Chapitre 5 : Macabres fouilles
Alors que la nuit recouvrait Syndras, la berçant dans un déluge nocturne, le soleil étincelait haut dans le ciel de Krytoria. Ses rayons réchauffaient la terre et gorgeaient d'énergie les plantes qui s'étendaient à perte de vue dans ses plaines.
Au sud du pays, en plein cœur de la chaîne de montagne d'Arkoran, un large campement était dressé près une large ouverture dans la falaise. Des dizaines de tentes, dansant dans le vent, formaient un petit village où de nombreux ouvriers vivaient et travaillaient. Ils travaillaient jour et nuit, le campement ayant été divisé en un équipe diurne, à l'ouest, et nocturne, à l'est. Au centre se dressaient les trois plus grandes tentes : celle qui servait de réserve, l'armurerie et les accommodations du responsable de cette entreprise.
De cette dernière tente émergea péniblement un homme de grande taille. Il avait la peau sombre qui se mariait à ses longs cheveux bruns qu'il avait noué dans une natte qui lui tombé juste sous les épaules.
Il grimaça en portant sa main sur les bandages qui recouvraient sa joue gauche. Il savait qu'il garderait une cicatrice, même avec les meilleurs soins magiques. Il avait lui même utilisé ses propres pouvoirs de régénération pour accélérer la guérison, mais c'était comme si quelque chose dans sa plaie résistait aux tentatives de réparer les dégâts subis. La blessure n'empirerais pas seule, mais même les meilleurs traitements ne pourrait pas rendre à cet homme son visage d'origine. Il se consola en se disant que sa barbe finirait par recouvrir la cicatrice quand elle se remettrait à pousser. Pour le moment, il se contenterait du bandage.
Il avança d'une démarche sauvage vers le site d'exploration, une ouverture se formant dans la foule à son passage. Ses subordonnés avaient appris à le craindre et le respecter, ayant vite réalisé qu'il n'était pas aviser de se faire un ennemi de leur employeur. Comme toujours, il portait des vêtements de soie richement brodés qui prouvait qu'il disposait d'importants moyens, mais il avait aussi une carrure plus imposante que même le plus robuste des travailleurs. Quand ils le voyaient, ses hommes se persuadaient que s'il voulait faire payer à quelqu'un un outrage, son seul problème serait d'avoir à choisir entre utiliser sa richesse ou ses poings ornés de bagues.
Le colosse arriva à un regroupement de personnes plus dense. Un périmètre de sécurité s'était formé autour de l'entrée de la caverne où les ouvriers travaillaient normalement, mais plus maintenant. Depuis un accident de la veille qui avait coûté la vie d'une douzaines d'hommes et blessé le triple cela à divers degrés, les recherches avaient été mis en pause par sécurité.
Plus personne n'avait approché de la grotte et on en surveillait sans relâche l'entrée, redoutant que quelque chose décide d'en sortir.
– Rien à signaler ? demanda le responsable sans un bonjour.
– Absolument rien... lui répondit un nain qui n'avait pas une seule seconde délaissé sa hache depuis la veille. J'ai l'impression que tant que personne n'entre, il se tient tranquille...
– C'est déjà ça, mais ça n'arrange pas nos histoires... grommela le chef. Je sens que ce que veut vraiment l'autre est dans cette salle qu'on a ouvert hier, mais avec cette chose qui rode, ça ne va pas être de la tarte de vérifier...
C'est moi, l'autre ?
Alors que ses hommes regardaient autour d'eux en paniquant, leur employeur se contenta de soupirer et leva les yeux ciel.
– Qui d'autre ? Ramène toi qu'on discute, parce que tes petits tours ne m'impressionnent plus depuis un moment !
Un rire sinistre résonna dans les montagnes, tel le ricanement d'une antique déité qui se jouerait de mortels qui auraient osé pénétrer son territoire. Un cercle ésotérique se matérialisa dans le périmètre de sécurité, dégageant de puissantes ondes magiques que même les non initiés pouvaient ressentir. Un homme se dessina lentement au centre du phénomène magique, révélant un homme en tenue de mage aux courts cheveux blonds. Deux yeux d'azur brillaient derrière une paire de lunettes, scrutant la foule et se délectant de leur peur et crainte. Avec un sourire moqueur, le mage fit quelques pas en direction du responsable des lieux qui le fixait orgueilleusement en croisant les bras.
– Tu n'es plus drôle, Tyrian ! s'exclama le mage en écartant les bras. Tu étais plus divertissant quand on s'est rencontré ! J'en viendrais presque à regretter de t'avoir aussi bien instruit !
