Chapitre 62 : Porteurs d'espoir
Le voyage ne prit pas fin au même moment pour Lorelya que pour ses compagnons. À peine arrivé, l'elfe eut l'impression que son ventre s'était mis à valser sans se soucier de ce que désirait le reste de son corps. Sa vue se brouilla et elle vacilla sur ses jambes, incapable de garder l'équilibre. La verdoyante s'effondra sur son flanc mais le monde ne cessa pas de tourner pour autant. Elle sentit sa bile lui remonter la gorge à la façon de magma remontant la cheminée d'un volcan et sentit que l'inévitable approchait. Sans savoir où elle allait, l'archère commença à ramper dans le vague espoir de trouver un récipient dans lequel vomir et préserver un semblant de dignité dans cette situation.
Lorelya sentit des mains se poser sur elle et l'aider à se redresser, ce qui ne fit qu'aggraver son état. Un objet cylindrique apparut dans son champ de vision tel un objet salvateur et elle se pencha au dessus de ce dernier pour ce libérer de ce qui lui brûlait la gorge et le palais tel un poison.
– Là, ça va aller... lui murmura un homme dans une langue qu'elle ne comprenait pas.
– Je ne pensais pas qu'on pouvait avoir tellement envie de vomir qu'on en devient littéralement vert... commenta une voix au-delà du monde du seau qui accaparait toute son attention.
– Comme quoi, il faut de tout pour faire un monde... Et tu me dois cinq pièces d'argent, je t'avais bien dis que c'était une bonne idée de garder un seau à porté de main ! Je ne comprends pas pourquoi les employés les stockaient dans la réserve du sous-sol. Comme s'ils aiment laver le vomi...
– Tu l'a dis, il faut de tout pour faire un monde...
L'échange en danatalien d'une banalité sans nom passa complètement par-dessus la tête de l'archère qui ne comprenait que l'elfique et le meronien. De toute façon, elle ne s'intéressait qu'à peu de choses en cet instant.
Près d'elle, Sieg finissait de s'étirer comme pour remettre en place ses cervicales et analysa l'état de son groupe. Adam se passait comme toujours d'intérêt de par son immunité aux effets secondaires, tout comme Ahmés. Farca clignait des yeux en retrouvant progressivement la vue. L'écarlate dût baisser encore plus le regard pour apercevoir Bélial, allongée de tout son long sur son dos qui fixait un point au plafond.
– Heu ça, va ? lui demanda Sieg en s'accroupissant à ses côtés.
– Moyen, mais j'y travaille... répondit la démone. Quand je reste comme ça, j'ai moins l'impression que le monde tourne dans tous les sens...
– Tant que ça, marche, tu peux Hé !
La barbare venait d'attraper le bretteur par le col et l'avait tiré contre elle. Il se retrouva plaqué contre sa poitrine et retenu là par deux bras puissants.
– Tu restes là le temps que ça passe ? Ça me calme...
C'est quoi, ton homme ou ton ours en peluche ?
– Tant que tu promets de ne pas me vomir dessus... lâcha Sieg qui ne voyait de toute façon pas comment se libérer. Lorelya, tu vas bien de ton côté ?
Un son écœurant lui servit de réponse.
– Continues comme ça, tu te débrouilles comme un chef !
– Contre toute attente, vous arrivez toujours à me surprendre...
Surpris par cette voix familière, Sieg tourna le regard autant que possible dans sa position pour entre-apercevoir Anoro qui le fixait avec lassitude, les poings sur les hanches.
– Heureux de vous revoir... Vous m'excuserez si je ne vous serre pas la main, mais...
– Chhh... le coupa la démone en lui caressant la tête. Les oreillers, ça parle pas...
– Décidément, ça ne va vraiment pas mieux, toi... grogna la naine à l'attention de la jeune femme en s'approchant du soldat. Et vous, je dois dire que je suis étonnée de vous voir en personne ! Les soldats en général, je m'y attendais, mais vous...
– Nous nous doutions que vous reviendrez tôt ou tard, alors nous avons préféré qu'un visage amical soit là pour vous accueillir. J'espère que tout s'est bien passé.
– Nous sommes encore en vie, ce qui, pour moi, est une sublime victoire en soit... grommela l'alchimiste. Mais si on parle de Saga, c'est pas terrible...
– Je vois... Vous pourrez en parler plus longuement au roi...
Un bruit de régurgitation résonna dans l'autel.
