Chapitre 38 : Une simple fleur, un remède incroyable

La visite de la forge fut une moins grosse perte de temps que Farca l'aurait pensé. Le forgeron qu'elle y avait rencontré était l'un des rares elfes à ne pas avoir été directement confronté aux horreurs des humains, le rendant plus ouvert à la communication que ses voisins.

Malheureusement, même s'il était disposé à forger des pièces pour l'alchimiste, il lui manquait les outils nécessaires pour les plus petites parties, complexes et qui devaient être sans failles. Par conséquent, elle n'aurait pas le loisir de fabriquer de bombes avec un minuteur variable avant un moment, la contraignant à concevoir des explosifs qui exploseraient toujours au bout de trois secondes. Son arsenal serait donc moins diversifié avant qu'elle ne puisse rejoindre un atelier mieux équipé.

En quittant la forge en compagnie d'Adam et Rinorin, la sang-mêlée aperçut au loin la reine, flanquée de plusieurs de ses enfants et petits-enfants. Larya repéra le trio et marcha dans leur direction, laissant présager à la naine qu'ils allaient avoir des problèmes.

– Alors, comment avez-vous trouvé notre forge ? leur demanda-t-elle pour toute forme de salutation. Y avez-vous trouvé votre bonheur ?

– Disons que c'est un début... grommela Farca. L'accueil y était plus sympa qu'ailleurs, c'est déjà ça...

– Oui, vous devrez les excuser... intervint un elfe. D'ordinaire, les humains se contentent de suivre les ordres ici, ils n'ont rien à nous réclamer...

– Sauf si la demande vient d'un diplomate elfique, précisa Rinorin avec une touche d'agacement. Je ne peux pas vous dire comment traiter les humains, mais n'oubliez pas qui je représente.

– De façon non-officielle, n'est-ce pas ? commenta une jeune femme. De ce que j'ai compris, votre oncle ne vous a pas envoyé ici, Rinorin. Tachez donc de ne pas vous retrouver mêlé à un incident diplomatique, si vous ne voulez pas attirer l'embarras à votre clan...

– Ma petite fille a raison, jeune elfe, souffla Larya. Je vous conseille de suivre les conseils de Sarya, ils sont toujours avisés pour quelqu'un de son âge.

Rinorin se renfrogna mais baissa les yeux. La reine apprécia la scène avant de se tourner vers Adam et Farca.

– Et où sont donc vos compagnons ? Je ne les vois pas avec vous...

– Bélial Est Partie Entraîner Les Troupes, Ahmés Se Familiarise Avec la Forêt, Et Sieg souhaite parler avec sa famille.

La sang-mêlée remarqua l'étincelle dans la regard de Larya, accompagné d'un sourire suffisant. Elle voyait en cette décision un début de victoire pour elle sur la démone, sans se douter que le bretteur désirait l'éviter personnellement.

– Bien, je vois. Si vous voyez Rotsala, dîtes lui....

– Négatif ! Nous Ne Connaissons Pas De Rotsala !

Le regard de la reine s'affina en une lame et transperça le gardien du regard. En voyant qu'il ne fléchissait même pas, elle se mit à sourire avec autant de sincérité qu'un joueur de carte.

– Si vous voyez... Sieg... Dîtes lui que je souhaite m'entretenir avec lui dans notre institut de magie. Je suis sûre que nous y avons des artefacts qui pourraient lui être d'une grande utilité.

– Nous n'y manquerons pas... répondit Farca sans oser croiser le regard de Larya.

L'escorte royale s'éloigna en parlant en elfique. La naine n'eut pas besoin de traduction, se doutant que l'on parlait d'eux quand ils se mirent à rire en les désignant.

– Vraiment super, cette visite chez les elfes... Sans offense, Rinorin...

– Ne vous en faîtes pas, je partage votre avis... Les relations entre les clans Waldia et Sylvéria n'ont jamais été paisibles, je me doutais que nous ne serions pas bien reçus. J'aurais juste espéré que ma présence ne soit pas aussi inutile...

– Désolée, mais dès que Sieg est impliqué, la reine ne pense plus qu'à son ancien jouet sexuel. À côté de ça, on est tous de la figuration...

– Tous Sauf Bélial, la corrigea Adam.

– Oui, la pauvre se trouve sur le chemin de la reine... soupira Rinorin. J'espère qu'elle est préparée à lui faire face...

– Ha ! se gaussa Farca. Vous vous faîtes du souci pour rien ! Si Larya compte se mettre entre nos deux tourtereaux, elle va avoir du mal à les séparer ! Et de ce que je sais, je n'ai pas l'impression que la reine soit le genre de Sieg !

– Probabilités Que Sieg Trompe Bélial : Trois Pour-cent !

– Vous voyez ? Il n'y a pas de souci à se faire ! Qu'elle tourne autour de Sieg si ça lui chante, tant que l'on peut toujours préparer le combat à venir, tout ira bien !

– J'aimerais partager votre enthousiasme...

Le trio explora les alentours du village. L'alchimiste tenait à voir de ses propres yeux les variétés de plantes qui poussaient dans la région et ne fut pas déçue par ce qu'elle trouva. Elle repéra plusieurs ingrédients rares qui lui aurait coûté cher en boutique, la comblant de joie.

Pendant leur découvertes des espèces végétales de la forêt, ils croisèrent la route de Lorelya et Ahmés qui rentraient au village et furent surpris de les trouver ensemble.

– Bah alors ! Qu'est-ce que vous fichez tout les deux ?

– Cet empoté s'est perdu dans les bois, je me contente de lui montrer le chemin pour rentrer, expliqua froidement l'archère.

– Lorelya a l'air certes inapprochable, mais elle est finalement fort...

