Personne n'appartient à personne - défi de Fabienm
La tête dans le cul, je me remettais difficilement de ma cuite de la veille. J'avais dû dormir autour de quatre heures et c'était comme si mes tripes venaient de se faire retourner par un tractopelle : mon fils venait de reprendre l'avion, partant à 10 000 km de moi. Une douleur abyssale. Là, assis sur ma terrasse, la nuit tombée, en train de boire une bouteille de vin bon marché tout en fumant quelques cigarettes, je me prenais la tête sur un papier que je devais rendre le lendemain. Vous savez, ce genre de défi où on vous colle des mots de merde et où vous devez les caser tout en faisant en sorte que ça ait l'air naturel. Enfin bref, tu vois le genre. Et moi, j'avais pas du tout la tête à ça. J'avais la tête à rien d'ailleurs, sinon à dormir, mais même ça j'y arrivais pas. Ma mère avait acheté un appareil à ultrasons pour dégager les moustiques. Une sorte de petit boitier blanc à piles. Le truc, c'est que j'avais l'impression que cette horreur sifflait plein tube dans mes oreilles, genre acouphènes géants. Faut croire que je suis de la même race que les moustiques pour ce qui est de la sensibilité au son...
Donc, le cœur sur orbite suite au départ du Petit, j'allais voir Vanessa dans l'après-midi, j'avais besoin de compagnie. On a baisé, c'était chouette, je lui ai fait un cunni d'anthologie et sa langue percée s'est occupée à merveille de mon pénis. Je sais, je suis un indécrottable romantique, bien que je préfère l'empire Ottoman (Ottoman, Rome Antique, humour. bon ok !). N'empêche, c'est quand même pas mal les piercings à la langue. J'avais jamais connu avant elle. Faut avouer que ça crée des sensations assez surprenantes et très existantes... Vous savez quoi faire maintenant les filles, même s'il parait que c'est mauvais pour l'émail, faut choisir. Bref, j'en étais où ? Ah oui ! Bon après cette partie de jambes en l'air torride (et j'ai pas parler de la température de la pièce qui devait friser les quarante degrés) on a pris une douche et j'ai emmené Vanessa à son boulot. L'avantage c'est qu'elle était serveuse dans une brasserie et qu'à cette heure-là, c'était la "happy hour", comprenez par-là que le prix de la pinte était à celui du demi. Donc je me suis pas gêné. Vanessa est allée se changer puis elle m'a invité à la table du personnel, elle avait une bonne demi-heure devant elle avant de prendre son service. À sa façon de me regarder, je voyais bien qu'elle était beaucoup plus accrochée que moi. Vous savez, ces petits sourires et ces petits signes que les femmes distillent sans arrêt quand elles sont accros. J'avoue que ça m'emmerdait un peu, mais je n'étais pas aidant, à faire le fanfaron à coup "j'suis une bête sexuelle" et de "ce cunni était moyen, on a juste fait connaissance ton vagin et moi, la prochaine fois ce sera mieux". Elle riait, projetant déjà les désirs à venir, la culotte en feu, et moi, je masquais mon malaise en absorbant de grosses gorgées de bière ambrée. À un moment elle m'a demandé ce que j'allais faire après.
- J'en sais rien, lui dis-je. J'hésite entre rentrer et me taper un livre sur la Pensée Quantique des Fleurs Fanées de Chrysanthèmes, ou faire la tournée des bars. Mais je crois que lire est un peu trop facile pour moi ce soir, et ma pinte va avoir besoin de compagnie dans mon bide. Faut jamais laisser une bière seule, elle peut vous en vouloir.
- Comme une femme ?
- Les femmes c'est différent.
- En quoi ?
- Plusieurs choses. Déjà vous vous plaignez toutes que les mecs sont des hypocrites et manquent de sincérité, ce qui est vrai, MAIS, quand vous tombez sur un mec comme moi, tout d'un coup la sincérité vous dérange. Et généralement j'en prends plein la gueule.
- Pauvre loulou...
- Comme tu dis ! Ensuite, vous voulez l'exclusivité du cœur, être la seule et l'unique, la petite princesse. Mais c'est des conneries, la seule règle qui prévale, c'est que personne n'appartient jamais à personne.
- Personne n'appartient à personne ?
