Chapitre 10 : Le souvenir de la haine
Bélial et les autres déjeunèrent dans un autre salon, se délectant de la cuisine locale que le chef de l'ambassade avait préparé avec tout son savoir faire. Plus d'une fois, Sieg tenta d'engager la conversation avec la démone, mais celle-ci semblait s'être renfermée sur elle même, ne bafouillant que de vagues réponses. Leur petit manège n'échappa pas à l'alchimiste qui se promit d'en parler avec son amie quand elles seraient seules.
Une fois le repas terminée, la princesse les retrouva et enleva presque la barbare et la naine en les entraînant avec elle pour faire des courses. Le trio fut talonné de près des soldats qui se dépêchèrent pour ne pas se faire distancer.
Abandonnés par la gent féminine, les hommes (et Adam) du groupe optèrent d'abord pour faire le tour des lieux afin de se familiariser avec le terrain en cas d'attaque. Sieg et Adam finirent leur visite au bout d'une heure et perdirent vingt minutes de plus à chercher Ahmés pour le trouver dans la troisième salle de musique et eurent du mal à l'en faire sortir.
Une fois la fine équipe réunie, ils furent rejoints par Anoro, accompagné par un elfe.
– Vous voilà enfin ! Je vous présente Rinorin. Je lui ai déjà donné les détails que vous aviez partagé avec moi, il comprend la situation.
Sieg dévisagea l'elfe qui le salua dignement. Comme tout les elfes, il était svelte et d'une élégance seulement rivalisé par sa beauté. Il avait noué ses cheveux dorés en un chignon et portait le même uniforme que les autres soldats.
– C'est un honneur de vous rencontrer, Maître Sieg ! J'ai tant entendu parlé de vous, surtout de la part du capitaine Anoro ! J'aimerais en savoir plus sur ce que vous attendez de moi, mais sachez que je suis d'ors et déjà disposé à vous aider !
– Heureux de l'entendre ! s'exclama Sieg en donnant une claque amicale dans l'épaule de Rinorin. J'espère que vous pouvez écouter en marchant, car nous partons en ville ! Je vous expliquerai en route !
Les hommes explorèrent le quartier pour en mémoriser les rues. Anoro marcha en tête et Sieg ferma la marche avec Rinorin. Adam et Ahmés restèrent au milieu, permettant à l'écarlate de parler sans que le chef de file l'entende. Des informations que le roi ne voulait pas voir fuiter étaient échangés, chose qu'Anoro comprenait et respectait.
Le bretteur exposa les grandes lignes de son histoire à l'elfe pour qu'il saisisse la pleine ampleur de leur mission. Il passa cependant sous silence divers choses, à savoir sa véritable identité, son lien avec Saga, la vraie nature de Bélial et la présence de Raya. Ces points-là furent jugés trop sensibles pour être ébruités hors du groupe.
– Les Déchus... marmonna Rinorin. Même pour les elfes, ils ne sont qu'une légende... Mais si le roi de Danatal prend la situation avec autant de sérieux, je ne vais pas douter de votre parole... Et une porte serait dans le village du clan Sylvéria ?
– Tout nous porte à le croire... Honnêtement, nous ne savons pas exactement où va frapper Saga la prochaine fois, mais cette porte là est celle dont nous avons le plus d'information...
– Je m'inquiètes surtout pour la porte qui mène à la pierre de Flegmon, le Déchu de la paresse... souffla discrètement Ahmés. On a vérifié sa position sur des plans actuels et elle se trouve sur une île qui a été engloutie sous les flots il y a mile ans de ça...
– Dans ce cas, cela veut dire que Saga ne pourra pas l'ouvrir, non ?
– Négatif ! Saga A Engagé Un Pirate Pour Former Une Immense Flotte !
– Au début, nous n'avions pas compris pourquoi, mais maintenant... grommela l'écarlate. Je pense qu'il compte tous les réunir au dessus de l'île et les sacrifier... Honnêtement, je l'imagine sans mal piéger les navires pour qu'ils explosent le moment venu ou quelque chose comme ça...
– L'empêcher d'ouvrir cette porte là me semble effectivement compliqué... soupira Rinorin.
