Chapitre 49 : Couper la mauvaise herbe
Les esprits s'échauffaient dans le palais à mesure que les combats progressaient. Les rapports des messagers indiquaient que l'avancée des troupes ennemies avaient été ralenties, mais leurs renforts continuaient d'affluer. Quand à l'avancée du Néfaste, elle semblait aussi implacable qu'une avalanche, déferlant sur la forêt en dévastant tout sur son passage.
La cour était divisée entre ceux qui voulaient continuer de suivre le plan mis en place et ceux qui voulaient changer de stratégie. Ces derniers parlaient notamment d'envoyer des esclaves contre le Néfaste pour ralentir sa progression.
– Le sort de simples humains est dérisoire face à l'avenir de notre peuple ! martela un des princes. Ce n'est pas comme s'ils seront durs à remplacer ! Entre nos potentiels prisonniers de guerre et les soldats envoyé par Menora, même en sacrifiant tous nos esclaves actuels, nous en aurons facilement le triple à exploiter avant la fin de la journée !
– Je partage ton sentiment, mais ça resterait du gâchis... tenta de le raisonner son père. Contrairement à toi et tes frères et sœurs, ta mère et moi avons vu de nos propres yeux ce dont est capable la calamité qui approche. Nos troupes d'élite seraient décimées bien avant d'approcher cette horreur et pourraient au mieux salir ses pattes si elle leur marche dessus. Aussi dérisoires soient-elles, sacrifier des ressources ici ne nous apportera rien.
– Et malgré ça, vous persistez à croire que Lorelya et une démone pourront nous sauver ? grinça une de ses arrières petites-filles. Tout ça parce qu'un humain nous l'a assuré ? Je suis sûre qu'ils vont juste chercher à fuir le Néfaste !
– Rotsala a de nombreux défaut, mais la couardise n'en fait pas parti, trancha la reine d'un ton acerbe. Au contraire, son honneur l'empêche de tourner le dos quand des innocents ont besoin de son aide. Sans oublier que Lorelya nous est entièrement fidèle. Quand au plan, je ne vois pas de meilleure alternative. Seul le pouvoir d'un démon pourra passer la barrière du Néfaste, alors Bélial est vitale à la survie du clan. À ce sujet, avons nous du nouveau à son sujet ?
– Le dernier rapport les concernant atteste que Lorelya s'est retiré du front avec la démone, mais depuis, elles ont disparu.
– Qu'est-ce que je disais ! rugit un elfe en frappant la table du poing. Ces étrangers n'ont aucunement l'intention de nous aider, ils vont fuir avec la queue entre les jambes et Lorelya ne va pas se faire prier pour les suivre ! Nous avons misé notre avenir sur des êtres inférieurs et nous allons en payer le prix !
Isya se contenta d'écouter la conversation, adossée à un mur. Elle se lassait d'entendre sa famille répétait les mêmes âneries en boucle, ne proposant jamais de solution viables à la place du plan actuel. Elle en venait à croire qu'ils préféreraient mourir sans plan que vivre grâce à l'ingéniosité d'un humain. La soldate se contenta d'attendre que la situation évolue.
– Et vous ? s'agaça une parente en la désignant du doigt. Vous comptez vous tourner les pouces encore combien de temps ? Vous affirmez être là pour notre sécurité, mais au final, vous ne faîtes qu'éviter le combat comme une lâche !
– Est-ce vraiment ce que tu penses, Kalya ? demanda Larya en croisant les bras. Parce que j'en viens à penser de même pour vous autres... Vous clamez tous vouloir aider à organiser la défense, mais à part râler, je ne vous ai pas vu accomplir quoi que ce soit. En fait, vous nous gêner à contredire les ordres sans rien proposer en retour. Alors si nous devions envoyer quelqu'un ici au front, il y a plusieurs noms avant le sien sur la liste des personnes qui n'apportent rien d'utile ici. Veux-tu savoir où est le tiens ?
Kalya bafouilla avant de baisser les yeux, fulminante de rage. Autour d'elle, les autres elfes qui étaient contre le plan actuel évitèrent de croiser le regard de la souveraine. Isya resta neutre, ne voulant pas risquer de relancer le débat en donnant à sa famille une raison de le faire.
Des cris se firent entendre de l'autre côté de la porte de la salle de réunion. En tendant l'oreille, ils purent reconnaître le son de combats qui se rapprochaient, plongeant les moins aguerris d'entre eux dans une vive panique.
– Mais que font-ils dehors ? Ne sont-ils pas supposés empêcher l'ennemi d'approcher ?
– Je savais que nous aurions dû envoyer des esclaves au front au lieu d'autant de soldats ! Le palais n'est pas assez sécurisé !
