Chapitre 45 : Périls forestiers
Bélial était sur le qui vive. Elle n'avait plus vu le reste du groupe d'entraînement depuis presque dix minutes. Elle scrutait chaque buisson, chaque branche. Le moindre bruissement ne lui échappait pas.
Une ombre émergea des buissons derrière elle et fondit sur la démone. Elle fit un pas de côté et intercepta son agresseur d'un coup de coude en pleine face. Deux autres adversaires tombèrent sur elle, ne croisant au final que de l'air avant de toucher le sol. Ils eurent à peine le temps de redresser la tête avant d'être fauchés par un coud de pied. Ils roulèrent au sol avant de se relever en grommelant. Deux derniers guerriers tentèrent de la prendre en tenaille, armes en main. La barbare dévia leurs lames, les laissant glisser le long des protections sur ses avants-bras. Elle se pencha et leur fit une balayette. Après être lourdement tombé au sol, un d'eux vit le poing de la jeune femme fondre sur lui.
Le sol trembla quand la jeune femme le frappa directement, à quelques centimètres de la tête de sa victime. Elle se pencha sur elle en souriant de toutes ses dents.
– Alors, c'est quoi la prochaine leçon ? Parce que là, j'apprends rien de nouveau !
À part comment bien humilier tes professeurs ?
Bélial offrit son aide à l'elfe qui se relevait mais il ignora la main tendue.
– Je pense que nous allons faire une pause... grommela-t-il en voyant les autres grogner en se massant diverses parties de leurs corps. On va discuter de la suite, va donc souffler un peu...
La jeune femme haussa les épaules et fit quelques pas pour s'éloigner. Elle n'était pas dupe, elle ne prenait plus part à un entraînement. Après avoir vu les progrès fulgurants dont elle avait fait preuve, les elfes avaient décidé de lui apprendre une leçon en humilité et ne retenaient plus leurs coups. Et si elle venait à prendre un mauvais coup, ils n'auraient qu'à affirmer qu'elle n'était pas prête.
Cette approche convenait parfaitement à la démone, lassée de la théorie et des demi-mesures. Elle était presque dans des conditions réelles, avec des adversaires qui lui voulaient sincèrement du mal. Le genre de situation où elle pouvait vraiment déployer tous ses talents.
Évite juste d'en tuer un, déjà que le reste du village nous fait la gueule... On ne sait pas combien de temps on doit encore les supporter...
– Dans ce cas, ils ont intérêt de me prendre au sérieux, parce que je suis à deux doigts de bailler, là...
Incorrigible... Sinon, comment tu te sens ? Tu es à l'aise ?
Bélial baissa les yeux et s'admira. Contre toutes ses attentes, elle adorait sa nouvelle tenue de combat. L'armure n'était constituée que de peu de pièces, notamment au niveau des jointures, pour lui laisser le plus de mobilité possible. Cela lui offrait moins de protection que la version d'origine, mais encaisser les coups directement n'avait jamais fait parti de sa stratégie de toute façon.
La démone s'étira, frappant le sol de ses bottes qui avaient à peine eu besoin d'être retouchées. Elles montaient à peine au dessus de ses chevilles qu'elles découvraient en partie, lui laissant le loisir d'incliner ses pieds dans tous les sens. Ses jambes jusqu'au genoux étaient recouvertes par un protège tibia qui lui éviterais de se blesser quand elle donnerait des coups avec elles. Ses genoux étaient ornés d'une plaque sanglée de telle façon à ne pas la gêner quand elle pliait les jambes. Les cuisses restaient à découvert, la barbare ayant déclaré qu'elle n'aurait pas besoin de les protéger autrement qu'avec ses pouvoirs obscurs.
Bélial serra son poing, revêtu d'un gants aux phalanges couvertes de pièces de métal, tout comme le dos de sa main. Contrairement aux gantelets lourds qui nuisaient à ses mouvements, cette nouvelle version lui laissait sa souplesse habituelle en renforçant sa protection de ses principales armes. Bien que ses poignets n'étaient pas protégés, ses avant bras avaient eut droit au même traitement que ses tibias, lui offrant de bonnes options défensives. Ses coudes aussi étaient protégés pour d'évidentes raisons.
La tignasse rousse de la jeune femme s'échappait d'une fente à l'arrière de son casque, donnant l'impression qu'elle portait une cape cramoisie. Elle avait fait entièrement retirer la visière, trouvant absurde l'idée de limiter sa visibilité, laissant ses oreilles découvertes pour la même raison. Les forgerons avaient envisagés de modifier la partie où les cornes d'un démon devraient passer pour le confort du porteur pour renforcer l'ensemble, mais Bélial refusa. Après dix minutes de débats, elle fut contrainte de leur révéler ses propres cornes avant d'expliquer aux forgerons les conséquences des langues trop actives. La conversation fut close et les artisans n'osèrent plus la contredire.
