Où les choses ne se passent pas comme prévu ✓

C'est le vibreur du téléphone s'agitant contre sa cuisse qui réveille Shiloh peu avant 9 h du matin. En décrochant, la voix pâteuse et le cerveau cotonneux après moins de cinq heures de sommeil, elle baille et s'étire en notant le son que font les gouttes de pluie sur l'unique fenêtre de la pièce.

— Les vampires londoniens ne sont pas des vampires londoniens ! Il faut annuler le transfert, hurle la voix de Brianna tachant de couvrir le bruit d'un moteur et de l'averse sur la carrosserie.
— Quoi ?

— Les vampires qui doivent réceptionner Carmen, explique-t-elle, une note agacée dans la voix, ils ne font pas partie du clan de Londres. Je viens d'avoir au téléphone le vampire que m'a conseillé mon père pour le problème d'Aaron et j'en ai profité pour lui parler des deux types censés nous aider. Ça lui a semblé bizarre alors il a vérifié et il est catégorique : ils ne viennent pas de chez eux. Le clan est au complet, personne n'est autorisé à quitter la capitale tant qu'ils n'en ont pas fini avec leurs propres problèmes. Ils n'ont envoyé personne à Tregarta, Shiloh, c'est à peine s'ils ont entendu parler de la ville, s'énerve-t-elle en criant de plus en plus fort dans le combiné. Ils gèrent une succession difficile et se branlent de ce qui se passe chez les humains. Adam et Simon se sont pas pointés au rendez-vous, on est presque de retour en ville, dis-moi que Carmen n'a pas encore quitté le poste.

— J'en sais rien, bredouille Shiloh, désormais bien réveillée. Je suis chez moi... T'as appelé Grant ?
— Je lui ai laissé un message mais il répond pas.
— Je l'appelle. Je te tiens au courant.

Raccrochant, Shiloh, qui s'est assise pendant l'explication, compose aussitôt le numéro de son chef et peste en tombant sur son répondeur. Vingt secondes plus tard, elle reconnaît la voix de Wyatt qui répond sur le numéro du standard.

— Wyatt ! Les suspects sont toujours là ?

Le flottement de quelques secondes qui suit sa demande et pendant lequel elle se repasse la conversation avec Brianna la tend et elle s'impatiente.

— Wyatt !? Wyatt, t'es là ?
— Shiloh ?
— Oui. Wyatt, préviens Grant que les suspects ne doivent pas quitter le poste. C'est urgent. Vite.

Pendant une fraction de seconde, elle entrevoit l'espoir qu'il soit encore possible de tout arrêter, mais le silence de son collègue s'étirant à l'autre bout de la ligne en dit plus que mille mots.

— Ils sont déjà partis. C'est quoi le problème ?
— Quand ? Tu peux les arrêter ? Fais les revenir, contacte-les maintenant.
— Je peux pas, Shiloh, c'est pas des gars de chez nous. Lustofborough a envoyé deux gardiens pour Gwynfor, c'était il y a une demi-heure, et l'autre, c'est quoi son nom déjà ?
— Carmen Evans.
— Oui, c'est ça, Evans, elle est partie pour Saint Eudes, l'hôpital psy. Elle sera probablement pas jugée, elle est barge.
— Oh non... geint Shiloh qui s'est laissé retomber sur le lit. Et ça, c'était quand ?
— Il y a une heure facile, je venais seulement d'arriver.

Une heure. C'est déjà trop tard, sans aucun doute, Carmen est à nouveau dans la nature.

— Et Grant, il est où ? Il répond pas.
— Il est rentré chez lui après le départ de Gwynfor.

Shiloh ne peut pas croire qu'il soit rentré chez lui et qu'il ait éteint son téléphone, ça ne lui ressemble pas. Et s'il avait décidé de suivre Carmen ? Mais il n'aurait pas attendu le départ du chasseur, alors. Tout en se posant la question, elle rappelle Brianna pour lui apprendre ce que Wyatt vient de lui raconter.

— Je vais rejoindre les garçons, annonce Shiloh à Brianna avec qui elle est restée en communication tout en avalant un croissant et en prenant une douche expresse.

— Ne fait pas ça ! Carmen ignore où ils se trouvent, mais si elle a réussi à s'échapper, elle est peut-être déjà en train de te surveiller. Tu la conduirais directement sur eux. On est presque arrivées à l'hôpital, de toutes façons, on... Oh, merde.

Au détour d'un virage, sur le bas coté, les chasseuses découvrent une voiture renversée et une silhouette familière penchée au-dessus d'un corps.

— Quoi ? explose Shiloh, ne supportant plus de ne pas savoir ce qui se passe.
— C'est un carnage.

Devant elles se trouvent les corps des deux infirmiers venus emmener Carmen. Et penché sur l'un d'eux, la silhouette massive de Grant tâtant son pouls, en pure perte.


Il n'a jamais été question de laisser Carmen arriver en prison. Shiloh et les autres étaient bien trop conscients du charnier qu'elle laisserait derrière elle si on lui offrait une telle possibilité. Quand la question de savoir ce qui adviendrait d'elle après ses aveux s'était posée, Brianna avait raconté sa rencontre avec les deux vampires soit disant en ville pour la neutraliser et, après concertation, ils avaient été contacté, faute de mieux.

