Où elle adopte un petit frère ✓

Shiloh sort du champ pour rejoindre sa voiture quand une voix flûtée retentit plus haut sur la route.
— C'est vrai ce que vous avez dit à mon père ?

Elle se retourne vers la source du cri et découvre un adolescent efflanqué qui semble l'attendre. Ses yeux rougis témoignent des larmes qu'il a versé, mais sa voix est claire.
— Tu es le frère de Victoria ?
— C'est vrai ? Ma sœur s'est fait assassiner ?
Elle hoche la tête.
— Je crains que oui.

Sous ses yeux, le jeune garçon semble soudain se métamorphoser. Elle voit les jointures de ses doigts blanchir alors qu'il serre les poings et une flamme de haine pure se distiller dans ses yeux sombres. Elle est tentée de rejoindre sa voiture et de le laisser gérer son deuil seul en compagnie de son père, mais quelque chose dans sa voix, une sorte d'innocence, de vulnérabilité enfantine, la pousse au contraire à s'approcher de lui.

— Où vis-tu ? Ici ?
Quand il relève la tête et que leurs yeux se croisent, elle le sent faiblir. Il est en colère, c'est une certitude, mais il n'en est pas moins anéanti par la nouvelle. Il renifle et ses poings se détendent.
— Parfois. Mais en général, je dors chez Vic.
— Ça ne va plus être possible...
Il redresse le torse, tente de se donner une allure d'adulte.
— Je vais voir si je peux récupérer son bail.
— Comment le paieras-tu ? Ton père n'a pas l'air d'avoir les moyens de payer pour toi et tu es toujours à l'école.
Il hausse les épaules, semblant retrouver un peu plus d'assurance à chaque réponse.
— Je ne comptais pas sur lui. Je me débrouillerai. De toutes façons, il est payé pour septembre, je trouverai bien un moyen en un mois.
— Tu es optimiste.

Il hausse à nouveau une épaule et détourne la conversation en détaillant les branchages au-dessus de leurs têtes.
— Vous allez chez Vic ?
Shiloh approuve.
— Vous pourriez m'emmener ? En plus, j'ai les clefs, je pourrais vous faire entrer.
— Ton père sait que tu pars ?
— C'est à peine s'il sait que j'ai passé les deux derniers jours ici. Il s'en contre-fiche de nous... de moi.
— Il n'avait pas l'air de s'en foutre il y a cinq minutes.

Le garçon pose ses poings fermés sur ses hanches et repousse une mèche de cheveux qui lui tombe devant les yeux d'un mouvement de tête. Shiloh trouve ça presque aussi adorable que quand c'est Savane qui le fait.
— Si vous ne me conduisez pas, je ferai du stop et je finirai quand même en ville, alors c'est vous qui voyez. Si je viens avec vous, au moins, vous n'aurez pas à attendre plusieurs heures que j'arrive pour vous ouvrir la porte.

Elle pourrait lutter, mais à quoi bon ? S'il est décidé à rejoindre la ville, et il semble l'être, il y parviendra tôt ou tard. Au moins, en l'emmenant avec elle, elle est sûre qu'il ne lui arrivera rien en chemin.


Après quelques questions destinées à le mettre à l'aise, Shiloh découvre que le garçon s'appelle Aaron et qu'il a 15 ans. Quand elle commence à l'interroger sur sa sœur, il lui raconte qu'en quittant la caravane, Victoria lui a proposé de l'accompagner, mais que son père s'y est formellement opposé. Comme l'homme était rond la plupart du temps, il n'a pourtant eu aucun mal à lui fausser compagnie et, quelques semaines plus tard, il a pu transporter toutes ses affaires, qui n'étaient pas si nombreuses, dans le nouvel appartement de sa sœur. Ensemble, ils ont alors passé les deux plus belles années de leurs vies, sans craindre le froid ou la faim et ils ont décidé qu'Aaron rentrerait toutes les six à huit semaines chez leur père, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il était toujours en vie. Et si, au début, celui-ci l'a accueillit comme un prince, il a rapidement recommencé à l'ignorer.

