Chapitre 63 : Une arrivée en fanfare
Cela faisait des années que Sieg n'avait pas passé le seuil de l'entrée principale du palais. Habitué d'emprunter le passage secret du Pégase d'émeraude, il en avait presque oublié la grandeur et la solennité qui s'imposait dans l'esprit de ceux qui entraient par la porte officielle.
Bien que sobre, la décoration du hall d'entrée allant des tableaux aux statues était impeccable, éclairée par la lumière du jour qui s'infiltrait à travers de larges fenêtres placées de telle façon à ce que le jour puisse toujours illuminer cette pièce. Accrochés aux murs, on pouvait apercevoir de nombreux chandeliers qui avaient pour fonction de prendre la relève la nuit, ne laissant jamais l'obscurité dominer cette pièce.
Dans le hall d'entrée, l'écarlate et ses compagnons furent accueillis par un majordome qui s'inclina devant eux comme s'ils étaient de la royauté d'une autre nation, leur souhaitant la bienvenue. Il leur annonça qu'ils allaient être guidés jusqu'au roi qu'on prévenait de leur arrivée. L'équipe suivit l'employé du palais sur les marches du vaste escalier de marbre immaculé qui permettait d'atteindre le premier étage, avant d'emprunter un long couloir ponctué d'œuvres d'art.
Le bretteur garda un œil sur leur alchimiste pour s'assurer qu'elle ne s'approchait pas trop des pièces qui pouvaient rentrer dans son sac. La dernière visite de Farca ici avait entraîné la disparition d'œufs valant plusieurs milliers de pièces d'or, qu'il avait lui même apporté à un criminel notable pour payer ses dettes et acquérir un objet magique. Bien que cet incident le le laissait pas blanc comme neige, Sieg ne désirait pas réitérer cet incident qui, jusqu'à présent, ne semblait pas les incriminer aux yeux du roi.
Au détour d'un couloir, ils croisèrent un autre groupe de personnes, mêlant militaires et nobles qui étaient en pleine conversation. La surprise dominait sur leurs visages, la question sur la présence d'aventuriers dans le palais brûlant toutes les lèvres jusqu'à ce qu'un comte les hèle en souriant.
– Ah, il me semblait bien vous reconnaître ! s'exclama-t-il à l'attention de l'écarlate. À quand remonte notre dernière rencontre, Maître Sieg ?
– Je dirais bien deux ans, Compte Nolasia, répondit le bretteur. C'est un vrai plaisir de vous revoir. Je me dois cependant...
– Si c'est au sujet de mon... de Trévor, je suis celui qui vous doit des excuses. Son comportement indigne de son rang à votre égard a été la dernière goutte d'eau, il a trop longtemps bafoué l'honneur de ma famille.
– Ouais, c'était un beau connard... grommela la barbare en repensant au fils de noble déchu qui avait failli causer la perte de son partenaire deux mois plus tôt.
Nolasia étudia Bélial en silence, devinant sans mal l'identité de la jeune femme qui venait de jeter par la fenêtre toutes les convenances après y avoir mis le feu.
– Et vous devez être Dame Bélial ! Mon fils Jinar vous a mentionné quand il m'a parlé de cet incident. Je vois qu'il n'avait pas exagéré votre... Comment dire...
– Sa fine maîtrise des arts de la diplomatie et de la bien-séance ? suggéra sournoisement Farca.
Ce n'est pas comme ça que je l'aurais présenté, mais comme personne d'autre peut m'entendre, je ne suis pas obligée de rester polie...
Le comte posa un regard sur la naine et hocha la tête.
– Oui, plus ou moins. Quant à vous, vous êtes la célèbre Farca, sauveuse de Legenia qui a à elle seule déjoué la prise d'otage d'Hydralia et pourfendu des dizaines de vauriens à mains nues ! Quoi que, maintenant que je vous regarde...
Oui, dur de l'imaginer broyer des cervicales avec ses dents...
– J'ai bien l'impression que mon exploit a été exagéré, en effet... lâcha l'alchimiste avec un certain embarras. J'en avais endormi deux et tué un troisième, mes compagnons et les invités valides s'étaient chargés du reste...
– Seulement parce que vous nous avez offert l'ouverture qui nous a mené à la victoire, rappela Anoro avec un sentiment de fierté. Vous n'avez pas à rougir de vos exploits qui rivalisent avec ceux de Sieg ! Pas un noble de Danatal ignore la dette que la nation vous doit !
L'annonce du soldat ne fit qu'embarrasser d'avantage Farca qui n'avait jamais désiré être au cœur des potins de tout le gratin d'un pays. Sieg remarqua sa gène et décida de reporter l'attention de la foule ailleurs.
– Et vous devez avoir entendu parler d'Adam qui, dès le premier jour des festivités, avait protégé le prince Canrac d'une tentative d'assassinat ! présenta l'épéiste en tirant le gardien devant l'alchimiste.
