Chapitre 59 : Séparations à l'aube

Les premières lueurs de l'aube éclairèrent la porte ouest de Croma. Une partie de la ville était déjà réveillée quand l'astre diurne enveloppa la ville d'une douce chaleur qui chassant les ténèbres glacées de la nuit.

Bélial somnolait toujours alors que les troupes de Merona finissaient de préparer le départ de leur convoi. Accoudée à un véhicule, la jeune femme lutait pour garder les yeux ouverts, rêvant éveillée d'un oreiller qui semblait l'appeler.

Une tasse passa juste sous son nez, agressant ses narines par une forte odeur amère qui balaya les songes de la démone déstabilisée. Elle eut un mouvement de recul et foudroya du regard Sieg qui s'amusait de sa réaction en tenant deux tasses.

– Sympa, merci... grommela la démone en se frottant les yeux. J'espère que c'était pas la mienne, parce qu'à l'odeur, ça a l'air imbuvable...

Tu as vraiment des goûts de gamine...

L'écarlate roula les yeux vers le ciel et tendit une tasse vers sa partenaire. Hésitante, elle huma son arôme, bien plus sucrée que la précédente. Une partie de sa frustration dissipée, Bélial prit le breuvage avant d'en avaler une gorgée. Le liquide lui réchauffa le corps pendant qu'elle fixait les plaines dont l'herbe semblait briller comme l'or dans la lumière de l'aube.

– Je me demande vraiment comment tu fais pour boire ça... grommela la barbare en détaillant le bretteur. Ça me donne envie de gerber...

– L'habitude, je suppose... souffla Sieg en portant sa tasse à ses lèvres.

– Mouais... Sinon, tu penses qu'elle mettra du temps à revenir ?

L'écarlate eut aucun mal à comprendre de qui voulait parler Bélial car lui même se posait la question. Comme il l'avait supposé, Lorelya n'était pas revenu cette nuit. Il doutait que c'était à cause d'une attaque dans les rues sombres à une petite heure car les agresseurs seraient les plus à plaindre que la verdoyante s'ils ne possédaient pas le contenu du sac de Farca.

Cependant, ce qui l'inquiétait était plus subtil et insidieux. L'elfe n'avait jamais exploré le monde extérieur avant et sa première nuit dans une ville non-elfique se doublait d'une autre nouveauté d'autant plus intime et importante. Il craignait que quelque chose se soit mal passé mais ne partagea pas ses craintes avec sa partenaire qu'il connaissait trop bien pour la troubler ainsi.

– C'est une femme sérieuse, alors si elle peut l'éviter, elle ne sera pas en retard... répondit Sieg dont les doigts tapotaient sa tasse. Même si elle ne connaît pas la ville, il lui suffit de se servir de la végétation qui nous entoure pour retrouver son chemin. Et pui, tu as bien vu hier soir qu'elle n'a pas besoin de nous pour la protéger.

– Peut-être pas d'une attaque, mais ça veut pas dire qu'elle a pas besoin de quelqu'un...

Oui, je vois ce que tu veux dire...

Le bretteur haussa un sourcil en dévisageant la jeune femme. Quand il l'avait rencontrée des mois plus tôt, il avait pensé qu'elle n'était qu'instinct et aurait du mal à se lier au monde qu'elle découvrait. Même si elle lui avait vite prouvé qu'elle était capable d'empathie, l'écarlate était toujours impressionnée par cette ancienne pilleuse qui faisait passer le bien-être de ses proches avant le sien.

Sieg sourit et donna un coup de coude à sa partenaire qui se retourna vers lui.

– Je suis d'accord. J'espère vraiment qu'elle a passé une bonne nuit...

– Qui n'aurait pas passé une bonne nuit ?

Le duo se retourna pour découvrir Lorelya qui les approchait avec un sourire doux, tenant la main de la brune de la veille. Sieg ne put s'empêcher d'être soulagé de constater que la soirée de sa descendante s'était bien passée mais il était à présent pris d'un horrible doute. L'inconnue sembla lire dans ses pensées et gloussa.

– Oh, ne vous en faîtes pas, je ne suis pas une de ces naïves qui abandonnerait toute sa vie pour un coup d'un soir, je ne suis pas là pour vous supplier de me laisser venir avec vous. J'ai juste l'habitude de venir dire au-revoir aux belles aventurières que je rencontre quand elles doivent reprendre la route. Je suis juste déçue que tu ne restes pas plus longtemps...

– Je suis désolée, Dalia, souffla l'archère en caressant le visage de la femme du bout de ses doigts. Je ne peux pas te dire...

– Oh, ne t'en fais pas, je comprends ! Au moins, cette fois, je n'ai pas l'impression que c'est une façon déguisée de dire c'est pas toi, c'est moi. De toute façon, je sais que je ne dois pas m'attacher pour si peu. Par contre, ça ne veut pas dire que tu n'es pas la bienvenue chez moi si tu devais passer en ville à l'avenir. J'ai pris beaucoup de plaisir à faire ta connaissance...

