Chapitre 17 : Polémiques royales

Le tumulte de la fête se calma peu à peu à mesure que les convives s'en allaient. Ils montèrent progressivement dans leurs carrosses, repartant dans les rues bondées de monde de la capitale où le peuple festoyait allégrement en buvant, mangeant et chantant plus que de raison. Les plus enthousiastes sortaient déjà des chars colorés qui devaient être déployés le lendemain.

Nobles et plébéiens encombraient les routes dans un cortège de carrosses et de chars colorés aussi incongrus les uns que les autres qui irrita les passagers les plus respectables qui voulaient juste fuir le bruit et se coucher.

Les derniers invités quittèrent le palais avec l'exception de la délégation de Danatal. Une fois le calme revenu dans la salle de bal qui avait été le théâtre de bien des péripéties et bien plus de ragots, Finora et son escorte suivirent la famille royale de Menora dans les couloirs. Arrivés devant la porte d'un salon privé, Sieg fit signe à ses compagnons de rester dehors et veiller à ce qu'aucune oreille indiscrète, les leurs comprises, n'espionne leur conversation. Farca se sentit quelque peu vexée d'avoir été fixée pendant une partie de la conversation par toutes les personnes présentes.

– Hé ! s'écria Bélial alors que le bretteur allait refermer la porte derrière lui. Gueules si ça part en couille ! On enfoncera la porte pour voir ce qui se passe !

La délicatesse barbare, un art qui se perd...

Sieg fit un clin d'œil et ferma la porte. Il la rouvrit trois secondes plus tard en faisant un mouvement étrange et la referma. Ahmés redevint visible en se dépoussiérant.

– J'aurais au moins essayé... soupira le musicien. Ah, ce que je ne donnerais pas pour être mit dans la confidence d'un scandale royal bien juteux ! Les chansons que je pourrais écrire, mes amis !

– Je crois bien que c'est ça le problème... marmonna Farca.

– Je pense que vous l'avez échappée belle, au contraire... intervint Anoro. Quelque chose me dis que nous pourrions perdre nos têtes si nous laissions le moindre détail sur ce qui va se dire filtrer...

De l'autre côté de la porte, Sieg prenait place dans un fauteuil sous le regard intrigué de la famille royale qui ne comprenait pas son précédent ménage. Le roi et la reine étaient assis dans le fauteuil à la gauche du bretteur, Finora et Raccan dans celui de droite. Canrac délaissa le fauteuil d'en face et s'accouda à la cheminée, scrutant les flammes qui dansaient comme pour y déceler un signe des dieux.

– Nous vous remercions d'être venu, Maître Sieg, annonça Vlaran. Je vous propose d'aller droit au but. Vous avez joué à l'innocent tout à l'heure quand j'y avais fait allusion, mais nous savons tous que vous êtes déjà dans la confidence du secret qui menace d'être dévoilé.

Sieg se passa la main dans ses cheveux en soufflant. Il se doutait que personne n'était dupe mais il avait été obligé de feindre l'ignorance plus tôt. Cependant, dans ce cercle restreint où tout le monde était plus ou moins directement impliqués dans ce secret, les faux-semblants étaient inutiles.

– J'imagine que vous faites référence à ce que m'a dévoilé le Docteur Mollas quand je l'ai sauvé, il y a moins d'un an...

Le roi joua nerveusement avec ses doigts alors que le regard de sa compagne se durcissait. Toujours appuyé contre l'âtre, le prince pianota ses doigts sur la pierre.

– En effet... Il vous a parlé de la maladie qui a failli coûté la vie de Canrac quand il avait douze ans ?

– La Généalogia, n'est-ce pas ? Une maladie redoutable qui frappe d'habitude les jeunes enfants... Il est très rare de l'avoir à un âge aussi avancé. Et étant donné que le remède utilise le sang des deux parents, je suis bien content qu'un orphelin tel que moi ne l'a jamais contractée...

L'auditoire de l'épéiste releva le commentaire à la fin mais ne chercha pas à en savoir plus. Le passé de Sieg était un mystère pour eux qu'ils savaient remplis de douleur.

– En effet... continua la reine Mirena en se pinçant le nez. Alors mon époux et moi avons donné notre sang, mais... Honnêtement, je me doutais déjà que ça ne marcherait pas...

Sieg inspira. Il cherchait la façon la plus diplomatique de dire la chose à haute voix, mais rien lui venait.

– Évidement que ça a échoué ! s'énerva Canrac sans quitter le feu du regard. Après tout, le roi de Merona n'est pas mon père ! Mais je reste le fils d'un monarque malgré tout ! Un qui symbolise l'honneur mais qui ne l'incarne pas !

– Il suffit ! s'énerva Raccan en se tournant vers son frère. Vous ne devriez pas...

– Laissez, Raccan... le calma Finora en lui attrapant le bras. Votre frère a toutes raisons du monde de détester mon... notre père...

Canrac regarda Finora. Non pas avec fureur ou haine, mais avec tendresse et compassion. Il savait qu'elle souffrait presque autant que lui de connaître la vérité, bien que sa vision de l'homme qu'elle admirait n'était autant entachée que la sienne.

– Quand la première tentative de sauver Canrac a échoué, j'ai été contrainte d'avouer qu'avant mon mariage, Panaros et moi... Enfin, à l'époque, j'étais loin d'être la seule... Avant son propre mariage, il profitait de sa liberté sans honte, même s'il savait cacher ses traces...

