Chapitre 13 : Secrets de famille

Un ballet de carrosse défaillait devant le palais sous la pale lueur de la lune. Des représentants venus de tout les coins du continent montaient les marches menant à l'entrée d'où filtrait la musique d'un orchestre

Un véhicule en particulier s'arrêta pour laisser ses passagers descendre. Le cocher sauta de sa banquette et ouvrit la porte en installant un marche pied. Adam émergea et surveilla les environs. Il tendit alors la main dans le carrosse et prit celle de Farca qui accepta son aide. Elle avait encore du mal à marcher dans des chaussures à talon, mais elle arrivait à rester digne dans son ample robe violette. Elle gardait avec elle sa sacoche, sachant qu'elle serait impuissante sans elle.

Sieg descendit à son tour, son épée accrochée à sa ceinture, et se tourna d'un quart pour présenter sa main à la personne suivante. Bélial la serra tendrement et le suivit. Contrairement à l'alchimiste, elle ne portait pas de talons, en grande partie parce qu'aucune chaussure en boutique était à sa taille. La barbare portait donc toujours ses bottes, heureusement cachées par sa longue robe ocre qui avait été retouché pour elle. Une fois de plus, Sieg perdit le fil de ses pensées en fixant le décolleté de sa partenaire qui était aux anges en remarquant sa réaction.

Les quatre gardes-du-corps formèrent un périmètre autour de la porte du carrosse. Anoro sortit enfin et aida la princesse à descendre. Elle resplendissait dans sa robe bleu cristal sertie de petits diamants qui semblait flotter.

Sieg ouvrit la marche, accompagné de Bélial. Après quelques pas, il vit qu'elle regardait avec une certaine envie les autres couples. Avec un sourire amusé, le bretteur lui proposa son bras qu'elle accepta en jubilant.

En arrivant à l'entrée du palais, Finora passa en tête et entra la tête haute. Le groupe admira l'immense hall d'entrée au sol carrelé de toutes les couloirs. Un imposant escalier de marbre permettait aux invités de rejoindre l'étage supérieur, éclairés par le plus grand lustre que Bélial avait jamais vu. Le hall était aligné de statues et de peintures représentant plusieurs ancêtres de la famille royale.

Le groupe suivit la princesse en haut des marches et même Sieg resta sans voix. La salle de bal où la réception avait lieu aurait fait passer même les plus grands halls nains pour des placards à balais. Un sol si bien lustré qu'il pouvait faire office de miroir s'étendait sur une centaine de mètre jusqu'à une scène où trente musiciens jouaient. Des colonnes aux sublimes gravures de cinq mètres de haut soutenaient un balcon qui pouvait être rejoint par deux escaliers de chaque côté de la salle, tapissés de velours rouge. Des tables dressés tout le long des murs proposaient des mets de tout le continent qui n'échappa pas au regard de la barbare.

Reste concentrée, tu n'es pas là pour t'empiffrer !

Un homme posté à l'entrée s'approcha d'Anoro qui lui présenta leur invitation. Celui-ci hocha la tête avant de se racler la gorge.

– Princesse Finora de Danatal ! anonça-t-il assez fort pour être entendu de l'autre côté de la salle.

Plusieurs têtes se tournèrent vers l'entrée. Nombreux étaient les nobles qui n'avaient encore jamais eu l'occasion de rencontrer la princesse. Cette soirée était pour eux l'occasion idéale pour se présenter à elle et la juger. Elle était l'unique héritière d'une des nations les plus respectées, faisant d'elle une alliée de premier choix.

Sieg examina les individus qui approchaient de la princesse avec attention, cherchant le moindre indice quant à leurs intentions.

– Bien, espérons qu'Ahmés va s'en tenir au plan et éviter de faire un scandale... souffla l'épéiste.

– Bah, vu que je viens de voir une coupe de champagne disparaître comme par magie... grommela Farca.

Sieg retint un cri de rage en tournant son regard vers le plafond.

– J'espère juste que les momies ne peuvent pas devenir ivres...

Un mort-vivant dragueur ivre et invisible ! J'adorerais voir ça ! Enfin, tu m'as compris...

– Laissons votre ami de côté... intima Anoro. Nous devons présenter nos hommages au roi Vlaran...

