Chapitre 68 : Se préparer au pire

La réunion fut écourtée pour la journée Suite au choc qu'avait enduré Bélial. Elle et ses compagnons furent escortés jusqu'à l'auberge du Pégase d'émeraude à travers le passage secret afin qu'ils puissent se reposer. Sur le trajet du retour, Adam, Farca et Lorelya ne purent cacher leur surprise en voyant Sieg aider sa compagne épuisée à marcher. Ils ne les harcelèrent pas de question, les laissant marcher seuls pendant qu'Ahmés leur narrait ce qu'ils avaient tous manqué, les sidérant avec ses révélations.

Quand ils arrivèrent à l'auberge, ils croisèrent Gisèle qui pâlit en voyant l'expression effondrée de la démone. La tenancière appela son fils et lui ordonna d'aider la barbare à rejoindre une chambre à l'étage. L'écarlate les accompagna alors que le reste de la fine équipe suivait Gisèle dans l'arrière boutique pour lui expliquer la situation.

– Je suis bien surprise de vous voir arriver depuis le passage secret... souffla-t-elle en refermant la porte derrière elle. D'habitude, vous passez par mon échoppe avant d'aller au palais, pas l'inverse. Et sinon, qui est votre nouvelle amie ?

Voyant que l'aubergiste la fixait avec un intérêt, Lorelya interrogea ses compagnons du regard, attendant une traduction de leur part.

– Ah oui, c'est vrai... grommela Farca. Veuillez l'excuser, mais si vous ne parlez pas l'elfique ou le meronien...

– Alors, pas très bien, mais je devrais au moins réussir à me faire comprendre, continua Gisèle dans un meronien brouillon qui éclaira cependant le regard de la verdoyante d'une lueur de compréhension. Même si vous êtes en compagnie de Sieg, j'admets que je ne m'attendais pas à un jour rencontrer d'elfe vert. Puis-je avoir votre nom ?

D'un signe de tête, l'alchimiste fit signe à l'archère qu'elle pouvait faire confiance à l'aubergiste. Lorelya se présenta, se retenant de mentionner ses origines royales et son lien de parenté avec Sieg.

– C'est un plaisir de vous rencontrer. Vous pouvez m'appeler Gisèle, je suis la propriétaire de cet établissement. Vous avez eu l'occasion de croiser mon fils Adrien, veillera à ce que Bélial soit bien installée. Bon, maintenant que les présentations sont faites, racontez-moi tout. Votre dernière mission s'est-elle soldée de succès ?

Le quatuor échangea un regard lourd de sens. Ils ignoraient si Gisèle savait pour Saga, mais ils étaient certains que les trois-quarts de ce qu'ils avaient à dire relevaient de prêt ou de loin à un secret d'état au stade où ils en étaient. Bien qu'elle travaillait pour la couronne, ils ignoraient à quel point ils pouvaient parler devant l'aubergiste.

– Bah... C'était pas terrible... hasarda Farca. Vous savez que même si la princesse est revenue de Merona, ce n'est pas le cas de tous les nobles qui s'y sont rendus...

– Oui, mais nous ne pouvons pas vous blâmer pour ça, leur rappela Gisèle. Vous n'étiez chargés que de la sécurité de princesse Finora, le reste était hors de votre portée. Mais après ça, vous êtes allés chez des elfes, non ? C'est comme ça que vous avez rencontré Lorelya ?

La verdoyante repensa avec une certaine honte à la façon qu'elle avait agressé le groupe à leur rencontre, les ayant même menacés de mort. Voyant que son amie était embarrassée, Ahmès toussa pour faire diversion et s'adressa à Gisèle.

– En effet. Nos premiers échanges ont d'abord été houleux, mais à force de se côtoyer, nous avons appris à nous apprécier. Et quand elle a sauvé la vie de Sieg à elle seule, elle faisait partie de notre groupe à nos yeux. Nos causes ne sont pas forcement les mêmes, mais nous partageons tous le désir de voir ce monde imparfait s'améliorer, ce qui lie nos cœurs dans une noble quête !

