Où il lui dit de ne pas s'attacher ✓

Il s'avère que le jeune homme de la plage est la septième victime de la nuit. Quatre avant minuit et trois après. Jamais, jusque-là, il n'y en a eu plus de deux par nuit et une telle vague d'attaques embrase le commissariat dés les petites heures du matin.

À l'hôpital, où elle vient prendre des nouvelles des agressés, Shiloh apprend que la mère de Wyatt se remettra de ses blessures, tout comme deux autres des patients. Pour les quatre restants, il est encore trop tôt pour se prononcer.

Dans sa voiture de fonction, sur le parking de l'hôpital, Shiloh bouillonne. Elle ne peut accepter que les attaques se fassent si nombreuses et que les pistes qu'elle remonte continuent de la mener droit dans un mur. À contre cœur, elle passe un coup de téléphone, parlemente un moment avec la personne à l'autre bout du fil, et fini enfin par quitter l'hôpital.


Une heure plus tard, elle se gare dans le petit parking réservé aux visiteurs et resserre son col contre ses joues avant de sortir dans le froid, la météo ayant continué à se dégrader depuis le matin.

Quand un garde à l'air vicieux la fait entrer dans la petite pièce, l'homme est déjà assis d'un côté de la table, l'attendant.

— Je désespérerais de vous revoir un jour, inspectrice, s'amuse-t-il en croisant ses mains sur la table.

Le dos droit, l'œil vif, les cheveux propres et coupés courts, même dans son uniforme gris, jamais Robert Gwynfor ne lui a semblé plus en forme. Pour un peu, il ferait même plus jeune que son âge.

— Pour être parfaitement honnête avec vous, je ne pensais pas vous revoir avant votre procès, soupire-t-elle.

Alors qu'elle prend place face à lui, l'homme rit de bon cœur et Shiloh ne peut s'empêcher de comparer son état quasi-radieux à celui de Jed quand il était enfermé. Était-ce uniquement l'éloignement d'avec Elijah qui le rendait si morose ?

— Vous ne souhaitiez pas me revoir, mais il y a eu de nouvelles agressions, n'est-ce pas ?

— Qui vous l'a dit ? s'étonne-t-elle, les sourcils froncés, en appuyant à son tour les bras sur la table.

— Pourquoi aurais-je eu besoin qu'on me le dise ? Je vous ai dit comment y mettre fin, mais vous ne l'avez pas fait, il est donc logique qu'elles continuent d'avoir lieu.

— L'enfant n'y est pour rien, s'entête Shiloh, rechignant à prononcer le nom d'Aaron ici, alors que leur discussion est écoutée. Mais admettons que votre théorie de... vampires soit correcte, comment trouver le responsable ? Comment identifier ses prochaines victimes ? Comment les choisit-il ?

— En voilà des questions pour quelqu'un qui me prend pour un fou.

Shiloh voit que l'homme s'amuse beaucoup et ça l'énerve. Elle est tentée de le planter là, se fustigeant d'être venue, et coule un regard vers la porte, mais il reprend son sérieux et demande :

— Combien d'attaques depuis le début ?

— 118, dont sept cette nuit.

— Sept en une nuit ? même lui semble surprit par un chiffre si haut. Des morts ?

— Pas encore. Mais les victimes sont laissées plus mortes que vives depuis quelques jours, avec une anémie grave.

— Depuis quelques jours seulement ? C'est étrange...

— Comment ça ?

— Avec autant d'attaques, il aurait dû perdre le contrôle il y a bien plus longtemps. Vous avez affaire à plus d'un dhampir, inspectrice. S'il était seul, il aurait tué il y a bien longtemps déjà.

Quand il redresse la tête pour la regarder dans les yeux, il semble soucieux.

— Je me suis trompé, les premières attaques n'étaient certainement pas de son fait. Mais il était surveillé, protégé, et depuis, il s'est mis à chasser. Vous devez agir vite. Soit le vampire qui l'accompagne n'est plus en état de le maîtriser, soit il n'a aucune intention de le faire.

— Comment choisit-il ses victimes, insiste Shiloh qui décide de profiter du sérieux de l'homme et d'écarter le coté vampirique de ses explications. Elles n'ont rien en commun. Elles ne sortent pas aux mêmes endroits, n'habitent pas les mêmes quartiers, ne travaillent pas dans les mêmes entreprises. On a bien réussi à en lier certaines entres elles, mais on ne parvient pas à le faire pour tous ces petits sous-groupes.

