Chapitre 19 : Une cage d'or

Bien avant que la nuit tombe, les invités du roi de Ménora affluaient vers le palais. Ce dernier soir de festivités serait la plus divertissante, motivant tout le monde à faire acte de présence le plus tôt possible.

La moitié des convives occupaient déjà la salle de bal quand Finora et son escorte passa la grande porte lorsque le soleil se mélangeait à peine avec l'horizon. Une musique plus rythmée et festive filtrait de la salle de bal, signe que l'ambiance se voulait plus détendue que la veille.

Si Anoro, Adam et Ahmés n'avaient pas changé de tenue, le reste du groupe arborait de nouveaux atours. Après un long échange à l'ambassade, ils étaient tous tombé d'accord que si un incident était quasiment certain cette nuit ci, il valait mieux que Sieg revête son habituel vêtement fait d'écailles de dragon rubis, aussi résistent que flexible. Même si ces vêtements n'étaient pas du même niveau que ceux de la soirée d'avant, ils restaient assez élégants pour une telle occasion.

À son bras l'accompagnait Bélial, dont la robe écarlate se mariait à merveille avec la tenue de son partenaire. Ses cheveux avaient été coiffés en un chignon qui dégageait superbement son visage.

La princesse volait presque de joie dans sa robe dorée, impatiente d'ouvrir le bal avec son fiancé.

Enfin, Farca se précipita vers un garde dans sa robe émeraude et l'invita à se pencher pour lui souffler dans l'oreille.

– Pardon, mais... Si je veux me... repoudrer le nez, c'est bien comme ça qu'on le dis ?

En se retenant de sourire, le garde indiqua une direction à suivre que la Sang-mêlée suivie en demandant à ses compagnons de ne pas l'attendre.

Quand il faut y aller....

– Je ne peux que la comprendre... soupira Sieg. Même si on oublie les enjeux de ce soir, elle ne doit pas avoir hâte de recroiser sa famille...

– Ouais, bah qu'ils fassent pas trop les marioles, ceux-là ! grogna Bélial en serrant son poing. Parce que si je les recroise...

– Peut-être que plus de diplomatie serait avisé pour l'image de la princesse ? conseilla Ahmés.

La démone roula les yeux vers le ciel, grommelant que l'on réglait plus facilement les problèmes de famille dans son clan.

Oui, mais la plupart d'entre eux n'ont que la moitié de leurs dents...

– Nous aviserons le moment venue, trancha Finora. Cependant, si les Acieroux pensent qu'ils pourront se montrer irrespectueux en ma présence ou celle de ma future belle-famille, ils se trompent lourdement...

– Évitons de causer une guerre ce soir, d'accord ? Soupira Anoro qui sentait que la soirée serait longue.

Après avoir gravi les marches, la délégation de Danatal pénétra dans la salle de bal où rires et discutions résonnaient de toute part, seulement dominés par la musique de l'orchestre. Les tenues étaient aussi moins sobres que la veille, certains invités ayant le même style qu'Ahmés.

Sieg ouvrit la marche vers le centre de la salle, où une fois de plus les hôtes de cette soirée accueillait leurs invités. Des émotions divergentes se reflétèrent dans les expressions de la famille royale en voyant Finora et son escorte approcher, mais ils se composèrent pour la plupart un masque de joie quand elle n'était pas sincère.

– Ah, Finora ! s'enthousiasma le roi. Heureux que vous soyez là !

– Et c'est un plaisir d'être ici, Votre Majesté... répondit la princesse en s'inclinant.

Elle salua le reste de la famille, son visage rougissant quand vint le tour de Raccan. Elle s'approcha de lui et s'accrocha à son bras.

– Ah, quel magnifique tableau que voilà ! se réjouit Ahmés en feignant théâtralement de s'évanouir. Les odes à l'amour que je pourrais composer en cet instant pourrait...

– Du calme, Ahmés... ricana Sieg en posant sa main sur son épaule. Nous sommes ici pour veiller sur la princesse, pas la mettre dans l'embarras...

– Je me souviens de vous, intervint Canrac en dévisageant le taouyen. Vous êtes reparti hier soir avec Finora et les autres hier. Par contre, nous ne vous avions pas vu en leur compagnie durant la soirée...