Finora guida son escorte jusqu'au centre de la salle où s'étaient regroupés plusieurs invités. Leur attention était portait sur quatre personnes qui saluaient tout le monde. Sieg se douta que les deux premiers étaient le roi et la reine de Menora, ce qui l'amena à deviner que les deux autres étaient leurs fils, le prince héritier Canrac et son frère Raccan. En voyant la princesse s'empourprer quand elle croisa le regard du plus jeune prince, l'écarlate comprit qu'il avait vu juste.

Le roi Vlaran remarqua Finora et s'adressa à elle en écartant les bras.

– Vous voilà, ma chère ! C'est un plaisir d'être l'hôte de votre première officielle !

Bélial regarda le rois de bas en haut sans la moindre discrétion. Il était grand et maigre, ses cheveux gris trahissant son âge avancé. Son visage ridé ne trahissait aucune malice quand il accueillit chaleureusement la princesse. La reine fit preuve de plus de retenue, mais ne sembla pas faire preuve d'animosité pour autant. Contrairement à son époux, elle était petite et enveloppée, créant un contraste flagrant.

– Mes hommages, Majesté... salua Finora avec une révérence. Et je vous présente aussi les salutations de mon père. Il espère que vous vous portez bien.

– Vous pourrez le remerciez pour sa sollicitude. Depuis un mois, j'ai senti mes forces me revenir. Je ne vous présente plus mes fils...

– Bien sûr, c'est un plaisir de vous revoir, prince Canrac...

L'héritier, un homme robuste d'une trentaine d'année aux cheveux bruns et courts, s'inclina devant la princesse. Il la scruta avec respect à travers ses lunettes.

– Princesse...

– Et vous aussi, prince Raccan...

Tout comme Finora, le second prince prit des couleurs. Plus svelte que son aîné, ses cheveux étaient plus longs et bouclés. Il ne pouvait pas cacher de voir la princesse.

– Princesse Finora...

– Dîtes moi, Finora, qui sont ces...

La reine se pencha sur le côté. Farca eut juste le temps de donner un coup de coude à Bélial pour qu'elle cesse de fixer le buffet et se montrer attentive. Le filet de bave qui perlait jusqu'à son menton ruina ses efforts.

– ... individus ?

– Des personnes de confiance que mon père a jugé bon de m'envoyer pour ma sécurité. Vous le connaissez, pour lui, rien ne prime plus que mon bien-être.

– Voilà un choix intéressant de...

Sentant venir une critique de sa mère, Raccan prit la parole en se tournant vers un membre de l'escorte de la princesse.

– Pardonnez-moi, mais seriez vous le fameux Sieg dont j'ai tant entendu parlé ?

Le bretteur s'inclina, cherchant par réflexe son chapeau en oubliant qu'il était encore à l'ambassade.

– Vous m'avez percé à jour, votre Altesse ! J'ose que vous avez au moins entendu quelques rumeurs positives à mon sujet...

Alors que Raccan souriait à pleines dents, son frère et son père étudiaient minutieusement l'homme que leurs espions avaient décris comme étant l'arme secrète de Panaros III. Bien que le roi de Danatal avait fait son possible pour cacher son lien avec Sieg, certaines rumeurs leur étaient tout de même parvenus. Ils avaient un temps considéré le faire éliminer, redoutant le danger qu'il pourrait représenter pour Menora, avant de se raviser en considérant que le fameux bretteur pourrait devenir l'atout de Raccan quand il monterait sur le trône, et donc indirectement le leur.

Le second prince ignora toutes les formalités et insista pour serrer la main de Sieg qui savait qu'ils étaient observés et que l'acte ne passerait pas inaperçu.

– Vous plaisantez, j'espère ? Je n'ai rien entendu à votre sujet qui pourrait entacher votre réputation !

Il se tape une démone et son frère est sur le point de détruire le monde... Ça compte ?

– En toute honnêteté, j'espérais avoir la chance de remercier en personne le héros qui a sauvé ma promise d'une attaque de bandits ! Sans vous, mon père n'aurait pas le plaisir d'annoncer nos fiançailles ce soir !

La princesse devint encore plus rouge alors que la reine leva les yeux au ciel.

– S'il était si formidable que ça, prince Fanaro serait...