L'homme balaie d'un mouvement du bras ce qu'elle vient de dire, il semble même agacé.

— Ce sont des méthodes de flics qui cherchent un agresseur humain, ça. Vous ne le trouverez jamais comme ça.

— Comment alors, s'impatiente la policière. En vérifiant leur groupe sanguin ?

Ne percevant pas l'ironie dans sa voix, l'homme secoue la tête.

— Pas impossible, mais très peu probable, les vampires ne choisissent pas leurs victimes ainsi, ou très rarement, ils préfèrent se concentrer sur des choses qu'ils aiment.

— Comme quoi ?

— Difficile à dire sans avoir vu les victimes. Ça peut être une façon de parler, de bouger, des couleurs ou des odeurs. Quand ils n'attaquent que pour se nourrir, ces indices peuvent être très faible, mais quand ils attaquent chaque nuit, c'est qu'il y a une raison plus forte ; une très grande joie ou au contraire une peine immense, de l'énervement, de l'amour ou encore de la haine. Les vampires sont à fleurs de peau en permanence et se laisse facilement contrôler par leurs émotions. Quant aux dhampirs, ils ne sont pas faits pour se nourrir de sang quotidiennement, mais s'ils le font, ils deviennent pires que les vampires. Ils sont incapables de se contrôler, et s'ils ont commencé à attaquer toujours le même profil pour une raison forte, les chances de parvenir à les calmer sont quasi inexistantes.

Shiloh regrette d'avoir posé la question. Elle regrette d'être venue. Que pouvait-elle espérer d'un entretien avec ce type ? Il est complètement fou. Sans ajouter un mot, elle se lève et se dirige vers la porte.

— Inspectrice, l'interpelle-t-il.

Elle s'arrête, mais ne se retourne pas.

— Je sais que vous ne me croyez pas encore, mais ne faites pas l'erreur de vous attacher à l'enfant, car le jour où vous découvrirez que j'ai raison, vous n'aurez d'autres choix que de le tuer. S'il vit, beaucoup d'autres mourront.


— J'ai perdu mon temps, se lamente-t-elle auprès de Wyatt une fois de retour au poste.

Assise par terre dans le petit bureau de l'accueil, elle joue avec Savane qui a enfin cessé de lui en vouloir, pendant que le policier range ses affaires avant de partir pour l'hôpital où sa mère attend sa visite.

— Tu savais qu'il était barré. Qu'est-ce que tu espérais en allant le voir ?
— Je sais pas. J'étais de mauvaise humeur à cause des agressions de cette nuit et je ne pouvais pas rester sans rien faire.

L'homme n'ajoute rien. Cette histoire le touche bien plus que quiconque au poste désormais et il apprécie que Shiloh soit capable de mettre de côté ses croyances les plus profondes pour tenter de retrouver l'enfoiré qui a failli tuer sa mère.

— Tu rentres bientôt ? Je pourrais pas garder Savane ce soir.

Elle secoue la tête.

— J'ai prévu de bosser tard. Je veux passer en revue une nouvelle fois ce qu'on sait au sujet des victimes. Mais je vais appeler Elijah, il passera la prendre.

Un sourire complice se dessine sur la physionomie enfantine du policier.

— Je me suis relevé cette nuit pour aller me chercher à boire et je ne t'ai pas vue sur le canapé... Vous avez bien profité de votre nuit, j'espère.

Le rouge monte aux joues de Shiloh et elle se maudit de ne pas être capable de s'en empêcher.

— Raconte pas n'importe quoi. Y a rien entre nous.

— Me baratine pas, s'amuse-t-il en s'accroupissant devant elle. Ça fait quoi, deux mois qu'il habite chez toi ? Et là vous passer la nuit dans le même lit alors que j'avais proposé de dormir sur le divan pour ne pas déranger et que tu as refusé catégoriquement. Tu ne vas pas me dire qu'il ne s'est rien passé.

À ce moment-là, la porte s'ouvre à la volée, percutant à la fois la cuisse de Shiloh et le genou de Wyatt, lui faisant perdre l'équilibre et s'étaler sans élégance aux pieds de la réceptionniste de nuit qui entre en grognant et en évitant à l'inspectrice d'avoir à répondre à la question malaisante.

