Chapitre 7 : Le neuvième rang
Intriguée parce que ses deux compagnons les plus proches venaient de dire, Bélial se fraya un passage à travers la foule en direction de l'autel. Sieg tenta de la rattraper en la voyant s'avancer, mais la marée humaine qui s'était refermée entre en le ralentit.
La démone arriva jusqu'au centre de l'attention et étudia le groupe devant elle. Ils étaient quatre, entourés de personnes qui voulaient leur parler ou leur serrer la main. Trois d'entre eux étaient des femmes.
La première était une blonde élancée et voluptueuse vêtue de façon provocante. Bélial remarqua ses oreilles, trop longues et pointues pour une humaine, mais trop courtes pour une elfe. Un arc magnifique était accroché dans son dos et des flèches à l'empennage élégant dépassaient du carquois à sa ceinture.
La seconde avait les cheveux argentés retenus en deux longues tresses descendant jusqu'à son bassin. De ses yeux amandes, elle dévisageait le public autour d'elle avec dégoût et suffisance. Elle revêtait une robe bleue de prêtre fendue sur le côté et caressait un long bâton cristallin.
La troisième portait une combinaison noire qui mettait en valeur ses formes. Son visage était imperceptible, dissimulé sous une capuche qui en masquait le haut et un masque qui recouvrait le bas. Elle ignorait ceux qui cherchaient à attirer son attention, gardant e regard dirigé vers le sol en croisant les bras. Ses admirateurs restaient prudents, les deux dagues attachés à ses cuisses signalant sa profession centrée sur l'élimination d'humanoïdes.
Elles étaient accompagnées d'un homme dans la trentaine avec une armure de mithril et une colossale épée à deux main. Il était beau et charmeur, adressant des sourires confiants et des signes de la main autour de lui. Ses cheveux bruns descendaient en cascade sur sa nuque et ses épaules, quelques mèches rebelles cachant en partie ses yeux ambre. Son regard s'arrêta un instant sur la barbare et il la détailla avec attention.
Ses trois compagnes s'étonnèrent de voir le guerrier les délaisser pour s'approcher de Bélial qui ne savait pas quoi penser de cet homme.
– Hé bien, je dois dire que c'est rare... s'exclama-t-il en se campant juste devant la démone en jouant avec ses cheveux. D'ordinaire, c'est moi qui attire l'attention des belles demoiselles, mais ici, c'est vous qui avez piqué mon intérêt... Seriez-vous une nouvelle aventurière ?
Bel, ignore le et rejoins les autres... Crois-moi, tu ne veux pas avoir affaire à lui...
Bélial toisa son interlocuteur et allait se retourner quand il lui saisit le bras et l'obligea à lui faire face. Son sourire se fit plus charmeur alors qu'il approchait son visage de celui de la jeune femme.
– Allons, inutile d'être timide... susurra-t-il. Je peux comprendre que ma réputation peut intimider, mais sachez...
– ... que vous ne savez pas garder vos mains pour vous même, Valence ?
Une pointe d'agacement germa dans le regard de l'aventurier en reconnaissant la voix de celui qui l'importunait. Son expression se fit plus méprisante quand Sieg se dressa aux côtés de Bélial.
– Qui voilà donc... commenta Valence avec condescendance. Le gamin qui n'a de cesse d'ennuyer les employés de la guilde pour des enfantillages... Vous rendriez un service à tout le monde si vous cessiez vos gamineries et rejoigniez la guilde, Sieg... Ou mieux encore, si vous changiez de carrière...
– Votre point de vue est retenu et immédiatement ignoré... répondit Sieg en rendant au guerrier le même regard. En attendant, je vous prierais de lâcher ma compagne...
Valence haussa un sourcil, dévisageant tour à tour le bretteur et sa partenaire avant d'éclater de rire.
– Si on m'avait un jour raconté que le loup-solitaire que vous êtes se trouverait de nouveaux compagnons, je ne l'aurais jamais cru ! Auriez-vous finalement décidé d'oublier la pauvre Alice ?
Une veine palpita sur le front de l'écarlate. Il serra les dents en voyant Valence essayer de se mettre entre lui et Bélial. Sieg tenta d'intervenir mais s'arrêta en sentant une lame se presser sur la gorge. Sans bouger la tête, il jeta un regard en coin à la femme qui le menaçait.
– Ne te mêle pas de ça, Kiria...
– Et toi, ne déranges pas Valence, sinon ça va mal finir... lui conseilla froidement l'assassin.
