Chapitre 30 : Un accueil épineux
Le soleil était toujours haut dans le ciel quand ils arrivèrent à la lisière de la forêt. Les voitures s'arrêtèrent et Rinorin s'approcha seul des arbres. À quelques pas de ceux-ci, l'elfe se mit à siffler un long air complexe avant de patienter.
Alors que Bélial commençait à s'impatienter et suggérait à ce que l'on entre dans la forêt sans attendre, trois elfes sortirent des ombres et s'approchèrent de Rinorin. Ils discutèrent loin des oreilles de Sieg et les autres avant de leur faire signe d'approcher.
– Nous l'avons l'autorisation du clan Erbra de parcourir leur territoire, expliqua-t-il. Ils vont nous accompagner jusqu'aux terres de sylvériens.
– Où les choses marrantes vont enfin pouvoir commencer... grommela Farca en rajustant la lanière de son sac.
Pitié, ne parle pas de malheur... Déjà que c'est un miracle que vous n'ayez pas mis le continent à feu et à sang à Hydralia...
Alors que les soldats se préparaient à abandonner les véhicules sous la surveillance de six hommes, la démone observa la forêt avec fascination. C'était la seconde qu'elle allait explorer, mais elle sentait déjà combien elle était différente de la première. Alors que la forêt d'Onoma intimidait ceux qui osaient s'en approchaient et semblait tout faire pour les repousser, la barbare trouva celle-ci accueillante et chaleureuse. Elle jurerait presque sentir une force bienveillante qui enveloppait chaque feuille.
L'écarlate remarqua l'attitude de sa partenaire et l'interpella.
– Bien différente de celle que nous avons exploré à Grignar, pas vrai ? Cette forêt est habitée par des clans elfiques, elle bénéficie donc de plus de bienfaits de la nature que celle d'Onoma. Ici, nous risquons surtout de croiser des animaux relativement inoffensifs, des esprits de la nature et, si nous en sommes jugés dignes, peut-être même des dryades.
– Des quoi ? demanda Bélial en fronçant les sourcils.
– Explication : Les Dryades Sont Des Êtres Fabuleux Qui Incarnent La Volonté De La Forêt. Leur Pouvoir Est Comparable À Celui D'un Dragon. Cependant, Tant Que Nous Ne Menaçons Pas Leur Territoire, Elles nous Laisseront Tranquilles.
Ahmés fit quelques pas vers l'immensité verdoyante qui chamboulait les sens de ce fils du désert. Il était admiratif face une telle énergie vitale incomparable. Même les plus denses des citées n'étaient pas aussi riches en vie. Ses pouvoirs funestes lui permettaient de ressentir le souffle de la vie qui rayonnait de la forêt, une cumulation de l'énergie des ses millions d'habitants, du plus petit insecte à ses plus nobles esprits.
– Magnifique... se contenta de dire le musicien alors qu'une larme coulait sur sa joue. Tout bonnement... Magnifique... J'en perds mes mots...
Je ne pensais pas voir le jour venir...
Une fois les préparatifs terminés, le groupe s'aventura entre les arbres sans suivre de sentier. Leurs guides ouvraient la marche en les prévenant des endroits instables où surveiller ses pas.
Bélial inspira l'air revigorant sylvestre et se sentit revivre. Elle qui avait grandi dans les montagnes dépourvues de végétation, elle n'aurait jamais deviné qu'il pouvait exister de lieux aussi apaisants, aussi bien pour le corps que pour l'âme. La jeune femme regrettait cependant de ne pas sentir la présence de créatures à chasser, tout les habitants les plus sauvages des environs ayant préféré éviter de croiser la route d'une présence aussi inhabituelle dans ces bois.
Farca ronchonna sur une bonne partie du trajet. Ce n'était pas sa première excursion en forêt, sa quête d'ingrédients l'ayant souvent guidée en pleine nature. Cependant, comme tout les représentants du peuple de la montagne, elle aimait les sentiers droits et délimitées comme des galeries. Même les plus espiègles des nains n'étaient jamais rassurés hors des mines quand ils ne s'aventuraient sur des routes bien tracées et risquaient de faire une crise d'agoraphobie. L'alchimiste se calma en récitant la liste des ingrédients de ses mélanges préférés figurativement dans sa barbe, inquiétant les soldats près d'elle qui la fixaient étrangement.
Plus loin derrière elle, Ahmés fredonnait quelques notes, composant dans son âme une ode à la grandeur de la nature.
Adam resta attentif à ses environs, analysant le moindre détail pour prévenir toute menace potentielle pour la sécurité des organiques.
