Saint Valentin

Je dois aujourd'hui livrer une confession qui, pourtant, n'est un secret pour personne. Je fus animée, à l'annonce du sujet de cette semaine, d'un mécontentement particulièrement prononcé, ou pour user de termes plus triviaux, j'ai ragé très fort. Et quand je dis très fort, vous pouvez me croire. Ainsi, dans ma grande maturité, j'ai jugé nécessaire de partager mon ressenti en rebaptisant très subtilement cette fête « Saint Valentin de ses grands morts ».

J'avais pour projet initial de narrer l'histoire de Valentin, prêtre décapité que l'on célèbre tous les ans à l'aube du printemps, comme Saint Patron des Amoureux. Roi des cons, oui. Si insulter un mort est indigne, en voyant ce qu'on a fait de lui, je suis quand même à deux doigts de balancer un bon gros CHEH. Je me retiendrai cependant, indésireuse de risquer la damnation éternelle pour une si futile et brève satisfaction. Le pari de Pascal, toi-même tu sais.

La Saint-Valentin, une fête que je croyais haïr parce qu'elle ne servait, selon moi, qu'à dépenser des cents et des milles, pour projeter à la face du monde l'illusion de son amour, de la même manière qu'on prend un selfie en soirée pour convaincre je ne sais qui que l'on a une vie parfaite, ou du moins pour tenter de s'en persuader soi-même. Tout est présenté comme une injonction au bonheur, surtout matériel. Les roses, les chocolats, les violons, tout ça pour que ça finisse à devoir aller chez IKEA le 15 pour racheter un sommier, ou aux urgences parce qu'on est resté coincé.

Vous savez, je n'ai pas non plus fêté le Nouvel An, par manque de motivation à côtoyer des inconnus un soir qui, finalement, ressemblait à tous les autres. Je l'ai passé à étudier les échecs, seule à ma table, en face de mes petites figures de plastique au destin souvent funeste, qui se battaient pour le salut et la gloire de nations qui leur étaient étrangères.

Cette année pourtant, le 14 février acquit une autre valeur : alors que je pestais contre la Terre entière, seule dans mon coin, vous vîntes à ma rencontre, avec vos mots tantôt si sophistiqués, tantôt si simples, mais toujours emplis de délicatesse. Vous me tendîtes la main au fond de ma solitude, vous étiez un Soleil dans l'immensité de la nuit et vos doigts délicats mêlés aux miens un pilier qui me donna la force de vous suivre jusqu'au bout de notre monde. Et depuis, je ne suis plus la même femme : mes jours et mes nuits se voient teintées de nouvelles couleurs. Ce qui n'était au départ qu'un banal jeu s'est peu à peu mué en profonde affection, sans que je puisse rien y changer. Vos mots, toujours agencés avec la plus grande distinction, ont su se frayer un chemin jusqu'au fond de mon cœur.

Pour vous, je chante, quelle que soit votre demande, dans l'espoir que ma modeste voix vous émeuve, se hisse à la hauteur de vos expectatives, et ridicule ou magistral, rien n'est trop, car votre rire vaut toutes les récompenses du monde. Parce que l'impossible n'existe pas s'il s'agit de vous plaire. Et lorsque vous venez poser vos yeux endoloris sur mes lignes, sur mes vers, et que vous venez arpenter mon petit monde, je suis autant honorée que touchée de votre présence. Jamais la langue ne suffira à exprimer le sentiment qui m'envahit en cet instant, mais... je suis heureuse lorsque vous vous tenez à mes côtés, invincible, invulnérable. Je n'attends rien de plus et viens sans prétention, n'ayant que mes mots, ma voix et mon amour à offrir, profondément reconnaissante pour le destin qui nous réunit. Vous avez su, par votre seule présence, par votre douceur, par votre affection, rassembler les morceaux de mon palpitant brisé et lui instiller un nouveau souffle de vie.

Ainsi, pour exprimer l'émotion qui me transporte, j'en vins à vous nommer ma Damoiselle, titre conçu afin de souligner votre noblesse, non seulement de verbe mais aussi votre grandeur d'âme, rappelant que vous régnez sur mon sein et que chacun de ses battements vous est destiné. Une manière pudique de vous nommer, afin de ne pas outrepasser mes droits. Et quel privilège de pouvoir être appelée votre Dame ! Ma Douce et Tendre, si j'osais franchir les frontières de l'indicible, de l'indécent, de l'inacceptable, je vous appellerais « mon Amour ».

Sur notre nuage, duveteux nid de nos étreintes, aimons-nous comme s'il n'y avait pas de lendemain, comme dans une chanson de Pascal Obispo et de Natasha Saint Pier, avec l'énergie du désespoir, comme si l'apocalypse allait nous emporter au terme de quelques heures arrachées à l'éternité, vers le Paradis ou vers l'Enfer. Peu importe si je me vois précipitée dans les flammes de l'Autre Monde, parce que je vous aurai connue et que votre souvenir à jamais me servira de guide et de réconfort. Je vous aime d'amour tendre, et pour la première fois, je n'ai pas peur de le dire.

Ce bonheur n'est que passager, fugitif, éphémère, et pourtant... même en sachant cela, la tristesse ressentie à la perspective de ne jamais être pleinement vôtre laisse volontiers place au ravissement de l'instant présent. Repousser le passé, délaisser l'avenir, et se focaliser sur ce que nous vivons toutes deux : ces moments d'amour, au Clair de Lune, où nos âmes se voient connectées, reliées par un émoi si puissant, qui ne souffre ni distance ni séparation.

Pendant ces instants passés ensemble, j'oublie que je ne suis qu'une parmi tant d'autres, que nous nous connaissons à peine, pour ne penser qu'à vous, qu'à moi, qu'à nous, perchées sur un nuage loin de la Terre et de nos semblables. Je laisse vos mots m'émouvoir, effleurer jusqu'à la plus intime fibre de mon être, et je ne résiste qu'à peine avant de m'abandonner au rêve auquel vous m'invitez, après avoir abattu toutes mes défenses, toutes mes barrières.

L'espace d'un instant, je me persuade que je suis belle sous votre regard, que je suis la chanteuse la plus douée que la Terre ait jamais portée, une plume inégalable et inégalée, tant l'émotion qui m'envahit lorsque vous m'oyez ou me lisez est puissante. Puissé-je chanter pour vous à jamais pour jouir chaque jour de votre sourire si charmant. Pardonnez-moi, je vous prie, la pensée égoïste de vous vouloir garder pour moi seule, et de me prétendre, même en songes, la femme de votre vie. 


 Consigne : une scène d'amour, avec pour mots imposés «Saint-Valentin», «apocalypse», «rencontre», et «amour».

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