La verdoyante s'arrêta net et se retourna. Le musicien n'eut aucun mal à deviner le regard noir qui brûlait sous son masque.

– ... généreuse d'aider un sot tel que moi... conclut le taouyen en fondant.

– Au fait, je voulais te demander quelque chose, s'exclama Farca envers Lorelya. J'ai vu que tu pouvais faire pousser des plantes. Juste des arbres et des ronces, ou tu...

Un parterre floral aussi coloré que varié poussa autour du groupe, répondant sans mal à la question de l'alchimiste qui se pencha sur une fleur.

– Une orchidée azurée ! Cette espèce est très rare ! Elle peut servir à préparer plusieurs remèdes !

Lorelya ricana. Elle trouvait puéril que l'on puisse autant s'extasier pour une plante avec si peu de vertus. Elle pouvait lister des dizaine de plantes plus utiles.

– Oui, nous nous en servons pour aider la cicatrisation des plaies mineures, exposa l'archère. Après il y a d'autres plantes qui...

La naine fixa avec horreur Lorelya, comme si elle venait d'insulter personnellement tous les dieux.

– Vous les utilisez juste pour cicatriser les plaies ? Mais... Mais l'orchidée azurée peut-être utilisé pour concocter des remèdes plus importants ! Tu connais la sarinite ? Le seul remède à cette maladie fatale ne peut être fabriqué qu'avec cette fleur ! Selon les mélanges, cette plantes peux traiter un grand nombre de maladies ! Et vous vous contentez de la broyer pour soigner de simples coupures ?

La verdoyante fronça les sourcils, regardant tour à tour la naine et la fleur qu'elle avait trouvé si insignifiante. Elle connaissait la sarinite, une des rares maladies qui affectaient à la fois les humains et les elfes. La contracter était une condamnation à mort dans le clan, personne ne sachant comment la traiter. Et la sang-mêlée lui affirmait sans la moindre hésitation qu'une plante qu'elle et les siens jugeaient banale pouvait la soigner.

– Tu es sérieuse ? La sarinite, vraiment ?

– Bah oui ! Bon, après, il y a une vingtaine d'autres ingrédients et il faut maîtriser les dosages, mais sans orchidée azurée, vous obtenez juste un thé bien dégueulasse...

Lorelya se surprit à prendre au sérieux les propos de l'alchimiste. Elle qui avait l'habitude d'ignorer ce que lui disaient les humains, elle n'arrivait pas à remettre en question les déclarations de la naine qui partageait sa passion.

L'archère secoua la tête et retourna vers le village.

– Oui, bon, je ne connais que les effets immédiats des plantes, je ne sais pas ce qui se passe quand on les mélange... grommela la verdoyante.

Farca s'empressa de cueillir les plantes qui lui avaient tapé dans l'œil avant de les fourrer dans son sac et courir après Lorelya.

– Hé, mais attends ! Tu peux vraiment tout faire pousser ?

– Tant que je l'ai déjà vue avant, je peux faire pousser n'importe quelle plante, oui, répondit l'archère sans regarder l'alchimiste. Mais si de simples fleurs...

– Mais tu te rends compte de ce que ça veut dire ? explosa la sang-mêlée. Avec ton pouvoir, vous ne serez jamais à court d'ingrédients, même les plus rares ! Vos alchimistes peuvent fabriquer n'importe quel remède en quantité illimitée ! Vous pourriez enrayer des épidémies entières grâce à ton don !

Don.

Ce mot résonna dans la tête de Lorelya. Ses capacités lui permettait de tuer des dizaines d'adversaires sans broncher et repousser tout les assauts, mais jamais personne n'avait été aussi admirative devant ses capacités. Là où tout le monde voyait une force à redouter, cette naine percevait une bénédiction qui pouvait sauver des vies. Même l'archère n'avait jamais vu les choses sous cet angle.

Malheureusement, il y a avait une bonne raison à son ignorance de ce fait.

– Le problème, c'est que nous n'avons pas d'alchimistes ici... avoua Lorelya. Nous avons bien des guérisseurs, mais l'alchimie est une science principalement humaine, alors elle est...

– Interdite ? s'indigna Farca en forçant l'elfe à s'arrêter. Sérieusement ? Avec l'alchimie, ton pouvoir pourrait sauver des milliers de vies ! Oublies l'échelle humaine, pense à ton peuple ! En faisant les plantes dont un alchimiste a besoin à volonté, tu pourrais soigner d'innombrables elfes qui souffrent de leurs maladies ! Tu n'aurais pas besoin de tuer pour aider ton peuple !

Lorelya se sentit vaciller. Aider son peuple sans prendre de vies. Elle qui avait passé des siècles à se battre et à repousser les ennemis de son clan, elle s'était toujours crue incapable d'être utile autrement qu'au combat. Toutes ces années à guerroyer alors qu'une autre voie existait pour elle. Une voie de paix qui lui avait été inaccessible car elle reposait sur un art humain.

L'archère serra les poings et s'éloigna de la naine qui la regardait partir sans comprendre. La verdoyante ne pouvait pas accepter cette réalité. Les humains qu'elle connaissait n'étaient que des brutes sans cœur qui ne savaient que détruire si on ne les gardait pas sous contrôle. Considérer une seule seconde que ce peuple sauvage pourrait apporter la vie alors qu'elle ne savait que répandre la mort la torturait, lui déchirait les entrailles.

Lorelya décida de ne plus approcher Sieg et ses compagnons. Depuis qu'elle les avait rencontrés, ses certitudes n'avaient fait que vaciller, menaçant de la plonger dans les ténèbres de l'incertitude. Et sans certitude, elle ne saurait plus où était sa place dans ce monde.

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