Près de la tête du groupe, Sieg conversait avec Rinorin et Matthias, se mettant d'accord sur la meilleure façon d'approcher les sylvériens. Présenter le humains comme l'escorte de l'elfe pour une visite diplomatique semblait être la solution la plus avisée, même si ce regroupement atypique risquait de soulever plus de questions. Leurs guides se proposèrent alors pour les accompagner jusqu'au bout de leur voyage, mais le bretteur les en dissuada. Voir deux clans rivaux accompagner des intrus humains pourrait faire mauvaise impression sur une tribus qui n'appréciait pas les autres peuples.
Après trois heures de marche, les rayon solaires percèrent plus difficilement le feuillage au-dessus de leurs têtes. Les guides quittèrent les voyageurs en leur souhaitant bonne chance.
Rinorin demanda à tout le monde de s'arrêter et scruta les arbres devant lui. Il cherchait le moindre indice de la présence de sylvériens dans les environs pour engager la conversation mais ne décela rien. L'elfe siffla de nouveau, mais cette fois-ci, personne se présenta.
– On fait quoi, on avance quand même ? demanda Bélial.
– Mieux vaut éviter... répondit Sieg. Même si on oublie que nous pourrions passer pour des envahisseurs s'ils nous découvraient sur leur territoire, nous auront besoin de leur aide pour trouver leur village. Nous pourrions déambuler pendant des semaines sur leur territoire sans le trouver sans un guide compétent.
– Nous n'allons tout de même pas patienter ci pendant des jours en attendant qu'ils daignent se présenter ! s'indigna Ahmés. Surtout que nous sommes en parti ici pour les prévenir d'un grand danger !
– Si notre sécurité vous importe tant, vous n'avez qu'à quitter notre territoire ! Votre pestilence n'est pas la bienvenue dans notre forêt !
La troupe regarda autour d'elle, cherchant la source de la menace qui semblait provenir de toutes les directions à la fois. Ils avaient identifié une unique voix féminine, mais ils n'arrivaient pas à en déterminer la source.
– Je suis Rinorin, du clan Waldia ! s'exclama l'elfe en s'adressant aux branchages. Je suis porteur de terribles nouvelles et doit m'entretenir avec votre chef !
Les feuilles restèrent silencieuses, comme si la forêt elle même méditait sur la question. La voix se fit entendre de nouveau, plus menaçante que jamais.
– Et pour ça, vous êtes escorté par des parasites ? Si vous voulez que nous accordions une audience à votre clan décadent, revenez accompagné par les vôtres ! Vous nous insultez en guidant de pitoyables humains ici ! Sauf s'ils sont un présent pour obtenir notre bonne volonté...
– Nous sommes des soldats de Menora ! intervint Matthias en se dressant aux côtés de l'elfe. Nous avons été mandatés par...
Une flèche se planta entre les pieds du soldat pour le dissuader de faire un pas de plus. Bélial avait détecté d'où le tir provenait et décelait d'étranges mouvements. Elle avait faillit les manquer tant ils ressemblaient à un coup de vent entre les branches, mais elle ressentait une hostilité peu naturelle.
– Nous nous moquons des peuples barbares tels que les vôtres ! Vous ne vivez pas assez longtemps pour commencer à vous éveiller à la sagesse, vos nations ne sont guère que des troupeaux qui s'élèvent eux même ! Et quand des animaux se comportent mal, c'est qu'ils ont besoin d'être dressés ! Partez d'ici si vous ne voulez pas que je m'en charge moi même !
Cette dernière phrase intrigua Sieg. Leur interlocutrice n'était pas seulement la seule à leur adresser la parole, elle était probablement non accompagnée. Si son intuition était bonne, le bretteur n'aurait plus qu'à déterminer si c'était l'arrogance ou la préparation qui confortait la voix à les menacer ainsi.
– Alors là, elle est pas mal celle-là ! s'énerva Bélial en posant ses poings sur les hanches. On s'est cassé le cul à venir ici parce que ton clan est en danger, mais tu nous traite comme...
Une nouvelle flèche fusa d'entre les branchages. La démone put presque entendre un souffle de stupeur quand elle attrapa le projectile avant qu'il ne se fiche dans son épaule par pur réflexe.
– C'est tout ? ricana la jeune femme en jouant avec la flèche sous les regards ahuris des soldats. Faudra plus que des petits bouts de bois pour...
Des branches poussèrent du bois de la flèche, grossissant à vue d'œil. Bélial lâcha l'objet en reculant mais les branches s'entortillèrent autour de son bras tels des tentacules. Elle tenta de les briser par la force brute mais elle lui résistèrent en recouvrant son torse.
– Vous voilà prévenus, humains ! Quittez nos terres si vous ne voulez...
Sieg posa sa main sur les branches alors que la barbare recouvrait son corps d'obscurité. L'écarlate embrasa le bois qui se consuma sans que la jeune femme ne soit brûlée.
– Nous sommes ici pour prévenir d'un péril dont l'ampleur vous ne pouvez pas imaginer, déclara le bretteur d'une voix faussement calme. Des forces antiques oubliées de tous sont sur le point de se réveiller et consumer le monde entier. Je peux comprendre que vous souhaitez protéger votre territoire...
