Chapitre 57 : Un vrai cirque
Après avoir discuté de leur prochaine étape, ils s'étaient tous mis d'accord pour continuer de suivre les troupes de Merona jusqu'à la capitale. Une fois sur place, Lorelya déciderait si elle suivrait le reste du groupe jusqu'à Danatal ou si elle suivrait sa propre voie.
La caravane ne suivit pas exactement le même parcours qu'à l'aller. Un détour qui coûterait un jour de voyage fut choisi pour qu'ils puissent faire une halte à Cromar, une des plus grandes villes qui ponctuaient les plaines de Zirconia. Matthias avait hésité à accepter la demande de Sieg, jugeant que le temps était compté, mais le bretteur avait su se montrer convaincant.
En milieu d'après-midi du deuxième jour, la troupe pénétra l'enceinte de la ville fortifiée pour profiter d'un temps de repos bien mérité avant de reprendre la route en direction de nouveaux périls.
La verdoyante hésita avant de descendre de sa voiture, n'osant pas admettre qu'elle était intimidée de mettre les pieds dans une ville avec si peu d'elfes et autant d'humains. Ayant vu qu'elle avait du mal à se décider, Bélial offrit sa main à l'archère qui la fixa avant d'accepter l'aide.
Lorelya regarda la grande avenue où déambulaient des douzaines de badauds, tantôt les bras chargé de sacs ou de marchandises, tantôt en compagnie de leurs familles ou leurs amis. Elle avait redouté de se faire agresser en mettant les pieds dans une cité principalement humaine, le sort que les étrangers auraient subis s'ils avaient pénétré son village, mais nul garde vint la mettre à genoux et personne la huait. Cependant, plusieurs regards inquisiteurs se posaient sur elle.
– Je comprends de plus en plus pourquoi tu mettais une cagoule... grogna Farca en faisant les gros yeux aux passants qui dévisageant l'elfe. Ouais, elle est verte, et alors ? Les bonnes-manières, c'est pas pour les orques !
– C'était une mauvaise idée... souffla Lorelya en tirant sur sa manche pour couvrir un peu plus sa main. Je n'étais déjà pas acceptée chez moi, alors ici... Ahmès, peux-tu...
– Pas question ! intervint Bélial avec férocité. C'est ta première visite d'une ville humaine, t'as pas à te cacher ! Tu devrais pouvoir en profiter sans cacher qui t'es !
– Je partage ton sentiment et j'aimerais que ce soit aussi simple... essaya de la calmer Sieg.
La barbare fronça les sourcils avant de se fendre d'un sourire inquiétant. Elle porta sa main à son collier et l'arracha d'un geste vif. Si les passants étaient simplement curieux en détaillant Lorelya, plusieurs cris de panique résonnèrent quand une démone se matérialisa en pleine ville.
– Bah quoi, qu'est-ce qu'il-y a ? demanda la brute en écartant les bras et grimaçant. C'est moins marrant quand c'est moi, hein ?
Heu, Bel...
Inquiète, Lorelya s'apprêta à dire à la jeune femme de masquer sa vraie apparence de nouveau quand elle entendit grogner derrière elle. Elle se retourna pour fixer avec horreur le cadavre défraîchi couvert de bandages qui s'étirait.
– De temps-en-temps ça fait du bien de se laisser aller...
La verdoyante se demanda si ses compagnons avaient perdu la raison. Qu'elle doive exposer sa vraie nature en publique leur causerait assez de problèmes comme ça, mais si les autres s'y mettaient aussi...
Deux gardes approchèrent du groupe, main sur leurs pommeaux. L'escorte d'Hydralia s'interposa mais Sieg se racla la gorge et parla plus fort qu'il en aurait besoin.
– Très bon choix, vos déguisements sont incroyablement réussis ! Je viens de décider, je me sens d'humeur féline ! Ahmès, si tu veux bien...
