II: Parfum, lettre et toit
Thème: Parfum
Genre: Romance
Contrainte: utilisation de la deuxième personne
Mots obligatoires: apaiser, châtaigne, salvateur
***
<<Salut Emilie. C'est Samson.
Tu te demandes sûrement pourquoi je t'écris. A vrai dire, je ne sais pas vraiment pourquoi non plus... Peut-être pour évacuer un peu... Ou parce que je n'ai pas le courage de te parler en face...
On dit souvent qu'avant de pouvoir aimer quelqu'un, on doit s'aimer soi-même. Laisse-moi te dire que c'est qu'un ramassis de conneries. Je ne me suis jamais aimé. Toi par contre...
Pff... Je n'ose même pas l'écrire... Je suis vraiment un couillon... Mais bon, je crois que tu as compris ce que je voulais dire. Tu me comprenais toujours quand on était petits. Je me demande ce qui a changé...
Je me rappelle parfaitement quand on s'est rencontrés. Je venais d'emménager en ville, et je n'avais pas d'amis. Mon premier jour d'école, tu as vu que j'étais tout seul et tu es venue me parler. Tu étais tellement enthousiaste et tu parlais tellement vite que j'ai quasiment rien compris à ce que tu racontais ! Mais je m'en fichais, j'étais trop content que quelqu'un me remarque. C'est comme ça que j'ai fini avec une invitation à aller ramasser des châtaignes avec toi. Tu t'en souviens ?
Après, quand je suis rentré chez moi, j'ai dit à ma mère que quelqu'un m'avait invité à venir chez lui. Elle était enchantée que je me sois fait des amis si vite, parce que tu sais, j'ai toujours été quelqu'un d'introverti et plutôt renfermé. Cependant, elle a vite changé d'avis quand je lui ai dit qui c'était.
"Emilie, m'a-t-elle dit, la fille du parfumier ? C'est une fille de mauvaise vie, comme sa mère ! On en parle dans tout le village, son mari est tellement cocu qu'il passe plus les portes, et il paraît que sa fille n'est même pas de lui ! Non, ne reste pas à traîner avec elle, il vaut mieux. Elle ne t'apportera que des soucis."
Si elle savait... Pas que ça soit ta faute, loin de là ! Enfin si, en partie... Mais bon, tu n'y pouvais rien, tu ne pouvais pas savoir que je tomberais amoureux de toi, et que je deviendrais la risée du collège...
Dis, c'est pour ça que tu m'as ignoré après ? Ça me tue de ne pas savoir...
Mais ne t'inquiètes pas, si je suis sur ce toit aujourd'hui, ce n'est pas uniquement à cause de ça. C'est plus... Une accumulation...
Mais retournons à notre histoire, d'accord ? Ben oui, j'ai deux pages à remplir moi, je ne veux pas avoir l'air stupide avec un microtexte nul, accompagné d'une A4 vide... En plus, ça donnera du grain à moudre aux enquêteurs et aux journalistes... Je vois déjà bien l'entête: "Un jeune homme ayant décidé de mettre fin à ses jours laisse une lettre poignante à sa famille et ses amis. Une adaptation au cinéma est déjà en projet."
Haha, ça serait plutôt pas mal, non ? Du moins, il faudrait déjà que je saute... Put*in, j'ai même pas les c*uilles de faire ça. D'en finir. Je fais pitié... Même à moi-même, je me fais pitié...
Et ça y est, je me suis encore dispersé. Bon, l'histoire.
Du coup, comme tu le sais, je suis venu quand même. On a donc ramassé ces châtaignes dans le bois près de chez toi, et après, on est un peu restés à discuter. Quand je t'ai confié les réticences de ma mère, tu as commencé à pleurer. Je ne savais pas quoi faire ! Du coup, je t'ai fait un câlin, dans l'espoir de t'apaiser. Ça a plus au moins fonctionné. Après, tu as commencé à m'expliquer, entre deux sanglots mais complètement scandalisée, que tes parents étaient des gens bien ! Alors, tu as décidé de m'emmener à la parfumerie pour m'en convaincre.
Quand on est arrivés, ton père était occupé avec une cliente, alors tu m'as fait faire le tour du magasin et m'as fait sentir ton parfum préféré avant de m'en asperger. C'était un parfum d'enfant, à l'odeur fruitée, douce. J'ai râlé, mais plus pour le principe qu'autre chose. En vrai, je trouvais qu'il sentait bon, même si, théoriquement, il était plus destiné aux filles. C'est à ce moment-là que ton père est arrivé. Il t'a un peu disputée, mais plus pour la forme lui aussi. J'ai toujours aimé cet homme. Il était juste et bon. Ensuite, il m'a regardé et a demandé qui j'étais, et ce que je faisais là. Tu lui as dit que tu me faisais visiter le magasin. Alors, il a proposé de me montrer son atelier. Ce que j'ai accepté.