Un couteau de lancer glissa de la manche de l'écarlate qui le lança à travers les feuilles. Un bruissement soudain révéla la position d'une figure qui fuyait. Adam ne laissa pas l'ouverture lui échapper et tira son bras-grappin vers sa cible. Le gardien sentit sa main se refermer sur quelque chose de trop mou pour être une branche et la rétracta.
Une femme couverte de la tête aux pieds par une combinaison verte qui ne laissait apparaître ni sa peau, ni ses cheveux, fut tractée des hauteurs avant d'être suspendue la tête en bas par Adam, un arc en main. Sieg fronça les sourcils en ne voyant pas la moindre trace d'un carquois.
– Tu pensais vraiment qu'on allait pas t'avoir ? se moqua la démone en s'approchant de leur prise. T'es pas si...
Des lianes poussèrent autour des pieds du gardien et lui firent perdre l'équilibre. L'archère en profita pour se libérer et donner un coup de pied à la barbare. La brute para sans mal le coupe et empoigna la cheville de son adversaire. Elle inspira et balança ses bras vers le sol en se retournant pour frapper le sol avec son ennemi. Une gigantesque fleur émergea de la terre et amortit la chute de l'archère en dégageant du pollen. Prise de court, Bélial en respira et se sentit fatiguée.
Les soldats sortirent leurs armes en fixant l'étrange menace sans comprendre ce qui se passait. Sieg balaya l'air avec sa lame recouverte de magie du vent et dissipa le pollen. Le bretteur attrapa le bras de la démone somnolente et la tira vers lui avant qu'elle ne tombe à genoux.
– Putain, mais une opioma qui a poussé ! s'écria Farca en fouillant son sac. Son pollen à des propriété soporifiques, mais elles ne sont pas aussi grosses ! Elles devraient faire la taille d'une rose, pas d'un buisson !
Des ronces explosèrent de sous terre, tourbillonnant autour de l'archère qui brandissait son arme. Des doigts qui caressaient sa corde, une branche poussa et prit la forme d'une flèche alors qu'elle bandait son arc. L'agresseuse visa Farca qui se figea sous la menace.
– Normalement, oui... Mais je suis capable de bien plus que de...
La terre sous elle se changea en sable ce qui la déstabilisa. Elle relâcha son tir mais la flèche ne frappa que le bouclier d'Adam. L'archère vit les ronces qui la protégeaient s'assécher et bondit en arrière. Du coin de l'œil, elle repéra Ahmés qui jouait un instrument la tira une flèche sur lui à une vitesse surprenant.
Le musicien tituba quand le projectile lui perfora le cœur. Les soldats crièrent en voyant le tir fatal alors que l'archère éclatait de rire.
– Et ce n'est qu'un début ! Vous avez osé me tenir tête, vous allez tous...
Les doigts d'Ahmés dansèrent sur son luth, jouant un air sinistre. Les ombres des arbres s'étirèrent et attrapèrent l'archère surprise qui fixait le taouyen qui se mit à chanter.
Oh pauvre âme vaillante et inconsciente,
Tu t'es dressée face à un pouvoir damné
Et t'exposes à une expérience fort déplaisante
Des mains sans vie d'un artiste passionné !
De nouvelles plantes poussèrent mais furent fauchées par une bourrasque enflammée. Adam déploya son bouclier contre le sol sous l'archère, l'empêchant de faire appel à la végétation pour l'aider.
– C'est terminé ! clama le bretteur. Nous ne sommes pas venus ici pour vous attaquer mais pour...
– Voilà qui est bien dur à croire...
Sieg se tut et leva le regard. Plus de trente elfes étaient perchés entre les branches et les menaçaient avec leurs arcs. L'archère ligotée ricana.
– Bien joué, mais je n'étais jamais seule ! La forêt toute entière veut votre...
Une lumière verte éclaira soudainement la pénombre des bois. Aveuglés, les deux camps perçurent difficilement une forme humanoïde aux longs cheveux flottant dans le vent. La lumière était bien trop éblouissante pour que ses traits puissent être distingués.
– Il suffit, Lorelya, souffla l'apparition. Les esprits ont sondé leurs âmes, ces individus ne sont pas guidés par de mauvaises intentions. La reine m'a envoyée pour t'ordonner de ne pas les blesser et les guider jusqu'au village.
– Quelle folie racontez-vous, mère ? explosa l'archère. Mais ce sont des humains, ils ne peuvent pas...
– Lorelya... Souhaites-tu vraiment désobéir aux ordres de la reine ?
L'archère baissa la tête avec dépit, ses poings serrés de frustration. Les elfes baissèrent leurs armes, ne masquant pas leur incompréhension.
– Vous l'avez entendue... cracha l'archère. Leur sort est maintenant entre les mains de la reine...
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