Chapitre 9
Le premier bac blanc arrivait à grand pas, au grand désarroi de Kayliyah. En effet, bien que la phobie scolaire de cette dernière se soit grandement calmée grâce à l'aide et à la présence de ses amis, elle en souffrait toujours. Et les gros examens tels que des bacs blancs et le bac en lui-même était une épreuve qu'elle ne sentait pas prête à affronter. Mais elle le devait. Elle commençait par quatre heures d'épreuve de philosophie ce lundi 7 janvier. Aucun des jeunes n'étaient motivés. Pour Kayliyah, la première épreuve se passa étrangement bien. Et les suivantes aussi. Malgré l'angoisse, elle n'avait fait aucune crise de panique. Cependant, elle se sentait presque heureuse. Très irritée, mais presque heureuse. C'était un sentiment très étrange pour elle, celui-ci la faisait sortir de sa zone de confort qu'était le malheur, la tristesse, la dépression.
Cependant, après cette période de stress intense, elle retomba en dépression en l'espace de quelques heures. Elle le sentit passer. Elle passa de cet état très heureux, où elle avait l'impression que sa vie allait enfin s'arranger, à une détresse extrême. Elle avait déjà ressenti cette impression de littéralement « tomber » en dépression, mais jamais aussi forte et rapide. Elle avait de nouveau l'impression qu'elle était piégée dans une vie de souffrance, que rien n'allait vraiment s'arranger. Dans une énorme crise de panique, elle avala plusieurs plaquettes de cachets. Tout y passa : antidépresseurs, anxiolytiques, antihistaminiques, paracétamol, etc. Elle s'allongea dans le lit, et attendit que la mort vienne à elle, l'enlacer dans ses bras froids et enfin la soulager. Ana, qui venait de rentrer des courses avec son père, se rendit dans sa chambre pour aller voir comment allait la plus jeune. Elle la vit dormir, et décida de la laisser tranquille avant qu'une intuition lui dise que quelque chose n'allait pas. Elle hésita quelques secondes, et décida d'aller réveiller son amie. Elle lui toucha le bras, et la trouva particulièrement froide pour quelqu'un qui était souvent très chaude. Elle la réveilla, mais rien ne se passa. Et elle comprit quand ses yeux se posèrent sur les boites de médicaments vidées et empilées dans la poubelle. Ana se jeta sur son téléphone pour appeler le 15.
« Allô ?
– Oui, bonjour, je crois que mon amie a fait une tentative de suicide ! J'ai besoin d'aide !
– De quelle manière ? Elle a pris des médicaments ?
– Oui !
– Elle a pris quoi ?
– Euh, de la sertraline, de l'alprazolam, du Doliprane et de la desloratadine !
– Elle les a pris il y a combien de temps ?
– Je ne sais pas, je viens de revenir des courses, je suis partie il y a une heure et demie !
– Est-ce qu'elle a encore un pouls ? Elle respire encore ?
– Oui, son cœur bat encore, et elle respire encore, je sens sa respiration sur ma main !
– OK. Quelle est votre adresse ?
– 35 Rue du Pont, à Vernaison !
– J'envoie les pompiers et le SAMU, ils seront là d'ici dix minutes. Je raccroche Madame. »
Ana était au bout. Elle qui voyait Kayliyah si radieuse ces derniers jours, malgré l'angoisse, la voir replonger ainsi lui fendait le cœur. Elle descendit prévenir ses parents, et retourna s'asseoir à côté à côté de la plus jeune tandis que ses larmes coulaient le long de ses joues.
« Tu peux pas me faire ça Kay, pas maintenant ... S'il-te-plaît accroche toi ! »
Les pompiers arrivèrent les premiers, suivis de près par le médecin et l'infirmière du SAMU. Ils prirent ses constantes, et la transportèrent directement dans le camion des pompiers. Pendant que le personnel paramédical la transportait, l'infirmière demanda à Ana les papiers d'identité de Kayliyah.
Ils la transportèrent à Lyon Sud, où elle resta plusieurs jours dans le coma. Ses parents furent prévenus mais ne daignèrent même se déplacer, même si Marie-Madeleine en mourait d'envie. Elle voulait être avec sa fille, son « bébé » comme elle pouvait parfois l'appeler. Mais elle était obligée de respecter la volonté de son mari de rester loin d'elle, si elle voulait survivre.
Ana était au plus mal, elle avait été obligée de rentrer vers dix-sept heures quand les visites étaient terminées. Elle était restée avec la petite aux cheveux verts toute l'après-midi. Elle en avait profité pour envoyer un message dans le groupe Snapchat de ses amis pour leur annoncer la nouvelle et les tenir au courant.
Quelques jours plus tard, Kayliyah se réveilla. Elle était dans un brouillard des plus total. Elle se souvenait difficilement de ce qu'il s'était passé pour qu'elle finisse dans cet état. Mais elle se sentait déprimée et elle était à l'hôpital, donc elle devina qu'elle avait encore tenté de se tuer, et certainement qu'Ana l'avait trouvée et avait appelé les pompiers. Elle se redressa légèrement et vit Ana, la tête posée sur sa main, en train de dormir. Elle n'avait pas le courage de la réveiller et de faire face à son regard, même si elle savait qu'elle ne la jugerait pas. Elle décida donc de profiter des derniers effets des médicaments pour se rendormir, dans un sommeil sans rêve.
