Chapitre 70 : Qui mène la danse
Comme prévu, Sieg retrouva ses compagnons une heure plus tard à l'auberge du Pégase d'émeraude. Il fut accueilli par Gisèle qui hocha la tête à son approche et lui signala que le dîner serait bientôt prêt. L'écarlate la remercia pour l'information et l'excusa pour l'odeur qu'il dégageait quand il vit que son nez se plissait.
– Je ne veux vraiment pas savoir ce que vous êtes allé faire... Montez donc, un bain chaud vous attend dans votre chambre.
Étonné, le bretteur monta à l'étage et poussa la porte de sa chambre. Il remarqua vite la large baignoire de bois qui trônait au centre de la pièce ainsi que son occupante qui s'étira avant de se retourner vers lui. Bélial avait prit le temps d'enlever son collier de dissimulation avant de se baigner, exposant ses cornes et ses magnifiques cheveux bleus. Elle s'accouda sur le bord de la baignoire et se fendit d'un large sourire pendant que sa queue fouettait l'air derrière elle.
– Ah ben enfin ! Si t'étais pas rentré avant le repas, je serais allée te chercher moi-même !
Les rues de Syndras ont évité de peu le pire cataclysme de leur histoire...
– Navré de t'avoir fait attendre, je ressassé le passé avec un vieil ami, s'excusa le bretteur en posant son chapeau sur une chaise. Tu prends vraiment goût aux bain à ce que je vois.
– Ouais, y a rien de mieux pour détendre les muscles quand on est tendu. Enfin si, je peux bien penser à un truc...
La démone s'était léché les lèvres après avoir dis ça en fixant l'écarlate comme un morceau de viande appétissant. Bien que flatté, il décida de ne pas céder à la tentation si facilement. Il s'assit au bord du lit et enleva ses bottes.
– Patience ma belle, nous avons toute la soirée et les autres vont nous attendre pour manger. Nous pourrons prendre tout notre temps après le dîner. Je vais juste prendre le temps de me laver quand tu sortiras.
Bélial fit une moue boudeuse en s'affaissant dans la baignoire.
– Ah ben dommage, l'eau est déjà redevenue froide... Tu veux pas la réchauffer pour que j'en profite encore un peu ?
Sieg se leva et approcha sa main du baquet. Au dernier moment, il se rétracta, laissant la poigne de la démone balayer l'air à la grande surprise de la barbare.
– Bien essayé... ricana Sieg en désignant ses yeux. Tu as oublié que je vois tout ce que tu vas faire...
– C'est de la triche ! rouspéta la jeune femme en frappant l'eau comme une enfant vexée. Et j'avais même acheté une nouvelle robe pour te faire plaisir !
Elle indiqua une armoire derrière l'épéiste qui se retourna et déglutit. La robe cramoisie était faite pour attirer le regard. Si elle était comme toutes les autres jusqu'au niveau du bassin, elle se fendait devant et derrière juste après et les deux côtés ne se rejoignaient pas, pas même aux épaules. Cette robe ne laissait décidément rien à l'imagination et susciterait les désirs de ceux qui admireraient sa porteuse.
– Oui, elle est... Enfin, je suis sûr que tu seras splendide dedans, mais je n'aime pas l'idée que tu sois dévorée du regard par d'autres...
Deux bras s'enroulèrent autour de sa taille et il fut tiré en arrière. Le bretteur bascula et tomba dans le bac avant de se retrouver devant la mine réjouie de la démone qui le chevauchait alors qu'il était à moitié immergé.
– Je me souviens bien que tu vois tout avec un peu d'avance ! Par contre, si tu es de dos et rêves de moi, je peux faire une bouchée de toi !
Finalement, tu avais raison, il est tombé dans le panneau comme un bleu... C'était pourtant évident...
Sieg hésita à rétorquer mais sut quand s'avouer vaincu.
– Promet moi au moins de ne pas mettre ça en publique...
Bélial resta songeuse avant de répondre avec un sourire carnassier.
– Le premier qui arrive à trois doit faire un truc que l'autre dis, ça te va ?