— Mais enfin ! Qu'est-ce que vous fichez derrière cette porte ? Il y a d'autres endroits pour faire ce que vous faites !
— On ne faisait que discuter, se plaint Wyatt en se relevant.

Le regard que la femme porte sur lui indique clairement qu'elle ne le croit pas, mais un rictus fait se soulever ses lèvres épaisses.

— J'ai donc raison, il y a d'autres endroits pour le faire.

Shiloh ne souhaitant en aucun cas rester plus que de raison avec la femme acariâtre, elle attrape la lapine, qui a décampé au moment du carambolage, l'enferme dans sa cage de transport et s'éclipse avant que Wyatt n'en fasse autant.

Vingt minutes plus tard, l'animal est remis sur le parking visiteurs à Elijah qui, sur ordre de Shiloh, n'a pas quitté sa voiture.

— Ça va ?

Il sait, bien qu'ils ne se soient pas encore vu de la journée, que c'est elle qui a trouvé la dernière victime, car ils ont échangé plusieurs messages pendant la journée.

— J'ai été voir Gwynfor. Je lui ai demandé comment attraper un vampire.
— Tu ne crois pas réellement que ce soit un vampire.
— Bien sûr que non, mais on a plus de 100 agressions sur les bras. Ça ne peut plus continuer, il faut que je trouve le responsable, quels que soient les moyens a employer pour y arriver. Et j'espérais, je sais pas... qu'il pourrait me mettre sur une nouvelle piste, ou quelque chose comme ça.

Elijah approuve. Lui aussi, comme tous les habitants de la petite ville balnéaire, sera rassuré quand le tordu responsable de ces agressions sera derrière les barreaux. Car si ses fils sont bien trop jeunes pour traîner dehors la nuit, ce n'est pas le cas de Jed ou de Shiloh, or, il s'inquiète pour eux.

— Des sushis, ce soir, ça te branche ? Jed doit passer.

Elle secoue la tête.

— Mangez sans moi, je vais rentrer tard.
— Qu'espères-tu trouver cette nuit que tu n'aurais pas vu ces deux derniers mois ?
— Je sais pas, mais je peux pas rester sans rien faire.

En rentrant, elle remarque quelques regards en biais et devine que certains de ses collègues ont dû surprendre sa conversation avec Elijah. Peut-être même ont-ils vu qu'elle lui remettait Savane.

Shiloh soupire. À part Wyatt, personne ne sait que le chanteur habite chez elle depuis plusieurs semaines, mais ça finira par se savoir, et à ce moment-là, qui sait si leur jalousie ne reprendra pas le dessus.

Depuis qu'elle a fait libérer Jed et a arrêté Gwynfor, la plupart des flics ont cessé de la regarder comme une imposteuse, mais ce n'est pas pour autant qu'elle a gagné leur amitié. Sans compter qu'une part non-négligeable de ses collègues ne la supporte toujours pas. Parce qu'elle fait de l'ombre à Berthie Smith, l'espoir local, ou parce qu'elle continue d'entretenir de bonnes relations avec les Kings, ça, elle ne parvient pas à le savoir.

Avant de s'asseoir à son bureau, elle passe chercher les enregistrements des entretiens passés avec les victimes du « Vampire de Tregarta ». Vidéos, audios, retranscriptions écrites, elle prend tout et s'installe pour de longues heures d'analyses scrupuleuses.

Son casque sur les oreilles, elle passe la nuit à décortiquer ce que racontent les victimes et à noter ce que chacune d'entre elles portrait la nuit de son agression. Elle fait un tableau, où elle répertorie les modèles, couleurs et parfois, quand elle a l'information, les matières, des vêtements, mais aucune tendance ne se dessine. Si l'agresseur choisit ses victimes pour une question de style, ce ne sont ni les jupes, ni les sandales, ni les caleçons apparents qui semblent attiser son intérêt. Pas plus que le coton, le cuir ou les rayures bleu et blanc.

Le même genre de graphique est réalisé au sujet du niveau et des tics de langage, mais, encore une fois, aucune expression ou accent ne sort du lot.

Elle travaille comme ça jusqu'à sept heures du matin, ne remarquant même pas que l'open-space, pourtant vide toute la nuit, a commencé à se remplir petit à petit. Et c'est en passant du témoignage d'une ado agressée la semaine précédente à celui d'une femme retrouvée à peine sonnée un mois et demi plus tôt qu'elle note une chose étrange.