Le musicien mit une seconde à comprendre et ricana. Il joua un accord de son luth et une illusion recouvrit l'écarlate. Sa peau laissa place à une fourrure rousse et ses pupilles se fendirent. Le bretteur retira son chapeau, dévoilant deux oreilles de chat pendant qu'une longue queue fouettait l'air. La mise en scène interpella la foule, les menant à penser que, plutôt qu'une invasion de monstres, ils assistaient à une démonstration de magie d'illusion. Certains enfants se prirent au jeu et applaudirent, calmant en partie les esprits des adultes.
Voyant que son idée fonctionnait, Sieg donna un coup de coude à Farca qui lui lança un regard noir en comprenant qu'elle aussi devait se donner en spectacle.
– Allons, les autres ont déjà décidé comment ils allaient éblouir la foule pour la journée ! Ne me dis pas que tu hésites encore !
L'alchimiste serra les dents, tentée de tirer la queue de l'écarlate même si elle savait que ça ne servirait à rien. Elle se résigna cependant quand elle vit Lorelya se détendre à mesure que l'on s'intéressait de moins en moins à elle.
– OK... Bah... Vu ma taille...
Ahmès haussa un sourcil en constatant que la naine n'osait pas finir sa phrase. Il réalisa vite pourquoi elle n'arrivait pas à sortir des mots qui étaient forcément liés à un trauma passé. Le musicien gratta les cordes de son instrument et une épaisse barbe orna le bas du visage de Farca. Elle la fixa avec effarement sans pouvoir la toucher et leva la tête vers le défunt qui lui fit un clin d'œil.
– Calcul En Cours...
Cinq regards ahuris fixèrent le gardien qui se prenait lui aussi au jeu, n'ayant pas deviné qu'il se prêterait à un jeu basé sur l'imagination. Adam réfléchit une dizaine de secondes avant de donner sa réponse.
– Cot Cot Cot...
Je crois qu'on vient de toucher le fonds...
La scène fut si absurde que plusieurs membres du groupe se retinrent à peine de rire. Ahmès se concentra autant que possible en déployant une nouvelle illusion. Un plumage blanc cacha l'armure du gardien dont le casque devint une tête de gallinacé aux larges yeux globuleux. Ses bras se muèrent en ailes et ses pieds devinrent des pattes. L'équipe céda et éclatèrent de rire face à ce résultat si parfais.
– Question : Est-Ce Que Ça me va bien ?
– C'est impeccable ! s'étrangla Sieg en essuyant une larme.
L'épéiste se ressaisit et croisa le regard des gardes qui se montraient de moins en moins hostiles. Il fit une révérence vers eux avant de remettre son chapeau.
– Oui, nous sommes excentriques. Cela vous pose-t-il un problème, messieurs les gardes ?
Les forces de l'ordre répondirent par la négative. Bélial se glissa derrière son partenaire et croisa ses bras autour de son torse avant de lui souffler dans l'oreille.
– Tu sais que t'es adorable comme ça ? Tu veux pas garder cette apparence pour ce soir ?
Heureux que l'illusion masquait son visage rougi, le bretteur se tourna vers Ahmès qui leva un pouce osseux.
– Le sort que je viens de vous lancer durera au moins douze heures, même si vous vous éloignez de moi. Vous êtes libres de vous faire plaisir mes mignons !
Après avoir cherché ses mots, Lorelya trouva enfin quoi dire à ses compagnons qui avaient trouvé une solution aussi créative pour qu'elle ne devienne pas une bête de foire aux yeux de tous.
– Vous êtes vraiment tous barjots... soupira l'archère en souriant.
Ce n'est que maintenant que tu t'en rends compte ?
– Et tu n'as encore rien vu ! s'exclama Farca en lui prenant la main pour l'entraîner plus loin. Aller, pas mal de travail nous attend !
– Travail ? s'inquiéta la verdoyante en se laissant guider. Mais de quoi tu parles ?
– Ce que ça veut dire, enchaîna Sieg en posant sa main sur l'épaule de sa descendante, c'est que même si ça ne nous dérange pas de te prêter des vêtements, j'imagine que tu aimerais avoir les tiens ! Sauf si tu as envie de porter de nouveaux des haillons...