– Je vois... répondit Gisèle en fronçant les sourcils, comprenant facilement que le musicien essayait d'enterrer le plus de détails possible sous ses proses. Enfin, si notre Sieg lui doit la vie, elle ne peut être que la bienvenue ici. Ma porte est toujours ouverte à ceux qui se battent à ses côtés. D'ailleurs, combien de temps comptez-vous rester cette fois-ci ?

– Réponse Inconnue ! Nous Manquons De Détails, Il Nous Est Impossible De Deviner Si Nous Resterons Longtemps Ou Non.

– Il a raison, ajouta Farca en secouant la tête. Pour la première fois, nous ne savons pas où nous rendre alors qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps. Le roi et ses hommes travaillent sur une piste, mais en attendant, nous n'avons pas de destination en tête.

– Vous êtes libres de rester le temps qu'il faudra, leur annonça Gisèle. De toute façon, si le roi vous cherche, il vous trouvera plus facilement ici qu'ailleurs.

– Merci, répondit l'alchimiste avec gratitude. En tout cas, pour le moment, nous allons rester ici en attendant que Bélial récupère.

– Je vais vous faire préparer deux chambres de plus. Une pour vous mesdemoiselles, et une pour vous, messieurs.

– Inutile De Prévoir...

– Oh, je sais... soupira la tenancière en levant les yeux au ciel. Cependant, comme vous voir arpenter les couloirs à toute heure pourrait inquiéter les autres clients, j'espère que vous comprendrez pourquoi je vous attribue une chambre...

– Elle a raison tu devrais l'écouter ! l'encouragea le défunt. Sauf si ma présence t'incommode...

– Négatif ! Je N'Est Aucun Problème Avec Ta Compagnie. Si Ça Peut Vous Éviter Des Ennuis Avec Votre Clientèle, Je Me Plierais À Votre Demande.

– Ravie de l'entendre ! s'extasia Gisèle en se dirigeant vers la porte. Voyons si je peux vous trouver des chambres près de celle de vos amis...

***

Bélial s'agita sous les draps avant d'entrouvrir les yeux. La barbare ignorait combien de temps elle avait dormi, se souvenant juste qu'elle s'était effondrée de fatigue dès qu'elle s'était allongée sur le lit de la chambre qu'on avait mit à sa disposition. L'esprit encore embrumé, la démone remarqua le dos de Sieg qui était assis à un bureau et écrivait.

– Tu fais quoi ? bailla la jeune femme sans prendre la peine de se couvrir la bouche.

Toujours aussi raffinée...

L'écarlate sursauta et se retourna en remettant de l'ordre dans sa paperasse.

– Tu m'as surpris, je pensais que tu dormirais plus longtemps ! J'étais juste en train de coucher sur papier tout ce que je sais sur les portails que Saga a scellé. J'ai beau avoir fanfaronné plus tôt, je reconnais que je dois encore organiser mon savoir avant de préparer un sort capable d'en rouvrir un si besoin.

– Ah ouais, ça... souffla Bélial en serrant ses jambes contre sa poitrine.

Reconnaissant l'air peiné de sa partenaire, le bretteur délaissa ses écrits et vint s'asseoir à ses côtés sur le lit en posant ses mains sur les genoux de la démone.

– Je suis désolé que tout ceci t'es rappelé de si mauvais souvenirs. Si tu ne veux pas retourner dans ton village, je peux le comprendre. Si nous devons aller dans le monde des ténèbres, je suis sûr que...

La barbare secoua la tête avant détailler les yeux cramoisis de Sieg.

– Nan, c'est pas ça. En fait, j'ai bien envie de te montrer où j'ai grandi. Le truc, c'est que je viens de comprendre que mes ancêtres ont toujours voulu rentrer chez eux. Ils sont allés jusqu'à vivre au milieu de nul part, isolés de tout, parce qu'ils espéraient que le portail se rouvrirait un jour. C'était si important pour eux, mais nous l'avons oublié...

Attendri par l'expression de Bélial, l'écarlate s'approcha d'elle et posa doucement son front contre le sien.

