MAYHEM : 2/3
Navette Éclaireur 1. Docteur Wells
La traversée de Galactus parut interminable : combien de temps dure une minute dans l'obscurité ?
La relativité.
Nous sommes partis, aveuglés de désespoir, sans en tenir compte... combien de temps s'était écoulé pour les Arches. ?
Revoir la lumière des étoiles m'a coupé le souffle. J'étais arrivée. Je ne sais comment, Galactus avait disparu. Les trous noirs sont des singularités dans l'espace-temps, les comprendre nous dépasse.
Blue 3 flotte devant moi. Une merveille, un bijou bleu orné de spirales blanches et des bruns, des ocres, des verts : des terres. Tant que c'en est trop. Je lance ISAAC en analyse. Il est mon seul compagnon, froid, mais efficace.
- Un problème, ISAAC ?
- Docteur Wells, l'atmosphère est trop dense, nous ne pouvons y pénétrer sans une incidence précise. Trop faible, la navette ricochera, trop forte, elle flambera.
Nous n'avions pas prévu cette contrainte. Nous n'avions rien prévu du tout.
- Si je peux me permettre, docteur, un amerrissage en zone côtière serait le plus judicieux, cela permettrait de refroidir la navette.
- Parfait ! Place-nous en orbite et je te laisse choisir. Des nouvelles des autres ?
- Aucune, je n'arrive pas à joindre les autres ISAAC, je ne sais pas s'ils sont sortis de Galactus.
- Nous en sommes sortis, pourquoi pas eux ? Laissons-leur le temps.
Je le laisse à ses manœuvres, je ne suis pas la meilleure des pilotes.
Nous passons en face obscure et je suis surprise de découvrir des lumières au sol : une civilisation, des villes. Ça non plus, nous ne l'avions pas prévu...
- ISAAC, choisis un site pas trop éloigné d'une ville, je dois observer les indigènes. Et mets en place la procédure B19.
- Bien, docteur.
ISAAC nous pose sur une zone côtière de l'hémisphère nord. Le récif est escarpé, mais une plage me permet d'atteindre les terres sans trop de difficultés. Je n'ai pas de nouvelles des autres éclaireurs. Au-delà du sable, la végétation m'impressionne. Je retire mon casque, l'air est frais. Sentir le vent est inespéré. Il règne une odeur d'iode et de sel, également une note de brûlé.
Je caresse le sol vert, des petites tiges me chatouillent. Ces brins de plantes recouvrent tout. Je ne sais pas ce que c'est, mais leur contact est incroyable. Moelleux et doux, mais aussi frais, un peu humide. Courts, ils s'inclinent en souplesse, ils me font penser à des poils un peu rêches : la fourrure verdoyante du sol.
Je me dirige vers la ville en suivant les instructions d'ISAAC. Il est resté dans le vaisseau, je doute qu'un robot fasse bonne impression. L'absence de radioactivité lui fait qualifier le niveau d'évolution comme : « industrie fossile ». Un robot n'aurait pas sa place. En outre, il semblait perturbé par la topographie... je préfère le laisser se torturer les circuits seul.
J'approche de la ville et distingue les silhouettes grises des édifices. La poussière m'oppresse. Devant moi s'étale un amas de gravats, des ruines encore fumantes. Les rues sont encombrées, les vitres des habitations sont brisées. Ça sent la mort.
J'avance prudemment, je ne vois personne, mais j'entends des voix portées par le vent.
Je me dissimule et me cache parmi les décombres. Je distingue une ligne d'individus : des humains ! Hommes, femmes, enfants, vieillard, petit groupe hétéroclite, attendent devant d'autres, armés, en uniforme. Je ne comprends pas leur langue. Les soldats aboient, les autres subissent en silence. Où suis-je tombée ? Je transmets les images à ISAAC en espérant qu'il trouvera un corolaire.
L'un des soldats passe en inspection, il porte une casquette avec le symbole d'un oiseau, je crois. Il semble plus important. Il regarde les civils, soumis, bovins, et brandit une arme. Il hurle je ne sais quoi, puis tire. Une détonation, comme un coup, et un homme tombe. Je frémis. Je n'ose pas bouger. Il faut que je sorte de là.
Une sirène interrompt le massacre. Elle résonne en sinusoïde lancinante. La scène se disperse en panique. Les soldats crient encore plus. Puis, je ne les entends plus. Le ciel s'ouvre en deux et hurle.
Assise et terrifiée, j'arrête de compter les explosions. Le sol tremble sous mes fesses et je serre mes jambes contre moi, récitant une chanson de mon enfance. J'attends en pleurant : notre terre promise est un champ de guerre et de haine. Comment débarquer au milieu de cela ?
La vieille mélodie me sort de l'enfer. Elle efface tout : la poussière sur ma combinaison, les déflagrations qui m'entourent, les hurlements des gisants.
Je n'entends pas l'arrivée du silence.
Une voix m'éveille. Puis un bras me saisit et m'extrait des décombres de ma cachette. Le soldat me jette au sol plus loin. Je le vois sortir son arme. Il crie : « ausweis ! » Je suis tétanisée. Je ne dis rien.
Dans mon oreille, ISAAC essaie de me parler, mais je ne l'entends pas... j'ai les yeux fixés sur l'oiseau aux ailes écartées qui orne sa poitrine. Je n'ai jamais vu d'oiseaux de ma vie, ils ont disparu avant ma naissance. Celui-ci m'effraie dans ses lignes droites.
- Docteur Wells... date... Galactus... temps... Terre...
Je ne distingue pas les mots d'ISAAC, ils sont assourdis pas les cris « ausweis » scandés en automate. Le soldat me saisit les cheveux et force ma nuque vers l'arrière. Mon regard se porte vers le drapeau rouge qui flotte dans l'odeur de poussière et de brûlé. En son centre, un cercle blanc qui s'affaisse par vague et laisse deviner de larges traits noirs : une croix tordue.
Il crache sa haine à mon visage, aboiements insensés mêlés de postillons.
Le garde me lâche enfin et cesse de hurler. Je m'affale à genou au sol, mes mains posées. Je sens le canon de son arme sur ma tête. Dans son silence, j'entends les mots d'ISAAC dans l'émetteur. Sa voix calme et artificielle me rassure autant qu'elle me déchire.
- Vous êtes sur Terre, docteur Wells, en 1944. Docteur Wells, vous me recevez ?
Je regarde mes larmes s'écraser sur le sol poussiéreux. Je les vois tomber entre mes
UNITÉ I.S.A.A.C. N° ST/785/B. LANCEMENT DE LA PROCÉDURE B19. DESTRUCTION DANS 30 SECONDES. 25. 20. 15...
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