Chapitre 26 : Le départ de la princesse

Après une ultime nuit de fête, gâchée pour beaucoup, le défilé des départs prit de l'ampleur. Plusieurs représentants des autres nations ne s'étaient pas fait prier pour quitter Hydralia au milieu de la nuit après le fiasco de la soirée, certains ne prenant même pas le temps de passer par leur ambassade.

En milieu de mâtiné, Finora se rendit à l'autel des voyages, reposée et apaisée. En plus de son escorte, elle était accompagnée de son fiancé qui avait tenu à partager sa compagnie jusqu'au dernier instant.

– Combien j'aimerais vous présenter votre future nation... soupira la princesse alors que leur carrosse arrivait en vue de l'autel.

– Je partage votre sentiment, mais après ce qui s'est passé, je ne peux pas me permettre de quitter Merona pour le moment, expliqua Raccan avec tristesse. Surtout avec le départ de Canrac, mes parents ont besoin de moi, je sais que vous le comprenez.

– Oui, je le comprends... Mais ça reste dur...

Assis en face d'eux, Sieg et Bélial ne purent que compatir, comprenant la peine qu'ils ressentaient. Malheureusement, plus le pouvoir est grand, plus la couronne en devient lourde.

Ils n'étaient que quatre dans ce carrosse, la présence du prince en plus de l'escorte commençant à le rendre particulièrement étroit. À moins d'asseoir quelqu'un sur les genoux d'Adam qui prenait la place de deux personnes, la seule solution fut d'envoyer le reste de l'escorte dans le véhicule suivant, destiné aux soldats de Danatal.

Finora avait insisté pour garder l'écarlate et la barbare près d'elle, rassurée par leurs présence. Cependant, elle ne leur avait pas adressé la parole jusqu'ici et ils commençaient à se sentir gênés de voir les deux fiancés ainsi rapprochés. Ils en venaient à se demander si leurs compagnons ressentaient la même chose quand ils montraient leur affection pour l'autre.

Alors que le trajet touchait à sa fin, Finora se pencha en avant et prit les mains de Bélial qui se laissa faire sans comprendre.

– Je sais que vous en avez l'habitude, mais je vous en conjure, ne vous mettez pas en danger inutilement. Je serais peinée de perdre une amie telle que vous, j'en ai si peu...

Oh, ne vous en faîtes pas... Cette brute est in-cre-vable ! J'en viens à me demander si elle peut mourir...

Sentant l'inquiétude de la princesse, la démone lui adressa un sourire réconfortant et lui caressa le dos des mains avec ses pouces.

– Hé, t'en fais pas, ça va aller ! J'y vais pas pour crever. Et puis, il y aura Sieg et les autres ! Tu nous a vus ensemble, rien peut nous arrêter quand on travaille en équipe ! On va écraser Saga et Tyrian et mettre fin à toutes ces conneries ! Et après ça... Bah, je sais pas, ça va dépendre d'où voudra aller Farca pour ses recherches...

– Recherches ? demanda Raccan, intrigué.

– Le laboratoire des Origines, expliqua Sieg. Elle a repris les recherches de sa défunte mère et souhaite le trouver et prouver que ce n'est ps une simple légende. Nous nous sommes déjà promis de l'accompagner une fois cette quête finie. Et je dois avouer qu'une mission où le seul danger est de se couper les doigts sur du papier me ferait du bien après tant d'années à courir d'un péril à l'autre...

Raccan hocha la tête, comprenant le désir du bretteur. Il ne put cependant pas s'empêcher de sourire en voyant la tête que faisait Bélial en s'imaginant passer ses jours dans une bibliothèque plutôt que sur le champ de bataille. Le prince réfléchit avant de reprendre la parole.

– J'en parlerais à mon père plus tard. Lui qui se demandait comment remercier Dame Farca, je pense qu'il sera ravi de faire des recherches de son côté pour lui donner des indices la prochaine fois que nos routes se croiseront.

– Voila une récompense qu'elle sera plus que ravie d'empocher... ricana Sieg en devinant la réaction de la sang-mêlée.

Ah ça, j'ai hâte de la voir jubiler comme un enfant le jour de son anniversaire...