– Si facilement neutralisé... soupira le guerrier en secouant la tête avant de s'adresser à Bélial. Saviez-vous qu'il n'a même pas levé le petit-doigt pour sauver la dernière femme qui a voyagé à ses côtés ? Il l'aurait juste regardé se faire tuer, impuissant... Comme une femme peut-elle accorder sa confiance à un incapable comme...
La claque vola si vite que les gens autour l'entendirent bien avant de comprendre ce qui s'était passé. La démone grimaça, réalisant qu'elle était coincée dans une situation épineuse. Elle avait mit assez de force dans son coup pour au moins sonner un membre de son clan et assommer un humain ordinaire. Cependant, Valence avait à peine réagi à sa gifle et sa propre main lui faisait aussi mal que si elle avait frappé un bloc de métal d'un mètre d'épaisseur.
Ce n'est pas juste pour son caractère que je te disais de l'éviter... Ce type n'est pas comme les bouffons que tu as l'habitude de corriger... Même Sieg l'évite autant que possible !
Bélial ignora l'avertissement de Raya et foudroya le guerrier du regard.
– Je m'en fous de qui t'es, insulte encore Sieg et je te jure de t'arracher les bras et te battre à mort avec !
– Pour qui tu te prends, sale traînée ? cria la prêtresse en canalisant son pouvoir dans son sceptre. Personne a le droit de...
– Laisse, Lanis...
La prêtresse sursauta et fixa avec incompréhension le meneur de son groupe. De sa main libre, Valence caressa sa joue et plongea son plus intense regard dans les yeux de la barbare.
– Je savais bien que vous m'aviez plu pour une bonne raison... Je l'ai actuellement sentie, celle-là... Tu manques encore un peu de finesse, mais tu as le potentiel de devenir une grande aventurière... Et pour ça, je peux t'y aider...
Bélial tenta de se dégager de la prise de l'aventurier mais échoua. Malgré sa propre force bien supérieure à celle des humains, Valence n'avait aucun mal la retenir.
– Sieg n'est qu'un simple vaurien... Un chien galeux qui ne sait pas prendre sa vie en main... Moi ? Je suis le troisième fils du comte Vanéria... Et même si je ne suis pas l'héritier de mon père, je suis plus respecté que mes deux frères par la nobilité... Sans oublier que je suis un aventurier de rang neuf... Nous ne sommes que trois dans tout le royaume, et je suis en passe de devenir le second rang dix, le plus haut niveau possible... En restant à mes côtés, le plus radieux des avenirs vous ouvrirait les bras...
– Vous n'y pensez tout de même pas ? s'indigna l'archère en posant se poings sur ses hanches. Elle n'a aucun raffinement, aucune élégance, et vous voudriez en faire votre quatrième maîtresse ?
– Tu ne vois pas son talent, Rani... soupira Vanéria en secouant la tête. Elle est forte... Plus forte que la plupart des hommes que j'ai affronté et écrasé... Honnêtement, les Lions Pourpres ne pourraient que bénéficier de sa présence... Je suis sûr que vous ne pouvez pas me contredire là dessus, toutes les...
Valence se tut et écarquilla les yeux en voyant un troll se matérialiser à côté de lui. La foule fut prise de panique et recula en hurlant. Sidérées, les trois aventurières ignorèrent tout le reste pour se précipiter vers leur chef, menacé par monstre qui levait une énorme massue. Le guerrier lâcha la démone et saisit son arme pour bloquer le coup. Le troll se dissipa immédiatement, plongeant les quatre aventuriers dans la plus grande confusion. Un air joué sur un luth les ramena à la réalité.
Décidément, qu'est-ce que vous feriez sans vos amis, tout les deux...
– Bien heureux les simples d'esprit... se moqua Ahmés en frottant les cordes de son instrument. Si une illusion aussi grossière suffit à vous faire perdre la tête, c'est que vous manquez encore d'entraînement...
Outré, le quatuor se tourna avers celui qui venait de les insulter. Désormais flanqué d'Adam et Farca à sa gauche et de Bélial et Sieg à sa droite, ces derniers ayant profité de l'ouverture créée par le musicien pour se libérer, le taouyen rangea son instrument et s'inclina.
– Cette rencontre fut des plus... intéressantes, mais nous sommes malheureusement pressés... Je pense que c'est votre cas aussi, alors que diriez-vous si nous en restions ici aujourd'hui ? Nous avons déjà bien assez dérangés ces bonnes gens...
D'un geste de la main, Ahmés désigna les passants effrayés. Valence grimaça. Son image lui importait plus que les richesses, et ça, le barde l'avait tout de suite compris car il lui était similaire sur ce point. Un combat en pleine ville où des civils pouvaient être blessés ne pourrait que nuire à sa réputation.