Dalia jeta un regard en coin à Sieg et fut étonnée par sa réaction. D'ordinaire, quand un homme l'entendait faire allusion à ses relations avec une autre femme, ce dernier était soit embarrassé, soit agacé. L'écarlate, lui, s'était fendu d'un sourire sincère en les regardant avec bienveillance. Ravie de voir que sa nouvelle rencontre voyageait en compagnie de quelqu'un de sa trempe, Dalia serra Lorelya dans ses bras.

– Prends bien soin de toi sur la route... Trop de mes connaissances ne sont jamais revenues...

– Ne t'en fais pas, nous savons nous défendre. J'espère juste que la prochaine que je serais ici, tu seras libre...

– Oh, je ne sais pas... ricana Dalia en reculant. La plupart de mes partenaires aiment rencontrer du monde, ça pourrait promettre une nuit passionnante...

Le regard tourné vers le ciel de l'écarlate amusé rassura de nouveau Dalia qui voyait parfois les aventurières repartir en compagnie d'hommes trop étroits d'esprit et parfois violents. Si le reste de son groupe étaient à son image, elle n'avait pas de souci à se faire.

– J'espère que ça ne vous dérange pas si je reste un moment... J'aime faire signe quand les caravanes s'éloignent.

– Pas le moins du monde, répondit Sieg. Enfin, tant que vous ne restez pas dans le chemin des soldats...

Dalia regarda par dessus son épaule et remarqua, qu'effectivement, elle se tenait dans le chemin de soldats qui la contournaient pour transporter des caisses. Embarrassée, elle s'adossa au chariot en compagnie de Lorelya. À droite de l'elfe, la démone profita de l'ouverture pour passer ses bras autour de son cou et frotter sa joue contre la sienne.

– Alors ? C'était bien ? J'avoue que j'ai jamais fait ça avec une femme alors je vois pas comment...

– On peut éviter d'en parler en public ? paniqua la verdoyante en scrutant la foule d'homme qui pouvait les entendre.

Oui, nous ne sommes plus dans ton village où les gens couchaient à même la rue ou en plein pillage...

– Oh, si tu es curieuse, tu pourras te joindre à nous la prochaine fois... susurra Dalia en caressant le bras musclé de la démone. Qui sait, tu pourrais y prendre goût...

Enfin, Dalia vit les traits de Sieg tressaillir un instant ce qui, en un sens, la rassura. Elle avait comprit que l'écarlate et la démone formaient un couple et s'était demandé à quel point ils étaient proches. Même si elle n'aimait pas les personnes trop possessives, elle estimait qu'un peu de jalousie gardait un couple vivant.

– Oh, ne t'en fait pas, je ne vais pas te la voler ! Enfin, tout dépend de la différence entre nos talents...

– Nan, c'est sympa, mais je passe mon tour ! déclara Bélial en enlaçant le bras de Sieg. Enfin, sauf s'il peut venir aussi.

Dalia soupira en secouant la tête.

– Tu es bien attachée à ton homme à ce que je vois... Veille juste à ne pas en devenir dépendante... Il a peut-être l'air digne de confiance, n'oublie pas qu'ils peuvent tous se changer en monstre dans les pires des conditions.

Malgré un air triste, la barbare sourit à Dalia tendrement.

– Ouais, je sais ça... Mais je sais comment calmer la bête, t'en fais pas...

Dalia haussa un sourcil. À entendre la jeune femme, il était apparent qu'elle avait déjà vu la noirceur qui sommeillait dans son partenaire et l'avait acceptée. Elle espérait juste que la barbare ne sous-estimait pas le danger.

Moins de dix minutes plus tard, après avoir été rejoints par Farca et les autres, Matthias retrouva le groupe et leur annonça qu'ils étaient prêts à partir. Lorelya hésitait quand aux mots d'adieux à offrir à Dalia mais elle lui coupa l'herbe sous le pied en lui embrassant la joue.

– Je n'aime pas les séparations trop émotionnelles, elles me font pleurer comme une madeleine, expliqua la brune aux yeux brillants. Promets moi juste de veiller sur toi et d'éviter les mauvaises rencontres. Enfin, avec tes compagnons pour veiller sur tes arrières, je ne me fais pas trop de souci.

– Seulement si tu fais attention à tes prochains partenaires de boisson... ricana Lorelya.

– Oh, ne t'en fais pas... Je sais comment m'occuper des connards...

Les amantes d'un soir se séparèrent dans la tendresse. Dalia resta un moment sur place pour voir le convoi disparaître. Une fois ce dernier hors de vue, elle retourna en ville et rentra chez elle. Elle ignorait pourquoi, mais elle avait le pressentiment qu'elle n'avait pas de souci à se faire.

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