Désabusé, Sieg déboutonna sa chemise pendant que la démone lui embrassait le cou.
– C'est bien ce que je pensais, on va être en retard...
***
Farca finissait sa première pinte quand elle aperçut enfin les deux retardataires et recracha sa dernière gorgée. Le reste de la tablée se retourna pour voir ce qui l'avait choquée et se mura dans un silence consterné.
Se pavanant dans sa nouvelle robe qui faisait d'elle le centre du monde de presque tous les hommes de la salle, au grand désarroi de leurs compagnes, Bélial s'approcha de la table de ses amis. À ses côtés, dans le costume qu'il avait revêtis à Hydralia, Sieg n'osait croiser le regard de personne alors qu'il recevait de discrets commentaires amusés. La démone s'assit et invita son partenaire à en faire autant en tirant sur une attachée à un collier autour de son cou.
– Heu... hasarda Farca qui oubliait complètement leur dernier échange face à cette scène surréaliste. Sieg, tu m'expliques ?
L'écarlate se força à regarder la naine avec résignation.
– Ouaf... se contenta-t-il de répondre.
Tandis que les autres remettaient en question la santé mentale de son chef, la barbare commença à grattouiller l'arrière de l'oreille de son amant.
– Bon chien ! T'as bien compris qui possède qui...
Ne le prends pas mal, ça s'est quand même joué à un cheveu... Et tu as de la chance, je l'ai convaincue de te laisser porter des vêtements...
Tentant d'ignorer ce qui se passait mais échouant complètement, Lorelya décida de se concentrer sur sa salade en espérant qu'elle, au moins, ne lui imposerait pas plus de traumatismes. À sa droite en revanche, Ahmés désirait en savoir plus.
– Je pense que je peux deviner comment nous en sommes arrivés là... Par contre, combien de temps ça va durer ?
– Juste ce soir, annonça Bélial qui déchaussé un de ses pieds et caressait la jambe de Sieg avec. Mais je vais bien le dresser avant d'aller dormir...
Se voilant le visage en réprimant un soupir d'exaspération, l'alchimiste essaya de se souvenir qu'elle avait en face un homme qu'elle avait plus tôt cru capable de faire sien le monde s'il le voulait. Voila qui en disait long sur ce qu'elle pensait de l'avenir de la barbare dorénavant.
– Je veux bien que tu t'amuses, mais peux-tu autoriser ton chien de parler normalement pour qu'il nous raconte ce qu'il a fait et ce qui va se passer demain ? réclama la naine d'une petite voix.
Un sourire amusé se dessina sur le visage de la démone alors qu'elle enlaçait le bretteur.
– Ah, je pensais que tu voulais pas...
– Je t'arrêtes tout de suite petite dévergondée ! Je ne veux pas savoir comment Sieg a perdu je ne sais quel pari débile vous avez fait ! Je suis plus intéressée par sa visite de l'église, même si je commence à redouter la réponse...
– Je Désire En Apprendre...
– Pas à table et surtout pas en publique ! gronda la naine en faisant les gros yeux au gardien.
La barbare dévisagea pensivement l'épéiste qui était intimidé par la lueur dans son regard.
– Bon allez, je veux bien. Par contre, il doit finir chaque phrase par un Ouaf.
Ce que tu peux être cruelle avec ce pauvre homme...
Dépité, Sieg avala une gorgé de vin que venait de lui servir Ahmés et s'exécuta.
– J'ai pu rencontrer une vieille connaissance au temple. Nous avons...
– Ah... l'interrompit Bélial en tirant sur sa laisse.
– Analyse Terminée : Tu N'As Pas Tenu Ton Engagement.
L'écarlate ferma les yeux, regrettant amèrement d'avoir accepté de parier sur une partie où son adversaire faisait aisément jeu égal avec lui.
– Ouaf...
– C'est bien, tu peux continuer.
Tu es une maîtresse miséricordieuse...
– Je disais, nous avons discuté et je lui ai expliqué ce dont nous avons besoin, Ouaf. Nous avons rendez-vous avec lui demain matin pour que lui et ses adeptes nous tatouent des sceaux de protection, Ouaf.