– Pensez bien à ma proposition... souffla Valence en souriant à Bélial. Je me ferais une joie de vous montrer ce dont est capable un homme de moyens...
Les aventuriers se retirèrent, non sans menacer silencieusement les amis de la barbare. Celle-ci caressa machinalement le bras qu'avait serré Valence et grimaça. Sans même vérifier, elle savait que sa peau était encore rouge sous ses vêtements et qu'elle garderait une marque pendant quelques heures.
– Hé, Sieg... Ce connard... Il est bien humain ?
L'écarlate se mordit la lèvre avant de prendre la main libre de sa partenaire avant de l'entraîner à sa suite.
– Oui, mais ne laisse pas ce détail t'induire en erreur... Il est fort... Très fort... S'il avait vécu pendant la guerre du Crépuscule, on parlerait des Dix Sauveurs, pas des Neuf...
– Je Recommande D'Éviter De Croiser Sa Route À Nouveau !
– Je suis bien d'accord... ajouta la naine. Et la manière qu'il déshabillait Bélial du regard comme ça... C'est clair qu'il ne voulait pas juste partir à l'aventure avec elle...
– Tout le monde sait qu'il couche avec les femmes de son équipe... exposa le bretteur. Et il les garde complètement sous son charme, elles seraient prêtes à tout pour lui...
– Bah alors ? Quoi ? On devrait juste le laisser faire ? s'emporta la jeune femme. J'en ai rien à foutre de ce qu'il voulait me faire, je peux pas le laisser te cracher dessus comme ça ! Quand je le revois, je vais...
– Tu confonds cette situation à celle impliquant Trévor, et je ne veux pas juste parler de l'écart entre leurs forces... la coupa l'écarlate. Si le second fils de la famille Nolasia n'avait le respect de personne, pas même sa famille, c'est tout le contraire avec Valence... Et je peux vous garantir que lui, au moins, il ne trempe pas dans des affaires louches, tout ce qu'il fait est légal... Même si nous nous sentions justifiés, si nous l'attaquons, même pour nous défendre, les autorités ne prendront pas la peine de nous écouter avant de nous arrêter...
La démone se retint de hurler sa frustration, devant reconnaître que seul son dégoût la poussait à vouloir frapper Valence. Et même si on pouvait lui donner raison d'agresser l'aventurier, elle se doutait qu'il était trop fort pour elle.
Comme s'il avait lu dans ses pensées, Sieg tira Bélial à lui et la regarda droit dans le yeux.
– Même si on l'affrontaient à cinq contre un, je ne pense pas que nous pourrions l'emporter. Niveau dangerosité, imagine que tu affrontais mon frère s'il avait choisi d'apprendre à se servir d'une épée plutôt que devenir mage... En plus, Valence peut utiliser des sorts de renforcements physiques pour se rendre plus puissant... Ce que tu as vu ici, c'est sa force naturelle... Et il ne fait pas oublier ses compagnes, toutes de rang six et plus...
L'écarlate fit quelques pas dans la rue en se frottant la nuque avant de continuer.
– Vous le savez, l'un de mes plus grands exploits avant de vous rencontrer est l'élimination d'un dragon rubis... Ça, c'est digne d'un rang huit... Le souci, c'est qu'à l'époque, j'ai dû épuiser les dernières gouttes du pouvoir divin que j'avais emporté avec moi quand j'ai quitté le domaine des dieux pour gagner le combat... Je me suis amélioré depuis, mais je pense à peine rivaliser la force d'un rang sept maintenant...
Le bretteur refit face à ses camarades pour leur donner une mise en garde qu'ils avaient tendance à ignorer.
– Notre mission est peut-être d'arrêter Saga, mais il ne sera très probablement pas le plus grand danger que nous aurons à affronter... Le monde est rempli d'êtres trop puissants pour nous... Sans même parler de Narcission qui n'avait même pas ses pouvoirs divins quand nous avons à peine réussi à le tuer, deux d'entre vous doivent se rappeler de l'Yrakan...
Bélial et Farca tressaillirent en repensant au monstre qu'elles et Sieg avaient croisé dans la forêt d'Onoma. L'Yrakan et sa monture étaient des créatures issues de l'ère du Chaos, au même titre que les dieux dont elles étaient les égaux. La fuite avait été leur seule option face à ces cauchemars que même des armées pouvaient à peine repousser sans espérer les vaincre.
Gardant en tête l'avertissement de leur chef, le groupe marcha sans un mot en direction de l'autel des voyages, se demandant ce que l'avenir pourrait leur réserver.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top