Le carrosse arriva à une vingtaine de mètres de l'autel des voyages. Ils ne pouvaient pas aller plus loin, la foule de nobles et royaux qui se pressaient d'entrer et attendre leur tour formant un obstacle infranchissable sans causer un énième incident diplomatique. Les fiancés descendirent de leur véhicule pour être rejoints par toute leur escorte. Parmi eux, l'alchimiste regardait les autours avec inquiétude, craignant de voir ses deux frères l'approcher et l'accuser de nouveau. Voyant le comportement, Adam resta près d'elle, préparé à intervenir au moindre signe de probème.

Sieg observa la longue fille de véhicules qui les avaient accompagnés et fronça les sourcils. Aux vingt soldats de Danatal s'étaient rajoutés au moins cent de Merona. Il comprenait que la sécurité du prince était importante, mais il trouvait cela disproportionné. Raccan remarqua l'étonnement de l'écarlate et se plaça à ses côtés avant de faire signe à un lieutenant qui l'approcha.

– Maître Sieg, je vous présente le lieutenant Matthias, un de nos meilleurs éléments ! Il est à la tête d'une troupe qui forme l'élite de notre armée. Mon père leur a donné l'ordre de vous accompagner et vous aider à arrêter Saga.

Le bretteur écarquilla les yeux en fixant le soldat qui retirait son casque pour révéler un homme brun dans la trentaine. Il salua l'écarlate avec autant de respect que s'il était face à son roi.

– C'est un honneur de vous apporter mon aide, Maître Sieg ! Sa Majesté m'a déjà donné les détails qu'il possédait sur cette affaire et je vous serais reconnaissant d'éclaircir les points qui restent obscures !

– Enfin des putains de renforts... grommela Farca en s'étirant. Franchement, je m'inquiétais... Déjà que les elfes sylvériens ne sont pas les plus sympas...

– J'espère pouvoir faire quelque chose à ce sujet.

Rinorin s'approcha du groupe avant de les saluer. L'elfe se tourna vers Matthias et se présenta.

– Rinorin Waldia, actuellement au service du royaume de Danatal. Sa Majesté Panaros m'a chargé de servir d'intermédiaire avec le clan avec le clan Sylvéria. Cependant, pour les affaires militaires, je vous laisserai prendre les commandes, même si les ordres de Sieg et ses compagnons prendront la priorité à mes yeux. Y voyez-vous un inconvénient ?

– Aucun, répondit le lieutenant en serrant la main de Rinorin. Je suis heureux de vous avoir à nos côtés, j'ai entendu dire que les sylvériens n'aimaient pas les autres races.

– Ou même les autres clans elfiques... Cependant, comme je fais parti de la famille régente d'un de leurs plus grands rivaux, ils devront faire preuve d'un minimum de respect s'ils veulent éviter une guerre.

Putain, on en revient toujours à des histoires de guerre... Ça devient lassant à la longue...

– Justement, je ne pense pas que se présenter à leurs portes avec une troupe armée soit une si...

– Détrompez-vous, intervint Rinorin en coupant Sieg. Non seulement les sylvériens seront réticents à attaquer toute une division de soldats, mais ils verront que vous avez le soutien d'une nation humaine. Même s'ils méprisent les autres peuples, ils restent assez lucides pour ne pas vouloir s'en faire des ennemis sans le soutien des autres clans. Chose qu'ils n'auront pas s'ils s'en prenaient à moi.

L'écarlate révisa son jugement, reconnaissant la sagesse de l'elfe.

– Bon, on va devoir rester longtemps ici ? grogna Bélial en couvant les nobles devant eux avec un regard noir. On a pas que ça à foutre ! Ils peuvent pas se magner un peu ?

– Tu sais que la téléportation prend du temps... lui rappela son partenaire. Ils doivent en plus faire avec les gens qui essayent d'arriver ici.

– Vous n'êtes pas obligés de rester pour moi, leur proposa Finora. Je doute qu'il puisse m'arriver...

– Nan, lui lâcha la barbare avec sérieux. On a promis à ton père de pas te lâcher jusqu'à ce que tu partes soit rentrée, et j'ai pas envie qu'il t'arrive une tuile alors que j'aurais pu être là !

Alors que la princesse était touchée par la sollicitude de la démone, celle-ci s'avança vers la foule en faisant craquer ses poings. Sieg s'inquiéta et prit les devants avant que la jeune femme ne fasse une bêtise.

– Houla, tu nous prépares quoi, là ? Tu ne vas quand même pas forcer le passage ? On représente Danatal ici ! Nous ne...

– Relax, je vais pas les toucher... ricana Bélial en forçant l'épéiste à reculer. Par contre, reste derrière Adam et dis lui de vous protéger.

