Chapitre 6 : Suivez le chef !

Farca bailla en entrant dans la salle à manger de l'auberge. La nuit avait été plus courte qu'elle l'aurait voulu, mais le groupe avait décidé de se réveiller aussi tôt que possible pour attaquer la journée.

L'alchimiste avait bien évidement râlé la veille quand Sieg leur avait expliqué qu'ils devraient accomplir une nouvelle mission pour le roi, mais elle n'avait pas pour autant refusé le travail. Surtout après que le bretteur avait parlé de la paye de quinze mille pièces d'or.

Encore à moitié assoupie, la naine rejoignit ses quatre compagnons qui étaient déjà réunis autour d'une table pour déjeuner. Enfin, trois d'entre eux l'étaient...

Comme d'habitude, Adam se contentait de fixer ses camarades alors qu'ils mâchaient et buvaient. Sentir son regard insistant sur eux durant les repas les avaient d'abord gênés, mais ils avaient fini par s'habituer à cet étrange manège.

– Comment vous faites pour être autant en forme de si bon matin, tout les deux ? grommela la sang-mêlée en se servant une tasse de café. C'est pas comme si vous vous étiez couchés avant moi...

La remarque était adressée au couple de la tablée, tout deux rayonnants d'énergie.

– Bah j' 'ais 'as 'oi ! cracha Bélial la bouche pleine.

– Bouffe ou cause, ne me postillonne pas dessus s'il te plaît...

Toi, on a vraiment brisé le moule après t'avoir fait...

– Analyse Terminée ! Tu N'As Pas Passé Une Bonne Nuit !

Farca adressa un regard cerné au gardien. Le genre que l'on réservait aux collecteurs d'impôts quand ils vous souhaitaient une bonne journée après leur visite.

– C'était quoi, ton premier indice ?

J'en ai dix si tu veux...

– Allons, allons, ne nous chamaillons pas, mes joyeux compagnons ! chanta Ahmés en se levant. Je sais ce qui va vous donner le sourire ! Une petite balade entraînante ! Attendez que j'accorde mon instrument...

Tout en sirotant son café, Farca grommela en nain où le macchabée pouvait ranger son luth.

– Je te sens un peu tendue, Farca... commenta Sieg. Tout va bien ?

L'alchimiste jeta un regard en coin au bretteur sans arrêter de boire. Elle reposa sa tasse pour la remplir à nouveau.

– À ton avis ? On a passé à peine un jour dans une ville où on m'a ouvert les portes de toutes les bibliothèques, même celle de l'académie de magie, et avant même d'avoir le temps d'y mettre les pieds, on repart à l'aventure... Il y a de quoi déprimer...

– Désolé, mais le temps nous est compté... Promis, une fois que tout sera réglé, je te promet de t'escorter personnellement à toutes les bibliothèques du monde...

– Mais ouais, carrément ! s'enthousiasma la démone. Bon, après, on devra tous trouver des trucs à faire pendant que tu bouquineras...

– Je Voudrais Moi Aussi Lire.

– Quant à moi, j'en profiterais pour faire découvrir mon art au reste du monde et partager nos histoires avec le peuple ! clama Ahmés en jouant un accord.

– Il ne resterait donc que nous deux alors... annonça l'écarlate en prenant la main de sa compagne. Je me demande bien ce que nous pourrions faire, seuls...

– Pité, il est trop tôt pour autant de mièvrerie...

Et encore, toi, tu as de la chance... Tu peux quitter la pièce quand ça devient torride...

Malgré sa remarque, Farca était heureuse de les entendre parler ainsi. Cela signifiait que personne voudrait quitter les autres une fois Saga vaincu. Elle qui avait à l'origine rejoint Sieg et Bélial simplement pour fuir un pays qui la recherchait, elle avait fini par se trouver une place dans ce monde qui la regardait de haut dans les deux sens du terme. Aux côtés de ses compagnons, la sang-mêlée se sentait chez elle, où qu'ils étaient.

L'alchimiste était particulièrement heureuse d'être entourée de personnes qui ne lui riaient pas au nez quand elle parlait de ses recherches sur le Laboratoire des Origines, un lieu mythique en lequel peu croyaient vraiment. Avec eux à ses côtés, elle avait enfin espoir de prouver que les recherches de sa défunte mère n'étaient pas une perte de temps.

– Mais sinon, tu n'aurais pas d'autres projets en tête une fois que nous serons libres de choisir nos destins ? demanda le bretteur avec un sourire amusé. Comme un certain Périn...

Farca battit plusieurs records en crachant son café jusqu'à la tablée voisine. La naine s'essuya la bouche alors que le reste de son visage s'empourprait.

– Comme si j'avais le temps pour la romance... bafouilla l'alchimiste. Je suis une femme de science, moi !

– Mais vous alliez vraiment bien ensemble ! intervint Bélial. Je me souviens que quand on était sur le bateau...

– Qu'entends-je ? Une romance impliquant notre chère Farca ? Je me dois d'en savoir plus pour composer...

– Fais ça, et je fais du petit feu avec tout tes instruments ! hurla Farca en montant presque sur la table.

Un grognement attira l'attention du groupe qui leva la tête pour voir Adrien qui posait sur eux un regard noir. Après une rapide analyse de la salle, il se trouvait que les autres clients les fixaient avec agacement. Les organiques se calmèrent en baissant la tête.

– Désolés... dirent-ils en cœur.

Il faut vraiment que vous appreniez à vous calmer, les gars...