– Normalement, j'empêcherai Saga de massacrer des innocents dans son propre intérêt, mais comme pour cette porte il va se servir de pirates, je ne perdrais pas mon temps à la protéger... De toute façon, si nous essayons de protéger toutes les portes à la fois, nous risquons de le manquer...
Sieg se retint de parler de la porte qui se trouvait à Danatal. Ils en avaient suspecté l'existence deux mois plus tôt, et les informations d'Ahmés avaient confirmé leurs craintes. Il en avait parlé brièvement avec le roi avant de le quitter la veille et ils s'étaient mis d'accord pour laisser l'armée du pays la surveiller. Rien ne garantissait que Saga connaissait l'emplacement de toutes les portes, alors ils n'avaient aucun moyen de deviner quand l'arcaniste jetterait son dévolu sur celle de Danatal. En revanche, le fait qu'il menait des recherches sur les peuples elfiques autour de la porte du clan Sylvéria était préoccupant.
– Je vous propose de voir comment aborder le sujet avec les sylvériens une fois la mission actuelle accomplie. Je les connais bien, mon oncle m'emmenait parfois avec lui quand il les visitait. Enfin, ne vous attendez pas à un accueil chaleureux de leur part, même avec moi à vos côtés...
– J'en suis bien conscient... marmonna Sieg. Mais votre présence devrait au moins les dissuader de nous cribler de flèches avant même que l'on ai le temps de se présenter...
– Si cette remarque se voulait rassurante, c'est raté... grommela Ahmés.
– Ne te plains pas, toi et Adam êtes ceux qui craignaient les moins les flèches... Moi et les filles, par contre...
– Je vous prierais de ne pas m'oublier... soupira Rinorin qui regrettait déjà sa prochaine mission.
Ils laissèrent de côté l'avenir pour se concentrer sur le présent. Après avoir fait le tour du quartier, ils décidèrent de visiter une boutique pour acheter des tenues adaptées aux soirées mondaines.
L'écarlate avait hésité à garder sa tenue habituelle mais se ravisa en imaginant la réaction de la princesse s'il ne fournissait pas plus d'efforts que cela. Après une heure d'essayages, il opta pour un ensemble vert qui lui faisait penser aux yeux de sa partenaire.
Le musicien prit bien plus de temps à se décider. Aucune tenue était assez fabuleuse à ses yeux. En reconnaissant un homme aux goûts particuliers, le propriétaire de l'établissement fit une exception et le laissa explorer la collection qui était réservée aux clients habitués. Là, Ahmés trouva un costume bleu orné d'innombrables plumes. Sieg objecta en voyant que le décolleté tombait juste en dessous du nombril mais abdiqua en se souvenant que plusieurs nobles de Monera revêtaient souvent des tenues plus provocantes encore.
Le cas d'Adam fut... intéressant.
Le gardien ne pouvait pas changer d'armure car il était l'armure. À première vue, modifier son apparence semblait impossible, mais c'était sans compter les accessoires. La cape qu'il portait se révéla être détachable, et donc remplaçable. Une cape noire à la bordure dorée vint accompagner la ceinture qui serrait à présent sa taille. Les brassards les plus grands du magasins ornèrent les bras d'Adam, complétant un ensemble qui altéra plus l'apparence d'Adam que prévu.
Anoro régla la note en grimaçant, surtout en voyant le prix de la tenue d'Ahmés, avant d'inviter les autres à le suivre pour rentrer à l'ambassade.
– Avec un peu de chance, la princesse sera déjà rentrée de ses propres courses ! s'exclama Ahmés.
– J'en doute... lâchèrent ensemble Sieg et Anoro qui connaissaient bien Finora.
Ahmès sortit son luth pour entamer un morceau sur le chemin du retour. Au détour d'une rue, Sieg remarqua un carrosse à l'arrêt. Un groupe sortit d'un bâtiment et s'en approcha. Deux d'entre eux étaient un couple de nobles, richement vêtus et à l'attitude hautaine. Trois autres étaient des gardes surveillant les environs. Quand à la sixièmement personne...