Le gardien l'entendit et tira l'écarlate vers lui avant de dresser une barrière entre lui et la barbare. Bélial se campa sur ses jambes, inspirant un large volume d'air en concentrant son énergie obscure dans ses cordes vocales. Sieg s'empressa de faire signe à Ahmés de dissimuler tout le monde.

Aucune fenêtre dans un rayon de trente mètres survécut au choc. Le cri de la démone instilla une vive panique chez tout les animaux qui détallèrent, les chevaux traînant leurs véhicules comme s'ils ne pesaient rien. Les personnes directement touchés par le hurlement de Bélial tombèrent à la renverse, certains inconscients. Ceux qui n'avaient pas finis dans les vapes regardaient autour d'eux avec des regards fous, leurs instincts de survie ayant complètement éradiqué leur raison. Au milieu de ces victimes, un passage s'était formé vers l'autel des voyages remplis d'employés terrifiés qui n'osaient pas vérifier ce qui se passait.

Fière d'elle, Bélial se retourna en souriant vers ses compagnons et fut déçue par leurs réactions. Sieg avait une main devant les yeux, comme s'il ne voulait pas voir ce qui se passait. Bien que rendue invisible au reste du monde, Farca fit de son mieux pour se cacher derrière Adam en rentrant sa tête entre ses épaules. Ahmés regardait les victimes au sol avec inquiétude. Finora, Raccan, Anoro, Rinorin et Matthias scrutaient la jeune femme avec un mélange d'effarement et d'horreur. Les soldats de Merona pourchassèrent les chevaux qui s'étaient enfuis et tentèrent de les calmer. Adam... resta impassible, comme à son habitude.

– Gardes l'illusion active jusqu'à ce que tout le monde soit parti... se morfondit l'écarlate à l'adresse du musicien. Avec de la chance, personne se souviendra de nous avoir vus...

Vu la trouille qu'ils viennent d'avoir, je pense qu'ils ne vont plus se souvenir de grand chose...

On s'empressa de guider la princesse sidérée à l'autel où elle fut téléportée chez elle avec ses soldats qui priaient pour que le sort de dissimulation ne se rompe pas avant qu'ils aient pu disparaître de la scène de crime. Une fois cela fait, Sieg et son groupe se dépêchèrent de quitter les lieux alors qu'assez de lucidité ne revienne chez les victimes de la démone pour qu'elles commencent à poser des questions.

***

Arrivée à Syndras, la princesse fut prestement escortée au palais. Bien qu'ils étaient à des centaines de kilomètres d'Hydralia, Anoro voulut mettre Finora en sûreté aussi vite que possible. Au palais, on leur apprit que le roi était en plein conseil et serait informé du retour de sa fille.

Finora annonça avoir besoin de se retirer dans sa chambre, ce qui ne surprit pas son escorte après ce qui venait de se passer. Une fois dans ses appartements aussi larges qu'une petite auberge, la princesse congédia ses servantes en prétextant avoir besoin de réfléchir. Elle s'assit sur son lit large de trois mètres et soupira. Elle laissa son regard scruter les meubles ancestraux qui avaient accompagné sa famille pendant des générations et les œuvres d'arts qui décoraient l'immense chambre. Bien qu'elle était de retour dans un lieu qu'elle connaissait depuis son enfance, elle restait mal à l'aise.

Une fois certaine qu'elle était seule, Finora se leva et se dirigea vers sa boite à bijoux. Elle en sortit une pierre qu'elle porta à ses lèvres avant de murmurer.

– C'est moi. Ma mission s'est déroulée comme prévu. Pendant que je tenais occupés les représentants des nations que je rencontrais, un de mes hommes en a profité pour remplacer leurs talismans pour l'autel des voyages avec des versions trafiquées. À l'heure où nous parlons, ils doivent tous être en train de se téléporter à la cathédrale sans s'en douter. Le temps que quelqu'un se rende compte de ce qui se passe, il sera trop tard. J'espère que Dame Zadia n'oublieras pas ce que j'ai fait pour elle, car j'ai l'impression de trahir un ami cher à mes yeux. J'espère vraiment que les dieux d'or sauront apporter la paix à ce monde. Je sais que c'était le vœux de mon frère, et il sera fier de moi quand il nous reviendra. Même Alice nous sera rendue, mettant fin au tourment de Sieg.

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