— C'est habituel qu'il t'ignore ?
Le garçon approuve du chef.
— Ouais. Quand on vivait tous les trois, il y avait une grande tente plantée à côté de la caravane, c'était notre espace à Vic et moi. On pouvait y faire ce qu'on voulait, il ne nous interdisait rien. Si on voulait jouer toute la nuit, on pouvait.
— Et l'école ?
Il hausse les épaules et détourne le regard, laissant ses yeux se perdre dans les champs qui bordent la route.

— On y allait, parfois. Mais le plus souvent on restait à jouer autour de la caravane. Quand Vic a eu 12 ans, elle a eu un prof qui s'est beaucoup impliqué. Il a compris comment on vivait et il a commencé à venir nous chercher tous les matins. À partir de ce moment-là on a commencé à aller à l'école beaucoup plus souvent et on a trouvé ça chouette, on s'est fait des amis, c'était bien. L'année d'après, même si Vic n'était plus dans sa classe, il a continué à venir nous chercher tous les jours. Ça a duré presque deux ans, puis un matin il n'est pas venu. Il a disparu, on ne nous a jamais dit ce qui lui était arrivé. Et on a dû se débrouiller à deux, une nouvelle fois. Ça a été compliqué quelques semaines, puis Vic est sortie avec un type qui avait une mob et il a commencé à venir nous chercher à son tour. C'était un peu chaud parce qu'on était trois sur la mob et que c'est interdit, je crois que sa mère lui aurait arraché la tête si elle avait su, mais c'était toujours mieux que de faire le trajet à pieds. En fait, on s'amusait beaucoup à cette époque, ajoute-t-il au bout d'un moment.

Durant le trajet d'une heure, Shiloh en apprend un peu plus sur la victime et sur l'adolescent qui, peut-être, idéalise un peu trop cette grande sœur qui l'a sorti de la misère. Et alors qu'il lui fait la conversation de façon polie, elle a du mal à imaginer que ce soit l'homme rustre qu'elle a rencontré plus tôt qui ait élevé un enfant aussi adorable. Ils n'ont rien en commun. Aaron est propre sur lui, poli, bien élevé, et il lui semble même qu'il tente parfois de lui faire un peu de charme. Là où le père est un pignouf négligé vivant dans une porcherie.


L'appartement est très différent de ce que Shiloh a imaginé en écoutant le garçon en parler. Situé au premier étage d'un bâtiment de trois, on y entre par un balcon privé où sont disposées deux chaises en fer forgé, une petite table assortie et un VTT à l'air coûteux.
— C'est le mien, précise l'adolescent avant de tourner la clef dans la serrure. Vic me l'a offert il y a un an.
L'intérieur est moderne et luxueux, rien à voir avec l'idée qu'on se fait généralement du logement d'une jeune femme à peine entrée dans la vie active.

— Comment ta sœur a pu se payer tout ça ?
— Elle aimait les mecs plus vieux qu'elle, répond l'adolescent. Et quand ils voulaient lui faire des cadeaux, elle allait pas refuser.

Mouais, ça ressemble quand même beaucoup à l'appartement d'une poule qui se faisait entretenir, pense Shiloh en s'arrêtant devant un immense tableau abstrait qui recouvre la moitié du mur séparant la pièce commune de ce qu'elle suppose être les chambres.
— Ça te dérange si je furète un peu ? J'espère trouver un indice qui me mette sur la piste de l'assassin.
— Allez-y. Tant que votre but est de venger ma sœur, vous pouvez fouiller absolument où vous voulez.

Une heure et demie durant, Shiloh s'attaque donc à l'étude minutieuse de tous les documents qu'elle peut trouver. Reçus de restaurants, factures de téléphone, de gaz ou d'électricité, rien de ce qu'elle touche ne semble vouloir lui révéler quoi que ce soit d'important.

Elle arpente la chambre de la victime de long en large, son téléphone à la main et termine d'expliquer à Wyatt qu'elle veut qu'un agent vienne chercher l'ordinateur de Victoria pour qu'il soit ausculté par un informaticien, quand son regard tombe sur un petit cadre posé sur le guéridon qui fait office de table de nuit. Elle s'en saisit alors qu'elle remercie le policier et raccroche. Sur la photo, elle voit une jeune femme brune d'une grande beauté et enceinte jusqu'aux yeux, assise sur le sable un jour brumeux. À ses côtés, une enfant de 3 ou 4 ans dans un maillot bleu à pois blancs démoule un pâté qu'elle a confectionné avec son petit seau rose. Une bourrasque de vent a fait s'envoler sa crinière de cheveux blonds qui lui cache presque entièrement le visage. Derrière l'enfant, un homme torse-nu, tout aussi blond, retient un parasol sur le point de s'envoler. Il est très beau lui aussi et Shiloh met plusieurs secondes avant de comprendre qu'il s'agit de Charles Evans.
En quinze ans, l'homme est devenu si négligé qu'il en est méconnaissable.