– Ouais, ouais, je sais, je suis une grande déception, Saga... marmonna Tyrian en roulant des yeux. Par contre, quand j'ai demandé l'aide d'un spécialiste, je ne m'attendais pas à ce que tu viennes en personne...
– Je voulais de toute façon te parler... soupira le mage en se tournant vers la grotte. Alors, c'est là que se cache notre monstre ?
– C'est comme ça que mes hommes l'appellent, mais moi, je ne sais pas trop ce que c'est... Même avec les torches, on arrive pas à le discerner... Il sait trouver les ombres où se cacher et attendre une ouverture pour nous tailler en pièces...
– Tailler ? demanda le Saga en haussant un sourcil. Avec quoi ?
– J'aimerais bien le savoir... On le voit à peine assez pour ne remarquer que des détails... Mais ce qui m'inquiète, c'est qu'en plus d'être rapide et discret, il est grand... Autant que moi, et ça ne me rassure pas... Je me dis que s'il décide d'arrêter de nous tourner autour et juste se jeter sur nous...
– Il pourrait faire bien plus de victime... résuma l'arcaniste en affichant une expression de curiosité. Tu n'as rien vu d'autre.
– Si, il porte une armure. Je ne peux pas en dire plus, il bougeait trop vite. J'ai ordonné l'évacuation du site pour éviter de perdre plus de gars...
Saga examina Tyrian d'un œil critique. Quand il l'avait rencontré trois mois plus tôt, ce n'était qu'un démon vivant dans un village isolé de barbares. Il était incultivé et rustre, mais le mage avait su lire en lui une ambition sans fin et une rage qui pourrait consumer le monde. Saga avait alors décidé de modeler la brute en un outil utile, et jusqu'à présent, il n'avait pas à s'en plaindre. Grâce à un sort de transfert de connaissances et une bague qui camouflait sa véritable apparence démoniaque, Tyrian passait pour un riche noble charismatique, bien qu'un peu sauvage.
L'arcaniste lui avait donné la responsabilité de ces fouilles, non pas pour le tester, mais pour le former. Le barbare avait des rêves de grandeur et de conquêtes, mais il lui manquait bien des qualités pour un meneur d'hommes. En le mettant à ce poste, le démon avait dû apprendre à gérer une équipe pour atteindre ses objectifs, et les résultats dépassaient les attentes du mage.
Quand celui-ci avait dis qu'il voulait des résultats probants aussi vite que possible, il avait d'abord cru que la brute tuerait ses hommes à la tâche, les forçant à travailler sans relâche. Cela n'aurait pas énervé Saga, car cette expérience devait former un futur meneur et il savait où trouver de la main-d'œuvre, mais il fut forcé de revoir son jugement sur le démon.
Tyrian avait certes ordonné à ce que le travaille ne prenne jamais fin, il avait ménagé ses hommes, divisant ses forces en deux pour qu'elles puisent travailler sans s'arrêter. Il veillait même à la sécurité des ouvriers, ce qui avait intrigué l'arcaniste. Saga était troublé de découvrir l'homme qui avait massacré son propre clan pour plus de puissance prenait autant soin d'humains qu'il méprisait et d'autres races pour lesquels il n'avait pas plus d'estime.
Les doutes du mages s'étaient cependant bien vite envolés quand il avait conversé avec le barbare à ce sujet. La seule réponse de Tyrian ne l'avait pas seulement rassuré, mais aussi remplit d'une grande joie.
« Un bon guerrier doit prendre soin de ses armes. Sinon, quand elles lui servent plus à rien, il doit les jeter et en chercher d'autres, et ça, c'est chiant et une belle perte de temps ! »
Ce que le mage avait pris pour du respect et de l'attachement s'avérait finalement être une vision objective et réaliste qui amenait le démon à voir ses employés comme des outils à utiliser efficacement et à ne pas briser sans raison. Saga n'aurait jamais cru obtenir un aussi splendide résultat.
– Et tes pouvoirs ? demanda l'arcaniste. Comment ont-ils réagi à cette chose ?
Tyrian haussa les épaules avant de présenter ses bandages.
– Je ne sais pas s'ils seront efficaces contre lui, je n'ai pas pu le toucher... Par contre, ses lames ont tranché sans mal mon énergie obscure, alors un conseil, si tu vas là-dedans, fais gaffe à ton cul !
Saga ricana en marchant vers la grotte, sans pour autant ignorer l'avertissement. Il savait que le pouvoir du démon pouvait prendre la forme d'une armure qui pouvait résister à ses sorts. Après tout, il en avait fait l'expérience récemment en combat réel.