- Exact. Regarde ce que disait Killian la dernière fois lors de son voyage à Madagascar. Là-bas les filles sont vachement plus ouvertes, il a pas arrêté de se faire brancher.
- Ben c'est un pays pauvre, elles cherchent à épouser un blanc.
- Non, tu vois trop sur le long terme là déjà. Ce qu'elles veulent, c'est d'abord un toit pour la nuit et un petit déjeuner le matin. C'est vrai qu'il y a ce côté-là. Mais y'a aussi que leur culture n'est pas vérolé par le Judéo Christianisme et toutes ces conneries qui rendent le sexe vachement coupable et hyper rattaché au couple. Le sexe, c'est un moment de plaisir et c'est festif (ou poil au cul).
- Donc tu ne crois pas à la fidélité ?
- J'y ai cru, c'est une chimère. Personne n'appartient à personne. Au nom de quoi, par exemple, si tu voyais passer un super beau mec, intelligent et tout, que le feeling passe dans les deux sens et tout et tout, qu'est ce qui t'empêcherais de tenter l'aventure avec lui ?
- Ben parce que je suis avec toi.
- Je croyais qu'on n'était pas ensemble.
- Alors on fait quoi, juste on baise ?
- Non. Je t'aime bien, j'aime bien ta compagnie, être avec toi. Mais ça ne veut pas dire que j'ai envie de projeter quoi que ce soit.
Vanessa, le temps d'un fragment d'atome, s'est refermée. Je me sentais comme un connard purulent, mais j'avais été sincère. Comme pour lancer un sort, le conjurer, ou me forcer à quelque modification dans le cheminement de ma pensée ou de mes émotions, elle s'est soudain remise à sourire et m'a balancé d'une voix à peine audible "Ben je m'en fous, pour moi on est ensemble", puis, se tournant vers une de ses collègues qui venait d'arriver, et lui a jeté "Je te présente mon copain". J'ai effectué un signe de tête rapide en guise de salut puis j'ai aussitôt englouti mon malaise au travers du liquide ambré.
Après avoir laissé Vanessa, je suis rentré chez elle, dans son petit studio. J'ai pris un peu de monnaie, je me suis roulé un joint et je suis sorti, galérant comme un forcené pour fermer sa serrure. Dans la rue, j'ai respiré un grand bol d'air goudronné. J'ai toujours aimé la ville la nuit, ne me demandez pas pourquoi, c'est ainsi. J'ai allumé mon joint et j'ai marché un peu. J'avais décidé de commencer par aller au Toit, sans doute le meilleur bar de la ville, et aussi le plus beau. Comme mon joint n'était pas fini en arrivant devant, je l'ai laissé sur la vitrine du magasin en face.
J'ai foncé directement au comptoir, j'ai serré la main du patron, il était en train de causer à une brune à lunette aux cheveux bouclés et à l'air coincé. Il lui présentait la bière du bar, la Tuile.
- Tiens, lui a-t-il fait, comme je te connais, je vais te faire goûter.
Il en remplit un fond de verre et lui tendit. Puis se tournant vers moi :
- Qu'est ce que tu veux ?
- Une pinte de Tuile.
- Ha, ben voilà !
J'ai saisi mon verre plein à ras-bord, ai traversé la salle, et me suis installé dehors, sur la terrasse réservée aux fumeurs. Un des canapés était vide, je m'y suis écroulé. À côté de moi se trouvaient deux gars, un brun mal rasé et un avec un chapeau. Ils parlaient musique, sans doute qu'un des deux jouait ce soir. Le brun tenait le crachoir, le genre de conversion où il n'est question que de vantardise et de vouloir en mettre plein la vue.
- Blabla j'ai fait le tour du monde, j'ai joué avec Untel et Untel, blabla j'aurais pu devenir célèbre et riche si le contrat ne contenait pas une close sur laquelle je me suis fait avoir blabla...
Assurément le genre de connerie qui plait aux filles. On voyait bien que dans son désir d'être poli, et complètement en train de décrocher du monologue de l'autre, le gars au chapeau hochait poliment la tête tout en se roulant une clope. Je l'ai imité. Voyant que son public n'était plus attentif, le brun a quitté son discours soliloque pour se tourner vers moi.
- Salut, elle est à toi cette bière ?
