Chapitre 25 : L'hydre de lumière
Une foule commençait à se former autour de la démone qui foudroyait du regard la pierre dans la paume de sa main. La voir ainsi employer une des pierres que les preneurs d'otage avaient utilisé les intriguait, et quelques débuts de rumeurs injustifiées arrivèrent aux oreilles de l'écarlate.
Sieg prit les devants et déclara à qui voulait l'entendre que la pierre était à Shan et que son employeur venait de prendre contact. La déclaration rassura certains alors que d'autres continuaient de couver Bélial avec un regard suspicieux.
– T'as rien de mieux à faire que de nous emmerder ? rugit Bélial. On était même pas là pour toi !
Que c'est hypocrite de ta part... Dois-je te rappeler qui est venue jusqu'à Taouy pour me mettre les bâtons dans les roues ? Oh, et ne penses pas que j'ai oublié pour Port-Écume...
– Ouais, ben t'as pas intérêt d'oublier mon village, connard ! Que tu saches pourquoi je vais t'étrangler avec tes tripes !
Les dernières personnes qui pensaient que la jeune femme pouvait être de mèche avec les criminels révisèrent vite leurs points de vue en voyant la rage dont elle faisait preuve.
Je n'aurais vraiment pas dû écouter Tyrian quand il m'a demandé de t'épargner... De toute ma vie, personne ne m'a jamais autant gêné que toi... Il est plus que temps pour moi de rectifier cette erreur...
– Bah viens, je t'attends ! hurla Bélial agitant ses bras. Viens qu'on en finisse ! On peut régler nos comptes ici et maintenant si tu veux ! Sauf si t'as pas les couilles de te pointer !
Heu, Bel... lui souffla Raya.
Farca grimaça, peu enthousiaste à la perspective d'affronter le mage le plus puissant du monde pour la seconde fois et sans préparation. Ils pourraient certes demander des renforts auprès des soldats aux alentours, mais l'arcaniste ne se présenterai certainement pas seul lui non plus. En échangeant un regard avec Sieg, l'alchimiste vit qu'elle n'était pas la seule à s'inquiéter. Ils furent tous les deux des signes à la démone de calmer le jeu, sans succès.
Patience, jeune fille, patience... Ton tour viendra bien vite, fais moi confiance... Si tu es à Merona, je suppose que tes compagnons ont compris que je me compte rendre visite aux elfes Sylvéria...
– Ouais, ça sera ta tombe, Saga ! Et t'as intérêt de ramener Tyrian avec toi, parce que j'ai pas envie de perdre trois ans à le chasser !
Oh ne t'en fais pas, sale peste... J'ai hâte d'assister à tes derniers instants...
Bélial écarquilla les yeux. Sieg ne reconnaissait peut-être pas la voix qu'il venait d'entendre, mais la réaction de sa partenaire ne laissa pas place au doute.
– On rencontre donc ton nouveau chien-de-garde, Saga ? demanda l'écarlate en croisant les bras. Tyrian, c'est bien ça ? Dis-moi, tu penses que tu vas tenir combien de temps exactement ? Ton maître a tendance à jeter ses jouets après qu'il les a cassés...
Oh, serait-ce une pointe de jalousie que j'entends dans ta voix, petit frère ? Ne t'en fais pas, tu es irremplaçable ! Crois-moi, j'ai essayé ! Mais si tu veux me revenir, tu n'as qu'à me le dire...
Il n'a pas osé... s'étonna Raya.
Sieg se crispa, n'ayant pas prévu que Saga dévoile aussi aisément leur lien de parenté. Surtout devant autant de personnes influentes. Il remarqua que plusieurs personnes le dévisageaient à son tour, indiquant qu'il avait de bonnes raison d'être inquiet.
– Tu peux rêver, enfoiré ! s'égosilla Bélial en attrapant le bretteur par les épaules pour le coller à elle. C'est mon partenaire, pas touche !
Oui, il m'avait bien semblé que vous étiez bien proches, quand je vous ai vus ensemble...
Sérieux ? Ton frangin avec Bélial ? Il a de drôles de goûts, ma parole...
Ce n'est pas bien nouveau... Bon, nous n'allons pas passer le reste de la nuit à papoter, j'ai du travail ! Surtout maintenant que je dois trouver une nouvelle source de revenus pour entretenir mon armée... Mais en attendant...