– Protocole De Salutations Enclenché.
– Évidemment ! Nous avons aussi entendu parler de cet inflexible protecteur ! déclara un autre noble. Votre assiduité au travail, délaissant même le sommeil et les repas pour veiller à la sécurité de la princesse, est vraiment impressionnante !
– Flatteries Non Requises. Dormir Et Manger Ne Font Pas Parti De Mes Fonctions Vitales.
Un moment de flottement laissa dubitatifs les nobles qui essayaient de comprendre le sens caché des paroles d'Adam. Ahmés profita de la brèche pour s'avancer devant un Sieg grimaçant.
– Quant à moi, je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de briller contrairement à mes compagnons. Bien que je suis un artiste habitué au devant de la scène, mes compétences me prédestines surtout à un second rôle dans bien des situations. Je me prénomme Ahmés, musicien et appréciateur de belles choses, pour vous servir !
Bien que peu de personnes ici avaient entendu son nom avant, les nobles et militaires saluèrent le taouyen, mais leurs regards se reportaient déjà sur la dernière membre du groupe qui était restée en retrait. Raya s'étonna d'ailleurs qu'elle soit passé si longtemps inaperçue, avec son teint de peau si singulier.
– Et qui donc est votre si singulière amie ? s'enquit de savoir Nolasia. J'ignorais qu'il existait un clan elfique à la peau verte.
Pour la première fois depuis des jours, la verdoyante regretta de ne pas avoir sa cagoule pour dissimuler ses traits. Elle avait certes résisté à la tentation de demander une illusion au défunt pour lui donner des traits plus ordinaires, elle regrettait ce choix maintenant que les regards de tous se posaient sur elle comme si elle était une curiosité. Une fois de plus, Sieg reporta l'attention des autres ailleurs pour soulager ses compagnons.
– Je vous présente Lorelya, une exceptionnelle archère aux vastes talents. Je vous demanderai juste de ne pas trop l'oppresser, même accidentellement, elle n'est pas habituée aux citées humaines et encore moins à la tension de la cour.
Ce dernier point était un mensonge éhonté mais l'ancienne princesse ne s'en plaignait pas. Si on apprenait qu'elle avait fait parti d'une famille royale, elle se doutait que jamais elle serait laissée tranquille.
– Je vois, je m'excuse de vous avoir ainsi importunée, Dame Lorelya, souffla le comte avant de désigner un couloir. Nous allions rejoindre le roi pour discuter de la situation au sud. J'imagine que vous devinez de quoi je parle...
Alors qu'elle commençait à somnoler à l'arrière du groupe, Bélial se réveilla quand on mentionna la direction où reposait la porte de Danatal.
– Putain, évidement qu'on sait ! Si vous êtes au courant, c'est parce qu'on vous a avertis !
Sieg pivota rapidement sur lui même et fit les gros yeux à sa partenaire pour lui rappeler qu'elle devait faire attention à sa façon de s'adresser aux nobles. La barbare ignora la réaction du bretteur et avança d'une démarche de fauve dans le couloir que lui présentait Nolasia.
– Bon, vous venez ? demanda la démone sans se retourner. Parce qu'après avoir réglé son compte à Saga, on doit aussi vous aider à arrêter la guerre ! J'ai pas envie d'y passer des années !
Au moins, le message est clair...
Les nobles la regardèrent s'éloigner dans un silence consterné avant d'interroger du regard l'écarlate qui se retenait de hurler sa frustration.
– Elle a grandi dans les montagnes loin de la civilisation... parvint-il à expliquer sans se laisser aller à sa colère.
À moitié convaincus par l'explication de l'écarlate, les nobles suivirent la barbare avec appréhension, comme s'ils suivaient les traces d'une bête sauvage dans une forêt dense.
Bélial s'aventura dans le palais avec la confiance d'une reine guerrière en territoire conquis jusqu'à approcher une porte garder par quatre soldats. Ils la fixèrent avec surprise, ne s'étant pas attendu à une attaque de barbares en plein milieu du palais. Les gardes allaient prendre une posture de combat quand ils virent Anoro courir après elle en leur faisant signe de ne surtout pas la menacer. Perplexes, les soldats obéirent mais ne furent pas rassurer par la brute qui se planta juste devant eux pour les toiser de ses presque deux mètre de hauteur.
– Salut. C'est là qu'est le roi ? Il doit nous attendre.
Fais gaffe Bel, t'es en train de régresser là...
Ne comprenant pas ce que venait de lui dire l'esprit, la démone haussa un sourcil en attendant la réponse des gardes aux bouches asséchées. Sieg rattrapa sa partenaire et lui tira la main pour la forcer à se pencher vers lui.
– Tu vas arrêter, oui ? Ce sont nos alliés ! Arrêtes de les traiter comme des moins que rien et fait preuve de respect !
