Une réponse était clairement attendue de Sieg et ses compagnons. Pas un regard ne les pressait pas de partager leurs projets suite à cette révélation. De lourds secrets venaient d'être partagé et la cour attendait un retour digne de cette confiance. L'écarlate détailla ses compagnons, évaluant leurs expressions. Il pouvaient lire dans leurs yeux (quand ils en avaient) une silencieuse détermination. Mieux que tous les nobles qui les entouraient, ils comprenaient quel se devait être leur rôle dans les jours, les semaines à venir. Le bretteur soupira et s'adressa directement au roi.

– Nous comprenons la situation et qu'il est vital d'empêcher cette guerre insensée. Cependant, nous ne pourrons pas intervenir dans l'immédiat.

– Comment ? explosa un général. Mais enfin, que racontez-vous ? Rien n'est plus important que l'avenir du continent ! N'allez pas me dire que vous avez mieux à faire que sauver Legenia !

Bélial fixa avec mépris le militaire qui s'étrangla de stupeur face à l'intensité de la jeune femme qui devait avoir la moitié de son âge.

– Ah ouais ? Tu crois que sauver le monde est pas important ? Je pensais que vous étiez tous intelligents vu que vous décidez l'avenir d'un pays, mais on dirait que je me trompais...

Un murmure désapprobateur se répandit dans l'assemblée alors que Sieg se racla la gorge.

– Ce que ma partenaire essaye de dire, c'est que nous n'avons pas encore réglé le problème de Saga. Pour ceux d'entre vous qui l'ignorent encore, il s'agit de l'homme derrière l'attaque qu'a essuyé Hydralia récemment. Son but était de piller votre trésorerie pour financer ces projets. Et avant que vous me demandez ce qu'il projette, je vais vous demander de faire preuve d'ouverture d'esprit.

On est foutus...

– Oui, il compte libérer le pouvoir des sept Déchus, c'est bien ça ? commenta Vlaran avec un air grave. Je l'avoue, ça reste un problème d'une gravité sans précédent...

– Ne me dites pas que vous croyez à ces balivernes ? s'indigna un noble. Les Déchus ne sont qu'une légende, la guerre, elle, sera bien réelle d'ici peu ! Nos efforts devraient être...

Le roi leva la main pour réclamer le silence et s'adressa à sa cour.

– Je ne vous demande pas à croire en des légendes. Moi même, je ne suis qu'à moitié convaincu de la véracité de cette menace. Cependant, nul ne peut nier l'existence d'un mage avec assez de ressources pour ourdir un complot qui a failli causer la fin de notre nation ainsi que la mort de dizaines de représentants venus des quatre coins du continent. Que son objectif soit réel ou pas, il nous a prouvé qu'il ne reculerait devant aucun moyen pour s'en approcher. Oubliez l'échelle mondiale du danger si les Déchus existent bel et bien, pensez vous que nous pouvons nous risquer de laisser un tel homme agir à sa guise ? Surtout quand Legenia est sur le point de devenir un terrain de jeu idéal pour ses manigances ? Non, le danger qu'il représente juste en tant que comploteur est trop grand, nous ne pouvons pas nous risquer à le l'ignorer.

Vlaran adressa un regard à Sieg en hochant la tête.

– Soit, je consens à patienter que vous ayez fini de régler l'affaire de Saga. Même si je préférerais que nous nous concentrions tous sur une seule menace à la fois, aucun de ces périls semble vouloir attendre que l'autre soit résolu pour nous harceler.

– Nous vous remercions pour votre compréhension, Majesté, répondit humblement l'écarlate en s'inclinant. De toute façon, notre prochaine et, nous l'espérons, dernière étape, sera Danatal, donc si nous réussissons à arrêter Saga là-bas, nous serons capables de rallier les forces de Danatal pour vous épauler dans ce conflit.

Tu ne veux pas demander aux autres s'ils ont encore envie de se retrouver à des conneries disproportionnées ?

– Parfait. Nous serons d'ailleurs capables de vous y aider. Par ces temps troubles, tous les autels du continent ont été condamnés, une procédure habituelle par temps de guerre. Les différentes nations alliées se sont mises d'accord pour les réactiver à des instants bien précis et très courts pour permettre l'envoi de messages. Tout comme nous ne savons pas quand des pays ennemis le feront, ils ignorent quand nous tenterons la même chose. Notre prochain échange avec Syndras sera dans trois heures, vous pourrez en profiter pour regagner Danatal. De là, je ne pourrais que vous souhaiter bonne chance.