– Au fait, tu te souviens de ta petite copine ? s'écria Saga sans se retourner, caressant sa poitrine qui ne cessait pas de lui faire souffrir. Au final, j'aurais vraiment dû la tuer quand j'en avais la chance... Elle commence vraiment à devenir embêtante...
– Quoi, Bélial ? s'étonna Tyrian en écarquillant les yeux. Mais qu'est-ce que tu...
– On en reparle quand je reviens... le coupa Saga en levant un bras. J'ai déjà une petite idée pour nous en débarrasser !
L'arcaniste s'enfonça dans l'obscurité et se lança un sort de nyctalopie. Il arpenta une galerie de trente mètres avant d'arriver dans des ruines à l'abandon. Des colonnes de pierre en mauvais état supportaient un plafond lézardé de failles. La pièce où il se trouvait avait quatre ouvertures, dont celle qu'il venait d'emprunter, et toutes semblaient aussi vide que la salle. Pas une seule décoration était visible, laissant présager que les informations qui pourraient l'intéresser seraient plus loin.
Un mouvement furtif attira l'attention de Saga. Du coin de l'œil, il vu quelque chose quitter l'abri d'une colonne pour se faufiler dans son angle mort. Avec un sourire, il érigea une barrière invisible supplémentaire derrière lui. Il fit semblant de n'avoir rien remarqué et s'avança vers le couloir d'en face.
Il sentit une présence juste avant que la première barrière ne soit déchirée. Saga se téléporta quelques mètres devant lui, évitant de peu coup qui lui aurait détruit la tête. L'arcaniste se retourna rapidement, lui permettant de regarder son assaillant. Il était plus mince que ce qu'il avait prévu, mais sa taille et son armure correspondait à ses attentes. L'agresseur ne perdit pas une seule seconde à hésiter et se rua vers Saga. Le mage vit une lueur mauve entourer ses bras, comme si de la magie décrivait le contour de ses mains. Le guerrier frappa devant lui en se servant du tranchant de sa main et découpa sans mal une nouvelle barrière de Saga.
L'arcaniste créa des chaînes qui sortirent du sol et s'enroulèrent autour de son adversaire. De nouvelles lignes apparurent le long du corps du combattant et ses liens furent sectionnés là où ils croisaient les traces magiques.
Comprenant le secret de son ennemi, Saga prit son envol et flotta hors de porté des lames du guerrier. Cependant, au lieu de préparer un nouveau sort, il tendit les bras devant lui en agitant les mains.
– Houlà, du calme ! Avant que tu n'essayes de me sauter dessus ou de me jeter des pierres au visage, je voudrais parler ! Tu peux parler, au moins ? ... Tu comprend ce que je dis, ou je perd mon temps ?
L'armure fixa Saga un instant avant de hocher la tête.
– Parfait ! Alors, je t'expliques : mes hommes ne te voulaient aucun mal, ils ne savaient pas que tu serais là ! Je leur avais demandé de fouiller l'ancien laboratoire d'un génie pour en percer les secrets ! J'imagine que tu es une de ses œuvres...
Un nouveau hochement de tête.
– C'est ce que je me disais... Dis-moi, combien de temps crois-tu s'est écoulé depuis que tu as été enfermé ici ? Parce que la réponse est presque quatre millénaires ! Pour faire simple, ton créateur est déjà devenu de la poussière depuis bien longtemps..
Le guerrier pencha la tête sur le côté, réfléchissant à ce que lui disait le mage.
– Je pense que je ne m'avance pas trop en affirmant que tes ordres ne sont alors plus d'actualité... Et c'est pourquoi je voudrais te proposer un petit marché...
Silence.
– Vois-tu, enchaîna Saga, je sais que ton créateur a plusieurs laboratoires dans ce genre... Je cherche le savoir qui s'y cache, et je pense pouvoir percer le secret de ses recherches.
L'arcaniste eut du mal à contenir son rire en sentant un léger changement dans l'attitude de son interlocuteur.
– Oui, j'imagine que tu dois être curieux de savoir pourquoi tu as été créé... Sauf si tu le sais déjà...
Le guerrier secoua la tête.
– Mais tu veux le savoir.
Il hocha la tête.
– Mais rien de ce que tu as trouvé ici t'y a aidé... Moi, par contre, je te promets de trouver des réponses... Tout ce que je demande en retour, c'est que tu tues quelqu'un pour moi...
Après un instant d'immobilité, le guerrier marcha vers Saga qui redescendit au sol. Les deux entités se dévisagèrent, jaugeant les réactions de l'autre.
– Alors, le marché te plaît-il ?
– Affirmatif !
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