La démone fronça les sourcils et réalisa qu'elle s'était un peu trop laissée aller. En se sachant en territoire allié, elle avait repris ses habitudes de Sombresang, où les habitants ne faisaient pas de chichi et respectaient la loi du plus fort. Elle avait oublié que peu de personnes partageaient cette mentalité.
– Ouais, désolée, je me suis un peu emportée... J'aurais dû faire gaffe...
Sieg soupira et lui sourit.
– Décidément avec toi, je dois rester sur mes gardes. Aller, on y va ?
La jeune femme hocha la tête avec une mine réjouie. Anoro discuta avec les gardes qui ouvrirent la porte en couvant la barbare d'un regard suspicieux. Une grande pièce se dévoila à l'écarlate et ses compagnons, dominée par une large table ronde où étaient déjà assis une demi-douzaine de personnes. De l'autre côté de la salle, Roi Panaros leva la tête et laissa sa joie éclairer son visage. Il fronça les sourcils en voyant que les yeux du bretteur avaient changé de couleur, mais il décida d'aborder ce sujet plus tard avec lui.
– Ah, vous voilà enfin ! dit-il en se levant. Je me demandais quand vous nous reviendrez ! J'imagine que nous avons beaucoup de choses à nous dire !
– En effet, répondit l'écarlate en s'inclinant. J'ai appris pour la situation actuelle du continent ainsi que ses conséquences sur Danatal.
– Oui, j'imagine que vous n'ignorez pas à quel point la situation est compliquée, soupira le roi en faisant signe à ses invités de s'asseoir. Honnêtement, j'espère que vous allez m'annoncer que Saga a été neutralisé pour que nous puissions redéployer les troupes qui surveillent la porte de Danatal.
L'écarlate grimaça, indiquant au souverain qu'il n'était pas porteur de bonnes nouvelles. Un grognement attira l'attention du bretteur. Intrigué, il reporta son regard sur un homme en armure assis plus loin qui le fixait avec une animosité à peine voilée.
– Général Jodin, c'est bien ça ? demanda Sieg. Il me semble que nous nous sommes croisés durant la mission visant à neutraliser le dragon rubis.
– Et je commence à regretter que vous ayez survécu vu les conneries que vous nous imposez. Nous avons déjà bien assez à faire avec la guerre qui approche, nous n'avons pas le temps de courir après des contes de fée juste pour satisfaire vos lubies !
– Seigneur Jodin ! s'exclama sévèrement Panaros. Veuillez surveiller vos paroles !
– Je ne peux pas me taire plus longtemps ! s'énerva Jodin. Nous n'avons pas de temps à perdre avec les sornettes de ce bouffon, pas alors que le royaume est confronté à une crise historique ! Une porte cachant un Déchu, une entité qui n'existe que dans les légendes... Et je ne parle même pas du message que nous a envoyé le souverain de Waldia !
Sieg fronça les sourcils et dévisagea tour à tour les personnes présentes. Plusieurs individus détournèrent le regard quand il les croisa, montrant qu'ils doutaient de lui. L'écarlate finit par fixer le roi qui avait baissé les yeux et tapotait la table de ses doigts.
– Nous avons reçu une missive du roi du clan Waldia, expliqua-t-il. Son frère lui aurait relaté tout ce qui s'est passé chez les sylvériens, y compris les découvertes qu'il y a fait...
Panaros jeta un coup d'œil vers Sieg qui comprit enfin d'où venait le trouble qui avait saisi le roi et sa cour. Son équipe comprit aussi peu à peu pourquoi des généraux commençaient à se montrer méfiants envers leur meneur.
– Comprenez-nous bien... soupira un autre homme. Nous ne savons rien de vous à part le nom que vous nous donnez. Vous êtes une énigme qui s'est du jour au lendemain attiré les faveurs du roi. Bien que nous sommes évidement reconnaissants que vous lui ayez sauvé la vie...
– Cessez de tourner autour du pot, Cirdan ! s'emporta Jodin en frappant la table de son poing. Que vous nous cachiez qui vous êtes est déjà assez suspect, mais si maintenant vous affirmez être... être... C'est si ridicule que je n'arrive pas à le dire !
– Tu veux que je le dise si tu peux pas ?
Surpris, Jodin détailla la barbare qui se penchait sur la table, prenant appui sur celle-ci avec ses poings. Il déglutit, voyant dans ses iris sa colère en apprenant que son partenaire était pris pour un menteur.
– Ouais, Sieg a plus de quatre mille ans. Ouais, c'est un des Neuf Sauveurs. Et ouais, c'est la même chose pour Saga. Ça te pose un problème ?
La bouche de Jodin s'assécha. Jamais personne n'avait osé lui parler de la sorte mais il n'arrivait pas à trouver la force de la réprimander. La rage et la détermination de la jeune femme étaient presque palpables, ne laissant pas la place aux doutes de son auditoire. Le roi toussa et s'adressa à Sieg.
– Oui, je me disais bien que ce serait ça... Devenons nous commencer à vous appeler Maître Rotsala dans ce cas ?
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