– Attends, tatouent ? paniqua la naine. Mais je n'ai jamais fait ça, moi !
– Oh tu sais, ce n'est pas aussi douloureux qu'on le pense, la rassura Ahmés. Je me souviens de quand je me suis fais tatouer le nom de la première femme avec qui j'ai passé la nuit sur ma fesse gauche. Celui de son mari a vite fini sur la droite. Vous pouvez imaginer sa tête quand il a vu ce que j'avais sur le postérieur...
– Bref... lâcha Farca d'un ton glacial. Nous sommes sûrs que nous voulons aller aussi loin ?
– Nos Récentes Expériences Nous Conseillent De Faire Preuve De Prudence.
– Après ce que j'ai vu ma mère faire à cause de Saga, je ne veux pas Hé mais il ne faut pas se gêner !
Lorelya pirouetta sur sa chaise et gifla l'ivrogne derrière elle qui s'était mis en tête de lui peloter les fesses.
– Non mais je vous jure ! s'énerva la verdoyante en plantant sa fourchette dans son assiette avec assez de force pour la fendre en deux. C'est pour ça que je ne voulais pas porter cette fichue robe, elle donne des idées aux enfoirés ! C'est des jours comme ça que je me dis que je devrais peut-être purger ce monde de tous les hommes !
Bon courage, ça risque de te prendre un moment...
Farca se retint de tout commentaire. De ce qu'elle avait entendu d'Ahmés, si l'archère avait été traînée dans la boutique, personne ne l'avait forcée à essayer cette robe légère qui laissait son dos à l'air libre et dévoilait ses jambes. Ou à l'acheter. Ni même à la porter dès son retour à l'auberge. Et surtout pas à faire signe à la moitié des femmes qu'elle croisait ce soir. L'alchimiste ne défendrait jamais l'acte de l'ivrogne qui ronflait au sol, mais elle trouvait que la verdoyante rejetait bien des fautes sur le monde qui l'entourait.
– Reprenons... Ouaf... Mis à part Adam dont l'esprit est aussi insondable qu'un bloc de granit, vous allez tous recevoir un sceau qui va vous protéger de la possession, empêcher les autres de lire dans vos pensées et garder vos rêves hors de porté des voyeurs, Ouaf. Moi, je vais faire modifier le mien pour qu'il soit au même niveau que les vôtres, Ouaf.
– On peut changer un tatouage ? s'étonna Farca. Je pensais que c'était un poil trop permanent pour ça...
– S'ils sont magiques, oui, Ouaf. Imaginez que les sceaux que vous allez recevoir sont comme des livres, Ouaf. La partie visible sur votre corps est la couverture, et avec les bons outils et procédés, on peut ouvrir ces livres pour écrire dedans, Ouaf. Mais je vous rassure, pour que les pouvoirs d'un sceau vous affecte, il faut que vous les acceptiez quand ils sont appliqués, Ouaf. Si on tente de rajouter quelque chose que vous n'avez pas en tête pendant l'opération, ça ne marchera pas, Ouaf. Je peux savoir ce qui vous fait marrer, Ouaf ?
– Désolée... pouffa Lorelya en se pliant en deux. Mais on a du mal à te prendre au sérieux quand tu répètes Ouaf comme si c'était normal...
– On sait que ce que tu dis est important, mais... Bordel, finalement, j'avoue que Bélial a bien réussi son coup !
– L'homme à l'âme sauvage... Voila comment je pense que je vais nommer ma prochaine composition...
Ah ben c'est sûr que son prestige vient d'en prendre un sacré coup...
– Allez tous vous faire foutre, Ouaf... grommela Sieg en portant sa coupe à ses lèvres.
– Les écoutes pas, j'adore quand t'es comme ça... le cajola Bélial en le caressant. Et si tu restes sage, tu pourras lécher tout ce que tu veux plus tard. Je ferais peut être la même chose...
Pivoine, la naine recommanda un pichet de vin dans un vain espoir d'oublier ce qu'elle venait d'entendre. La soirée s'annonçait longue.
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