Chapitre 52 : Le prix d'un désastre

Lorelya redouta le pire en arrivant dans le village. Où qu'elle posait le regard, elle voyait des cadavres, beaucoup provenant de son clan. Bélial se sentit nauséeuse en suivant la verdoyante vers le palais, le cœur déchiré par des souvenirs qui la blessait comme des lames acérées.

L'archère s'étrangla en apercevant le palais. Elle avait senti la vie quitter les trois arbres qui le composaient, mais les voir morts, leur écorce fissurée et leurs branches desséchées, la pleine réalité de la calamité la frappa. Sylvéria venait de perdre le symbole de leur puissance et ils ne pourraient jamais la récupérer. Même Lorelya, avec sa connexion avec la nature, ne pourrait jamais redonner vie aux trois arbres primordiaux, ou même en faire pousser de semblables.

Des cadavres sylvestres sortit un groupe qui termina d'achever les espoirs de la verdoyante. En tête du groupe, Sieg traînait avec lui Isya, ligotée et en larmes. La fière guerrière avait était vaincue et son sort semblait certain après une telle trahison.

Derrière eux avançait des dizaines d'elfes, soldats et nobles confondus, qui maintenaient en respect des prisonniers. Si les humains parmi ces derniers ne cachaient pas leur rage, les soldats elfiques, manipulés contre leur gré par Isya, étaient encore sous le choc des révélations que l'on venait de leur faire. Même s'ils n'étaient pas conscients de leurs actes, ils avaient participé à un crime sans précédent, jetant une ombre funeste sur leurs avenirs.

Bélial dépassa Lorelya qui avait comme pris racine et s'empressa de rejoindre son partenaire. Son expression lugubre ne put que confirmer les craintes de la jeune femme qui découvrait que seule la défaite récompensait leurs efforts, encore une fois. La démone s'arrêta devant le bretteur qui baissa les yeux.

– Il nous a eu... souffla l'écarlate. Depuis le début, ses troupes, le Néfaste... Tout ça pour nous éloigner du palais, du cœur des arbres primordiaux... Tout étais si...

La démone enlaça le bretteur et posa son menton sur l'arrière de son crane.

– T'as pas à te blâmer... C'est pas parce que c'est ton frère que tu peux lire dans ses pensées. Il a peut-être réussi à nous échapper, on sait où il va maintenant. Tout ce qu'on a à faire, c'est l'arrêter à Danatal. Pour le moment, on peut être fiers qu'il y pas eu autant de morts qu'à Taouy.

Lâchant Isya, Sieg serra Bélial dans ses bras, cherchant à la consoler autant qu'elle le faisait pour lui. Il ne pouvait qu'imaginer le déchirement que c'était pour elle de voir un autre peuple souffrir comme le sien.

– Bordel, ne me dîtes pas qu'on a encore foiré !

Avec sa légendaire délicatesse, Farca signala son arrivée en compagnie d'Adam. Tous deux fixaient avec appréhension ce qui restait du palais, sans pour autant saisir la cause de son déclin.

– Au moins, nous sommes entiers... soupira Ahmés.

– Affirmatif ! déclara le gardien en tendant son bras, pouce levé.

Son corps grinça de façon inquiétante. Après un craquement bruyant, tous les regards suivirent le bras qui s'écrasa au sol. Adam regarda tout à tour son membre au sol et la foule sidérée.

– Rectification ! Nous Ne Sommes Pas Tous Entiers.

– Heu... bafouilla Sieg avec des yeux sphériques. Ça va aller ?

– Affirmatif ! le rassura Adam en ramassant son bras. D'Après Mes Calculs, Il Me Faudra Sept Heures Et Trente Neuf Minutes D'Immobilité Pour Que Mon Bras Se Ressoude Correctement.

Diantre, que ça doit être pratique d'être lui...

– Tu n'es pas le seul qui a besoin de repos... soupira l'alchimiste en s'asseyant par terre. Défaite ou non, nous sommes tous sur les rotules...