Car oui, une fois Charles identifié, il devient facile de mettre un nom sur les autres protagonistes. La petite fille est évidemment Victoria, la femme en robe de plage, qui semble la seule à ne pas souffrir des éléments, est sa mère, et l'enfant dans son ventre n'est autre qu'Aaron.

— Elle ne lui ressemblait pas beaucoup, hein.

Shiloh sursaute. L'adolescent est entré dans la chambre et s'est approché dans son dos sans qu'elle ne l'entende arriver. Debout à côté d'elle, il regarde tristement le cliché jauni. Cette photo est peut-être la seule où sa famille est, d'une certaine façon, réunie. L'inspectrice ressent une nouvelle fois un fort élan d'affection pour le jeune homme. À seulement 15 ans, il se retrouve seul. Abandonné par sa mère à la naissance, et par son père peu de temps après, ce dernier lui ayant préféré son whisky et ses bières bon marché, il doit, aujourd'hui, faire le deuil de la seule personne qui ait toujours été là pour lui, bien qu'elle ait dû ressentir le même sentiment d'abandon que lui.

— Elle non, mais toi, tu es son portrait craché.

Quand bien même il lui serait resté des doutes, le simple fait de mettre côte à côte la photo et l'adolescent aurait suffit à les lever. Leur ressemblance atteste à elle seule que la jeune femme sur la photo est la mère des enfants Evans, ou tout au moins d'Aaron. Le regard sombre, la posture fière, l'aura menaçante qui émane d'elle comme de lui, le menton pointu, les joues creuses, les cheveux du même brun. Si Aaron avait été plus âgé, Shiloh aurait pu penser qu'il s'agissait d'une seule et même personne. Mais là, s'il est évident que les deux sont apparentés, il est aussi clair que l'adolescent a dix ans de moins que la femme au moment de la photo.

Celui-ci sourit tristement à sa remarque et, comme s'il avait lu dans ses pensées, confirme ce qu'elle pense.

— C'est la seule photo où on est tous les quatre. Le seul moment où on était tous heureux.

Shiloh fronce les sourcils.

— Tu n'étais pas encore né, Aaron, ça ne peut pas être un de tes souvenirs les plus heureux.

Quand il pose ses yeux sur elle, ils lui semblent plus clairs une fraction de seconde et l'inspectrice repense soudain à Elijah et à son regard bleu pâle. Inconsciemment, son cœur se met à battre plus vite, et elle voit comme au ralenti le garçon baisser les paupières alors que ses lèvres se pincent. Quand il les relève, ses yeux sont à nouveau aussi noirs que de l'encre et un nouveau sourire triste a remplacé sa moue boudeuse.

— Je sais.
Elle voit ses longs cils battre trop vite comme s'il tâchait de retenir des larmes.
— Mais Vic m'a tellement parlé de cette époque et ils étaient si heureux, tellement plus qu'on ne l'a été dans la caravane... que j'aime penser que j'ai partagé ces moments pendant neuf mois avec eux. Je l'ai imaginé si souvent quand j'étais enfant que c'est presque devenu une réalité, aujourd'hui.


Cette révélation lui brise le cœur et Shiloh fait un pas vers lui avant de se ressaisir. Elle a failli le prendre dans ses bras et lui promettre que tout irait bien. Exactement comme elle le faisait avec sa propre petite sœur du temps où elles vivaient dans cet horrible camp hippie.
Mais elle ne peut pas le faire avec lui. Le garçon n'est pas son petit frère et elle ne le connaît que depuis une poignée d'heures, il serait très mal venu de s'autoriser de telles familiarités avec lui, encore plus alors qu'il fait partie de la famille de la victime. Elle pose alors juste une main sur son épaule et lui sourit aussi joyeusement qu'elle le peut.

