Où il est question d'évasion ✓

En ouvrant les yeux, la première pensée de Shiloh est « pourquoi est-ce qu'une fois encore, je ne reconnais pas ce plafond ? Ça devient une habitude ridicule.»

En voulant se lever, elle remarque pourtant la boule de poils rousse endormie sur son ventre. Passant une main dans sa fourrure, elle jette un œil sur le décor l'entourant et reconnaît les meubles vieillots de Wyatt. Alors seulement, des brides de sa soirée lui reviennent.

Arrivée en fin d'après-midi chez son collègue, elle s'est endormie à l'instant où ses fesses se sont posées sur les coussins mous du divan aussi épuisé qu'elle.

Laminée par sa nuit d'escalade, elle n'a émergé que vers 20 h, peut-être appâtée par l'odeur de sauce tomate en provenance de la cuisine.

Après s'être excusée, elle a raconté ses aventures nocturnes à un Wyatt de plus en plus stupéfait à chaque nouveau rebondissement. Toute la soirée, ils ont mangé les pizzas faites maison, bu des bières et parlé de cet étrange cas de vampire avéré.

— Il vaut mieux que ça ne s'ébruite pas trop, lui a-t-elle fait remarquer. Mais ça va être dur de le cacher. Comment expliquer la fin des agressions si aucun coupable n'est arrêté ? Les gens seront furieux, ils verront ça comme un échec de la police.
— Vous avez prévu quoi pour la suite avec Grant ?
— Je sais pas trop. On a pensé à un truc, mais... c'est insensé. Je crois que pour ton propre bien, c'est mieux que tu l'ignores.


Délogeant le lapin, Shiloh se lève et vérifie l'heure. 6 h 30. Largement le temps de prendre un café et de rentrer pour accueillir Elijah à son retour de l'hôpital.

Elle met la cafetière en marche, sort machinalement deux tasses et manque de renverser le pot de sucre quand une voix dans son dos lui demande :

— Pas trop mal dormi ?

Wyatt, vêtu d'un pyjama à carreaux et enroulé dans un plaid décoré de pattes de chats et d'arêtes de poissons, la contourne pour sortir deux planches à découper et un pain d'une armoire suspendue.

— Désolée. Je t'ai réveillé ?
— Du tout. Je crois même si c'est mon réveil qui t'a réveillée, toi. Tu prends de la confiture ? Du beurre de cacahuète ?
— Comme toi.

Assis face à face autour de la lourde table en bois de la salle à manger, ils déjeunent en silence, encore un peu vaseux.

— On a trop bu, hier. Faut pas se mettre une race pareille en semaine, je vais être misérable toute la journée.
— M'en parle pas... Par contre, tu te souviens : pas un mot à quiconque, hein.
— Bien sûr. Tu bosses aussi ce week-end ? Tu m'accompagnes au poste ?
— Je te dépose, si tu veux, mais je commence à 10 h.
— Tu veux être là pour le retour d'Elijah.
— C'est normal, non ?
— Sûrement.

Wyatt avale son café et file sous la douche. Il apprécie beaucoup Shiloh et aimerait que les choses évoluent entre elle et Elijah, mais pour les avoir un peu fréquentés lui et Jed par l'entremise de la jeune femme, il doute que ça se concrétise un jour.

Or, plus leur cohabitation s'éternise, plus elle s'attache à lui, et plus il est persuadé qu'elle souffrira quand le chanteur se décidera à partir. Le simple fait qu'elle ait squatté son canapé sous une excuse un peu bidon la nuit où elle aurait dû se retrouver seule chez elle, le pousse à croire qu'elle est déjà bien trop impliquée dans cette relation qui n'en est pas tout à fait une.

Après avoir déposé Wyatt et Savane au commissariat, Shiloh rentre chez elle et s'accorde une douche excessivement longue avant d'aller chercher Elijah à l'hôpital. Elle trouve ce dernier à l'entrée du parking, assis sur une borne en béton, une cigarette à la main.

S'arrêtant devant lui, elle baisse la fenêtre et prend ce qu'elle pense être une voix grave de routier.

— Je peux vous emmener quelque part, mon p'tit ?

Elijah se lève, s'accoude à la portière et lui fait son sourire le plus charmeur.

— Chez vous, ce serait parfait.

Elle lui sourit, se trouvant idiote de ressentir autant de reconnaissance.

— C'est une affaire qui roule, mon p'tit. Montez qu'on puisse réchauffer c'te voiture.

À peine rentrés de quelques minutes, la sonnette retenti et, alors qu'Elijah s'installe dans un fauteuil, une tasse de thé entre les mains, Shiloh va ouvrir et revient avec Grant Dunn.
Celui-ci aperçoit le chanteur qui lui fait face et demande, surpris :

— Vous êtes sorti aujourd'hui, vous, non ? Pourquoi n'êtes-vous pas rentré chez vous ?

La question surprend Elijah qui est tenté de lui demander en quoi ça le regarde, mais un rapide coup d'œil autour de lui le pousse à plutôt hausser les épaules, une moue d'aveux imprimée sur les traits.

— Ben, c'est-à-dire que...

Grant accompagne son regard et ses yeux se plissent un peu plus à chaque découverte. Une guitare posée contre la bibliothèque, un synthé contre le mur, des vêtements d'homme abandonnés sur les dossiers de chaises, des partitions étalées sur le comptoir de la cuisine, d'autres sur la table basse du salon.

— Vous habitez ici, énonce-t-il d'un ton cassant.
— Et on aimerait que ça ne s'ébruite pas, conclu Shiloh en revenant de la cuisine avec deux tasses de thé supplémentaires, dont une qu'elle tend à Grant.
— Vous êtes en couple ?

Shiloh soupire, trouvant son boss un peu trop curieux.

— Non.
— Et je suis toujours marié, ajoute Elijah en posant sa tasse sur la table basse. Mais je ne suis pas sûr que ça vous regarde vraiment.
— C'est vrai, reconnaît Grant en passant une main dans ses courts cheveux grisonnants. Excusez-moi, tous les deux, c'est juste que ça m'a surpris.

Préférant changer de sujet, Shiloh l'invite à s'asseoir tout en s'installant elle-même dans le divan.

— Pourquoi es-tu passé ? On allait se voir d'ici deux heures.

Dunn jette un regard en biais à Elijah, mais Shiloh, devinant sans peine que ça a un rapport avec le corps qui les attend à flanc de falaise, l'incite à parler, lui rappelant qu'il est celui d'entre eux à avoir vu la créature de plus près.

— Je sais quand le transfert aura lieu. Et j'ai un plan. Mais d'abord : il y a eu deux nouvelles agressions cette nuit. Graves. Tu as relevé deux profils parmi les victimes, si je me fie à ta liste, une idée de l'identité du second vampire ?

Shiloh grimace et échange un regard avec Elijah. Ce qu'elle craignait est en train de se produire.

— J'ai un suspect, mais je crois que c'est avant tout une victime... On va avoir doublement besoin de Gwynfor, quand est-ce qu'on le fait évader ?

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