Chapitre 16 - Où il la repousse ✓
Depuis quelques jours, et ce, sur demande expresse de la part de Shiloh, Elijah s'est mis à filer Aaron, seul. Il a conscience qu'en cas de réapparition de l'agresseur, il ne pourra pas faire grand-chose. Mais avec un peu de chance, sa simple présence dissuadera l'autre de s'en prendre à l'adolescent. C'est du moins ce dont il essaie tant bien que mal de se persuader.
Un matin sur trois, voir sur deux, il est devant l'appartement à 7 h 30. Ce qui lui coûte beaucoup, car il ne se lève jamais aussi tôt de lui-même. Il attend qu'Aaron sorte de chez lui avec son vélo et il le suit jusqu'à l'école, parfois en voiture, parfois à vélo lui aussi.
Il occupe ensuite sa journée à parlementer avec l'avocat de Jed, à aller voir celui-ci en prison ou à chercher un moyen quelconque de l'en faire sortir au plus vite.
Entre 14 et 17 h 30, il revient au lycée, repère l'ado et le suit à nouveau jusque chez lui ou, parfois, en ville où il rejoint d'autres gamins.
Ce faisant, Elijah se donne l'impression d'être un type on ne peut plus louche, mais quand il en parle à Shiloh, celle-ci lui assure qu'il vaut mieux faire une chose un peu illégale dans le but de sauver quelqu'un que de s'en tenir à ce que la justice propose et retrouver le gosse assassiné d'un pieu dans le cœur d'ici une poignée de jours.
Elle n'a pas toujours eu ce discourt, mais depuis que Dunn a refusé de prendre en compte le pieu qu'elle lui a rapporté, la jeune femme semble partie en croisade contre une certaine vision de la justice qui diffère trop de la sienne.
Bien qu'il aimerait passer ses journées à faire autre chose, Elijah n'a encore rien trouvé à répondre à ça. De plus, l'inspectrice semble persuadée que s'ils attrapent l'agresseur, les autorités se verront forcées de libérer Jed. Et bien plus que la protection d'un gosse dont il ne sait à peu près rien, cette raison lui suffit pour ne pas faillir à la tâche qu'elle lui a confiée.
Ce mercredi après-midi, le gamin a décidé de se payer une petite sortie en ville. C'est donc attifé d'un pull à col roulé marron et d'un béret enfoncé sur les yeux, deux choses qu'il ne porte jamais en temps normal, qu'Elijah prend l'adolescent en filature.
Magasin de sport, d'où il ressort avec une nouvelle paire de chaussures de course, boulangerie, où il s'achète un roulé à la cannelle, pub, où il prend un verre avec une femme en âge d'être sa mère, et enfin supérette, où il s'approvisionne en pâtes, pain de mie et boissons gazeuse pour plusieurs jours. En tout, son escapade l'aura occupé prés de trois heures, et derrière son journal, qu'il déplie devant son visage dès qu'il soupçonne Aaron de l'avoir grillé, Elijah ne cesse de ronchonner que quand le gamin reprend enfin le chemin de l'appartement en fonçant bien plus vite sur son vélo flambant neuf que le trentenaire fatigué.
Dans un dernier effort, Elijah hisse son propre vélo dans la camionnette, monte à son tour dedans, et en claque la porte latérale en se laissant tomber dans le pouf à mémoire de forme.
Lui, qui espérait aller voir Jed pendant la journée, n'en a finalement pas eu le temps. Ça l'exaspère, car il tente d'y aller au moins une fois tous les deux/trois jours. Davantage encore quand il parvient à s'incruster lors des rendez-vous avec l'avocat. Tant que le jugement n'a pas été rendu et que Jed n'est qu'en détention préventive, il peut aller le voir trois fois par semaine. Mais s'il est jugé, ou quand il sera jugé, au rythme ou vont les choses, ils ne pourront plus se voir qu'une fois tous les sept à quatorze jours. Ça le rend malade rien que d'y penser. Imaginer qu'ils pourraient ne plus se voir qu'une heure par semaine, parfois moins, et sans pouvoir parler de ce qu'ils veulent, sans composer, sans jouer, sans même se toucher, du tout, jamais, il en a mal au ventre.
Le cœur blessé, tailladé, il ramasse une feuille de papier par terre et se met à déverser ce qu'il ressent en pensant à Jed et à la façon dont il sent son âme se déchirer quand il réalise qu'ils n'auront peut-être plus l'occasion de partager une quelconque forme d'intimité pendant des années.