— Tu es encore jeune et beaucoup de bonnes choses vont t'arriver. L'appartement est déjà payé pour le mois prochain, tu l'a dit toi-même. Tu vas rester ici jusque-là et je vais t'aider à trouver un petit boulot pour que tu puisses continuer à habiter en ville et terminer tes études.

— Vous feriez ça ? demande-t-il, suspicieux.
Elle acquiesce.
— Tu devras peut-être déménager, parce que le loyer est assez élevé ici. Mais pour ça aussi, je t'aiderais.

Un instant, sa chambre d'ami en chantier s'impose dans son esprit, mais elle l'en chasse aussitôt. Ce serait bien trop bizarre. Et elle n'est même pas sûre que ce soit légal.

— Tout ne pourra aller que mieux, je te le promets.

Quelque part, au fond d'elle-même, une voix lui hurle qu'elle ne devrait pas faire de telles promesses alors qu'elle n'a aucun moyen d'en assurer la réalisation, mais elle la fait taire, se persuadant que le garçon face à elle est encore un enfant et qu'il a avant tout besoin d'être rassuré.

De plus, elle compte effectivement l'aider à trouver un petit boulot et à rester en ville, loin de la caravane et de la dépression alcoolique de son père.

Elle s'apprête à lui tendre le cadre pour qu'il puisse ranger la photo de sa famille où il le souhaite, quand elle remarque quelque chose d'étrange. Alors qu'on empile rarement plus d'une ou deux photos dans un cadre de ce type, il lui semble que le carton à l'arrière, où est collée la petite languette permettant de le faire tenir debout, est particulièrement bombé. Elle le retourne alors et entreprend de l'ouvrir en tirant sur les petites barrettes métalliques qui maintiennent le carton en place.

— Qu'est-ce que vous faites ? s'étonne Aaron en se penchant sur le cadre à son tour.
— Une minute.

Elle déplie la dernière barrette, renverse le cadre sur sa main et voit, à sa grande surprise, s'en échapper plusieurs autres photographies.

Sur l'une d'elles, prise depuis une fenêtre à l'étage, un homme, le poing levé, fait face à une femme, ou peut-être une adolescente, recroquevillée par terre dans une cour crasseuse. Sur une seconde, un autre homme se promène sur une fête foraine avec une jolie femme rousse, un petit garçon fermement accroché à leurs mains se balançant entre eux. Viennent ensuite plusieurs clichés de Victoria dans des positions plus que compromettantes avec plusieurs hommes différents. Si, au début, Aaron a paru intéressé par la découverte de Shiloh, il s'en détourne rapidement en lui lançant un regard qui sonne comme un reproche.

— Elle était volage, c'est vrai, mais elle ne faisait rien de mal.
Shiloh passe encore une fois toutes les photos en revue.
— Aaron...
— Elle n'était pas mariée. Elle n'était même pas officiellement en couple avec l'un d'eux. Elle ne faisait que s'amuser.

Sa voix s'est faite dure et l'air semble soudain plus lourd dans la chambre aux murs jaune.

— Tu ne comprends pas, s'entête Shiloh. Elle faisait sûrement chanter ces hommes, et l'un d'eux est peut-être notre tueur...

Les traits du visage de l'adolescent se brouillent alors qu'il prend conscience de ce qu'elle dit et, entre ses doigts, Shiloh sent une ultime photo se décoller de celle qu'elle avait prise pour la dernière. Elle y jette un œil, retient une exclamation de surprise, s'assure qu'Aaron ne la regarde pas et escamote celle-ci dans la poche arrière de son jean.

Sur cette dernière image, on voit Elijah embrasser fougueusement un jeune homme à l'arrière de ce qui semble être une boite de nuit.


Un agent est venu chercher l'ordinateur de Victoria, et Shiloh quitte en même temps que lui l'appartement avec les photos et documents glanés. Sur la route qui la mène au commissariat, elle sait qu'elle peut encore remettre la photo d'Elijah avec les autres. Mais faire ça signifierait de le faire passer de « type qui se trouvait là par hasard » à suspect, et elle ne peut s'y résoudre. Sans compter les ennuis qu'elle pourrait lui causer si l'affaire venait à s'ébruiter.