– J'avoue que ton plan m'a épuisée... avoua Bélial avant de se mettre à bouder. Le pire, c'est que je n'ai même pas pu participer à la baston...

Sieg roula les yeux au ciel avant de lui rappeler qu'elle avait aidé à l'extermination d'une arme que l'on avait toujours crue invincible, un exploit jamais envisagé. Cette idée plut à la barbare.

La démone regarda Sieg droit dans les yeux avant de froncer les sourcils.

– Je sais que je loupe facilement des trucs, mais j'étais assez sûre que tes yeux étaient bleus la dernière fois qu'on s'est vus...

Ah oui, bien sur ! Je savais qu'un truc me dérangeait, je ne savais juste pas quoi...

– Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

– Ah ouais, quand même ! s'exclama Farca en voyant les pupilles de l'écarlate. Attends, Je te montre ça...

L'alchimiste sortit un miroir de son sac et le tendit au bretteur qui blêmit en voyant son reflet.

– Oh splendide... gémit-il. Un effet secondaire à l'éveil des pouvoirs de Venwë Fëa, j'imagine...

– Tu as pu te lier à elle ? s'étonna Larya en fixant l'épée dans son fourreau.

– Oui, et sans ça, j'avoue que je n'aurais...

– Assez ! explosa un des princes. Vous vous perdez en platitudes et analyses futiles, mais vous semblez tous oublier la situation ! Le palais n'est plus et la moitié de la famille royale a été décimée ! L'heure n'est pas aux petites réjouissances ! Les traîtres doivent être punis !

Larya dévisagea son fils mais elle n'avait pas la force de le contredire. Pire, il comprenait son point de vue et se doutait qu'il était partagé par tous. Une vague de mécontentement s'éleva de la foule dont l'humeur était plus sombre. La violence brillait dans leurs regards et se posaient naturellement sur Isya, mais aussi sur Bélial et ses compagnons.

– Rien de tout ceci serait arrivé sans vous !

– Si vous ne nous aviez pas prévenus, nous n'aurions pas envoyé toutes nos troupes au front quand l'ennemi aurait attaqué ! Nous aurions eu assez de soldats dans le palais pour le protéger !

– Ils doivent être de mèche avec la traîtresse! Ça ne fait aucun doute !

– Nous devrions tous les arrêter ! Surtout Lorelya !

Bien qu'habituée à être vue comme un monstre par les elfes, l'archère tressaillit en entendant les accusations à son encontre. Elle avait aidé à sauver la forêt, mais on trouvait encore des excuses pour la blâmer des malheurs des autres ?

– Vous allez vous calmer, bande de débiles ? rugit Bélial en levant son poing. Si on voulait que Saga gagne, on avait pas besoin de se taper tout le chemin jusqu'ici ! Et Lorelya a tout donné pour vous sauver, vous pouvez pas...

– C'est la fille d'une traîtresse ! cria quelqu'un. Elle ne pouvait pas ignorer ce que sa mère préparait, elle est forcément impliquée !

– Nous n'avons qu'à l'interroger, la vérité finira bien par éclater !

Sieg tenta de calmer sa partenaire qui grognait, résistant à la tentation de poser sa main sur le pommeau de son arme. Le vent tournait contre eux alors qu'ils n'étaient plus en état de se battre. Provoquer la foule avec des actes inconsidérés ne leur apporterait rien de bon.

– Silence ! ordonna Larya en se ressaisissant. Les crimes d'Isya sont indéniables et impardonnables, c'est un fait ! Elle sera sanctionnée pour eux, et croyez moi, son lien avec la famille royale n'atténuera pas sa peine ! Cependant, nous ne devons pas perdre de vue qui a versé leur sang pour nous ! Les humais ici présents se sont battus pour notre survie, alors à moins que vous ayez des preuves tangi...

– Ils sont humains, comme vous le dîtes !

Les mots de la reine furent étouffés sous les hurlements de la foule qui se refusait à l'écouter. Certains s'armaient déjà et s'avançaient vers le groupe qui maudissait leur déveine habituelle.