***

Une fois leur petit-déjeuner fini, l'équipe quitta l'auberge après avoir salué la propriétaire. Leur première halte fut dans une boutique appelée les Mélanges étranges, l'établissement d'un elfe aussi doué en magie qu'en alchimie. Ils récupèrent trois philtres de vers que Bélial, Farca et Ahmés burent d'une traite. Ce mélange leur permettrait de comprendre et parler meronien, la langue utilisée dans le prochain pays qu'ils visiteraient. Sieg s'en passa parce qu'il le parlait déjà et Adam ne pouvait pas boire, faisant qu'il ne pourrait pas parler avec les locaux avant d'en apprendre la langue à travers des moyens plus conventionnels.

Une fois les préparations linguistiques terminées, la troupe se dirigea vers l'autel des voyages de la capitale. Grâce à lui, ils pourraient se téléporter à celui d'Hydralia. Ce dispositif d'une utilité incomparable n'était cependant pas accessible à tout le monde. Pour les employer, il fallait posséder un talisman particulier qui était très dur à fabriquer, et donc qui coûtait trop cher pour ceux qui étaient ni des nobles, ni de riches marchands, ni des aventuriers de grande renommée. Fort heureusement pour le groupe, Sieg en possédait un.

– Question : Une Fois Arrivés, Serons-Nous Loin De L'Ambassade ?

– Pas vraiment, répondit Sieg. Pour des raisons diplomatiques, les ambassades ne se trouvent pas loin des autels des voyages. Celui de Danatal serait à un quart d'heure de marche, tout au plus...

– Tant mieux, parce qu'on n'y va pas pour faire du tourisme... pesta la naine. On trouve la princesse et on ne la quitte pas des yeux jusqu'à ce qu'elle rentre ! Après ça, direction la forêt... Je ne peux pas dire que j'ai hâte...

– Moi non plus... grommela Sieg. Les elfes sylvériens sont réputés pour leur aversion envers les autres peuples... Même certains clans rivaux ne sont pas tenus en haute estime par eux...

– Tu nous amènes vraiment dans des endroits sympa, chef...

Le bretteur s'arrêta et dévisagea Farca avec surprise.

– Pourquoi tu m'appelles comme ça ?

Farca fronça les sourcils et échangea un regard avec les autres qui semblaient aussi perturbés qu'elle.

– Bah, parce que c'est ce que tu es... Enfin, c'est comme ça qu'on le voit, nous...

– Affirmatif ! Mes Analyses Sont Formelles : Tu Es le Seul Qualifié À Nous Mener !

– Un homme d'action de ta trempe ne peut faire qu'un chef de premier ordre dans une balade épique !

– Bah ouais, quoi ! C'est toi le chef, point !

L'écarlate regarda ses quatre compagnons qui le regardaient avec un certain embarras. Personne n'avait remis en cause la position de Sieg à la tête du groupe, mais ils n'avaient pas non plus rendu la chose officielle. Tout simplement, quand une décision importante devait être prise, tout les regards se posaient naturellement sur lui.

– Je ne m'en étais pas rendu compte... admit-il en se frottant la nuque. Je n'avais pas vraiment pensé qu'il y avait de hiérarchie entre nous...

Je pense que c'est en partie pour ça qu'ils n'ont pas de problème à te suivre... Tu ne joues pas au petit chef, sauf quand on a besoin d'un leader...

– Il faut bien admettre que nous avons tous nos causes et nos propres aspirations... commenta Ahmés en se tenant le menton. Toi et Bélial traquez Saga car c'est votre but, alors que nous, nous faisons que vous suivre parce que nous y trouvons notre intérêt sur le long terme... Mais à la fin de la journée, même si nous sommes égaux, il est vital d'avoir quelqu'un qui arrive à nous recentrer sur le prochain objectif... Sinon, nous n'irons pas loin...

Sieg dû reconnaître que le musicien avait raison. Même si l'équipe était composée de fortes têtes qui aimaient faire ce qu'elles voulaient, il avait su les guider à travers bien des périls sans que leur cohésion en souffre. Pour lui, qui était tout en bas de l'échelle de son précédent groupe, se retrouver catapulté à la position de chef lui laissait une étrange impression.

– Bah écoutez, si ça dérange personne...

– Bien sûr que ça nous dérange pas ! le coupa Bélial en tendant son poing vers le bretteur. On sait que t'as nos arrières, alors fait nous confiance avec les tiennes !

Sieg ne put se retenir de sourire et frappa le poing de sa partenaire.

– Bon, dans ce cas, qui m'aime me suive...

L'écarlate fit quelques pas avant de se rendre compte qu'une foule s'était formée autour de l'autel des voyages. En plissant les yeux, il vit que l'attroupement encerclait un groupe qui était acclamé.

– Allons bon... souffla Farca en voyant la scène... Qu'est-ce qui se passe encore ?

– Vous n'êtes pas au courant ? s'étonna un passant qui se dirigeait vers le centre des émois. Les Lions Pourpres sont revenus de mission ! Et ils ont tué trois dragons noirs ! Trois ! Et Sire Valence en a eu un à lui seul !

Bélial regarda le badaud s'éloigner avant de s'intéresser à la réaction de Sieg. Il affichait une mine dégoutté et aurait préféré être n'importe où qu'ici...

– Oh non... Je passais une si bonne journée jusqu'à maintenant...

Tu n'es pas le seul à voir venir les emmerdes...

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