Chapitre 21 : Panique
Les invités avaient été réunis au centre de la salle de bal, assis et encerclés par les hommes de Shan. Les arbalétriers étaient toujours en hauteur, menaçant de faire pleuvoir sur leurs otages une volée de carreau au moindre signe de problème. Sur la scène où jouaient plus tôt les musiciens, la famille royale était retenue par cinq hommes et étaient régulièrement escortés hors de la pièce un par un avant de revenir.
– Tu es sûr que tu ne veux pas que je nous dissimule avec une illusion ? murmura Ahmés. Je suis sûr que je pourrais...
Sieg secoua la tête et indiqua d'un mouvement un homme en robe mauve orné de nuages.
– Illusionniste. Comme toi, c'est un expert de la dissimulation. S'il est assez doué, il pourrait voir à travers tes mirages et même les dissiper. Tant qu'il est là, nous ne pouvons pas prendre le risque de mettre les autres en danger.
– Ouais, ben j'en ai marre, moi... bouda Bélial. Sans ces connards en haut, on pourrait se battre sans problème...
Calmos, je suis la seule de nous deux qui survivra à l'expérience si tu te fais massacrer ! Enfin, façon de parler...
– Vous ne pouvez pas protéger les otages ? demanda Anoro au gardien. Vous savez, comme avec le lustre
– Négatif ! La Zone Est Trop Large. Je Peux Protéger Tout Le Monde Des Guerriers Ou Des Arbalétriers, Pas Les Deux. Le Bouclier Ne tiendrait Pas Plus De Quinze Secondes De Toute Façon.
– Donc pas assez longtemps pour guider les autres otages en sécurité, et encore moins sauver la famille royale... grommela Sieg. Gardons nos forces pour quand une ouverture se présentera. Et puis, il nous reste un atout...
– Si vous comptez sur cet échec pour nous sortir d'ici, c'est que vous êtes plus stupide que vous en avez l'air, même pour un humain...
L'écarlate regarda par dessus son épaule. Les Acieroux étaient assis près d'eux et avaient écouté malgré eux à leur furtif échange.
– Galran a raison, marmonna Caldar. À part traîner dans les pattes des autres et plonger son nez dans des livres d'alchimie, elle n'a jamais su rien faire. Qu'elle reste dans son coin jusqu'à ce que nous soyons libérés. Nous n'avons pas besoin qu'elle nous mette en danger.
– Vous sous-estimez votre sœur... déclara le bretteur en lui adressant un regard froid. Elle est rusée et ingénieuse, bien plus que moi. Et comme elle a littéralement plus d'un tour dans son sac, alors je ne serais pas surpris si elle a déjà un plan en tête.
– Arrêtez de raconter n'importe quoi... grinça Baldar. Nous avons grandi avec elle, nous connaissons cette erreur de la nature mieux que vous... Elle a toujours raté ce qu'elle a essayé de faire, et dans le pire des cas, elle faisait s'effondrer des galeries entières. Inventez toutes les histoires que vous voulez sur elle, nous ne sommes pas dupes...
– Espèce de sale... ragea Bélial qui fut retenue par Sieg.
– Parce que tu penses vraiment que je vais me calmer ?
Les otages levèrent les yeux vers le balcon. La discussion là haut s'animait et commençait à les inquiéter. Radan, un demi-orque chauve armé de deux cimeterres, hurlait sans retenu sur son chef qui lui ordonnait de baisser d'un ton.
– Non, je te demande d'être professionnel, Radan... soupira Shan. Et surtout, plus malin que ça. Je ne vais pas te trahir juste pour gagner la confiance de quelqu'un dont je ne sais rien. Nupil va mourir, sois en certain. Je lui ai juste dis ce qu'il voulait entendre pour qu'il baisse sa garde. On va envoyer quelques hommes fouiller la zone où Daran patrouillait. Nous devrions l'y trouver. Et dans le pire des cas, je lui ai bien fait comprendre que nous seuls savons comment nous échapper d'ici. S'il tient à sa vie, il finira par nous approcher. Il suffit d'être patient...
– Dans ce cas, je vais aller le chercher aussi, moi ! déclara le guerrier. Je ne vais pas...
– Tu vas rester ici et te tenir tranquille ! ordonna Shan. Si Nupil voit un excité qui ressemble à l'homme qu'il a tué déambuler dans les couloirs comme un taureau lâché dans un abattoir, il risque de paniquer et tenter de s'enfuir. S'il réussi ou que le sac tombe hors de notre porté, nous sommes foutus ! Notre maître ne tolérerais pas un échec aussi cuisant alors que le plan était parfait !
– Parfait ? Tu te fous de moi ? explosa Radan. Tout est parti de travers ! Ça devait être facile, on n'aurait pas dû tomber sur un taré qui s'amuse à buter nos gars quand ils sont seuls !
– Et je te promets que tu le tueras, cet énergumène. Pour le moment, je veux que tu la boucles et que tu suives mes ordres. Sinon, je serais obligé de faire part de ton insubordination à Maître Saga...
Le guerrier grimaça, se souvenant de ce que l'arcaniste avait fait à la dernière personne qui avait échoué une simple mission. Lui qui avait grandi sur les champs de bataille, le demi-orque était habitué à la cruauté, mais Saga faisait preuve de bien plus d'imagination que lui quand il s'agissait de faire souffrir autrui. De plus, il les voyait tous comme des pions facilement remplaçables, alors il n'hésiterait pas à se débarrasser de ceux qu'il jugerait inutile. Bien que Radan voulait se venger, il souhaitait plus encore rester en vie.