Quand il dépose le stylo bille, il se rend compte que ses yeux se sont mis à pleurer. À moitié sonné par ce qu'il vient de produire dans un quasi état second, il les sèche et plie précautionneusement la feuille avant de la glisser dans sa poche.
Il n'a eu de cesse d'écrire lors de ses heures de planque, mais tout lui a semblé si mauvais qu'il n'a rien gardé et que le plancher de la camionnette est constellé de boulettes de papier foulées aux pieds par ses incessants allers et retours, comme autant de projets avortés.
Jusqu'à aujourd'hui.
Dans sa poche, tout contre son aine, il sent le papier froissé, témoin de son mal-être et de ses envies refoulées, le brûler, comme près à s'enflammer. Alors, il ramasse une seconde page et il se met à composer la mélodie qui l'accompagnera.
Quand Shiloh vient le relever, il est honteux d'avouer qu'il ignore si Aaron se trouve encore dans l'immeuble. Il n'a fait qu'écrire pendant tout le temps où il l'a attendue et il en a oublié de surveiller la porte.
L'inspectrice sait à quel point la situation est compliquée pour lui, ou du moins, elle le devine sans peine, et bien que cette négligence l'agace, elle ne l'en blâme pas. Sans compter qu'il s'agit d'Elijah, et quand bien même il n'aurait eu aucune excuse, il est peu probable qu'elle ait trouvé en elle le courage de le réprimander. Quand, en plus, elle croit percevoir sur ses joues les sillons luisants laissés là par ses larmes, elle est tentée de le prendre dans ses bras. Elle s'en empêche pourtant, craignant que ce ne soit mal interprété. Ou au contraire, que ça soit parfaitement compris, mais que le chanteur la repousse. Elle se contente alors de lui enserrer l'épaule de sa main et frisonne quand il pose la sienne par-dessus et que, l'espace d'un instant, leurs doigts s'entremêlent.
***
De retour chez lui, Elijah trouve Swann allongée dans le divan en nuisette transparente, un verre de martini à la main.
— Où sont les garçons ?
— Chez tes parents.
Elle se redresse un peu, mettant en valeur son corps svelte et tonique.
— Approche.
Elijah fait deux pas dans sa direction, mais se laisse tomber dans le fauteuil lui faisant face. Elle grimace, mais ne renonce pas.
— Viens plus près. Je vais pas te manger... Sauf si c'est ce que tu veux.
Il ne bouge pas, se contente de jeter un œil aux deux bouteilles vides sur la table basse accolée au fauteuil.
— T'as bu combien de verres ?
— Quelle importance ? se moque-t-elle en ondulant, instable.
— L'important, c'est que tu n'es pas toi-même.
— Foutaises.
Elle se lève, vacille un peu à cause de l'alcool qui coule dans ses veines et s'approche de son mari.
Quand elle s'assied sur ses genoux, il la laisse faire, mais quand elle passe ses bras autour de son cou et qu'elle tente de l'embrasser, il la repousse fermement. Vexée, elle se relève et le foudroie du regard.
— Si je ne t'intéresse plus, tu pourrais avoir l'honnêteté de me le dire.
— Ça n'a rien à voir. Mais si on s'envoie en l'air alors que tu es dans cet état, j'aurais l'impression d'abuser de toi.
— On est mariés, Elijah, hurle-t-elle en se heurtant à la table basse et en renversant la moitié de son verre posé dessus. À quel moment abuse-t-on de sa femme ?
Elijah soupire.
— Quand elle est morte bourrée ? Viens, tu vas aller te coucher et ça ira mieux demain, ajoute-t-il d'une voix plus douce en se levant à son tour.
Mais quand il veut la prendre par le bras pour la conduire jusqu'à la chambre, elle esquive et titube à quelques pas de lui.
— Me fais pas rire. Je sais très bien pourquoi tu veux plus de moi.
— De quoi tu parles, encore ?
Elle ricane et se laisse tomber dans un fauteuil avant d'ajouter, la lèvre supérieure retroussée en guise d'écœurement :
— Le gosse. Je t'ai vu le suivre aujourd'hui. C'est ça que t'es devenu ? Un putain de pédophile ? Tu me dégoûtes, Elijah. Tu me dégoûtes !
— Quoi ? Mais... Non !
