Chapitre 12 : Le pardon

En vérité, Katsuki ne sait pas trop par quoi commencer. Il était persuadé de savoir quoi lui dire quand il l'a coupé dans sa phrase, mais, à présent que c'est à lui de parler, ses pensées s'entremêlent sans qu'il arrive à les mettre dans l'ordre afin qu'elles puissent sortir d'entre ses lèvres. À ses côtés, Shoto s'est tendu, appréhendant sa réponse qui tarde à venir. Autant se jeter à l'eau et balancer tout ça sans forcément de logique non ?

- Vous êtes désolé ? La bonne blague, raille-t-il avec dédain, son propre gobelet se tordant sous ses doigts.

Son vis-à-vis se crispe davantage. Il est telle une statue de pierre attendant le coup de massue final qui la mettra en morceaux.

- Si je me sens trahi ? Ouais, carrément ! Vous vous êtes royalement foutu d'ma gueule ! Ça vous amuse de jouer avec les gens comme ça ? Les riches n'ont qu'ça à faire de leur vie si ennuyante ?

Au fil de ses paroles, sa respiration s'accélère tandis que le visage de Shoto se décompose petit à petit. Pour une fois, il affiche véritablement ses émotions et le voir ainsi lui fait limite plus mal que la sensation de trahison.

- Mais, vous aviez raison. Hum, sourit-il, sous le regard surpris de Shoto. Vous m'avez raconté votre vie, j'vais vous raconter la mienne.

Avant de se réinstaller correctement sur le banc, il voit les yeux du trader se mettre à briller et rien que ça, ça lui réchauffe la poitrine. Bordel...il est vraiment piqué...Ses yeux se perdent au loin, à la lisière du parc, où d'autres familles ont rejoint les pelouses.

- Mon père est décédé quand j'avais 16 ans d'une rupture d'anévrisme, laissant ma mère m'élever seule. J'étais déjà un enfant compliqué, mais sa mort n'a pas amélioré les choses. J'étais constamment en colère et je gueulais tout le temps. Ç'a pas trop changé à vrai dire, ne peut-il s'empêcher d'ajouter, amusé.

Un petit sourire vient orner la bouche de Shoto, mais, Katsuki voit bien qu'il ne sait pas trop comment il doit se comporter.

- À l'époque, ma mère travaillait en tant que serveuse au Hakamata et, parfois, quand j'étais renvoyé du lycée, elle m'emmenait avec elle afin d'me surveiller. C'que j'détestais ça ! C'était LA punition suprême pour un ado rebelle, s'amuse-t-il. Mais, si elle n'avait pas fait ça, je s'rais jamais devenu chef.

Jetant un coup d'œil à son partenaire de banc, il le voit l'écouter attentivement, le regard toujours braqué sur lui. Tout comme lui tout à l'heure, il ne l'interrompt pas une seule fois.

- Comme je m'ennuyais, j'avais commencé à lire la carte et c'que je comprenais pas, j'allais chercher sur internet. Puis, petit à petit, j'ai poussé plus loin en regardant les recettes. Et c'est à c'moment-là qu'le chef du Hakamata et patron de ma mère m'a pris sous son aile tout en m'recadrant. Il avait capté que j'm'intéressais à la cuisine et il m'a alors tout appris. Tsunagu Hakamata est devenu au fil du temps mon mentor, la figure paternelle que j'avais perdu.

Faisant une pause dans son monologue, Katsuki porte son gobelet à ses lèvres. C'est l'une des premières fois qu'il se met autant à nu sur son passé, la seule au courant est son amie Toru, alors, il se sent légèrement...gêné.

- La suite, vous la connaissez. J'suis entré à l'académie, j'ai éclaté à coup d'recettes et d'plats tous ceux qui disaient qu'j'avais pas ma place là-bas et j'en suis ressorti major de promo. Ouvrir mon propre restaurant après quelques années fut une consécration, un rêve qui devint réalité. Je suis devenu le Piment Blond, un chef innovent et apprécié.

Tandis que ces souvenirs d'antan lui reviennent en mémoire, il soupire.

- Mais...à force de recevoir tous ces compliments, ces félicitations, j'en ai oublié l'essentiel. La manière dont j'suis arrivé ici et la passion qui brûlait dans mes veines à l'époque. J'avais perdu cette étincelle qui faisait l'âme de ma cuisine. Jusqu'à vous...

Après plusieurs minutes sans le regarder, il pose enfin ses pupilles rubis sur lui et sourit. De légères rougeurs viennent alors colorer les joues de Shoto, ne le rendant que bien plus adorable aux yeux de Katsuki.

- Vous êtes arrivés comme un connard dans ma vie, me sortant littéralement par les yeux au début, mais, vous m'avez réveillé. Vous m'avez sorti de cette phase où j'me complaisais. Alors merci, dit-il en inclinant la tête, et j'vous pardonne, car, grâce à vous et à votre défi d'merde, j'me suis retrouvé.

Se pinçant les lèvres, il tend la main, paume ouverte vers le ciel, et plante de nouveau son regard dans le sien.

- Et...vous m'plaisez beaucoup aussi.

Cette fois, Shoto laisse carrément ses émotions le submerger. Il pique un fard, devenant aussi rouge que ses cheveux, ses yeux s'embrument et l'entièreté de son corps se détend, laissant à Katsuki lire tout le soulagement que ses propos engendrent.

Puis, son regard dérive vers cette main tendue et, timidement, comme s'il pensait qu'elle se rétracterait, il y glisse la sienne, entrelaçant leurs doigts.

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