– Ils plaisantent, j'espère... murmura Ahmés en levant les mains. Juste parce que nous ne sommes pas des elfes, ils ne nous donnent même pas la chance de nous défendre ?

– J'aimerais être aussi étonnée que toi, mais... souffla Lorelya.

Ces fanatiques ne vont plus donner d'autres option que le combat si ça continue...

Un rire tonitruant résonna dans le village, couvrant le vacarme de la foule qui se tut. Devenue le centre de l'attention, Isya adressa un regard orgueilleux à une assemblée qui la méprisait.

– Et vous vous étonnez que j'ai décidé de prendre le pouvoir ? Quel respect pourrais-je jamais avoir pour un peuple d'ignorant aussi haïssables que haineux ? Vous rabaissez sans réfléchir ce qui est différent, tout simplement parce que c'est ce que tout le monde fait et que c'est plus facile que de réfléchir par soit même ! Vos esprits se sont ramollis à force de répéter les mêmes rengaines, de suivre un mouvement ancestral qui ne va nul part ! Un village de tels attardés n'est bon qu'à une seule chose !

En voyant la lueur verte dans les yeux d'Isya, Sieg bondit vers elle, mais elle avait profité de la confusion pour s'éloigner de lui.

– Obéissez-moi, bande de larves ! Tuez la reine et ses alliés !

Les yeux de presque toute la foule virèrent au vert. Des membres de la famille royale se jetèrent sur la reine qui recula. Adam les bloqua deux secondes avec son bouclier avant de se retrouver à court d'énergie. Le gardien profita de ce court répit pour rejoindre Larya et la hisser sur son épaule.

Farca plongea ses mains dans son sac pour en sortir une bombe soporifique, mais elle fut agrippée de toutes part et immobilisée. Voyant la sang-mêlée en danger, la démone se porta à son secours, tentant de la libérer avant qu'elle ne soit blessée.

Et moi qui pensait qu'ils ne réfléchissaient pas avant...

À court de mana, Ahmés ne put que subir les assauts des elfes. Il décida cependant de se placer entre les agresseurs et Lorelya, la couvrant avec son corps qu'ils ne pouvaient pas abîmer de façon permanente.

L'écarlate avait beau voir les attaques de ses ennemis venir, ils étaient trop nombreux pour qu'il puisse toutes les éviter. Le bretteur n'osa pas faire appel à son épée, rechignant à taillader des personnes qui ne pouvaient pas répondre de leurs actes.

– Soyez tous maudits ! Tous ! Larya, Saga, Rotsala... Vous vous êtes tous joué de moi, mais c'est terminé! Je n'ai besoin de l'aide de personne pour régner sur le clan ! Non, sur tout les elfes ! Je vais dresser une armée avec le peuple tout entier ! Hommes, femmes, enfants et vieillards ! Je vais faire payer à ce monde pourri jusqu'à la moelle pour toutes ses injus...

Isya s'arrêta soudainement. Les pantins furent libérés, laissant une foule perdue se demander ce qu'ils étaient en train de faire. Ceux qui n'avaient pas été manipulés ne comprirent pas pourquoi l'assaut avait pris fin sans prévenir.

Isya cracha du sang et observa avec terreur la branche d'arbre qui venait de pousser sous elle et lui transpercer la poitrine, perforant son cœur. Ses yeux remontèrent jusqu'à sa fille qui tremblait, le bras toujours étiré vers elle.

– Tout ça... toussa Isya. Pour... Toi...

La tête de l'elfe tomba en avant. Son corps se retrouva suspendu sur la branche, ses jambes ayant perdu toutes ses forces.

Lorelya déchira son masque et se rua sur le cadavre de sa mère. Elle le serra contre elle en tombant à genoux, pleurant des fleuves de larmes.

– Pourquoi ? Je ne vous ai jamais demandé de faire ça ! Je ne voulais pas du trône ! Je voulais juste... Juste... Que vous m'aimiez... Parce que personne d'autre le faisait...

La verdoyante hurla toute la détresse de son âme, un cri qui incarnait l'amour qu'elle portait pour celle qui ne lui avait offert que souffrance.

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