– Une autre tâche m'a retenu loin des festivités, m'empêchant de vous présenter mes hommages, Altesse ! s'excusa le musicien en faisant une révérence. Ahmés, barde itinérant, pour vous servir ! Je voyage avec Bélial et les autres pour un jour chanter leurs louanges dans la plus épiques des épopées !

– En parlant de personnes absentes, je ne vois pas votre amie de la famille Acieroux... remarqua la reine en regardant autour d'elle. A-t-elle préféré rester à l'ambassade pour ce soir ?

– Farca... s'est sentie barbouillée... expliqua Sieg avec tact. Elle nous rejoindra plus tard...

– Ne lui faites pas d'excuses ! Nous savons tous que cette erreur de la nature s'est trouvée un trou où se cacher !

L'écarlate attrapa le poignet de la barbare, sachant pertinemment bien qu'elle était à deux doigts de partager son point de vue avec Galran qui s'approchait, talonné par ses frères et leur escorte. Ahmés se retint de siffler un morceau qui aurait plongé les Acieroux dans un cauchemar qui aurait brisé leurs esprits, redoutant les retombées diplomatiques d'un tel acte.

– Que cette peste cesse de nous polluer l'air, nous ne nous en porterons que mieux... soupira Baldar. Franchement, elle devrait avoir honte de s'être ainsi présentée en...

– Baldar Acieroux.

La voix artificielle d'Adam coupa l'élan d'insulte du nain qui leva le regard vers le gardien qui se penchait vers lui. Baldar se sentit plus écrasé par sa présence intimidante que si Adam s'était assis sur lui.

– Farca Est Une Femme D'Exception, Cessez De L'Insulter Si Vous Ne Voulez Pas Que J'Enclenche Mon Protocole De Sermon Pour Le Reste De La Soirée. Je Vous Recommande De Ne Pas Lui Parler Quand Elle Sera Ici, Suis-Je Bien Clair ?

À la place du nabot, je pense que je me plierais à ses consignes sans broncher... La flippe, sérieusement...

Sieg toussa. Comme s'il avait entendu un ordre, Adam se redressa et se tint au garde à vous.

– Je Vous Souhaite De Passer Une Bonne Soirée, Baldar Acieroux !

Encore marqué par l'expérience de la veille, Baldar resta crispé, se demandant comment sa sœur avait pu trouver des compagnons aussi peu recommandables. Son frère Caldar le prit par les épaules et le guida vers le buffet.

– Je m'excuse pour le manque de tenue de mon frère, déclara Galran avec lassitude. Je vais aller lui parler. Je lui ferais bien comprendre d'ignorer Farca si elle daigne nous faire... grâce de sa présence, comme vous le promettez... Il va s'en dire que nous en ferons tous de même... Nous sommes ici pour le plaisir, après tout...

Sieg serra sa prise sur Bélial, la sentant prête à corriger Galran devant toute la noblesse et la royauté de Legenia. Ils regardèrent les Acieroux s'éloigner avec une certaine satisfaction.

– Quelle horrible famille... murmura la reine. Je ne peux que me sentir mal pour cette pauvre Farca.

– Pour une fois, nous partageons le même sentiment, Mère... souffla à son tour Canrac.

– Si vous pouviez éviter de dire de telles choses en public... grogna le roi en posant sur sa famille un regard noir.

Vlaran soupira avant de faire signe à l'orchestre de s'arrêter. Avec l'interruption de la musique, les invités se tournèrent vers le centre de la pièce où le roi écarta les bras.

– Mes chers invités ! Je vous suis reconnaissant d'être venus si nombreux pour cette nuit si cher à mon pays. À minuit, nous nous rendrons sur la terrasse pour assister à la cérémonie de l'hydre de lumière, le clou du spectacle ! Mais en attendant, j'ai le plaisir de laisser mon fils, Prince Raccan, et sa magnifique fiancée, Princesse Finora, ouvrir le bal !