L'écarlate ne put détacher son regard de l'homme immense qui se trouvait de l'autre côté de la rue. Il reconnaissait ses vêtements noirs et dorés, les mêmes que ceux qu'il portait le jour où Sieg l'avait rencontré. Son visage carré encadré d'une barbe épaisse était barré d'une cicatrice, un souvenir que le bretteur lui avait laissé.
Chaque cellule de son corps lui hurlaient de tailler en pièce cet homme qui avait hanté ses nuits depuis quatre ans. Il avait plus d'une fois rêvé de le tuer de ses mains, sans jamais se laisser le luxe d'espérer que le jour viendrais.
Et maintenant, il était à une dizaine de mètres de lui, avec pour seule protection trois gardes que l'épéiste pourrait aisément éliminer.
La cible de Sieg le remarqua et resta figé. À son expression, l'écarlate savait qu'il était reconnu et s'en félicitait. S'il devait massacrer cet homme, il voulait que sa proie sache qui allait lui ôter la vie et pourquoi.
Adam remarqua que Sieg ne les suivait plus et se retourna. Il comprit instantanément que quelque chose ne tournait pas rond en voyant les dalles sous les pieds du bretteur virer au rouge en fumant, signe que sa magie du feu s'emballait sous l'effet d'une intense colère.
– Question...
– La ferme, Adam!
La réponse incroyablement sèche de l'écarlate interpella les trois autres hommes du groupe qui réalisèrent que Sieg était à deux doigts de se déchaîner au beau milieu d'une rue bondée de monde.
De l'autre côté de la rue, la source de l'ire de Sieg détourna le regard et monta dans le carrosse à la suite des nobles.
Adam eut à peine le temps d'attraper Sieg en lui tirant son bras-grappin dessus, s'enroulant autour de son torse en le ligotant au beau milieu de la rue.
– Lâches-moi, putain ! Je vais l'écorcher vif, ce salaud !
Paniqué, Ahmés changea d'air pour créer une illusion qui masqua l'équipe aux yeux des passants. Adam tracta difficilement Sieg qui tentait toujours d'avancer. Le carrosse commença à partir, l'homme qui avait suscité la rage de l'écarlate regardant par la fenêtre à la recherche du bretteur qui semblait avoir disparu. Les deux soldats tentèrent de calmer le bretteur, doutant de leurs chances en voyant son regard haineux.
– Vous avez perdu la raison ? s'inquiéta Anoro en attrapant Sieg par les épaules et le secouer. J'ai reconnu les armoiries sur la porte, ce sont celles du Duc Donian de Lasénia ! Vous étiez sur le point de déclencher un incident diplomatique !
– L'ordure avec eux ! ragea Sieg en tentant toujours de se libérer. Il fait parti de l'Ordre !
La révélation de l'écarlate prit tout le monde de court. Ils savaient que l'Ordre était en ville, mais ils n'auraient jamais imaginé croiser la route de l'un d'entre eux si abruptement.
– Même si c'est le cas, nous ne pouvons rien faire ! chercha à le raisonner Anoro. Il est avec un noble de Lasénia, un pays qui accepte leur culte ! Agressez-le, et une guerre pourrait éclater !
– Je m'en fous !
Ahmés fronça les sourcils. Un tel comportement ne ressemblait pas à son chef qui était d'ordinaire calme et serein. Jamais il aurait ainsi clamé se moquer du destin de Danatal ainsi que de milliers d'innocents. Le musicien arriva à la plus horrible des conclusions. Une seule chose pouvait expliquer à la fois la haine de Sieg et comment l'homme dans le carrosse avait pu être si facilement identifié comme étant un membre de l'ordre.
– C'est lui, n'est-ce pas ?
Déstabilisé, Sieg regarda Ahmés qui espérait que l'écarlate lui donnerait tort. Malheureusement, Sieg comprit que le taouyen l'avait percé à jour et tomba a genoux, la mâchoire serrée...
– Oui, c'est lui... Je le retrouve enfin, et je le laisse m'échapper de nouveau... Je me suis juré de le tuer, et pourtant...
Il heurta violemment sa tête contre le sol, hurlant toute sa rage et son impuissance. Adam libéra son emprise sur lui, le laissant évacuer sa colère jusqu'à ce qu'il s'effondre au so.
– Putain... sanglota-t-il. Je suis désolé, Alice...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top