– Personne ne peut vous blâmer pour les ravages qu'ont le temps sur les mémoires. Si tu tiens à honorer leurs mémoires, tu n'as qu'à devenir la première de leur lignée à remettre les pieds dans le monde des ténèbres. Je pense qu'en faisant ça, tu pourrais apaiser leurs esprits.

La jeune femme regarda avec surprise l'épéiste avant de lui sourire.

– Même si on a pas besoin d'y aller pour Saga ?

– Oui, lui répondit Sieg. Moi aussi, je veux le voir. Le monde d'où tu viens. Voir les cieux que tes ancêtres admiraient, fouler de mes pieds leurs terre, découvrir le monde qui était le leur. Je sais que c'est hypocrite de ma part, vu le rôle que j'ai joué dans leur triste destin, mais...

– C'est le passé, ça... murmura Bélial en enlaçant son bien-aimé. Je pense pas que mes ancêtres te pardonneront, mais s'ils tiennent à moi, ils ont intérêt de comprendre que tu es mon bonheur. Je suis l'une des dernières survivante de mon clan et ça fait un moment que je t'ai pardonné pour tout ça. Si les autres sont pas contents, ils peuvent aller se cuire un œuf.

Je vous dirais bien de vous trouver une chambre, mais non seulement c'est déjà fait, ça ne m'empêchera pas de vous voir roucouler sans pudeur...

Sieg ricana, ne s'étonnant même pas que la barbare finissait par être celle qui le réconfortait alors qu'il s'était inquiété pour elle juste avant. Il chérissait sa force qui la poussait à tendre si facilement la main vers ceux qui lui étaient chers, peu importe la situation. Cette lumière si apaisante, il se devait de la protéger coûte-que-coûte.

– Je pense que les autres doivent s'inquiéter pour toi. Tu devrais aller les rassurer. Moi, je vais rester encore un moment, je veux travailler encore un peu sur le sort, nous ne savons pas quand nous en aurons besoin...

– Ne te fatigue pas trop, lui demanda la démone avant de l'embrasser et se lever. Je veux que tu gardes des forces pour moi ce soir...

Sieg rougit quand elle lui fit un clin d'œil en posant la main sur la poignée de la porte.

– Oh crois moi, tu m'inspires toujours à en faire plus...

Vous êtes infatigables, tout les deux...

Jubilant, la démone quitta la chambre sous le regard ardent de l'écarlate. Une fois seul, il s'allongea sur le lit, son avant-bras barrant son front alors qu'il scrutait le plafond avec un air sombre.

Il s'était juré de ne plus jamais mentir à Bélial, mais quand elle l'avait surpris en train décrire, la vérité lui avait échappé et il n'avait pas pu s'empêcher d'inventer une excuse. Il écrivait bien au sujet de ses connaissances sur les portails, mais ses souvenirs n'étaient pas aussi flous qu'il l'avait sous-entendu.

Ouvrir un portail ne lui poserait aucun problème, il n'aurait pas besoin de préparations particulières pour accomplir cet exploit. Il n'aurait même pas besoin d'utiliser sa mana, seulement de dessiner des symboles sur une porte scellée pour la réactiver. Même un enfant sans une once de magie pourrait le faire. Du moins, avec le bon manuel...

Le bretteur se leva du lit et approcha son bureau. Il posa sa main sur lui pour se pencher en avant et examiner son travail. Il se félicitait d'avoir été clair et concis dans ses explications, il ne lui restait qu'une page à rédiger pour terminer son œuvre.

Sieg hésita, puis s'assit en écartant ses notes vers un coin de la table. Même s'il n'avait pas terminé, il savait qu'il avait besoin d'écrire autre chose. Et ça, il ne pouvait pas prendre le risque de laisser les autres le découvrir. Pas si tôt.

L'écarlate tira vers lui une feuille vierge, empoigna sa plume et la trempa dans l'encrier. Il pencha sa tête en arrière, les yeux fermés. Après une longue inspiration, il les rouvrit et se mit à écrire.

À mon amie Farca,

Si tu lis ces lignes, c'est qu mes craintes se sont réalisées et que je ne suis plus à vos côtés.

Je sais que c'est injuste de ma part de t'imposer ça, mais je fais de toi la légataire de mes dernières volontés.

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