– Cessez de tourner autour du pot ! hurla Canrac en frappant le mur de son poing. Panaros n'était qu'un chien en chaleur qui courrait après les jupons comme un chat après des rats !

– Calmez-vous si vous ne voulez pas que je le fasse pour vous ! rugit son frère en se levant, difficilement retenu par Finora.

– Cessez vos enfantillages ! tonna Vlaran en heurtant la table de son poing. Le moment n'est pas à la discorde ! Surtout devant un invité !

Les princes cessèrent de se quereller et regardèrent Sieg avec un certain embarras. Le bretteur se massait le front, se disant qu'il était bien trop tard pour lui d'assister à une dispute familiale.

– Donc, pour reprendre, j'avais été mandaté par Panaros pour sauver le médecin qui avait guéri prince Canrac quand ce dernier avait été enlevé par des brigands alors qu'il voyageait à Danatal... Je n'avais pas compris pourquoi le roi en personne me demandait ça, mais je ne l'avais pas pressé de question quand il m'avait affirmé que je n'avais pas besoin d'en savoir plus. Malheureusement, comme il le craignait sans m'en faire part, ces soi-disant bandits étaient en fait des soldats meroniens à la solde du parti anti-royaliste. Ils l'avaient torturé et j'avais malgré moi entendu sa confession alors que je les espionnait pour évaluer la situation et monter un plan.

– Alors vous les avez tous tués... souffla le roi en baissant les yeux.

– Pas Mollas... Lui, il est mort de ses blessures. Honnêtement, vu ce qu'ils lui avaient fait, j'étais impressionné qu'il ait tenu aussi longtemps... Mais au final, j'étais le seul à en être ressorti vivant et avec le secret. Je l'ai avoué à Panaros qui m'a demandé de garder le secret et c'est ce que j'ai fait. J'imagine qu'il vous en a fait part ?

– Il avait pris contact avec nous dès qu'il a appris que Mollas avait été enlevé. Après, il nous a effectivement parlé de sa mort alors que vous étiez présent. Il nous a par contre juré que vous ne saviez rien, mais nous n'étions sûrs de rien. À juste titre...

– Et maintenant, vous me suspectez d'avoir vendu le secret...

– Pas vraiment... grogna Canrac. Ce n'est pas la première fois que les anti-royalistes jouent la carte de l'illégitimité, mais c'est la première fois qu'ils la sortent en publique... Si c'est bien eux...

– Et qui voulez-vous que ce soit ? s'emporta Mirena. Qui d'autre aurait à y gagner ?

– Nous n'avons pas demandé à Maître Sieg de venir pour discuter de cela, coupa Vlaran avant de fixer le bretteur. Nous voulons que vous et votre équipe protégiez aussi Canrac demain. Je sais que vous êtes déjà chargés de veiller sur princesse Finora, mais si elle reste en notre compagnie, cela ne devrait pas vous poser de problème, si ?

– Vous ne faites pas confiance à vos propres gardes ?

– Nous ne savons pas si certains ont été achetés par nos ennemis, expliqua Raccan. Vous, en revanche, nous savons que vous n'aurez rien à y gagner de nous trahir. Ce ne sera que pour un soir. Dès que la fête sera terminée, Canrac doit de toute façon partir pour une mission diplomatique au nord, cela nous donnera une opportunité de faire des recherches sans avoir à craindre pour sa vie ici.

Sieg soupira en se penchant en arrière dans son fauteuil. Il n'avait rien contre protéger le prince si ça n'empiétait pas sa mission avec la princesse, mais il aimait de moins en moins cette histoire.

– Bon, très bien, j'en parlerais à mes compagnons. Je les garderais dans l'ombre en ce qui concerne sa parenté, faites moi confiance.

– Nous n'en doutons pas.

Sieg se leva et ouvrit la porte. Il fut presque déçu de ne trouver personne juste derrière à les épier. Au contraire, son équipe et Anoro étaient à plus de deux mètres de celle-ci, patientant comme ils le pouvaient. Bélial était endormie contre une armure, ronflant paisiblement dans sa splendide robe. La scène amusa l'épéiste qui alla lui caresser la joue pour la réveiller. La démone bailla et s'étira.

– T'as fini ?

– Oui, et demain, nous devrons aussi protéger prince Canrac, dit-il assez fort pour que les autres puissent l'entendre. En attendant, rentrons, nous devons nous reposer.

– Et niveau récompense... demanda Farca en devinant la réponse.

– La satisfaction d'un travail bien fait ? ricana le bretteur en aidant sa partenaire à se relever.

– C'est bien ce que je craignais...

– Allons, ne vous morfondez donc point ! Mon instinct me souffle que nous aurons une belle histoire à conter à la fin !

– Moi, mon instinct me dis de retourner au buffet...

Non, ça, c'est ton estomac...

Finora fit ses au-revoir avec son fiancé et salua le roi et la reine avant de rejoindre son escorte qui s'avnçait déjà dans le couloir.

– Un bien curieux groupe... commenta la reine.

– Vous vous souvenez d'avoir vu celui déguisé en paon avant ? demanda Raccan en plissant les yeux. Parce que moi non...

– Maintenant que vous en parlez...

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