Se redressant sur sa chaise, elle repasse les deux vidéos à la suite et pousse une exclamation de joie. Ce n'est peut-être rien, mais en même temps, c'est tout ce qu'elle a. Se levant d'un bond, elle se précipite vers la porte menant au service informatique, oubliant le casque sur sa tête.

Elle entend alors avec horreur son PC labourer tout ce qui se trouve sur son bureau tandis qu'elle s'en éloigne elle-même, le traînant à sa suite par le câble tendu du casque audio. Fort heureusement, la tension extrême a tôt fait d'arracher la prise jack et de sauver l'intégralité des documents entassés entre le clavier et l'écran des dégâts qu'aurait occasionné le renversement de sa tasse de café, pleine et froide, oubliée elle aussi sur le champ de bataille.

Ayant évité le pire, elle retire les écouteurs, repousse sa tour et son écran à leurs places respectives et reprend le chemin du service info. Quand elle en sort quelques minutes plus tard, elle tombe sur Dunn qui la dévisage d'un œil critique.

— J'ai peut-être quelque chose, commence-t-elle avec un sourire fatigué mais sincère.

Il veut lui balancer une remarque cinglante, exaspéré par le manque de résultats de son équipe, mais se retient en notant ses cernes violacés, les marques rouges sur ses avant-bras à l'endroit où ceux-ci ont reposé sur le bord du bureau et ses cheveux rebelles, d'ordinaire domptés en queue-de-cheval ou en chignon, qui révèlent qu'elle est présente sur place depuis plusieurs heures déjà, peut-être même depuis le soir précédent.

— C'est peut-être rien, tempère-t-elle, mais j'ai demandé aux infos de vérifier dans les rushs dispo et de me faire une compil de tous les rires. Pendant ce temps, faut que je recontacte toutes les victimes.
— Pourquoi ?

Shiloh détourne le regard, cherchant une façon moins ridicule d'expliquer ce qu'elle a en tête.

— Tu vas me croire folle si je t'explique.
— Prenons le risque.

— J'ai besoin d'une liste des parfums et produits de beauté que les victimes portaient le jour de leur agression.
— Bien

— Le savon qu'ils utilisent aussi, leur shampoing. Même leur liquide vaisselle. J'ai besoin de créer une banque d'odeurs, explique-t-elle en voyant l'air circonspect de son chef. Partons du principe que l'agresseur ait un odorat sur-développé, tu veux ? Il pourrait choisir ses victimes parce que leur odeur lui plaît.

— C'est tiré par les cheveux.
— Je sais, mais c'est une piste qu'on n'a pas encore exploitée.
— Et les rires là-dedans ?
— Disons que l'agresseur a peut-être un complexe d'œdipe ou un truc comme ça à régler...

Grant fronce les sourcils, perdu, et Shiloh se racle la gorge pour gagner du temps, persuadée qu'il va trouver sa découverte stupide.

— J'ai remarqué une similitude dans le rire de certaines de victimes. C'est pas évident à voir parce que très peu d'entre elles rient lors de leur déposition, mais si on fouille un peu leurs réseaux sociaux on devrait tomber sur des vidéos détentes pour au moins une partie d'entre elles et alors peut-être qu'un motif se dessinera...

À son grand étonnement, et après un soupir de mauvais augure, Grant approuve son idée. Lui aussi veut mettre fin à cette série d'agressions, et de préférences avant que l'une d'elles se transforme en assassinat. Sauf qu'aucune des techniques traditionnelles n'a fonctionné jusque-là et que les victimes se font plus nombreuses chaque nuit. Alors, si un membre de son équipe veut tenter quelque chose d'un peu farfelu et innovant, il le suivra à 200 %.

***

Hey les gens !

J'ai terminé le chapitrage pour Wattpad et je peux d'ores et déjà vous annoncer que l'histoire se terminera au chapitre 79.
La question, maintenant, est de savoir si on continue sur un rythme de deux publications par semaine ou si on passe à trois ? Dans le premier cas, on bouclerait ce volume fin août, dans le deuxième fin juillet.
Faites moi part vos avis et vos envies, ça m'aidera à me décider ;)

La bise

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