Il y avait en effet, en plus de ma pinte, un verre au trois quart vide posé sur ma table basse.
- Non, bois la si tu veux.
Le brun a souri. Il y a eu un flottement silencieux d'une trentaine de secondes puis il a repris son blablatage. Je me suis dit que seul en cellule, ce gars ne tiendrait pas deux minutes, ou alors il serait une pièce de théâtre à lui tout seul. Et je me suis rappelé mon dernier séjour en cellule, et j'ai décidé de ne plus juger. Le vide m'a rempli et j'ai picolé tranquillement tout en fumant de bonnes cigarettes. La brune de tout à l'heure, celle qui goûtait la Tuile, est entrée sur la terrasse. Elle l'a balayé de ses yeux paumés, comme si elle y cherchait quelque chose. Vraisemblablement ce quelque chose ne se trouvait pas là car elle a fait demi-tour aussi sec. Soudainement, ma couille gauche s'est mise à vibrer. J'ai cherché mon téléphone dans ma poche et, en voyait le numéro inscrit, il a soudainement fait très soleil dans ma nuit.
- Allo ?
- Coucou papa.
- Salut mon fils. T'es arrivé ?
- Non, on est à Paris. On attend.
- Ok, ton avion est dans longtemps ?
- Euh, une heure je crois. Papa, tu sais, on fait le jeu des lettres avec Tata, mais on cherche un mot qui commence par "A" et qui est très très long.
- Ben t'as "anticonstitutionnellement", c'est le plus long mot du dictionnaire.
- Ouais, ça y est, on l'a mis. Mais il en faut encore trois.
- Combien de lettre minimum ?
- Dix.
- Antépénultième.
- Hein ? Ça veut dire quoi ce mot ?
- C'est comme avant avant dernier.
- Ah ouais, comme Tonton Thomas.
- Non, tonton c'est l'aîné. Comme ta mère, ou comme le chiffre de vente de mon livre.
- Ok, bon je te laisse Papa, bisous à tout à l'heure.
- Bisous mon chéri, je t'aime.
- Moi aussi.
On a raccroché, j'ai vidé mon verre et me suis dirigé vers la sortie. Sur la vitrine d'en face, mon joint n'était plus là. Quelqu'un avait dû le prendre. Je me suis mis à avoir faim. Je suis allé me prendre un hot dog (salade oignon tomate ketchup mayo moutarde) accompagné d'un bock de Leffe au snack situé entre le cinéma et le Billard Palace, là où il n'y a quelques mois j'avais mangé les meilleurs nems de ma vie.
Ouais, je sais ce que vous vous dites, c'est un peu long, mais accrochez-vous, le point culminant et la moralité de l'histoire arrivent bientôt, et j'ai pas encore casé tous ces putains de mots... Donc, après cette autre bière et ma dose de mal bouffe (d'ailleurs je crois que c'est le dernier truc que j'ai avalé et ça fait déjà un jour et demi), je suis allé me promener du côté du front de mer. Il y avait plus de vent qu'ailleurs, il transportait les embruns de l'océan dans l'air épais. Ça dégueulassait les parebrises mais moi j'avais bien l'effet brumisateur sur mon visage. Je suis allé à l'endroit de tous les vices, c'est-à-dire au Pueblo, là où on peut boire du rhum scolopendre ou vipère, où je me suis fait sucer une fois dans les chiottes, où le patron passe sur toutes ses serveuses et où les deals de cock étaient monnaie courante. Bref, un endroit chouette, et ben décoré. Il y avait pas mal de monde sur les tables mais le comptoir était quasiment désert. Je me suis installé et j'ai attendu que la serveuse me remarque.
- Salut Océane.
- Salut. Tequila Schweppes, dans un verre à whisky ?
J'ai hoché la tête.
- Et fais-moi une assiette de tapas avec des poivrons marinés aussi s'il te plait.
- Ça marche.
- Le patron n'est pas là aujourd'hui ?
- Et non, comme tu vois ?
- Il te laisse toute seule gérer un vendredi soir pendant qui part à la conquête d'un minou de vingt ans plus jeune que lui ?
Océane a souri, un peu gênée.
- Ça aurait pu être ça mais non, il a un repas avec un fournisseur dans le nord.
