Où il s'explique ✓

Installés dans les fauteuils du salon, Shiloh reprend ce qu'elle sait avec Aaron.

— Ta sortie était prévue ?
— Oui...
— Qui était au courant ?
— La personne que j'allais voir.
— Qui est ?
— ... Une amie.
— OK. Mais l'homme a fait des aller-retours dans la rue pendant des heures. Il ne donnait pas l'impression de savoir quand tu allais sortir.

À ce moment, la sonnerie de l'interphone retentit. Aaron va jusqu'au boîtier et appuie sur le bouton qui le met en relation avec la personne à l'autre bout.

— Aaron chéri ? C'est Eve.
— Eve ? s'étrangle le garçon en glissant un regard en coin à Shiloh. Je t'ai dit que notre rendez-vous était reporté...
— Je sais, mais tu avais un ton bizarre au téléphone... Et Mrs Tripp dit avoir entendu des cris venant du garage alors qu'elle était à la cave. Ce n'était pas toi, n'est-ce pas ?
— Mais non. Je vais très bien. Rentre chez toi, maintenant.

Son regard est soudain attiré par un mouvement à sa droite et il n'a pas le temps de réagir, alors que la dénommée Eve s'égosille toujours.

— Non, je veux te voir en personne pour m'assurer que tu vas bien.

Shiloh appuie sur le bouton commandant l'ouverture des portes et, d'un regard sévère, intime au garçon de ne rien ajouter.

Une minute plus tard, des coups résonnent contre la porte d'entrée et Shiloh, qui est restée postée devant, l'ouvre.
À sa vue, la femme a un mouvement de recul, l'incompréhension passe dans son regard.

— Oh ! Excusez-moi, j'ai dû me tromper d'appartement, bredouille-t-elle.
— Pas du tout, la détrompe l'inspectrice en faisant un pas de côté pour lui permettre de voir l'adolescent assis dans le fauteuil, l'air boudeur.

La femme commence par se précipiter vers lui, mais en voyant Elijah, elle se reprend et avance jusqu'au salon d'un pas aussi calme et assuré que possible.

Âgée d'une petite quarantaine d'année, elle est assez quelconque. Cheveux châtains ternes coupés aux épaules, de corpulence moyenne, yeux bruns, habillée d'un gilet gris et d'une jupe brune en velours. Chaussée d'espadrilles, elle tient contre son flanc un sac à main minuscule d'un vieux rose usé par les années et agrémenté de décorations en métal cuivré.

En s'arrêtant devant Aaron, elle jette encore un regard à Elijah et à Shiloh qui l'a accompagnée, puis sourit pour tenter de faire passer sa crispation.

— Tu as l'air d'aller bien. Tu aurais dû me dire que tu avais de la compagnie, je ne vous aurais pas dérangé, énonce-t-elle d'une voix monocorde, comme si elle récitait un texte appris par cœur.
— Je t'ai dit que tout allait bien, se défend le garçon. Maintenant que tu t'en es assurée, tu devrais rentrer chez toi.
— Oui... Oui, bien sûr. Je vais y aller.

— Allons, maintenant que vous êtes là, vous resterez bien un peu, l'interrompt Shiloh en désignant à la femme le fauteuil à la gauche d'Aaron.
— Non, non, vraiment...
— Mais si. Vous prendrez bien une tasse de thé avec nous. Il termine juste d'infuser, insiste-t-elle avec un large sourire.
— Bon... Si je ne vous dérange pas...
— Bien sûr que non. Asseyez-vous. Aaron, va chercher une tasse pour ton amie, commande-t-elle d'une voix qui ne peut souffrir d'aucun refus alors que ce dernier saute sur ses pieds pour s'opposer à leur décision.

Un regard de Shiloh suffit à lui faire comprendre que tout se passera plus vite et moins difficilement s'il coopère, et de ce fait, il s'éloigne et revient un instant plus tard avec une tasse supplémentaire qu'il se met à remplir.