– Mère !

L'assemblée sursauta à l'interjection de Canrac qui regarda la reine avec dureté.

– Veuillez laisser vos vues de côtés, surtout si c'est pour raviver les douloureux souvenir de ma future belle-sœur !

Indignée, la reine inspira mais fut stoppée par un raclement de gorge du roi qui articula sans un sans Pas ici.

– Je suis navré si ma présence est devenue une source de différents... s'excusa Sieg en s'inclinant de nouveau.

– Vous n'êtes en aucun cas fautif, Maître Sieg... s'exclama Vlaran en évitant de croiser les regards de son aîné et sa femme. Vous devez sans-doute savoir que...

– Je regrette, mais je ne suis qu'une simple lame au service de mon roi... Je suis loin d'être capable de saisir les complexités de la politique.

Quatre paires d'yeux qui ne croyaient pas un traître mot de ce qu'il venait de dire le fixèrent intensément. Cependant, ils comprirent le message et lui furent silencieusement reconnaissant pour sa discrétion.

– Bien sûr... conclut Vlaran. J'espère que vous pourrez profiter de la soirée, princesse Finora. Je vous demanderais juste de ne pas trop vous éloigner, je compte faire une annonce d'ici peu...

– Entendu, votre Majesté.

L'escorte suivit la princesse qui retournait dans la foule. Farca tira la manche de Sieg pour attirer son attention.

– Hé, c'est quoi le secret ?

– Il n'y a pas de secret, répondit platement le bretteur.

– Allez, tu ne me la fais pas à moi... J'ai bien vu...

– Dame Farca...

Finora s'était retourné pour sourire à l'alchimiste. Il s'agissait du genre d'expression faciale travaillée dans les plus hautes sphères de la politique. Un masque que l'on revêtait quand un simple regard noir ne suffisait pas et que l'on voulait poliment faire comprendre à son interlocuteur qu'apprendre son décès dans les prochaines heures de causes inconnues serait une bonne nouvelle.

– Avec tout le respect que je vous dois et l'amitié naissante qui nous lie, je vous prierais de ne pas tenter de percer à jour des secrets d'état qui pourraient entraîner l'effondrement de plusieurs nations, dont la mienne. Je ne voudrais pas que vous rencontriez... un malheureux incident...

Houla, il faut pas la chercher, la petite princesse...

La sang-mêlée rentra sa tête entre ses épaules à la façon d'une tortue, suant à grosses gouttes. Elle chercha un secours chez Sieg, mais son regard fuyant lui indiqua qu'il l'encourageait à suivre un antique proverbe nain : Qui creuse un un tunnel dans une galerie gobeline sera le premier troufion envoyé au front !

– Non, ne vous en faites pas... s'excusa Farca en se faisant encore plus petite qu'elle ne l'était déjà. Veuillez excuser ma...

– Toujours à t'attirer des ennuis, à ce que je vois...

L'écarquillement des yeux de l'alchimiste indiqua à la princesse qu'elle n'était plus la source de sa terreur. N'ayant pas compris l'interpellation lancée en nain, Finora se tourna vers Sieg avant de suivre son regard.

Derrière Farca se dressait un nain aux riches atours qui fixait la sang-mêlée avec dégoût. La couleur de sa pilosité épaisse laissa peu de doutes à l'épéiste quant à son identité.

– Tout va bien, seigneur Acieroux ?

Trois des compagnons de Farca reconnurent le nom prononcé par un noble qui accourait vers eux. Il était flanqué de plusieurs nains, dont deux qui avaient la couleur de cheveux que le dénommé Acieroux.

– Oh oui, ne vous êtes pas, comte Gladur... répondit le premier nain en menoniens avec un épais accent. Je découvrais juste un horrible petit rat qui a réussi à se faufiler ici...

Les doigts de la barbare craquèrent en serrant son poing. Farca se plaça entre elle et Acieroux, lui faisant comprendre de ne pas intervenir.

– Je pensais que aurais préféré te raser la barbe que quitter la mine, Galran...

Galran toisa Farca en faisant un pas vers elle. Elle lutta pour ne pas détourner le regard et ça se voyait. Galran ricana en voyant sa réaction.

– Non, tu n'as vraiment pas changé, Farca Acieroux...

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