En garant la voiture dans le parking réservé aux officiers, elle prend la décision de lui en parler au plus vite et de garder cachée la photo pour l'instant. Peut-être que l'homme ne sait même pas que Victoria possédait cette photo. Et s'il le sait, il n'est pas impossible qu'elle ait été prise lors d'un jeu, voire même qu'elle vienne d'un futur clip.
Elle était certes cachée avec d'autres photos compromettantes, mais peut-être juste parce qu'elle pouvait sembler compromettante. Non, c'est décidé, la photo ne sera pas remise avec le dossier, elle pourrait causer trop de tort alors qu'elle ne représente plus que probablement rien.


En rentrant chez elle ce soir-là, Shiloh s'écroule de fatigue dans le fauteuil. Le peu de sommeil de la nuit précédente additionné aux nombreuses heures de route et aux autres passées à son bureau à tenter de relier les différentes informations collectées, l'ont épuisée. Pour la première fois depuis son arrivée, et malgré le meurtre, la rencontre avec les DK et tout ce qui est arrivé depuis, elle sent que le boulot dans cette ville n'aura rien à voir avec ce qu'elle connaissait dans son petit village des Cornouailles. Et malgré l'épuisement, elle accueille cette certitude avec la plus grande satisfaction.

Se rappelant la photo subtilisée plus tôt, elle la sort de sa poche et s'autorise pour la première fois de la journée à la regarder attentivement. Il n'y a aucun doute possible, l'un des deux hommes est définitivement Elijah. Quant à l'autre, qui est essentiellement de dos, il est plus difficile de l'identifier. Ce qu'elle voit de son profil pourrait faire penser à Jared. Même cheveux sombres, même sourcils broussailleux, même forme générale du visage. Mais il est trop petit, trop jeune et trop mince pour qu'il s'agisse du chanteur.

Alors qu'elle analyse l'arrière-plan, cherchant un indice qui lui indiquerait que la photo est bien une mise en scène, que ce soit pour un clip, une pochette ou même une interview, Shiloh se souvient soudain avoir pris elle-même une photo le soir précédent. Récupérant son téléphone, déposé sur la table à côté du fauteuil à son arrivée, elle s'empresse de l'ouvrir et de chercher la photo en question.
Hélas, une fois ouverte, la photo ne lui révèle rien de plus. Très mal cadrée, elle ne présente que Jared et un petit morceau du visage d'Elijah dans son champ. Le public est en revanche très présent, mais, malheureusement, flou.


Elle réfléchit sérieusement à passer la nuit dans le fauteuil quand un bruit de vaisselle renversée se fait entendre dans la cuisine. C'est vrai, Savane n'a plus mangé depuis le matin et elle fait savoir son mécontentement. La gamelle est envoyée dans les airs à plusieurs reprises, faisant un boucan de tous les diables en retombant sur le carrelage.

— Ça va, c'est bon. Je me lève, grogne Shiloh en s'extrayant du canapé. Tu es insupportable parfois.

Elle dépose photo et téléphone sur la table basse et rejoint la cuisine où elle prépare un bol de fruits et légumes frais pour la lapine qui la regarde faire en lui grattant les pieds de ses petites pattes, sans doute dans l'espoir de la voir accélérer le mouvement sous les coups.

Une fois servie, Savane se remet à ignorer Shiloh, se déplaçant en cercle autour de son bol quand celle-ci veut profiter de son bon appétit pour la caresser. Après quelques minutes, la jeune femme renonce, rouvre le frigo et soupire en constatant qu'il ne contient aucun repas préparé.

Je n'aurais ni le temps ni l'envie de faire à manger ces prochaines semaines, rumine-t-elle, il faudra vraiment que je pense à acheter des plats à réchauffer.

Sortant finalement trois carottes, quelques feuilles de salade, un paquet de dates, des bâtonnets de courgettes et de potirons ainsi qu'un yaourt de soja, elle improvise en quelques minutes un repas sensiblement comparable à celui de Savane avant de retourner le grignoter dans le canapé.

Cohabiter avec un lapin a au moins l'avantage de vous obliger à toujours avoir de grosses quantités de végétaux en réserve.
Ça donne des repas un peu fades, mais qui parviennent à caler l'estomac quelques heures quand on a la flemme de se préparer autre chose.

Épuisée, Shiloh ne termine pas son assiette et s'endort encore habillée moins de quinze minutes après s'être allongée.

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