.

– Hé bin putain... cracha la démone. Et c'est mon peuple qu'on traite de barbares ?

– Oui, je comprends pourquoi tu penses ça... souffla doucement Sieg qui voyait qu'il avait encore une chance de terminer cette conversation sans que le mobilier ne finisse en miettes. Mais ce n'est pas douloureux quand c'est bien fait, et nous allons voir les meilleurs du pays. Et surtout, n'oublies pas qu'on fait ça pour empêcher Saga de nous faire fondre le cerveau...

L'écarlate étudia l'expression de la barbare afin d'évaluer combien il avait pu la rassurer. Bélial posa le pot qu'elle tenait et le fixa comme si le secret du fer s'y trouvait.

– Soit sérieux, ça fait quand même un peu mal ?

– Rien de bien comparable à ce que tu as déjà enduré en combat, ne t'en fais pas.

– Ah... Alors, par rapport à notre première fois...

En contraste à sa partenaire qui reprenait des couleurs, le bretteur blêmissait en comprenant ce à quoi faisait référence la jeune femme. Lorelya laissa tomber sa fourchette, Ahmés focalisa toute son attention sur l'accordage de son instrument, Adam se demanda si des recherches sur la notion de douleur pourrait l'aider. Seule Farca trouva la force de rassurer son amie.

– Houla, non ! Rien à voir du tout ! Tu t'es déjà fait pincer ? C'est moins douloureux que ça !

– Ah ben d'accord ! s'exclama Bélial. Fallait le dire tout de suite, je pensais que j'allais chialer pendant tout le truc !

– Crois moi, je t'éviterais ça... affirma Sieg en lui serrant la main. Mais si tu veux, je peux rester avec toi pendant qu'ils te tatoueront. Vu qu'ils vont juste modifier le mien, je ne serais pas aussi long que vous. Tant qu'à faire, vous pouvez tous y assister, comme ça, ceux qui s'inquiètent encore...

– Qui s'inquiète de se faire tatouer ? s'écria l'alchimiste plus sèchement que ce qu'elle avait prévu. Enfin, je veux dire, ce n'est pas un aiguille qui va...

– Tu veux que je te tiennes la main pendant la séance ? lui suggéra Ahmés sans une once de malice. Crois moi, ça aide, j'en sais quelque chose.

La naine répondit avec un regard qu'elle préférerait laisser un troll aveugle lui faire son tatouage. Blessé dans son orgueil, le musicien bouda.

Après le petit-déjeuner terminé, le groupe quitta la table et se dirigea vers la sortie. Ils l'avaient presque atteinte quand Farca hurla que Bélial n'était toujours pas présentable en lui serrant la main pour la traîner vers l'étage.

Ah oui, tiens... Comme quoi, on s'habitue à tout...

Dix minutes plus tard, dont cinq consacrées au peignage des cheveux rebelles de la barbare, elles redescendirent et Bélial se pavana fièrement devant Sieg avec une autre de ses nouvelles tenues : une robe légère et simple turquoise sans décolleté ou manches qui lui tombait jusqu'aux chevilles, ses pieds chaussés dans des sandales. Étant plus habitué de la voir dans des vêtements peu féminin ou provocateurs, l'écarlate ne put que fixer sans voix sa partenaire dont l'allure soudainement innocente le subjuguait.

Tu vois, parfois, pas la peine d'en faire des tonnes pour lui faire plaisir... Il faut savoir faire varier les plaisirs.

– Alors, tu me trouves comment ? demanda la jeune femme en pirouettant sur elle même. Elle me va bien, hein ?

– Sublime... répondit instinctivement le bretteur avant de se rendre compte de ce qu'il venait de dire et essayer de se reprendre. Oui, bon, c'est sûr que quand on est en publique, je te préfère... Enfin, tu vois...

Gloussante, la démone s'accrocha au bras de l'épéiste et plongea son regard dans le sien.

– Nan, je vois pas... le taquina-t-elle. Tu veux que j'enfile celle d'hier, c'est ça ? Pour laisser tout le monde admirer mon...

– Et si on y allait ? intervint Lorelya qui rougissait à son tour. C'est pas tout ça, mais on nous attends, pas vrai ?

L'écarlate n'hésita pas une seule seconde à saisir la perche tendue et tira la barbare après lui, ignorant autant que possible son petit sourire suffisant.

Sieg guida son équipe jusqu'au temple de Vauracia où les gardes les laissèrent entrer sans prendre le temps de contrôler leur identité. Une fois à l'intérieur, Farca se pinça le nez, une forte odeur de parfum lui agressant les narines. Lorelya tituba sur ses jambes, n'ayant jamais senti une odeur de vanille aussi forte. Ahmés se contenta d'étouffer son sens olfactif alors que Bélial tirait ma langue.

– Beurk... Pas terrible...

– C'est toujours mieux que l'infection d'hier... grommela Sieg avant d'élever la voix. Ah, haut-prêtre Trile, je suis heureux de vous revoir !

Les compagnons du bretteur détaillèrent l'homme en soutane qui les approchait avec un air avenant. Le dernier ordre religieux que certains d'entre eux avait fréquenté était l'Ordre de la Première Vérité qui ne leur avait pas laissé un souvenir plaisant, les poussant à la prudence.

– Et moi, je suis ravi de recevoir tes amis dans mon humble église. Vous êtes tous chez vous ici. Si vous saviez la dette que nous avons envers Sieg...

Le nombre de personnes qui veulent lui lécher les burnes dans ce pays me fait halluciner...

Trile indiqua une porte et guida ses invités à travers elle. Ils se retrouvèrent dans une pièce en largeur remplie de lits à côté desquels se dressait des plans de travail recouverts de flacons et d'aiguilles. Ces derniers objets hypnotisèrent les femmes dont la peau était encore vierge.

– Allons, ne faites pas ces têtes ! s'exclama le prêtre. Vous ne sentirez rien ! Aussi, sachez que Sieg nous a prévenus que deux d'entre vous auraient besoin d'un traitement plus particulier, ne vous inquiétez pas.

Trile examina ses patients et identifia rapidement Ahmés et Lorelya qu'il prit par les épaules et les dirigea vers un bout de la salle.

– Nous traitons parfois des non-vivants avec des sceaux pour leur rendre une partie de leur conscience disparue, tout ça grâce à des pigments spéciaux pour eux. Pour vous, mademoiselle, nous avons sélectionné des produits naturels que votre corps ne devrait pas rejeter. Quand aux autres, un procédé ordinaire devrait suffire.

– Je pensais que vous seriez cinq... commenta un moine en fixant Adam qui lui rendit un regard neutre digne d'un mur. Votre ami aussi...

Pour lui, je pense qu'un coup de peinture devrait faire l'affaire...

– Non, son esprit est trop robuste pour se laisser influencer, mentit Sieg qui grimaçait en sentant les ongles de Bélial s'enfoncer dans son bras. Par contre, pourra-t-on rester côte-à-côte ? Comme vous pouvez le voir, ma compagne...

– Ne vous en faites pas, nous recevons parfois des couples pour des sceaux d'union, nous comprenons, déclara une sœur en les poussant vers deux lits. Et si vous préférez mesdemoiselles, votre tatouage pourra être apposé par moi ou une de mes...

– Je veux bien ! s'écria Lorelya qui avait secrètement redouté d'avoir à laisser un homme palper sa peau nue.

Tant qu'elle n'essaye pas de draguer la femme qui va la tatouer, ça devrait aller...

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