– Quand vous aurez un peu récupéré... ajouta Anoro sans quitter des yeux Sieg et Bélial encore allongés sur le sol.
– Il vaut mieux, en effet... acquiesça Ahmés. Un tiers d'entre nous n'est pas présentable et retient un quart de ce qui l'est...
– Ah, et en parlant de ça... enchaîna Anoro en pointant un pouce vers l'archère encore plus verte que d'ordinaire. Nouvelle recrue ? Vous avez le chic pour trouver des perles rares...
– Si vous saviez... soupira Farca en se portant au chevet de la souffrante. Et elle ne parle pas le danatalien ou le griganien, alors tant que nous ne lui aurons pas donné un philtre de vers...
– Nous vous ferons confiance pour la traduction... Une fois que vous serez sur pied, nous vous escorterons au palais.
– Directement ? demanda Farca en levant un sourcil. Nous pensions...
– Je comprends, mais la situation nous force à revoir nos procédure. De toute façon le roi considère que le pays a gardé votre statut de héros secret trop longtemps, il a récemment partagé avec le peuple votre existence et vos exploits. Vous serez surpris d'apprendre que ça a rassuré la population d'apprendre que vous œuvriez au bien commun.
– Je trouve que vous exagérez un peu... bafouilla Farca en agitant les mains devant elle. Nous ne sommes pas...
– Vu tout ce que vous avez accompli, ce titre n'est pas une exagération, la coupa le soldat. Avec la guerre qui gronde, le peuple a besoin d'espoir. Vos actions sont déjà connues, même si ce n'est principalement qu'à travers des rumeurs, alors annoncer publiquement que vous allez vous charger de Saga sera...
– Mauvaise Idée ! intervint Adam aussi implacablement qu'un astéroïde. Déclarer Qu'Un Arcaniste Aussi Puissant Que Lui Projette De Libérer Les...
– Nous avons déjà annoncé à la population son existence, l'arrêta Anoro. Nous n'avons rien mentionné concernant ce qui se cachait derrière la porte, mais la nation entière sait que se trouver dans un périmètre de deux kilomètre d'elle serait dangereux, non seulement pour le pays, mais aussi pour eux personnellement. Le roi a décidé qu'un semblant de transparence était avisé pour s'assurer la coopération du peuple.
Hé beh, heureusement que le roi a la confiance absolue de son peuple... Je connais bien des pays où cette révélation causerait des émeutes...
– C'est une bonne idée de garder la porte isolée du plus de monde que possible mais ça risque de ne pas suffire... commenta Sieg que sa partenaire libérait enfin. Pour ouvrir la porte du clan Sylvéria, Saga a consumé les trois arbres primordiaux au-dessus d'elle. Il sait comment retourner toutes les situations à son avantage, quelque chose me dit qu'il a gardé sous la main un atout pour ce genre de cas de figure...
– Sans doute, mais nous ne pouvions pas simplement rester les bras croisés. Au moins, nous pouvons garder la population loin du danger. Enfin, autant que possible dans la situation actuelle...
– C'est un bon début, reconnut le bretteur. Bon, ne prenons pas plus de temps, rendons-nous au palais. Je sens que la journée va être longue...
Anoro fronça les sourcils. Maintenant qu'il pouvait bien voir le visage de l'écarlate, il remarquait un détail étrange. Le bretteur comprit ce qui le troublait et lâcha un rire nerveux.
– Ah oui, mes yeux... Une longue histoire, je vous raconterais ça plus tard...
Vous formez vraiment un beau groupe de bizarreries...
Le groupe sortit de l'autel des voyages pour respirer l'air libre. Lorelya refusa de rendre le seau qu'elle serrait contre sa poitrine tel un trésor inestimable, contraignant les soldats à capituler.
Bien que l'annonce d'une guerre imminente et les projets de Saga avait eut un impact visible sur la ville, les rues n'étaient pas aussi vides ou mornes qu'à Hydralia. Les gens continuaient de vivre leurs vies et semblaient garder l'espoir en leur avenir. Plusieurs passants remarquèrent l'activité autour de l'autel et s'approchèrent du groupe, des questions leur brûlant les lèvres. Anoro se dressa préventivement à eux et prit la parole.
– Si vous désirez apprendre ce qui se passe, veuillez attendre le prochain message du palais ! Pour le moment, la situation n'a pas changé. Veuillez ne pas importuner ces individus, ils sont encore...