La foule se tassa vers les murs de la salle, libérant la piste de danse. Main dans la main, Raccan et Finora se placèrent au centre de la pièce et se firent face. L'orchestre se remit à jouer et les fiancés commencèrent à danser. L'audience resta silencieuse, admirant la performance admirable des deux jeunes royaux.

Du coin de l'œil, Sieg vit sa partenaire analyser la danse avec émerveillement. Il se doutait que Bélial retenait chacun de leurs mouvements, de la même façon qu'elle était capable de mémoriser toutes les actions dans un combat. L'écarlate ne doutait pas que la démone serait en mesure d'imiter presque parfaitement cette danse si elle le voulait.

Le bretteur allait dire quelque chose quand une boule de feu fut projeté depuis le balcon qui surplombait la piste et frappa de plein fouet le lustre. La lumière dans la salle diminua alors que des cris de panique étaient poussés de toute part. Finora et Raccan levèrent les yeux, trop surpris pour bouger. Le lustre se décrocha et tomba vers eux.

Sieg et Bélial s'étaient mis à courir avant que l'imposant objet ne se détache du plafond, mais même cette avance ne leur permettrait pas de les atteindre avant de finir écrasés. Le bretteur résista à la tentation de faire courir sa magie électrique dans son corps pour gagner en vitesse, doutant qu'il puisse survivre au contrecoup cette fois ci.

Adam tendit la main vers le prince et la princesse, créant un bouclier d'énergie au-dessus d'eux. Le lustre s'écrasa contre cet obstacle inattendu dans un déluge de verre et de cristal brisé qui arracha un nouveau cri au publique. Alors que le couple royal étaient encore dans les bras de chacun, fixant l'improbable scène, l'écarlate et la barbare les guidèrent rapidement hors de danger. Une fois tout le monde évacué, Adam retira son bouclier, laissant le lustre finir sa course sur la piste dans une nouvelle cacophonie de sons cristallins.

Personne put cependant se réjouir longtemps du manque de victime. Le balcon était maintenant remplis d'arbalétriers qui menacèrent les invités avec leurs armes. En scrutant les hauteurs, on pouvait distinguer quelques mages qui pointaient leurs bâtons vers le public. La panique fut totale, mais personne put s'enfuir. Les portes aux quatre coins de la salle furent enfoncées et des hommes armés bloquèrent les accès.

Se mordant la lèvre, Sieg regarda autour de lui en se retenant se sortir son arme, ne voyant pas ce qu'il pourrait tenter sans que leurs agresseurs ne purgent une grande partie des souverains du continent. Bélial serrait ses poings en essayant de se mettre entre la princesse et le danger, en vain. Adam et Ahmés restèrent près de la famille royale, évaluant la situation qui échappait à leur contrôle.

Dans la pénombre de la salle à peine éclairée de quelques lampes, un individu portant une robe de mage rouge se présenta au bord du balcon et sourit à l'assistance.

– Mes hommages, Mesdames et Messieurs. Je me nomme Shan, un humble pyromancien. Veuillez nous excuser pour notre manque d'étiquette, mais nous allons devoir vous demander de rester calme et bien élevés. Nous ne voudrions pas que vous nous obligiez à avoir un comportement plus... belliqueux...

Le mage se délecta de la peur qu'il pouvait voir se dessiner sur la plupart des visages. Son regard se posa sur le centre de la piste et il dévisagea Sieg qu'il désigna de la main.

– Vous, là ! Montrez donc l'exemple à tout le monde ! Sans diriger votre main vers la paume de votre épée, laissez tomber votre arme au sol ! Mes chers collaborateurs se feront une joie de garder précieusement toutes vos armes pour le reste de la soirée ! Sauf si vous voulez tester leur patience...

L'écarlate grimaça, saisissant aisément l'ampleur de la menace. Il regarda par dessus son épaule pour faire signe à Bélial de baisser les poings. Une de ses mains défit la boucle de sa ceinture d'où pendait son fourreau. Il la retira et la laissa tomber au sol dans un tintement qui résonna dans le silence de mort de la salle de bal.

– Très bien... se délecta Shan en voyant que l'acte était imité par les autres invités armés et leurs gardes-du-corps. Si voue ne tentez rien de futile, je vous promet de vous laisser sortir de cette cage d'or, mes chers otages...

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