– Et si vous me laissiez faire au lieu de jacasser pour ne rien dire ? s'énerva Isya en dégainant son épée.
Elle fit signe à deux de ses hommes de se tenir à ses côtés, laissant les autres à côté du reste de la cour qui tremblait à l'idée de se retrouver à proximité d'un potentiel péril.
Pathétique... pensa Isya. Et ça se croit meilleur que moi ou ma fille...
La porte fut enfoncée et cinq hommes en armure firent irruption, menaçant les elfes de leurs armes.
– Rendez-vous sans faire d'histoire ! Vous avez déjà perdu cette guerre !
– Ha ! s'exclama Cariad en s'approchant d'Isya. Seulement cinq humains ! Et je ne reconnais même pas Saga parmi vous ! Voilà qui est bien futile, même face à Isya ! Elle serait capable de tous vous tuer avec ses hommes ! Vous ne pouvez rien contre nous !
– En effet... déclara Isya en souriant. J'ai fait le serment que Saga et ses hommes ne vous ferons pas de mal. Et cette promesse sera facile à tenir...
Isya pivota soudainement sur elle même. La cour la fixa sans comprendre ce qu'elle faisait. Un son attira leur attention sur la table au centre de la salle. Un objet roula jusqu'à la reine qui fixa celui-ci avec horreur. Sous ses yeux, la tête de son époux semblait lui retourner un regard d'incompréhension.
Les plus vifs d'esprits criaient à peine quand Isya lécha le sang qui gouttait sur sa lame. Aux quatre coins de la salle, ses hommes se tournèrent vers la famille royale et tuèrent ceux qui essayaient de s'enfuir.
– Après tout, mon grand-oncle m'a promis que j'aurais tout le loisir de le faire moi même... expliqua Isya en se délectant de la peur de ceux qui l'avaient rabaissée pendant des millénaires. Et il m'a donné tellement d'idées intéressantes pour faire durer le plaisir...
– Mais... Mais pourquoi ? demanda Larya en reculant.
– Si votre pleine question n'est pas pourquoi pas plus tôt, c'est que vous êtes vraiment restée aveugle toutes ces années... J'en ai plus qu'assez que ma fille et moi soyons constamment rabaissées par des sangsues qui se contentent de profiter de votre pouvoir et votre autorité pour tout avoir, sans jamais rien mériter ! Alors quand Saga m'a contactée, il n'a eu aucun mal à me convaincre ! Même s'il ne m'avait pas proposé votre trône contre mon aide, je lui aurais apporté mon soutien sans hésiter ! Après tout, comment pourrais-je refuser de rejoindre la cause de ma vraie famille ? Surtout si ça devait sonner la fin de la fausse !
– Quelle insolence ! s'égosilla une de ses tantes. Tu es impure, indigne de...
Isya bondit sur elle, la plaquant au sol en glissant sa lame sur son cou. Personne osa réagir, les gardes le menaçant de les occire s'ils esquissaient le moindre mouvement.
– Oh, mais mon sang est pur, chère tante Hilya... susurra Isya. Après tout, je suis de la lignée d'un héros ! Le frère du mortel le plus puissant qui ai jamais existé, qui plus est ! Quant il est question de valeur, ma branche de la famille a toujours été la plus digne !
Isya sortit une dague de sa ceinture et caressa la joue de sa tante. Hylia dévisagea avec horreur les traits jubilatoires de la sang-mêlée qui avait toujours fait preuve de la plus grande retenue en sa présence. Isya était euphorique, se régalant d'avoir enfin les pleins pouvoirs sur ceux qu'elle avait si longtemps méprisé.
– Toujours si nobles... souffla Isya. Si fière... Fière d'être une elfe... De ne pas être une humaine... Mais au final seule deux choses sépare les elfes du peuple que vous rabaissaient avec tellement de plaisir... Pouvez-vous deviner ce qu'elle sont ?
Elle entailla le visage de sa victime qui cria et se mit à sangloter. Hilya se débattit, mais elle ne pouvait rien faire contre la force d'une militaire entraînée.
– Pas de réponse ? Laissez-moi vous donner un petit indice...
D'un mouvement sec, Isya trancha l'oreille droite de sa tante qui s'agita comme un porc que l'on égorgeait. La soldate la gifla et lui cracha au visage.
– Sans vos oreilles, personne ne vous prendrait pour une elfe... Quand à la seconde différence...
Isya se redressa et planta sa lame dans le cœur de Hilya qui laissa échapper un dernier cri étouffé avant de s'immobiliser. La bouchère scruta les yeux de sa tante, regardant la dernière étincelle de vie la quitter. Quand elle fut satisfaite, elle tourna son attention vers le reste de la cour et leur sourrit.