– Non, je les ai déjà jeté au feu... avoua la verdoyante qui comprenait enfin pourquoi ils faisaient une halte dans cette ville. Par contre, je n'ai pas d'argent...
– Oh, ne t'en fais pas pour ça ! la rassura Ahmés. Vois ça comme un cadeau de bienvenue parmi nous !
– On vous fait confiance pour la bouffe ! déclara Bélial en faisant signe à Matthias et ses hommes. Nous, on ne va pas avoir le temps !
Le soldat se retint de commenter qu'ils n'étaient pas leurs bonniches, ayant de toute façon prévu de se charger du ravitaillement.
– Bon, vous les avez entendus... annonça-t-il à ses troupes. Vu qu'ils n'ont clairement pas besoin de notre protection, ils n'ont pas besoin que l'on garde un œil sur eux.
Ayant quartier libre pour le reste de la journée, les six compagnons se dirigèrent vers la boutique de vêtement la plus proche et l'écumèrent à la recherche d'une nouvelle garde-robe pour leur nouvelle recrue. Lorelya déclina plusieurs propositions avant se diriger vers les cabines d'essayage avec plusieurs vêtements. Elle leur présenta plusieurs ensembles qui les surprirent par leur élégance. Cependant, à la troisième tenue, Farca ne put s'empêcher de constater quelque chose.
– C'est moi, où tu n'as pas pris de robes ou de jupes avec toi ?
L'archère évita de croiser les yeux de son public en affirmant qu'elle avait abandonné sa féminité depuis bien longtemps et qu'elle n'avait besoin que de vêtements fonctionnels dans lesquels elle pourrait se battre. Les organiques qui l'écoutaient se regardèrent avec un air entendu.
– Bah là, t'es plus la protectrice de ton village ! rappela Bélial en poussant Lorelya dans la cabine avant de refermer le rideau derrière en la suivant. Même moi, je commence à m'habituer à mettre des robes ! Les gars, je compte sur vous !
– Tu veux qu'on te trouves quelque chose au passage ? demanda Ahmès dont les yeux balayaient les rayons.
– Si tu trouves un truc qui fera saliver Sieg, je suis preneuse !
L'écarlate toussa, cherchant à son tour des robes qui iraient aux deux demoiselles. Adam interpella Farca en désignant un mannequin.
– Question : Ne veux-Tu pas Aussi Essayer une nouvelle robe ?
– Hein ? paniqua l'alchimiste comme si on venait de lui demander de danser une gigue sur un tonneau renversé. Mais... Mais non, je n'en ai pas...
La naine sentit qu'on lui tirait le col de sa chemise. Horrifiée, elle regarda par dessus son épaule pour voir la moitié du visage de Bélial qui dépassait de derrière le rideau.
– C'est vrai qu'on a failli t'oublier, toi...
Farca fut tirée dans la cabine d'essayage sans pouvoir résister. Les trois derniers membres du groupe fixèrent le rideau alors que des cris étouffés en émergeaient.
– Non, c'est bon, j'ai dis que... Hé, mais tu me touche où, là ?
– Peut-être qu'être à trois n'est pas...
– Je vous connais, si je ne vous tient pas à l'œil, vous allez essayer de filer ! Bon, vous trouvez quelque chose vous autres ?
Dire que la première fois que tu as visité une boutique, c'était toi qu'on ne pouvait pas garder sous contrôle...
Sieg et Ahmès échangèrent un regard avant de lever la tête vers les yeux globuleux de l'illusion d'Adam.
– Comment en sommes-nous arrivés là, déjà ? demanda l'écarlate en fronçant les sourcils.
– Je crois que tu voulais que Lorelya puisse profiter d'une journée normale pour se changer les idées... répondit le musicien en touchant le pan d'une robe.
– Affirmatif ! Pardon, Cot Cot !
– Ah oui, normale... Où avais-je la tête, c'était si évident...
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