C'est là qu'il a découvert -non, que nous avons découvert- que j'avais un très bon nez ! De plus, vu que j'avais l'air assez motivé, il m'a promis que lorsque je serai en âge, il me prendra comme apprenti.
C'est comme ça qu'à mes 13 ans, je me suis présenté à son magasin dans le but d'y travailler. Il avait complètement oublié sa promesse ! Mais il a accepté de m'engager quand je la lui ai rappelée, en précisant bien toutefois qu'il ne pouvait pas me payer parce que j'étais trop jeune. Je lui ai dit que je m'en fichais. Cependant, j'aurais peut-être dû me douter que ça engendrerait d'autres problèmes...
L'attitude des gens envers moi au collège a alors commencé à changer. J'étais devenu "le pédé", "la tafiole qui bosse dans les parfums".
Le truc bizarre, c'est que tu semblais être d'accord avec eux, malgré le fait que ce soit aussi le métier de ton père... Tu ne faisais que suivre le mouvement, je suppose... Mais je ne t'en veux pas, tu n'allais pas gâcher ta réputation pour moi... Je n'en vaux pas la peine, hein ? J'aurais juste préféré que tu me défendes un minimum... Ou au moins que tu leur soulignes qu'être gay n'est pas une insulte, ou que le fait d'avoir un métier un peu plus "féminin" ne rend pas quelqu'un homosexuel...
C'est aussi une des raisons qui m'ont poussé à te dire ce que je ressentais à ton égard... J'aurais peut-être dû choisir un meilleur moment, attendre une accalmie. Je m'étais dit que ça ferait stopper les rumeurs... Oh comme j'avais tort... Tu m'as ri au nez ! Tu as ri. Tu voulais paraître bien devant tes copines, c'est ça ? Tu te croyais subversive en leur demandant pourquoi le « gay de service » faisait semblant d'être hétéro ?
Eh bien moi je me demande aussi quelque chose figure-toi. Je me demande où est passée la Émilie que j'ai connue. >>
Après avoir terminé ta lecture, tu lèves les yeux vers le garçon qui te l'as donnée en guise d'explication. Il est détrempé par la pluie, ses vêtements collent à son corps fin. Le vent froid qui souffle le fait frissonner, et lui donne un air pitoyable, tu dois bien l'avouer.
-Plutôt ridicule, n'est-ce pas ? lance-t-il, dos à toi, regardant au loin.
-Je ne trouve pas, moi.
-... Tu dis ça uniquement pour me faire plaisir.
-Hm, peut-être...
Il te fait une espèce de demi-sourire triste, qui ressemble plus à une grimace. Il descend du bord du toit et se tourne enfin entièrement vers toi.
-Ça fait un bail que personne n'avait plus été aussi honnête avec moi.
-Et c'est une bonne chose ?
Il ne te répond pas, il se contente de te regarder en silence. Malgré ta nature plutôt joyeuse et optimiste, tu ne peux t'empêcher de te sentir un peu mal à l'aise. Soudain, il demande:
-Pourquoi tu te soucies de moi ? Tu ne me connais pas.
Sa question te coupe le sifflet. Tu ne t'y attendais pas, à celle-là. Pour toi, ça te semblait juste... Naturel. Et puis tu te souviens. Tu fermes les yeux quelques instants, et passes machinalement ta main sur l'intérieur de ton poignet, où se dessinent de petites lignes roses indélébiles.
-Moi aussi, j'ai eu des moments difficiles... Et je crois que... J'aurais aimé avoir quelqu'un pour me tendre la main aussi.
-Aussi ?
Tu rouvres les yeux et lui souris.
-Tu penses que je suis ici pour quoi ? On n'abandonne pas un camarade de galère.
C'est soudain son tour de sourire. Ce n'est pas encore la grande joie, on peut voir un abîme de tristesse au fond de son regard, mais c'est normal, personne ne peut s'en remettre aussi vite. Il lui faudra encore bien des larmes et du courage, mais tu seras là. Tu seras cette personne à l'attitude et aux gestes salvateurs. Tu te le promets. Tu seras là.
Tu lui adresses alors ces dernières paroles avant de te retourner:
-Allez. Rentrons.
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Voilà, fini ! (avec un peu de retard mais chut)
Wahou, c'était quand même vachement la dépression... J'espère vous avoir fait ressentir des trucs, mais pas vous avoir mis en pls non plus !
Dites-moi dans les commentaires ce que vous en pensez, et vous pouvez aller voir la version de ce défi de gabael5000 sur son profil ^^
Je vous fait des bisous et vous dis à la prochaine ! (Et ne vous inquiétez pas, je suis en train de bosser sur la suite de Chunkals)
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