J'aimais bien le sourire d'Océane, il me faisait penser à celui de l'actrice qui joue Calypso dans le troisième Pirates des Caraïbes. Un sourire avec de petites dents, et des lèvres fines et métissées. Mon verre servi, j'en ai bu une bonne lampée, bien la moitié du verre d'un coup. Ce gout presque iodé de la tequila me surprenait à chaque fois. Je pensais au Petit, quand est ce que je le reverrais ? J'ai bu l'autre moitié cul sec et en ai repris un autre. Mon second verre et les tapas sont arrivés en même temps. Les poivrons marinés à l'ail et à l'huile d'olive passaient bien avec la tequila. Je les ai un peu salés et j'ai rajouté une bonne dose de tabasco. Une fille est arrivée dans le bar, s'est installée à l'autre bout du comptoir et a commandé une flûte de champagne. Même dans la pénombre, on voyait que c'était une bombe. Elle devait tourner autour du mètre soixante, soixante-cinq, des jambes et des cuisses solides, parfaitement fermes et musclées, dénudées par un mini short en jean. Son cul était parfaitement arrondi, comme celui des cafrines, et relevé. Deux magnifiques cucurbitacées qui ne demandent qu'à être cueillis, malaxés, un peu malmenés mais toujours vénérés. Elle se tenait droite, fière, et buvait son verre avec un certain standing détaché. Elle a tourné la tête et, comme nous étions seuls au comptoir, même à l'opposé, son regard a croisé le mien. Puis elle a décroché, parcourant la salle, puis est revenue sur moi, une fois, deux fois, dix. L'alcool commençait à me monter, mine de rien j'en étais à mon cinquième verre, et j'avais pas loin d'un litre et demi de bière dans le bide. Ma langue devenait pâteuse et lourde, et je me sentais surtout en train de cogiter, à penser à toutes sortes de choses, à me faire toutes sortes de films. Et puis j'ai envoyé tout ça se faire foutre, après tout, mon âme n'avait plus grand chose à perdre, quant à mon cœur, n'en parlons pas. Alors j'ai envoyé tout ce capharnaüm mental voir ailleurs - en fait je crois qu'on peut même dire que c'était un sacré bordel - j'ai saisi mon verre, me suis roulé une clope et je suis sorti fumer. De dehors, je la voyais. Et surtout, je la voyais tournée vers moi. Et là, sirotant mon verre sous les embruns, j'ai pigé. J'ai compris qu'elle était pour moi. Mais j'ai compris aussi que ce n'était pas ce que j'espérais. Cette fille-là était venue juste avec sa peau, cherchant un mec jouet pour la soirée. Et moi aussi j'avoue, j'avais besoin de légèreté, et sillonner un peu ce corps-là ne m'aurait pas dérangé. Maintenant que j'étais au point avec les règles, à moi ne pas m'auto-baiser, et de voir. Si je comptais sur elle pour faire le premier pas, on serait encore-là à se regarder. J'ai balancé ma clope et j'suis rentré, reposant mon verre à côté de mes poivrons, j'ai foncé sur elle et je lui ai balancé un truc débile du genre :
- Salut. Si t'aime le piment, j'ai des poivrons marinés à te faire goûter.
De près, elle était encore plus belle. Généralement les métisses, et surtout les cafrines, ont des traits épais. Ce n'était pas son cas. Un petit nez en trompette, quelques taches de rousseau (ou de noirceur plutôt dans son cas), une petite bouche parfaitement charnue et des yeux en amandes, fuyant et courbés, noirs comme de l'obsidienne, bref, une beauté, une vraie panthère. Elle n'a pas hésité deux secondes. "OK" qu'elle a fait, elle a pris son verre et est venue s'installer près de moi. Elle a posé son tabouret juste à côté du mien, nos jambes se sont touchées et murmurant un truc que je n'ai pas entendu, sa bouche est venue épouser la mienne. Un baiser banal, presque décevant. J'ai voulu tripoter sa langue avec la mienne mais déjà elle se reculait. J'ai souris. Elle jouait bien le jeu que je pensais. Je savais à quoi m'en tenir, je n'avais maintenant qu'à en profiter avant que ça se termine.
- T'es raciste ?
- J'ai l'air ?
- Je ne sais pas.
- Alors dis-toi que je suis le genre de mec qui adore l'exotisme. C'est quoi ton nom ?
- Jessie.