Le roi fit signe à un soldat d'escorter ses invité dans une chambre pour qu'ils puissent se reposer en attendant leur départ. L'équipe délaissa la cour qui reprit leur conversation d'origine, plusieurs regards désapprobateurs suivant le groupe qui les quittait.

Une fois hors de la salle du trône, Sieg soupira et se tourna vers ses compagnons.

– Je suis désolé, j'avoue que je me suis un peu emporté sur la fin... J'ai promis que nous prendrons part à...

Bélial le coupa en lui donnant une faible tape amicale dans l'épaule qui menaça tout de même de la déboîter.

– Quoi, tu pensais que je serais pas contente ? J'aime bien Finora et son pays, et Merona n'a rien fait pour que je déteste ce pays ! J'ai pas envie de les voir être détruits, alors je vais pas me tourner les pouces alors que je peux aider !

Trois personnes lâchèrent un soupir en souriant.

– Comme si je pouvais mener mes recherches en paix alors que les murs s'écroulent autour de moi... De toute façon, sans moi, vous risquez de crever en moins de deux jours...

– Et qui appréciera mon art si tout le monde est trop occupé à s'entre-tuer ? Sans oublier ces sublimes femmes et ces élégants hommes qui périraient avant que je ne puisse les rencontrer...

– Une guerre comme ça laisserait des centaines, non, des milliers d'orphelins... Je n'ose pas imaginer la misère que deviendraient leurs vies, les tourments qu'ils devraient endurer en devenant les jouets du destin. Je me suis promis de créer un monde où personne souffrirait inutilement, je ne peux pas le laisser s'effondrer avant d'y parvenir.

– Objectif Prioritaire : Développer Mes Propres Sentiments ! Après Calcul, Il Est Évident Que La Disparition D'Autant De Personne Altérera Mes Analyses Dans Le Mauvais Sens. Réponse Au Problème : Maintenir La Paix !

Décidément, tout le monde est motivé... Enfin, ce n'est pas comme si j'ai envie de voir Legeia sombrer...

L'écarlate réprima un rire en se félicitant d'avoir de si bons compagnons. Même s'ils avaient des raisons personnelles pour agir, ça ne changeait en rien le fait qu'ils étaient prêts à le suivre dans une nouvelle aventure périlleuse immédiatement après la fin de la précédente. Cependant, ça lui rappelait tout ce qu'ils avaient encore à accomplir. Le bretteur fit signe au soldat de les guider et annonça la suite des événements à ses camarades.

– Prenons le temps de souffler avant de partir. Dès que nous arriverons à Syndras, direction le Pégase d'émeraude. J'ignore combien de temps nous devrons attendre avant de rencontrer sa Majesté Panaros, mai je sens que nous aurons vite droit à une audience. À partir de là, les choses vont vite s'enchaîner.

– Je vais en profiter pour demander au roi s'il peut m'aider à me réapprovisionner... soupira Farca. Hé, ne me regardez pas comme ça, je ne parle pas de fonds ou même d'ingrédients ! Je vous rappelle que j'ai besoin de pièces pour mes bombes et que je ne suis pas forgeronne ! Si je dois tenir un combat de plus contre Saga et une putain de guerre, je ne vais pas aller bien loin avec ce que j'ai sous la main...

Je suis étonnée que tu as tenu aussi longtemps, franchement... Je commençais à croire que tu chiais tes bombes...

– Elle a raison, nous ne devons pas prendre à la légère nos préparatifs, l'épaula Ahmés. Même si je n'ai personnellement besoin que de peu de choses, n'oublions pas que nous allons travailler de concert avec les forces de Danatal...

– Tu ne devrais pas confondre cette future alliance avec notre temps chez les elfes, le rassura l'écarlate. Si les sylvériens ne supportaient pas notre présence...

– Ah c'est sûr que les danataliens bénissent presque la terre que tu foules... ricana Farca en donnant un coup de coude dans la hanche de Sieg. Presque toutes les portes nous seront ouvertes, ça va être le grand luxe par rapport à ce qu'on a du endurer jusqu'à maintenant !