— Vous êtes une amie d'Aaron, alors ? interroge l'inspectrice, affichant toujours son sourire le plus factice.
— Euh, oui. Je suppose qu'on peut dire ça.
— Excusez-moi, c'est peut-être un peu gênant, reprend-elle sur le ton de la confidence, mais il y a quand même une grosse différence d'âge entre vous. Comment vous êtes vous rencontrés ?

Le bruit d'une tasse posée avec force sur la table basse les fait tous se tourner vers l'adolescent.

— Ne vous mêlez pas trop de ma vie, s'il vous plaît, grince-t-il en la faisant glisser devant Eve.
— C'est une question légitime, lui retourne Shiloh.
— Oh ! Vraiment, ce n'est pas grand-chose, s'empresse de répondre la femme en attrapant la tasse qu'elle se met à tripoter frénétiquement. Aaron m'aide à faire quelques petits travaux. De la peinture, des petites réparations, ce genre de choses. Je ne suis pas assez habile pour le faire seule. Et puis il est jeune et tous les jeunes gens ont besoin d'un peu d'argent de poche, pas vrai.

Elle rit un peu à ce qu'elle pense être une bonne blague, espérant détendre l'atmosphère, mais comme personne ne l'accompagne, elle se calme rapidement.

— Eve, tente Aaron, au bord de l'énervement. Il sera bientôt l'heure d'aller chercher ton fils, non ?

La femme sursaute, lui lance un regard perdu qu'il soutient, puis bondit hors de son siège.

— Tu as raison, je n'ai pas vu le temps passer. Bon, eh bien, c'était un plaisir de vous rencontrer.

Et en une demi-seconde, elle a décampé.

Shiloh se tourne vers Elijah et ils échangent un regard perplexe, que vient-il de se passer ?

— Tu nous expliques ? demande-t-elle, l'air suspicieux, en reportant son attention sur l'adolescent.
— Que JE vous explique ? s'énerve-t-il. Mais c'est VOUS qui faites peur à ma clientèle. Si vous croyez que je vais pouvoir payer le loyer et vivre décemment avec ce que je gagne au Velvet... Faut bien que je trouve des à-côtés.
— Quels genre d'à-côtés ? interroge Elijah.
— Vous n'avez pas écouté ? Je fais du bricolage.
— Alors, si je t'engage pour faire quelques travaux chez moi, ça ne te posera aucun problème, ajoute Shiloh.
— Faut que je vois mon planning, élude l'ado en détournant les yeux, je suis pas mal pris ces prochaines semaines.
— À quoi tu joues ? s'emporte l'inspectrice en se levant. Qu'avais-tu réellement l'intention de faire cet après-midi ? C'était elle la personne dans la chambre, hier, que tu ne voulais pas qu'on rencontre ?

Aaron grimace, mais décide de lui tenir tête. Il se plante devant elle, essayant d'avoir l'air impressionnant.

— Vous voulez un dessin ? Je vous le répète, j'ai besoin de vivre, moi, s'énerve-t-il en élevant la voix. Je gagne plus en trois heures à faire ça qu'en une semaine au bar.

Shiloh est sciée. Elle se demande l'espace d'un instant si ce genre de dérive peut-être génétique, avant de se rappeler que Victoria est le seul exemple de réussite qu'a eu le garçon au cours de sa vie. Sauf que Victoria avait 19 ans. Et qu'elle a fini avec un pieu enfoncé dans le cœur.

— Aaron, tu as 15 ans. C'est illégal ! Et cette espèce de vieille dégueulasse qui vient de partir, là... Je vais la rattraper et la mettre au trou, grogne-t-elle en se dirigeant vers la porte.

Le garçon bondit alors devant elle pour lui bloquer le passage.

— Faites pas ça ! Je la verrais plus, si c'est ce que vous voulez, mais l'arrêtez pas.

Shiloh l'observe un instant, fait demi-tour, revient sur ses pas, repart à nouveau et s'effondre sur le canapé, la tête dans les mains.