- Mon cul. Mais ok, va pour Jessie.
Jessie avait le regard fuyant, ne laissant que très peu de temps ses yeux plantés dans les miens. Une proie ne lui suffisait pas.
- T'as peur que ton mari débarque que tu regardes partout comme ça ?
- Non. On est séparé.
Sa voix était un peu rauque, chaude, cassée. Loin de briser le charme, cette sonorité là l'embellissait. Jessie, à l'aide d'un cure dent, se mis à trifouiller dans les poivrons.
- Y'a pas de viande.
- Non, c'est des poivrons.
- T'es végétarien ?
- Pas que je sache, mais je vais réfléchir à la question. Ben qu'avant j'ai un peu de ta chair à gouter.
- Mon verre est vide, tu m'en paie un bébé ?
- Pas avant d'avoir goûté ta langue.
Elle a souri, vraisemblablement surprise.
- Yes un sourire, ai-je fais, c'est ce que j'attendais !
Elle s'est avancée et a fait ce que je lui avais demandé. J'en profitais pour toucher son incroyable cul. Elle s'est laissé faire un moment, puis à brusquement fuie. Cette fuite qui marquerait l'étendue de la soirée.
- Qu'est-ce que tu cherches cafrine ?
- Je veux m'amuser. Aller en boite. Tu viens on y va ?
J'ai fait la grimace.
- Ah tu sais, je ne sais pas danser. Et les boites c'est pas mon truc. Si c'est ce que tu recherches ce soir, je ne suis surement pas celui qu'il te faut.
- J'ai envie de fumer un joint.
Je me suis bouffé les couilles, mon paquet d'herbe était resté chez Vanessa.
Jessie s'est mise à danser sur la musique du bar. Elle ondulait de manière parfaitement sexy, une allumeuse de première. Moi, je me régalais, après tout, à cet instant-là, j'étais le mec le plus chanceux du bar, et certainement le plus magnifique pigeon aux yeux de certains. Finalement je suis allé la rejoindre, et on s'est trémoussé, comme ça au milieu du bar, dans une danse qui était très certainement torride et grotesque à la fois. Je foutais mes doigts un petit peu partout, elle en faisait autant, puis arrêtait tout. La soirée a défilé un petit moment comme ça, entre "je te chauffe", "tu crois que je te laisse faire", "tu crois que je suis dupe", et "buvons nos verres". J'ai même glissé mes doigts sous son short en jean et, peut-être malgré elle, j'ai bien senti qu'il y avait une certaine chaleur tropicale là-dessous. Mais j'avoue que moi, je commençais à me laisser prendre à son jeu. Au niveau détachement, il était indéniable que Jessie en savait plus long que moi.
Ah un moment donné, un mec dans mon dos lui a fait signe. Une espèce de binoclard à lunette, petit, maigre et moche. Mais Jessie lui portait attention.
- Attend moi ici bébé, je reviens.
- Ok.
Je me suis mis à boire ma cinquième tequila, puis je suis sorti fumer ma clope. Je ne sais pas pourquoi, si c'est de la parano ou quoi, mais je me suis dit que le binoclard et Jessie se connaissaient, et que j'étais le jouet d'un jeu peut être plus sophistiqué que je ne le pensais. Allez savoir ! Je suis allé faire quelques pas et, quand je suis revenu, le binoclard est venu sur moi en me tendant la main. Je lui ai serré, plus par automatisme que par envie, ne pensant pas à lui broyer.
- On dirait que t'as la haine.
J'ai souris.
- Non, je regarde juste ta gueule de merde derrière tes lunettes trempées. Et peu importe ce que tu prépares dans mon dos petit gars, même si je perds la nana, j'ai déjà gagné.
Schtroumpf métisse à lunette a tourné la tête, les talons, et est rentré. Quelque chose m'a dit que je n'en avais plus pour longtemps de la chaleur de Jessie. J'ai jeté ma clope dans le caniveau puis suis rentré à mon tour. Elle dansait. Y'avait pas à dire, elle savait y faire. Y'avait qu'à la regarder pour que vos sens tirent tout azimut. Cette femme était un "dérèglement des sens" comme dirait Rimbaud. Trop belle pour être maquée, trop rare pour ne pas essayer. Comme dans ce bar, ce soir, aux yeux de tous, j'étais son mec attitré, je suis allé la rejoindre, la respirant encore un peu.