Une lueur bleue éclaira un à un les preneurs d'otages, à commencer par Shan. Toute l'assemblée fixa stupéfaite l'évaporation dans la nature des prisonniers sans que l'on puisse l'empêcher.
D'ordinaire, un échec comme celui-ci serait impardonnable, mais comme ce n'est rien de moins que vous qui leur avez mis une épine dans le pied, je peux leur donner une seconde chance... Qu'ils comprennent cependant qu'il y en aura pas de troisième...
– Mais... balbutia Sieg. Un tel sort de téléportation... Même pour toi...
Tu ne devrais plus me sous-estimer... Et d'ailleurs...
La pierre de communication se brisa avant de se changer en poussière. La démone regarda un coup de vent la disperser avant de refermer son poing qui tremblait de rage.
– Ce putain de...
– Charmant personnage... commenta Anoro. Vous m'en aviez parlé, mais là, je ne peux qu'admettre qu'il est méprisable...
Et encore, tu n'as rien vu...
Sieg se pinça l'arrête du nez avant d'entendre des murmures s'élever autour d'eux. Sachant qu'ils étaient au cœur de toutes les conversation, il décida de guider le groupe ailleurs.
– Le roi et sa famille doivent être réveillés. Allons les voir et leur faire part de ce que nous savons.
– Vous avez raison, acquiesça Finora. Je m'inquiète surtout pour Raccan.
***
Après être de nouveau entré dans le palais, le groupe fut rejoint par un groupe de soldats qui leur confirma que le roi était conscient. Ils furent escortés jusqu'au balcon principal où se tenait fièrement Vlaran, scrutant sa ville. Bélial dût reconnaître que la vue était splendide, leur permettant d'admirer le cours des sept rivières qui serpentaient jusqu'aux plaines.
– Voilà bien une nuit que personne pourra oublier... soupira le roi. Malheureusement...
Sieg s'approcha de la rambarde et retira son chapeau. Il resta silencieux un moment, choisissant ses mots avec soin.
– Nous savons qui est derrière cette attaque... finit-il par admettre.
Vlaran ne tourna pas la tête, se contentant de regarder droit devant lui.
– Qui donc ?
– Saga, un puissant arcaniste. Il a l'intention de lever une armée pour attaquer un clan d'elfes et causer le plus de morts possible, aussi bien chez les elfes que dans son propre camp. Et pour ça, il a besoin de fonds...
– Il serait vraiment allé aussi loin juste pour de l'argent ? demanda Vlaran en jetant un regard en coin à Sieg. Il n'es pas passé loin de détruire la paix de tout Legenia !
– Je pense que ça faisait parti de son plan... Après les elfes, il a des vues sur le sud de Danatal. Roi Panaros s'en doute déjà et a pris des mesures, mais si la guerre avec ses voisins venait à gronder pour une raison ou une autre...
Vlaran baissa la tête, songeur.
– Que cherche Saga, exactement ? Pourquoi plonger le continent dans la peur et la guerre ?
– Le monde entier, plutôt... Son dernier grand coup était à Taouy. Pour faire simple, il cherche à rassembler les pouvoirs des sept Déchus.
– Il fait tout ça pour un simple mythe ? s'indigna Vlaran en se tournant vers Sieg. Vous n'êtes pas sérieux ?
L'écarlate adressa un regard dur et froid au roi qui frissonna.
– Mes compagnons et moi avons affronté Narcission dont Saga avait dérobé ses pouvoirs devant nous. Rien n'est plus sérieux que ça, Majesté.
Vlaran déglutit et serra les poings. Il n'avait pas de raison de douter de l'honnêteté du bretteur, mais la vérité le dépassait complètement.
– Il y en a sept en tout... Les elfes et Danatal, ça fait deux. Et pour les autres ?
– Nous savons qu'il en a trois et il a déjà un autre plan en route pour obtenir la sixième si on tient compte des deux que vous avez cité. Nous ignorons tout de la septième.
Vlaran fronça les sourcils. La situation était pire que ce qu'il avait imaginé.
– Avez vous la moindre chance de l'arrêter ? s'inquiéta le souverain.