– Mais je le reconnais, le type en rouge ! s'écria un homme en tenue de rôdeur. C'est Sieg !
– Sieg ? L'un des sauveurs de Port-Écume ? l'interrogea un marchand.
– Oui, c'est bien lui ! affirma une magicienne. Je le reconnaîtrais n'importe où ! Et avec lui, ça doit être ses compagnons !
– J'ai entendu dire qu'ils avaient déjoué un complot qui aurait pu coûter la vie à la princesse à Hydralia, ajouta un ouvrier. Ce sont des héros !
Une foule se rassembla peu-à-peu autours du groupe qui fut de plus en plus embarrassés. Ils savaient que leurs coups d'éclats étaient désormais connus du grand publique, ils ne s'étaient pas attendus à un tel accueil.
– Avec vous, le pays est entre de bonnes mains !
– Vous allez arrêter cette guerre, nous le savons !
– Hourra pour nos héros !
– Il est frais mon poisson ! hurla un poissonnier derrière son étal pour qui les affaires primaient sur le reste.
Sieg dévisagea ses compagnons qui étaient autant déboussolés que lui. Ils s'étaient douté qu'ils seraient mieux traités ici que chez les sylvériens, mais ils commençaient à croire qu'il y avait exagération. Anoro ordonna à ses hommes de calmement frayer un passage dans la foule grandissante pour guider l'équipe vers un véhicule qui les attendait de l'autre côté de la rue. Une fois le groupe installé, un cocher fit avancer les chevaux qui partirent en direction du palais.
Bélial regarda par la fenêtre la foule qui semblait les suivre, réunissant de plus en plus d'individus de tous les horizons qui les acclamaient.
– Je trouve tout ça assez exagéré... partagea Lorelya qui n'était pas habituée à une telle ovation.
– Je suis bien d'accord... soupira Sieg. Je veux biens que le roi a besoin de rassurer le peuple, mais les voir nous aduler comme ça et poser tous leurs espoirs sur nous... Si nous échouons, je n'ose pas imaginer le chaos que ce sera... C'est...
– Ça me rappelle chez-moi...
Toute l'attention fut reportée sur la démone qui avait un air rêveur en scrutant la ville et la foule qui défilait de l'autre côté de la fenêtre.
– Chaque fois qu'on rentrait d'un pillage, ceux qui étaient resté au village célébraient notre retour et préparaient la fête. Et quand un d'entre nous accomplissait un exploit, tout le monde se réjouissait. Même si c'était un petit truc, on partageait notre joie. Franchement, quand j'y repense, c'est peut-être juste qu'on adorait s'amuser, mais on trouvait toujours une raison de rire et encourager ceux qui se démenaient pour le clan. Alors quand je vois tout ces gens sourire parce que nous sommes là, je me dis que le roi a eu une bonne idée, que le peuple a besoin de faire la fête même s'il n'y a pas de raison. C'est justement parce que les choses vont mal qu'on doit pas oublier de s'amuser, sinon on oublie pourquoi on se bat...
Bélial regarda ses compagnons et fut surprise de les voir la fixer intensément.
– Bah quoi, j'ai encore dis une connerie ?
– Loin de là, belle amie ! la rassura Ahmés en se saisissant de son luth. Vos mots d'une sagesse inégalée m'ont simplement donné l'inspiration !
– Ne pas oublier pourquoi on se bat, c'est ça ? répéta Lorelya en souriant. Je dois avouer que j'avais longtemps oublié ça...
– C'est notre Bélial, ça ! ricana Farca. Avec elle, rien n'est trop étrange ou extravagant, il suffit de se laisser aller et profiter du moment !
– Affirmatif ! Sa logique est indéniable !
Sieg glissa ses doigts entre ceux de sa partenaire et lui adressa un de ses sourires les plus charmeurs.
– Nous avons beaucoup de chance de t'avoir à nos côtés. Tu es comme notre boussole qui nous guide hors des ténèbres du doute et l'hésitation. Avec toi pour nous montrer la voie, nous sommes sûrs de ne jamais nous égarer.
Ah ça, pour sortir des âneries, tu es inégalable... Alors surtout, ne change jamais, le monde serait trop triste sans toi.
Bien que gênée, Bélial sourit de toutes ses dents. Elle se disait qu'elle était la plus chanceuse d'entre eux de s'être trouvé un nouveau clan aussi formidable.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top