Ce fut pour cette raison qu'ils ne protestèrent pas trop quand la barbare insista pour que son plastron ne soit plus réduit qu'à un harnais qui protégerais sa poitrine, laissant son vente et une large partie de son dos à découvert. Après avoir longtemps réfléchis, Bélial avait décidé que sa taille serait protégée par une jupe mêlant du cuir et des plaques de métal plutôt qu'un pantalon ou un short. Elle avait affirmé que c'était pour lui donner plus de mobilité et mieux sentir les mouvements des autres, ce qui était vrai, mais elle espérait surtout que l'ensemble fasse son effet sur son partenaire qui n'avait pas encore eut l'opportunité de la voir ainsi accoutrée. La jeune femme était impatiente de voir sa réaction et les idées que ça lui donnerait.
Après vérification, Bélial confirma que les propriétés de l'armure n'avaient pas été amoindries, la rendant plus forte en échange d'un peu de son pouvoir obscur. La guerrière découvrit aussi une autre fonctionnalité de la tenue. En concentrant son énergie, elle pouvait former une membrane sur l'intégralité de son corps qui la protégerait des coups, même sur les parties exposées. Les zones avec l'armure restaient les mieux défendues, mais avoir cette option réconforta la démone qui savait que les combats à venir seraient rudes.
Jusqu'à présent, la barbare n'avait pas eu besoin de se servir de son énergie ténébreuse pour autre chose que renforcer l'armure, et pourtant, elle se battait déjà mieux que quand elle manifestait son pouvoir de façon tangible. Il était clair qu'une fois maîtrisée, cette armure démultiplierait sa force.
– Franchement, c'est le pied ! Je vois pourquoi mes ancêtres les portaient ! Je me sens super balèze avec !
Évites juste de faire des folies dedans... Je te rappelle que Saga affrontait des guerriers équipés comme ça il y a quatre mille ans. Sans oublier Tyrian...
– Ouais... J'ai intérêt de faire...
Un objet fendit l'air et vint se planter dans le crane d'un des elfes. Ses compatriotes bondirent en arrière en dégainant leurs armes. Avant même que le corps du mort le touche le sol, Bélial s'était campée sur ses jambes et fixait la direction d'où était venue l'attaque.
Une figure se dessina dans l'ombre d'un arbre, dévoilant un homme de grande stature dans une armure lourde. Il traînait une large hache à deux mains, trois autres plus courtes et identiques à celle lancée accrochées à sa ceinture. Un sourire narquois se dessina sur son visage alors qu'il fixait la jeune femme qui grimaçait de frustration en le voyant.
– La vache, tu ressembles enfin à une femme habillée comme ça, sale peste ! s'esclaffa Tyrian. Dommage que Saga veut ta tête sur un pieu, sinon j'aurais révisé mon avis sur nos fiançailles !
– T'as pas idée à quel point j'attendais ce moment... grogna la démone en déployant son pouvoir obscur sur son corps. Tu vas enfin payer pour nous avoir trahis !
– Alors ça, tu vois, j'en doute... ricana le guerrier en faisant un signe de la main.
Une vingtaine de soldats en armure apparurent derrière lui, marchant avec leurs armes en main vers les elfes qui reculèrent d'un pas.
– Nous ferions mieux de rentrer sonner l'alarme... suggéra l'un d'eux...
– Trouves une meilleure excuse ! rugit Bélial. Même moi, j'ai capté que Lorelya peut sentir tout ce qui se passe dans la forêt ! Faut vraiment être con pour penser qu'ils ne savent pas déjà ce qui se passe ici ! Alors tu vas la boucler et m'aider à tenir la ligne en attendant les renforts !
– Oh, mais c'est qu'on commence à comprendre la stratégie... ricana Tyrian. Voyons si ton talent au combat en a pâti en retour...
Il fit un signe de tête et trois guerriers se précipitèrent au combat. La barbare bloqua un premier coup d'épée et riposta avec un coup de pied au ventre. Elle s'inclina pour esquiver une estoc avec une lance et cueillit le second avec un uppercut. Le troisième pensa profiter d'une ouverture, mais la jeune femme pivota sur une jambe et lui brisa les bras avec un coup descendant. Bélial marcha vers le premier combattant qui était à genoux et gratifia sa mâchoire d'un coup de pied qui fit voler en éclat toute sa dentition. Elle fixa le démon avec rage alors qu'il l'applaudissait sarcastiquement.
– On dirait que non... Alors arrêtons de jouer... Butez les elfes et continuez d'avancer, cette pute est à moi ! Qui sait, je m'amuserais peut-être avec elle avant de l'achever ! Cette armure m'excite beaucoup !
– Tu peux rêver ! cria la barbare. Y a qu'un type que je laisse me toucher, et c'est définitivement pas toi !
– On va voir si tu penses toujours ça après avoir passé dix minutes dans mes bras, ma mignonne...