Pris par surprise, Elijah ne sait que répondre face à cette accusation injuste. Il n'a jamais pensé à Aaron de cette façon. Il ne s'est d'ailleurs jamais intéressé à un gamin mineur. Même parmi ses fans. Même quand il avait lui-même dix ans de moins
— Tu sais que tu disjonctes, Swann ! s'énerve-t-il. Tu me connais. Merde.
— Je t'ai vu, Eli, tu le suivais, tu te cachais !
Des sanglots font tressauter ses épaules, mais elle s'écarte quand son mari fait un pas vers elle.
— C'était pour le protéger. Il s'est fait agresser dimanche, probablement par le taré qui a buté sa sœur, explique-t-il. On le surveille pour essayer d'attraper ce type, pour qu'il ne puisse pas lui faire de mal. Et pour que Jed sorte de taule.
— On ? grince-t-elle, toute trace de tristesse soudainement annihilée. C'est on, maintenant, toi et cette pouffiasse ? Je croyais que te regardais aucune autre femme que moi. Ça aussi, c'était des conneries ?
Incrédule, Elijah la regarde médusé. Les disputes sont courantes entre eux depuis quelques années, mais cette fois, il a l'impression que, peu importe le sujet, tout ce qu'elle veut, c'est déverser sa bille contre lui. Il sait qu'il devrait se taire et simplement quitter la maison pour la nuit, comme il a coutume de le faire dans ces cas-là, mais cette accusation est si injuste, si écœurante, qu'avant d'en avoir pris conscience, il s'est aussi mis à crier.
— Je traque les gosses ou les autres femmes ? Décide-toi, une bonne fois. Et qu'est-ce que tu fais encore là si tu as une si piètre opinion de moi ? T'attends quoi pour me quitter si tu me penses capable d'atrocités pareilles ?
Une insulte en appelant une autre, puis encore une autre, tous deux se disputent près d'une heure durant. Jusqu'à ce qu'Elijah, fatigué de cette mascarade, abandonne sa femme hurlante et en pleurs dans la cuisine.
Comme souvent après une dispute, et bien que celle-ci ait été plus violente que les autres, ses pas le conduisent jusqu'au Velvet Catfish où il se saoule à son tour jusque minuit passé. Triste, déçu, en colère.
Quand il quitte le bar, il ne souhaite tout d'abord pas rentrer chez lui et prend machinalement la direction de chez Shiloh. Pendant une heure au moins, il l'attend, assis sur le porche, ce qui lui permet de commencer à dessaouler, et quand elle rentre à son tour de ses heures de surveillance et le trouve hébété sur son seuil, elle l'autorise à dormir sur le sofa pour la nuit.
***
Les gens !!!
On est de retour !
En vrai, ce chapitre est écrit au moins depuis octobre, et les quatre prochains, c'est pareil...
Si j'avais suivi le programme, vous auriez dû lire tout ça en décembre, mais j'ai fait une pause plus tôt que prévu, qui a aussi duré plus longtemps que prévu, et du coup vous vous êtes retrouvés avec un hiatus de quatre mois au lieu de seulement quelques semaines... Désolé ?
En tout cas, là, c'est bon, on reprend.
J'ai entamé ce mois-ci le NanoCamp d'avril et plusieurs chapitres sont déjà venus grossir les rangs de ceux qui attendent.
On reprend donc la publication, pour l'instant seulement d'un chapitre par semaine, parce que si la suite immédiate à été écrite, elle n'a pas encore été corrigée, ni n'est prête à être mise en ligne, et, mine de rien, c'est du boulot aussi et du temps que je ne passe pas à écrire alors que j'ai décidé de terminer ce roman ce mois-ci.
Mais d'ici peu, on devrait repasser à deux updates par semaine.
Franchement, c'est sur la bonne voie, j'ai écrit hier un chapitre méga important que j'ai imaginé il y a au moins six mois et que je désespérais d'écrire un jour. Certains détails ont changé par rapport à ce qui était prévu à l'origine, mais je crois que c'est pour un mieux.
A priori, il me reste deux ou trois chapitres (pas parties Wattpad, hein, vrais chapitres) à écrire et cette histoire sera terminée. Enfin terminée... Ce tome-ci sera terminé. Car j'ai encore plein d'idées pour faire vivre et évoluer ces personnages. Il y a encore beaucoup de choses qui les attendent. Vous n'avez pas idée.
Donc, je vous dis à la semaine prochaine.
Des bisous.
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