Face à ce client et à sa question sortie de nulle part, Katsuki est carrément sur le cul. Il ne s'attendait certainement pas à...ça. Donc, s'il a bien compris, son plat est quand même bon, mais manque...d'âme ? C'est quoi ces conneries ? Ça veut dire quoi déjà ?

- Shoto, intervient l'une des femmes assises à la table, tu vas un peu loin. J'ai trouvé ça très bon, on reconnait parfaitement la touche personnelle du chef Bakugo.

- Je rejoins l'avis de maman, commente l'un des hommes. C'était succulent même.

Tout le monde approuve vivement, y allant de son grain de sel, alors que Katsuki incline la tête face à toutes ses félicitations. Mais, ce qu'il veut, c'est que ce Shoto revienne sur ce qu'il a dit. Et il n'en démordra pas. Question de fierté.

Ses yeux rubis sont focalisés sur cet homme bien culotté. Heureusement, la table ronde que leur a attribuée Toru est plutôt éloignée des autres, la conversation peut donc rester plus ou moins "privée". C'est déjà bien assez rare que le chef se déplace en plein milieu d'un service sans ajouter un commérage de plus.

Son vis-à-vis zieute l'ensemble de sa famille, sans leur répondre pour autant, avant de tourner de nouveau la tête vers lui. Une fois encore, Katsuki se noie dans ce regard hypnotisant. Il faut absolument qu'il se reprenne, ce n'est vraiment pas le moment de penser à qui il pourrait ramener dans son lit ce soir.

- Vous aimez toujours cuisiner ? demande-t-il alors.

- Shoto !

Ses yeux vairons et son visage n'expriment ni condescendance ni moquerie. Au fond de lui, Katsuki perçoit bien la curiosité et la sincérité de cette question, mais, à la surface, il bout, littéralement. Comment ose-t-il ?!

Il n'a pas le temps d'ouvrir la bouche que son client reprend.

- La flamme de votre passion brûle-t-elle encore ardemment ou s'est-elle essoufflée avec le temps ?

Cette nouvelle question lui fait l'effet d'une douche froide. Et visiblement, c'est aussi le cas pour tout le monde autour de la table, car un silence pesant se fait entendre. Katsuki avise les yeux grands ouverts de la famille de cet effronté qui ne semble pas s'en formaliser. Non, lui, il patiente tranquillement, son regard déstabilisant toujours braqué sur lui.

Cependant, Katsuki ne sait que répondre sur le moment, car, aussi difficile que ce soit à avouer, ce Shoto vient de toucher du bout des lèvres un point sensible et bourré de vérité. Seulement, jusqu'à présent, il n'en avait pas pris conscience, se cachant derrière le travail.

Depuis quand cela dure-t-il ? Depuis quand sa passion a commencé à s'effriter et que les compliments de tous ces gens ont perdu de leurs saveurs ? Est-il devenu hermétique à toutes ces félicitations à force d'en recevoir ?

Il se souvient parfaitement de ses débuts. De la flamme qui l'animait dans sa jeunesse et à la sortie de l'académie. De cette excitation qui parcourait ses veines quand une nouvelle idée envahissait son esprit et qu'il créait alors une nouvelle recette. De tous les soirs où il se couchait tard, cuisinant non-stop avec envie, de ces succès qui l'ont propulsé sur le devant de la scène et qui ont fait sa renommée.

Oui, il doit bien se rendre à l'évidence, cet homme a parfaitement raison, sa passion s'est progressivement éteinte et lui avec. Seulement, plutôt crever que de l'avouer !

- J'vois pas de quoi vous voulez parler.

- Ah non ? Je trouve que vous avez mis du temps à me répondre pour quelqu'un qui ne sait pas de quoi je parle.

Mais, il veut mourir ou quoi ?!

- Et alors ? J'ai pas l'droit d'être sur le cul suite à votre remarque ?

La moutarde commence vraiment à lui monter au nez. Cet individu lui sort tellement par les yeux qu'il en perd sa politesse.

- Vous voulez p't'être venir tous les jours goûter à ma cuisine, voir si j'retrouve cette passion que vous dîtes perdue ? blague-t-il.

L'homme s'incline sur le côté. Le coude plié sur la table, sa tête vient se déposer dans sa main et il hausse un sourcil.

- C'est un défi ?

C'est qu'il le cherche en plus ! Il va le trouver !

- P't'être bien.

Pour la première fois, les lèvres en face de lui s'étirent légèrement. Son client lui envoie alors un sourire en coin, visiblement satisfait de la tournure de la discussion.

- J'accepte.

Putain...mais dans quoi il s'est embarqué encore ?!