Le lendemain, elle se réveilla beaucoup plus lucide. Et Ana était toujours là, assise sur la chaise à côté, en train de lire un livre. Quand cette dernière la vit réveillée, elle sursauta, puis se jeta sur elle. Kayliyah ne lui rendit pas son étreinte, trop honteuse de ce qu'il s'était passé. Quand Ana s'écarta, la plus jeune prit la parole :
« Je suis désolée ... commença-t-elle.
– Mais pourquoi ?
– Je- je ne voulais pas te faire vivre tout ça. Je suis une mauvaise amie. Et c'est aussi pour ça que je ne veux pas me mettre en couple, je ne suis pas assez stable et disponible mentalement pour m'engager dans une relation amoureuse, tu risquerais de trop souffrir et de finir par me détester.
– Kayliyah, écoute. Tu n'as pas à t'en vouloir d'être aussi mal. Tu n'as pas à t'en vouloir de ce que tu es, tu es juste malade, gravement malade, et comme dans tout autre maladie, tu as des moments où ça va un peu mieux, et d'autres où ça ne va pas du tout. Et je suis prête à t'attendre, attendre que tu trouves une stabilité, attendre que tu ais le temps pour moi.
– Merci, répondit celle aux cheveux verts avant de fondre en larmes. »
Ana l'a prise dans ses bras. Quand la plus jeune se calma, la première décida d'appeler une infirmière.
« Vous êtes enfin réveillée Mademoiselle ! J'appelle les médecins. »
Les soignants débarquèrent dans la minute. D'abord, un médecin urgentiste vint ausculter la jeune fille, alors qu'Ana était partie attendre dans le couloir. Il ne trouva rien d'anormal.
« Vous avez eu de la chance, jeune fille. Vous auriez pu mourir.
– Bah ... C'était un peu le but hein ! rigola la patiente. »
Les médecins s'échangèrent un regard fatigué. Ils ne relevèrent pas la blague de leur patiente, et l'urgentiste s'en alla. Kayliyah, en se concentrant sur l'autre médicienne, se rendit compte qu'il s'agissait de la même doctoresse que la dernière fois, une psychiatre.
« Comme on se retrouve, Madame Benguedj ! Vous avez encore fait des vôtres ! »
La patiente lui lança un regard noir.
« Je pense que cette fois-ci, il serait plus sage d'envisager une hospitalisation de longue durée.
– Je pense aussi, souffla Kayliyah.
– Etant donné votre jeune âge, la seule clinique qui pourrait vous accueillir rapidement serait Saint-Paul-de-Vincent.
– A priori, je n'ai pas trop le choix ...
– Effectivement. Bon, cette-fois-ci, qu'est-ce qui vous a poussé à tenter de vous tuer ?
– Bah en vrai, je ne sais pas trop ... J'allais plutôt bien ces derniers temps, je me sentais presque ... Heureuse ? Je sais pas trop si c'est le mot, mais c'est ce qui s'en rapproche le plus. Par contre j'étais tout le temps énervée, je pouvais partir au quart de tour. Puis d'un coup, en quelques heures, j'ai rechuté, j'ai commencé à me sentir un peu mal, puis déprimée, puis je suis tombée dans une profonde mélancholie. C'était comme une chute sans fin vers le malheur. Après je ne me rappelle plus grand-chose, à part quelques bruits et sensations, tels que la voix de mon amie, la voix des médecins, et le brassard qu'on m'a mis pour prendre ma tension.
– Ce que vous me dites, ressemble beaucoup à un trouble bipolaire, mais il faudrait vous faire passer un inventaire de symptômes et que le diagnostic soit posé par d'autres confrères. Vous allez rester ici encore quelques jours. Je vais tout de suite faire la demande pour que vous partiez dans cette clinique. Au fait, avec vos parents, comment ça se passe maintenant ?
– Je ne vis plus chez eux, je suis chez l'amie qui était là tout à l'heure. J'ai eu une mesure de placement administratif dans un foyer de jeunes travailleurs, j'attends une place maintenant.
– Bon, très bien. »
Sur ces dernières paroles, la médicienne quitta la chambre. Ana revint aussitôt.
« Alors ? s'enquit la plus âgée.
– Bah je retourne en clinique ... J'ai pas très envie mais il le faut. Puis elle m'a parlé d'un possible trouble bipolaire, mais qu'il faudrait faire confirmer par d'autres médecins, et faire un test.
– Ca expliquerait pourquoi tu peux aller très bien et le lendemain très mal, sourit tristement Ana.
– Ouais, ça m'enchante pas plus que ça mais au moins ça expliquerait beaucoup de choses. »
Les deux discutèrent jusqu'à la fin des heures de visite.
Quand Ana partit, Kayliyah en profita pour envoyer un message dans le groupe Snapchat pour rassurer tout le monde.
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