Chapitre 8 - Où il passe un sale quart-d'heure... ✓
et où elle ne s'en tire pas mieux
(Le titre était trop long pour Wattpad, alors je l'ai mis en deux fois ;) )
***
De retour au commissariat, Shiloh s'empresse de montrer les photos à Dunn. Il les passe toutes en revue, la ride de son front se faisant de plus en plus visible.
— C'est bon ? Je peux le faire venir ? s'impatiente-t-elle.
— Les alibis du fils et de la femme ?
— Vérifiés avant de rentrer. Les amis confirment qu'ils ont été ensemble toute la soirée. Et l'amant qu'ils ont passé la soirée et une bonne partie de la nuit à s'envoyer en l'air.
Dunn soupire et fait glisser les photos jusqu'à elle.
— Le maire va péter un câble mais... vas-y.
Un sourire de victoire aux lèvres, elle se retourne et sort du bureau. Juste avant qu'elle ne ferme la porte derrière elle, Grant la rappelle pourtant.
— Par contre, Shiloh, ce n'est pas une preuve de sa culpabilité. Tu me traites ce trou du cul avec le plus grand des respects. Il ne doit rien pouvoir te reprocher.
Elle opine du chef. C'était son intention, bien entendu. Le fait qu'elle veuille coffrer cet abruti au plus vite ne va nullement interférer avec sa manière de procéder à son interpellation. Il ne manquerait plus qu'un vice de procédure vienne tout gâcher.
Quand Barlow arrive au commissariat, il est furieux. Il a déjà appelé son avocat ainsi que le maire, et quand Shiloh entre dans la salle d'interrogatoire, il hurle qu'il ne veut rien avoir à faire avec cette petite écervelée.
Tout ce boucan arrive aux oreilles de Dunn, et c'est finalement lui qui se présente pour mener l'interrogatoire une fois le manager rejoint par son avocat.
— J'ai cru comprendre que vous ne l'appréciez pas, Mr Barlow, commence-t-il, mais l'inspectrice Delauney est la personne chargée de cette enquête et je ne peux, et ne souhaite, faire autrement que la laisser entrer dans cette pièce avec nous.
Barlow veut protester, mais son avocat le prend de vitesse en se raclant la gorge. Il se retourne alors vers lui, et l'homme lui fait signe de laisser faire.
De mauvaise grâce, Barlow s'enfonce dans son siège.
— Eh bien, faites la entrer dans ce cas.
D'un mouvement de la tête, Dunn indique au policier posté près de la porte de l'ouvrir pour permettre à Shiloh d'entrer.
Dans la petite pièce, la tension est palpable. Shiloh et Grant d'un côté de la table. Barlow et son avocat de l'autre. Pendant un temps, personne ne s'autorise le moindre bruit. L'air est devenu lourd et les virevoltants des westerns attendent plus que probablement derrière la porte qu'on la leur ouvre pour se mettre à défiler derrière les jambes des quatre protagonistes.
Calmement, Shiloh sort du dossier qu'elle a posé devant elle en arrivant, quatre photographies. Barlow esquisse une grimace en se reconnaissant dessus, mais ne dit rien.
— Pourriez-vous nous confirmer qu'il s'agit bien de vous sur ces photos, Mr Barlow ?
Il tourne la tête vers son avocat et celui-ci acquiesce, mais l'homme reste muet.
— Vous pouvez les regarder de plus près, si c'est nécessaire, ajoute-t-elle en les faisant glisser devant lui.
Cette fois, Barlow réagit en repoussant les photos violemment.
— Inutile. C'est bien moi, oui.
— Vous confirmez aussi que la jeune femme à vos, hmm, côtés, est Victoria Evans ?
— Oui.
— Bien. Pourriez-vous reprendre le récit de la journée du meurtre en n'omettant pas, cette fois, votre lien avec la victime ?
Pendant deux heures, Shiloh et Grant font répéter et répéter encore à Barlow l'intégralité de sa journée. À l'endroit, à l'envers, en reprenant à certains événements, puis à d'autres. À partir du moment où il admet que la fille était sa maîtresse et qu'ils ont passé une demi-heure ensemble ce jour-là, son histoire ne bouge plus d'un iota et il se montre capable de la répéter autant de fois qu'on le lui demande.
Après ça, il lui est demandé de patienter, ce qu'il n'apprécie pas du tout, et de répéter encore une fois tout ce qu'il sait. Au bout de 3 h 30, son avocat demande avec calme.
— Avez-vous une raison valable de garder mon client entre ses murs une minute de plus ?
— Non, reconnaît Dunn.
— Dans ce cas, nous vous laissons.
Il se lève, aussitôt imité par son client, et tous deux quittent le poste de police libres comme l'air.
— Ça se payera, soupire Grant Dunn, fatigué par l'interrogatoire, en abandonnant Shiloh dans le couloir menant à son bureau.
Et Shiloh se doute qu'il a raison. Le maire va leur faire regretter leurs actions.
Avant de rentrer chez elle, Shiloh passe discuter avec Wyatt, qui doit de plus lui rendre sa lapine.
Elle s'assied par terre à bonne distance du panier et tente d'attirer l'animal avec des pissenlits ramassés une heure plus tôt dans le champ bordant le parking.