Et moi qui pensait qu'il ne pouvait pas être plus flippant et détestable... Prête à lui apprendre les bonnes manières ?
– Tu n'as pas à me le redemander !
Les deux démons bondirent en même temps. Tyrian était plus rapide encore que le jour où il avait vaincu Bélial, et pourtant, il fut surpris de la voir se mouvoir aussi vite que lui. Il abattit sa hache sur la jeune femme qui dévia la lame avec la protection de son bras gauche et le gratifia d'un direct du droit. Le coup heurta son casque recouvert d'une aura noire qui ne lui fit rien et il riposta en balayant sa hache horizontalement. Bélial fit une roulade pour esquiver l'attaque et se placer derrière son ennemi.
Un bras de ténèbres se forma dans le dos du guerrier et frappa la démone qui eut à peine le temps de croiser les siens pour encaisser l'attaque. Elle fut contrainte de reculer sous la violence du coups, laissant à Tyrian le temps de se retourner et se ruer vers elle.
– Tu ne m'auras pas deux fois en m'attaquant dans le dos, laisses tomber ! grogna-t-il.
Bélial esquiva et bloqua autant que possible l'assaut de son ancien compagnon. Ils avaient grandis en se mesurant l'un à l'autre, elle connaissait chacun des se mouvements. Même s'il avait étoffé son répertoire, elle devinait sans mal ses attaques mais eut du mal à trouver une ouverture. Bien qu'elle avait réduis l'écart entre leurs forces avec son entraînement et l'armure, il restait un adversaire formidable qu'elle ne pouvait plus prendre à la légère comme durant leur enfance.
Autour d'eux, les elfes étaient submergés par les sbires de Tyrian qui étaient de plus en plus nombreux, de nouveaux soldats rejoignant peu à peu le combat. Bélial essaya de se concentrer sur tout ce qui se passait pour éviter de prendre un coup dans le dos, mais les attaques du démon étaient bien trop dangereux pour qu'elle les ignore trop.
– Objectif Secondaire Détecté !
Les poils sur la nuque de la barbare se dressèrent. Même si elle avait reconnu la tonalité de la voix, elle venait de la mauvaise direction. De plus, malgré le ton neutre employé, son intuition lui dictait qu'elle était en danger.
Suivant son instinct, elle repoussa Tyrian d'un coup de pied et se jeta en arrière. Une onde de choc entailla la zone où elle se trouvait juste avant. Sans sortir le démon de son champ de vision, la jeune femme observa l'origine de l'attaque et se figea.
Son agresseur était plus svelte qu'Adam, mais la forme et le style de son armure étaient identiques. Comme pour le gardien, elle ne pouvait pas sentir sa présence et il semblait tout autant impassible.
Oh merde, dis moi que je rêve.... Il ne peut pas...
– Veuillez Vous Écarter Maître Tyrian. Maître Saga M'A Ordonné De Veiller À Votre Sécurité. Il Serait Déçu Si Je Devais Lui Raporter Votre Dépouille Sans Vie. La Tâche D'Éliminer Bélial M'A Été Incombée.
– Non, on va se la faire ensemble ! déclara le barbare. Saga n'est pas le seul qui veut...
– Objectif Secondaire Détecté !
Cette fois-ci, Bélial se fendit d'un sourire. Étonné, Tyrian se tourna d'un quart et se prit un poing propulsé au bout d'un câble. Il recula de quelques mètres et adressa un regard enragé à son agresseur qui se dessinait entre les arbres. Il était accompagné d'elfes qui se portèrent au secours de leurs compatriotes encore en vie. Le démon vit une feuille tomber juste devant son visage et bondit en arrière juste à temps pour éviter le plongeon d'un homme vêtu de rouge dont le visage n'était que colère.
– Je t'interdis de lever la main sur Bélial !
– Tu dois être Rotsala... ricana Tyrian en jaugeant son nouvel adversaire. Non, Sieg, c'est ça ? Décidément, on ne sait plus comment t'appeler...
– Merci d'être venus les gars ! s'enthousiasma la jeune femme. Ensemble, on va...
Un mur de ronces sépara la démone du reste du combat. Lorelya lui attrapa le bras et la força à la suivre.
– Désolée, mais on a besoin de toi pour autre chose ! Tu es la seule qui peut nous sauver d'après Sieg !
En entendant la fin de la phrase de l'archère, la barbare refoula ses plaintes et suivit la verdoyante. Si son partenaire clamait qu'ils avaient besoin d'elle ailleurs, cela ne pouvait vouloir dire que le plan de Saga était plus complexe que ce qu'ils avaient anticipé. À contre cœur, elle laissa de côté sa vengeance et se retourna brièvement.
– Hé, Sieg ! Tu as ma permission de buter Tyrian s'il le faut ! Faudra juste que tu me laisses Saga ! Oh, et surtout, meurs pas !
– Je n'ai pas l'intention de te décevoir... murmura le bretteur en souriant.
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