– Oui, le rassura l'épéiste. Nous n'en sommes pas passé loin à Taouy, rien nous empêchera d'y parvenir.
Le roi posa sa main sur l'épaule de l'écarlate et soupira.
– J'espère que vous avez raison...
Il se retourna pour fixer le reste du groupe. Ses yeux se posèrent sur Farca qui se sentait gênée.
– On m'a raconté ce que vous avez fait...
– Ah... lâcha la sang-mêlée avec un regard fuyant. Heu, vous savez, si vous me donnez trente ans, je pourrais payer...
Minimum...
Vlaran regarda l'alchimiste avec étonnement avant d'éclater de rire.
– Ah, ça ? Ne vous en faîtes pas, je ne vais pas vous demander de débourser une seule pièce d'or ! Certes, les dégâts sont considérables et coûteront cher à réparer, mais je vois ces dépenses comme le prix de notre incompétence. Nous avons manqué de vigilance et quelqu'un en a profité pour mettre tout le continent en danger. Comparé à ce qui aurait pu se passer, une salle de bal ravagée est bien dérisoire... Non, Dame Farca, je ne peux que vous féliciter pour votre coup d'éclat. Tout espoir était perdu, nous allions tous y passer, mais vous avez su trouver la lumière au milieu des ténèbres. Et pour ça, vous avez mon éternelle reconnaissance.
À la grande surprise de tous, le roi s'inclina devant la naine qui ne sut plus où se mettre.
– Houla, pas besoin d'en faire autant ! Au final, je n'ai fait que sauver mes propres compagnons ! Tout le reste, c'était...
– Ne Sois Pas Modeste. Tes Actions Ont Empêché Une Guerre. Des Dizaines De Milliers De Vies Auraient Pu Disparaître.
– Maître Adam a raison, Farca, ajouta Finora en s'inclinant devant elle. Sans vous, l'avenir aurait été bien sombre, et aucun d'entre nous aurait pu y faire quoi que ce soit. Peu l'admettront, mais tout le monde ici sait que Legenia a une dette éternelle envers vous.
La bouche de l'alchimiste s'ouvrit en grand sans qu'aucun son ne puisse en sortir.
– En temps normal, pour vos actes de ce soir, je devrais vous offrir votre propre comté, expliqua le roi. Personne pourrait juger cette action. Cependant, l'heure n'est pas aux récompenses, j'en ai bien peur. Mais sachez qu'un jour, quand le monde ne sera plus menacé par les ombres qui veulent nous voir sombrer dans le désespoir, je vous récompenserais comme il se doit. Et il en va de même pour vous, Maître Adam ! Je n'oublie pas ce que je vous dois, à vous aussi !
– Vos Remerciements Me Suffisent, Votre Majesté.
– Ah, tant de réjouissances ne font qu'enflammer mon âme ! s'extasia Ahmés en empoignant son luth. Je ne peux que laisser mon art s'exprimer !
Le musicien se mit à jouer un morceau joyeux et rapide, forçant un sourire sur toutes les lèvres. Bélial prit la main de Sieg et l'entraîna un peu plus loin.
– Houla, du calme Bélial ! Qu'est-ce qui...
En un mouvement, elle le plaqua contre elle et se mit en position de danse.
– J'avais envie d'essayer ça quand j'ai vu la princesse danser ! On a de la musique, c'est parfait, non ?
L'écarlate dévisagea la jeune femme avant de rire et mener la danse. Ahmés changea le rythme pour aller avec la danse. Le public improvisé admira la première danse des deux amants avec bienveillance. Ils savaient tous que des jours sombres les attendaient, ces moments d'insouciances deviendraient vite rares et étaient à chérir.
Les cloches de la capitales sonnèrent minuit. La démone et le bretteur mirent fin à leur valse pour admirer l'hydre de lumière, l'événement principal de la fête des sept rivières avec les autres.
À bord de centaines de barques, radeaux et navires de toute tailles, les meroniens allumaient un à un des lanterne, commençant depuis la mer et s'étendant le long des cours d'eau. L'effet fut celui de sept têtes lumineuses qui égermaient de la mer et s'étendaient à travers la ville avant de s'aventurer jusque dans les plaines, déchirant les ténèbres de la lumière sans crainte.
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