– Je vois qu'on se comprend... soupira Shan en voyant l'expression de son subordonné. Pour le moment, surveille nos otages, nous pourrions en avoir besoin si les soldats dehors commencent à perdre patience.
Retenant un cri de rage, Radan se retourna pour s'accouder au bord du balcon. Il posa un regard noir sur les invités, résistant à la tentation d'entre prendre un au hasard pour se défouler sur lui.
– Analyse Terminée : Tout Ne Se Passe Pas Comme Prévu.
– Oui, mais je me demande quoi... s'inquiéta Finora. Vous pensez que ce sont les soldats dehors qui tentent quelque chose ?
– Nous n'avons aucun moyen de le savoir, soupira Sieg. Mais quelque chose me dis que rester passif ne va pas nous sauver, bien au contraire... Une fois leur but atteint, ils n'auront aucun intérêt à nous garder en vie, et tout particulièrement la famille royale...
– Vous n'êtes pas sérieux ? s'indigna Caldar. Ils ne vont quand même pas...
– Et pourquoi pas ? grogna la démone. Si on sert plus à rien, ils vont pas se casser la tête avec nous et juste nous buter. Sinon, on pourrait les faire chier.
Ah ça, je n'en doute pas...
– Je suis d'accord avec vous là-dessus... admit Galran en se lissant la barbe. Au final, nous sommes peut-être certains de mourir... Nous devrions trouver une solution avant de...
Baldar n'écoutait plus la conversation. La perspective de mourir si rien n'était fait l'avait plongé dans un état de panique silencieuse qui le figeait sur place en le coupant du reste du monde. Il ne voulait pas périr ici, entouré d'humain et loin de sa mine natale. Il n'avait jamais voulu venir, mais son frère ne lui avait pas laissé le choix. Il se devait de trouver une solution.
– Pour le moment, la discrétion est notre meilleur allié, exposa Ahmés. Tant qu'ils ne pensent pas que nous pouvons être une menace, nous...
– Hé ! Excusez-moi ! Puis-je vous parler ?
Houla, en voilà un qui est pressé de crever...
À l'horreur générale des otages, Baldar venait de se lever et s'approcher de leurs gardes. Radan remarqua la scène et fit signe aux arbalétriers de ne pas tirer pour le moment. Il était curieux de voir ce qui allait se passer.
– Reste assis, toi ! cria un garde en pointant son épée vers le nain. Ne m'obliges pas à t'utiliser comme exemple !
– Je peux vous obtenir de l'argent... Beaucoup d'argent... Tout ce que vous avez à faire, c'est nous laisser partir, moi et mes frères...
– Mais quel abruti... s'énerva Galran. Il va tous nous faire tuer...
Le garde ricana et fixa le nain avec amusement.
– C'est vrai que vous avez tous un paquet de fric, vous les nains... Maintenant que j'y pense, on n'a même pas pris le temps de vous fouiller... Qui sait, vous avez peut-être des trucs de valeur qui pourraient nous plaire...
L'écarlate regarda le collier qui pendait au cou de sa partenaire. Ce simple objet protégeait sa véritable identité et on parlait à présent de prendre tout les objets de valeur. Ahmés prit les devants et siffla. Le collier devint invisible, mais cela ne rassura pas Sieg qui jeta un regard discret vers illusionniste. Ce dernier venait de froncer les sourcils et scrutait la foule avec intérêt. Le bretteur décala la barbare pour qu'elle lui tourne le dos, juste au cas où.
– Je te remercies, mais tu as joué avec nos vies, là... gronda Sieg.
L'attention du mage fut heureusement reportée sur Baldar et les gardes qui se jouaient de lui.
– Faut voir... Tu nous en promets combien, juste pour voir...
– Au moins dix mille pièces d'or ! Et je n'hésiterais pas à grimper jusqu'au double si vous ne nous faîtes aucun mal !
– Intéressant, ça... ricana un garde. Et tu vas nous faire croire que tu as autant d'argent sur toi ? Où qu'on peut te faire confiance pour nous payer plus tard si on te relâche juste comme ça ?
– Pas juste moi ! Mes frères aussi ! Ma sœur, par contre, vous pouvez la garder. Enfin, si vous la trouvez...
Alors que ses hommes ricanaient, Radan fronça les sourcils, intrigué. Il hurla aux gardes de lui amener le nain car il avait des questions à lui poser. Baldar fut saisi et traîné par des brutes hilares.
Je le sens mal, là...
– Je rêve, ou c'est parce que ce petit con a parlé de Farca que l'autre veut le voir ?
– C'est ce qui m'inquiète aussi, Bélial... marmonna Sieg. Quelque chose me dis que c'est à cause d'elle qu'ils se chamaillaient, là-haut... Et s'ils comprennent qu'elle a des proches ici...
Baldar fut jeté aux pieds de Shan qui le fixa comme un vieux chien boiteux avant de dévisager le demi-orque.
– Tu m'expliques pourquoi tu l'as fait monter ici ? Nous sommes déjà bien assez débordés...
– Il dit connaître quelqu'un qui nous a échappé, expliqua le guerrier. Sa sœur pour être précis. Alors comme es nains sont tous barbus avec la voix grave, je me suis dis qu'on se trompe sur la taille de Nupil...
Une étincelle de malice brilla dans le regard du pyromancien alors qu'il revoyait à la hausse la valeur du nabot à ses pieds. Celui-ci, s'était mis à genoux et commençait à le supplier.
– Comme je vous l'ai dis, je peux vous payer une...
– Plus tard, tout ça... l'interrompit Shan en s'accroupissant. Tu dis avoir une sœur encore en liberté ? Peux-tu m'en dire plus à son sujet ?
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