Grant se montrait méfiant par habitude, Robert était bien entendu contre l'idée de faire confiance à des vampires, Siobban était prête à se fier à Brianna qui était la seule à les avoir rencontrés, Shiloh aurait préféré ne pas avoir à les faire intervenir, mais n'avait pas d'autre solution.

Brianna quant à elle, avait longuement pesé le pour et le contre. Elle ne leur faisait pas confiance, mais reconnaissait que leur histoire tenait la route. Pour plus de sûreté, elle avait appelé son père, bien plus calé qu'elle en relation avec les vampires, et celui-ci lui avait donné le numéro d'un de ses contacts au sein du clan londonien. Elle l'avait appelé une fois, deux fois, trois fois, mais l'immortel, occupé par ses histoires de successions, n'avait pas jugé utile de répondre, si bien que, faute de mieux, la jeune femme avait choisi de faire confiance à son optimisme légendaire, et de tenter le coup.

De toutes façons, les avait-elle rassurés, Siobban et elle resteraient avec eux tout du long. S'ils tentaient de la leur faire à l'envers, elles corrigeraient le tir.

Il avait alors été convenu que les vampires et les chasseuses se rejoindraient à un endroit de la route entre Tregarta et la prison pour femme de Londres où passait assez peu de trafic.

Là-bas, le petit groupe attendrait un message de Grant leur annonçant le départ du fourgon transportant la prisonnière. Ils attaqueraient le véhicule, neutraliseraient les gardes grâce au venin contenu dans les crocs des vampires, qui diffusait un sédatif rapide et expliquait pourquoi aucune victime ne se débattait jamais après la première morsure, et emmènerait Carmen à Londres où elle serait jugée, et probablement exécutée, par ses pairs en raison de ses attaques répétées pouvant mener à la découverte par les humains de leur existence.

Pour les Tregartiens, cette enquête serait un échec puisque Carmen aurait officiellement réussi à s'échapper, mais dans les faits, plus personne ne se ferait plus jamais attaquer par la vampire.

Carmen, elle, n'avait pas été mise au courant de cette partie du plan. Il lui avait été raconté qu'elle serait libérée après l'attaque du fourgon et que si elle ne faisait plus parler d'elle pendant trois mois et promettait de partir loin ensuite, son fils lui serait rendu.

Seulement, alors que les chasseuses attendaient l'arrivée des vampires sur les lieux de l'attaque programmée, elles avaient reçu un texto de Grant leur annonçant que, Carmen ayant trop bien joué son rôle et dans une décision défiant toute espèce de logique de la part de ses supérieurs, la suspecte allait être emmenée à l'hôpital psychiatrique de Saint Eudes plutôt qu'à la prison de Londres.

Jurant contre cette administration stupide, Brianna avait contacté les vampires pour leur annoncer le changement alors que Siobban faisait démarrer la voiture. C'est Adam, le petit à l'air pincé qui avait répondu et confirmé qu'ils étaient en retard, ce qui, du coup, leur permettrait d'arriver à Saint Eudes avant elles.

Les filles n'appréciaient pas la tournure que prenaient les événements, elles n'aimaient pas devoir laisser les vampires se charger seuls de l'interpellation. Elles n'avaient pourtant pas demandé à Grant d'être présent à leur place, parce qu'il n'était qu'un simple flic et non pas un chasseur, et que ça aurait représenté un trop gros danger de l'y envoyer seul.

C'était ça plus inutile que l'homme avait déjà pris cette décision de son propre chef. Il comptait bien accompagner Carmen et protéger les infirmiers qui ignoraient qui ils transportaient.

Hélas, son commissariat étant envahi par les pontes de la police, ils n'avaient pu faire autrement que de se plier à leurs ordres. Il avait ainsi dû attendre que tous ces peignes culs aient quitté ses pénates pour pouvoir sauter dans sa voiture et filer le long des routes de campagne empruntées par le fourgon. Une demi-heure avait ainsi été perdue. Une demi-heure qui avait suffi aux vampires qui n'étaient pas du tout en route pour la prison de Londres pour se mettre en planque et attaquer le fourgon avec de réelles mauvaises intentions.

En arrivant, trop tard, Grant était tombé sur la camionnette renversée, les portes arrières grandes ouvertes. À quelques pas du véhicule, il avait trouvé les deux infirmiers morts, entièrement vidés de leur sang, et quelques minutes après son arrivée, la jeep de Siobban et Brianna s'était arrêtée sur le bas-côté de la route et les chasseuses l'avaient rejoint, furieuses.


Faisant les cent pas le long de la route étroite, Grant se fustige. Il a été stupide et non seulement ces deux hommes sont mort à cause de ça, mais en plus :

— Il va être impossible d'expliquer comment ils sont morts.
— Je savais qu'on ne devait pas impliquer de flics, pourtant, grogne Siobban. Vous êtes incapables de gérer ce qui sort de votre quotidien.

Peut-être bien qu'elle a raison, se lamente Grant sans quitter des yeux les corps exsangues

— Quoi qu'il en soit on prend le relais, ajoute-t-elle. On sera plus efficaces sans vous. .
— Je viens avec vous ! s'offusque Shiloh que Brianna a mise sur haut-parleur.
— Non.
— Si. C'est pas négociable. Je suis sur cette enquête depuis trop longtemps, c'est moi arrêterai cette saloperie.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top