— Aaron... Je t'ai trouvé un boulot, je comptais te suivre et t'aider... T'es un bon petit gars, prends pas le même chemin que Victoria.

Il s'assied à côté d'elle, si près que leurs cuisses se touchent, et prend sa main dans les siennes.

— Je vous assure, ça me dérange pas de faire ça. C'est de l'argent facile et on s'amuse bien.

En un mouvement vif, elle se recule et arrache sa main à son étreinte.

— Je peux pas passer là-dessus, Aaron. C'est grave. Je dois en référer à mon chef.

Un élan de panique s'empare alors du garçon, elle voit ses yeux se remplir de larmes et il se met à la supplier. Il lui promet de ne plus le refaire, d'annuler tous ces rendez-vous à venir. Dailleurs, il n'en a pas tant que ça, c'était du bluff ce qu'il a dit plus tôt. Pendant 20 minutes, les arguments s'enchaînent et quand la policière et le musicien sortent enfin du bâtiment, Shiloh a promis de ne rien dire à personne et Aaron lui a assuré qu'il ne se ferait plus d'argent de cette façon.


En marchant vers la camionnette, Shiloh s'arrête et fixe Elijah droit dans les yeux. Une partie de son cœur fond, comme toujours, mais le choc de ce qu'elle vient de découvrir lui permet de prendre ça avec plus de détachement que d'habitude.

— Il a menti, hein ?

Elle fait référence à sa promesse de ne plus recommencer et l'homme le comprend. Il esquisse une grimace.

— C'est probable.

Bien que ce soit également ce qu'elle craigne, l'entendre dire par quelqu'un d'autres lui fait plus de mal qu'elle ne l'aurait cru.

On lui a retiré son enquête, elle ne parvient pas à faire libérer un homme qu'elle sait innocent ni à trouver le véritable criminel pour les méfaits de qui il paie, et maintenant, elle n'est pas non plus foutue d'aider un gamin dans le besoin alors qu'elle lui a promis de le faire. Elle se sent plus nulle qu'elle ne l'a jamais été. Pire, elle commence à douter, pour la première fois de sa vie, qu'elle est vraiment faite pour être flic.

Voyant son trouble, Elijah entoure soudainement ses épaules de son bras gauche et l'attire à lui. Elle se laisse faire, trop perturbée pour prendre pleinement la mesure de ce qui se passe. Et en posant la tête sur son épaule, elle ferme les yeux et inspire avec force. Pour la première fois, elle distingue une nouvelle odeur sous celles d'alcool fort et d'after-shave et il lui semble comprendre à cet instant pourquoi Jed cherche tant son contact et sa chaleur. Cette fragrance, ce simple petit échantillon, résonne en elle comme un shot d'héroïne pure pendant de longues, très longues minutes après qu'elle se soit écartée de lui.

***

Hey, les gens !

Ces dernières semaines j'ai beaucoup bossé sur le calendrier de l'avent ainsi que sur un projet secret dont je ne vous dirait rien (d'ailleurs, le Nanowrimo se déroule bien, j'ai pas vraiment d'avance mais pas de retard non plus, et ça, c'est plutôt pas mal) et ni l'un ni l'autre ne sont terminés ou ne le seront d'ici le 1er décembre. Or, j'ai besoin d'un chapitre tous les jours en décembre pour le calendrier de l'avent et j'ai un peu peur de ne pas avoir beaucoup l'occasion de m'atteler à la suite de DK à ce moment-là.

Donc, pour éviter une sorte d'hiatus en janvier, j'ai décidé qu'il n'y aurait plus qu'un chapitre par semaine d'ici là. On reprend le mercredi comme jour de sortie et une fois que le calendrier sera bouclé et que j'aurais récupéré une certaine avance dans les chapitres de DK, on reprendra le rythme de deux par semaine.

En attendant, on se retrouve dans six jours pour la première case à ouvrir ;)
(Décembre arrive beaucoup trop vite, raaah!)

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