— D'accord, c'était sa maîtresse, mais rien ne dit qu'il ait quelque chose à voir avec sa mort. Leur relation durait depuis un moment déjà...
— Sept mois. D'après ce qu'il en dit.
— Oui. Voilà, sept mois. C'est pas rien. Si elle voulait le faire chanter, elle n'aurait pas attendu aussi longtemps. Et puis il payait des tas de choses pour elle, comme son loyer. Elle obtenait déjà pas mal de lui, et il semblait s'en satisfaire aussi. Pourquoi est-ce qu'il l'aurait butée ?
— Je sais pas. Peut-être parce qu'il a appris qu'elle le trompait ?
— Il devait être au courant depuis un moment. Ça faisait des mois qu'il recevait des plaintes de tout côtés à cause du comportement de la fille.
— Oui, mais... je sais pas. Ce type est tellement désagréable.
— Désagréable ne veut pas dire meurtrier.
— Tu as sans doute raison.
Shiloh soupire en laissant retomber les fleurs par terre. Son enquête n'avance pas, son suspect numéro 1 est probablement innocent et son lapin vient de l'ignorer pour sauter, une fois encore, sur les genoux de son collègue.
— Shiloh...
— Hmm ?
— Qui t'a mise sur cette voie ?
La jeune femme relève la tête et soutient le regard de Wyatt.
— Personne.
— Mais les photos...
— Elles viennent de sa femme.
— Pas les premières.
Shiloh se relève, dominant ainsi de sa taille son collègue assis.
— Tu insinues que, depuis le début, je me fais manipuler par Elijah Eilacin ? Mais dans quel but ? Son alibi est en béton.
— Le sien peut-être, mais il peut protéger quelqu'un...
Shiloh fronce les sourcils. Non. Elle a déjà pensé à ça, mais ne voit pas qui il pourrait protéger en faisant ça. Les seuls qu'il pourrait être tenté de couvrir, à sa connaissance, sont les autres membres du groupe, et ils étaient tous les quatre sur scène au moment du meurtre.
— J'y réfléchirai, lâche-t-elle quand même, plus pour avoir la paix qu'avec l'intention de véritablement le faire.
Une fois le lapin rangé dans sa caisse de transport, elle rentre chez elle, non sans avoir préalablement promis qu'elle rapporterait le petit lagomorphe dés le lendemain. Après tout, ça permet à Savane de ne pas se sentir seule. Et même si elle continue à l'ignorer, Shiloh veut ce qu'il y a de meilleur pour sa lapine.
Après un repas pris sur le pouce et des légumes laissés en abondance dans la gamelle, Shiloh décide de sortir marcher un peu pour réfléchir à son enquête. Sans qu'elle ne le décide consciemment, ses pas la conduisent à travers champs jusqu'au Velvet Catfish. En entrant dans le pub, elle aperçoit immédiatement Elijah et Jed penchés sur plusieurs feuilles de papier. Elijah parle beaucoup, et ce faisant, il ne cesse de poser ses doigts sur la main de Jed qui repose entre eux. Elle est persuadée qu'il ne s'en rend même pas compte, mais pour des yeux extérieurs ces sollicitations ressemblent à s'y méprendre à des caresses d'amoureux.
Elle a déjà reculé d'un pas, quand Elijah se penche sur la table. D'un geste affreusement naturel, il retire une minuscule saleté des cheveux de Jed, replace même la mèche derrière son oreille, puis se recale dans sa banquette. D'un paquet qui traîne sur la table, il sort une cigarette, l'allume et tire dessus. Il n'a pas encore recraché la fumée que Jared la lui retire des doigts et la porte à sa propre bouche dans un mouvement sensuel, presque érotique.
Les jambes flageolantes, Shiloh sort du pub. Elle se traîne à travers le parking, saute la clôture et s'arrête derrière. Elle ne peut plus avancer, sa vue est brouillée, ses yeux voient flou et ne parviennent plus à faire la mise au point. En les frottant de ses poings, elle est surprise de découvrir que cela est dû aux larmes qui inondent désormais ses joues.
Le pire, c'est qu'elle ne sait pas pourquoi elle pleure. Parce qu'elle a cru qu'elle était spéciale aux yeux d'Elijah ? C'est vrai qu'il s'est montré adorable avec elle, mais il est adorable avec tout le monde. Elle l'a vu être gentil et dévoué envers beaucoup de gens lors des deux jours passés en sa compagnie, et si elle n'avait pas été subjuguée par ses sentiments de fan sans cervelle, elle se serait rendue compte qu'il ne se comportait pas avec elle de façon bien différente. Or, cette douceur dans ses gestes lorsqu'ils sont destinés à Jed, cette lueur dans ses yeux quand il le regarde, cette façon de le toucher sans arrêt, sans même s'en rendre compte. Ça, c'est différent. Et c'est ce qui l'amène à sa deuxième déception de la journée. Oui, elle a peut-être bien été manipulée. Par Elijah. Tout comme Wyatt l'a supposé. Elle doit vraiment être la pire inspectrice de ce pays pour n'avoir pas été capable de voir ça par elle-même.
Si Elijah l'a orientée vers Barlow à ce moment-là, c'est parce qu'elle venait de lui annoncer que Jed faisait partie des suspects.
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