– Franchement, la longévité ne veut rien dire si une simple lame peut y mettre si facilement un terme... Mais ne vous en faites pas, j'ai l'intention de vous offrir une longue vie... À condition que vous... Et bien, que vous compreniez votre place... Une phrase que vous aimez tant répéter...
La famille royale s'effondra dans le désespoir, celle qui devait les protéger devenant leur impitoyable bourreau. Seule la reine osa rester digne et défier sa petite-fille du regard.
– Et Lorelya ? Quel est son rôle dans tout ceci ? J'ai du mal à croire qu'elle soit impliquée, mais si ce n'était pas le cas, l'arbre lui même nous aurait protégés.
– Elle n'a pas la moindre idée de ce qui se passe ici, dévoila Isya en s'approchant lentement de Larya. Elle est encore trop tendre, trop influencée par vos poisons... Je sais qu'elle finira par comprendre pourquoi j'ai fait tout ceci, mais en attendant, je dois la garder dans l'ombre. Entre les incendies que déclenchent les hommes de Saga et la dévastation du Néfaste, elle a du mal à tout percevoir. Sans oublier le sceau magique conçu par Saga que j'ai activé autour du palais et qui nous cache en parti à ses sens, je doute qu'elle ne se rende compte de ce qui se passa avant que nous ayons terminé ici...
– Nous capturer n'est pas la finalité de ce plan... commenta Larya. Non, tu veux autre chose... Ouvrir la voie jusqu'à la porte sous nos pieds ?
Isya éclata de rire et toisa sa grand-mère du regard.
– Vous voulez rire ? Mes hommes se sont chargés de ça pendant que vous étiez tous bien gentiment cachés ici ! En même temps, ils ont aidé nos alliés à neutraliser les obstacles encore présents dans le palais !
– Je vois... Mais je dois admettre que je suis surprise. Même si tu es une commandante compétente, je ne m'attendais pas à ce que tu arrives à convaincre autant d'elfes à se retourner contre leur reine. Tu as vraiment su gagner leur loyauté.
Avec un sourire narquois, Isya fit signe à un de ses hommes de retirer son casque. Il obéit, dévoilant ses yeux qui brillaient d'un éclat vert.
– Vous souvenez-vous de mon pouvoir si particulier ? J'ai laissé tout le monde croire que je pouvais manifester mon esprit sur de longues distances, mais en fait, ce n'est qu'un de mes tours. Tant que la conscience de ma victime est faible, je peux influencer ses décisions. Au début, je ne pouvais pas faire grand chose de notable avec cette faculté, mais Saga m'a donné une potion qui a renforcé mes pouvoirs. Dorénavant, je peux entièrement soumettre les faibles d'esprit à ma volonté ! Bien sûr, ils ne deviennent que de bêtes esclaves qui ne peuvent pas cacher leur état, alors j'ai été contrainte d'utiliser mon don avec parcimonie. Mais maintenant...
Isya se tourna vers les deux plus jeunes petits-fils de la reine, deux frères jumeaux. Ses yeux virèrent au vert, tout comme ceux de ses victimes.
– Entre-tuez-vous.
Larya trembla de rage et de désespoir en voyant les jumeaux se battre sauvagement, allant jusqu'à griffer jusqu'au sang et mordre profondément dans la chair de leur adversaire. Leur mère tomba à genoux, tendant les mains en tremblant, n'arrivant pas à les implorer d'arrêter. L'un d'eux plongea ses dents dans le cou de son frère. Un gerbe de sang l'éclaboussa alors qu'il se redressait, vainqueur. Le perdant fut pris de spasme avant de périr.
Les yeux du survivant redevinrent normaux. Il scruta ses mains couvertes de sang sans comprendre ce qui se passait puis vit son frère au sol. La réalité de ce qu'il venait de faire le frappant enfin, il hurla en se prenant la tête, tombant à genoux devant la dépouille de son jumeau.
– Et ceci n'est qu'un avant-goût de ce que je vous réserve... ricana Isya. Malheureusement, vous n'êtes pas tous aussi facilement influençables. Notamment vous, Majesté... Ce qui m'agace, car j'ai besoin que vous me montriez quelque chose...
Sidérée, Larya fixa sa descendance comme si elle avait perdu ce qui lui restait de raison.
– Parce que tu crois que je vais t'aider après ce que tu viens de faire ?
Avec un sourire mauvais, la soldate se pencha pour murmurer dans l'oreille de la reine.
– Oh que oui... Car, même si votre famille va finir en pièces, il vous reste un choix : être aux premières loges de leurs tourments ou non.
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