– C'est la naine qui est adulée par la famille royale de Merona qui m'envie ? se moqua le bretteur. Ta réputation ici n'est pas aussi vieille que celle que j'ai à Danatal, mais tu n'es pas si mal lotie toi non plus !

– Tout ça nous promet un avenir radieux à la fin de toute cette histoire... souffla Ahmés. Tant d'espoir, j'en viens presque à oublier que nous allons jouer un rôle capital dans l'avenir du monde. Et moi qui croupissait dans une tombe il y a à peine un mois ! En si peu de temps à vos côtés, j'ai infiniment plus vécu que de mon vivant ! J'ose à peine imaginer l'inspiration qui m'attends encore avec des compagnons tels que vous !

– Ouais, ben moi, j'ai hâte que ça se calme pour que je puisse reprendre mes recherches tranquillement... bouda Farca. J'ai l'impression que le destin s'amuse à nous donner de nouvelles missions pour nous empêcher de souffler...

– Arrêtes avec tes pensées négatives ! l'encouragea la démone en lui ébouriffant les cheveux. Moi, je sens qu'on va bientôt y arriver ! Encore un dernier combat contre Saga, une petite guerre à arrêter, et on pourra faire ce qu'on veut !

Petite, qu'elle dit avec un sourire de bien-heureuse...

La troupe fut conduite dans une spacieuse chambre où chacun vaqua à ses occupations en attendant l'heure du départ. Personne s'interrogea sur la disparition simultanée du bretteur et de la barbare, le reste du groupe y étant tellement habitués qu'ils en devenaient blasés. Farca fit l'inventaire des pièces qui lui restait, déterminant ce dont elle aurait le plus besoin. Ahmés joua une douce mélopée pour détendre les esprits. Adam se plongea dans la lecture d'un ouvrage dans un coin. Lorelya décida de méditer, s'entraînant à ressentir la présence de la nature dans un milieu urbain.

Rapidement, l'heure de faire ses adieux avec Hydralia vint. Le groupe ne croisa pas la famille royale, trop occupée à préparer la guerre à éviter pour les saluer. Matthias les accompagna cependant en partageant avec eux les vœux de réussite de son souverain.

– Le roi tient à ce que vous sachiez combien il espère vous voir réussir. Bien qu'il est accaparé par ce qui se passe maintenant, il n'a jamais oublié la menace que représente Saga. Nous vivons des temps troubles parsemés de menaces, mais je sais qu'avec des héros tels que vous à nos côtés, nous pouvons encore espérer voir un avenir radieux !

Je ne ressens absolument pas la pression qui pèse sur vous...

Le groupe fut escorté jusqu'à l'autel des voyages. Une fois de plus, ils purent examiner l'impact qu'a eut l'annonce de la guerre sur des rues qui débordaient de vie et de joie quelques semaines plus tôt. Ce contraste frappa Bélial qui se refusait à laisser les choses ainsi. Elle espérait revoir les sourires éclairer les visages de meroniens quand elle reviendrait.

Une fois face à l'autel, ils prirent tous position autour de l'artefact. Lorelya posa un regard suspicieux sur l'objet, étant peu habituée aux formes de magies moins naturelles. Plusieurs regards encourageants la poussèrent à poser une main fébrile sur l'autel, ressentant ses vibrations magiques à travers sa sève de dryade. La verdoyante se demanda si les autres pouvaient ressentir le pouvoir de l'objet comme elle.

– Bon, accrochez-vous, ce ne sera pas de tout repos...

– Hein ? s'inquiéta Lorelya. Comment ça ? Je pensais que c'était sans danger !

– Oh, ça l'est... grommela Farca. Tant que personne de l'autre côté a fait le con en mettant des obstacles autour de l'autel...

– Et il se passerait quoi si c'était le cas ? paniqua l'elfe alors que son ancêtre activait l'autel, commençant le transfert.

– Tu as déjà vu deux personnes occuper exactement le même espace en même temps ? demanda l'alchimiste avec un sourire mauvais.

– Non !

Tu t'attendais à une autre réponse de sa part ? Et arrête d'essayer de l'effrayer exprès !

L'archère résista à la tentation de retirer sa main, se disant qu'elle risquerait de finir déchirée en deux au moins si elle faisait n'importe quoi. Elle ferma les yeux, priant d'arriver sans perdre de morceaux ou en gagner.