- Tu me pais un verre bébé ?
- Quand c'est que tu mets la tienne ?
- Je n'ai pas d'argent.
- Je sais.
Je l'ai embrassé, je l'ai touché, j'ai ondulé avec elle, je lui ai mordillé un peu l'oreille puis je lui ai dit :
- Écoute Jessie, si c'est bien comme ça que tu t'appelles, je ne te baiserais pas ce soir. Mais si tu veux essayer une histoire d'amour, je suis là.
- Une histoire d'amour ?
- Pourquoi pas ? Je te rendrais suffisamment folle pour que t'ais assez de vaisselle à casser, et je te donnerais suffisamment de plaisir pour que tu reviennes me voir après chaque pigeon que t'auras détroussé. Toi et moi on s'emboîterait à merveille, et je sais que tu le sais.
Jessie a souri, et on s'est embrassé, sauf que cette fois c'est moi qui fuyais. Je me souviens qu'à ce moment-là je me demandais ce qu'Océane pensait de tout ça, derrière son comptoir, à tout observer.
J'ai recommandé une tournée, les poivrons étaient terminés. Prenant mon verre je suis sorti fumer une nouvelle clope. Jessie, montrant le binoclard du doigt m'a dit:
- Je vais fumer un joint, attend moi.
- Non, je vais un peu marcher, toi viens.
Jessie ne m'a pas suivi et moi j'ai traversé la route direction les quais. Dans ma poche il y avait un stylo et un morceau de papier. J'ai écrit mon nom et mon numéro, puis j'ai plié le papier pour en faire un petit oiseau, façon origami, la grue exactement. Tous ces verres commençaient à me monter grave à la tête, je ne savais plus quoi penser ni ressentir. C'est le problème avec moi, je ne suis jamais accordé au monde. J'ai balancé ma clope dans un océan noir, j'ai fini mon verre et suis retourné au bar. Il n'y avait plus personne, ni Jessie, ni Binoclard. Au comptoir, j'ai payé les verres de tequila et de champagne puis j'ai remonté la rue, je tanguais. J'ai pris le petit oiseau de papier et l'ai déchiré en confettis. Il était une fois la fille parfaite, m'enfin bref, c'était comme d'habitude, le plus bizarre c'est ça puisse encore m'étonner. Mais j'avais déjà la chance que ça m'arrive. Bon, si on se cale par rapport à Vanessa, j'étais surement le premier dans toute la monarchie des connards. Mais à ce moment-là, je n'y pensais pas. Je suis rentré à son studio, j'ai pissé tout ce que j'avais, essuyant ensuite ce qui avait échappé à la cuvette et, complètement ivre, je me suis écroulé sur le lit et me suis endormi.
Vanessa est entrée sur les coups de minuit ou une heure. Elle m'a réveillé. J'étais encore complètement bourré et dormait à moitié.
- Alors ta soirée ?
- Vaut mieux pas que tu saches.
Mais comme toutes les filles, elle a insisté et comme le mec franc et stupide que je suis, j'ai dit la vérité. Puis me suis rendormi. Et bien sûr, quelque temps après, elle m'a réveillé et le bal du "tout ce que vous direz sera retenu contre vous" a commencé.
- Ça me trotte dans la tête ce que tu viens de dire.
- Pourquoi ?
- Ben tu me sors que t'as branché une pouf et je suis sensée le prendre comment ?
- Apparemment t'as décidé de le prendre mal.
- Et moi je suis quoi moi ? J'ai l'air de quoi ?
- Je comprends pas.
- On est juste là pour baiser alors ? C'est ça ?
Je lui ai ressorti le même refrain que tout à l'heure. Mais ça ne lui suffisait pas. Le ton est un peu monté. Je me suis relevé et j'ai commencé à m'habiller.
- Alors tu te casses, c'est ça ?
- C'est ce que tu veux non ?
- Non.
- Écoute Vanessa, je te l'ai dis, personne n'appartient à personne. T'as pas les mêmes traumas que moi. Quand la personne que tu aimes le plus, à qui tu as fait le plus confiance, celle qui te demande d'être la mère de tes enfants pour te balancer deux mois plus tard qu'elle a baisé avec d'autres mecs avec un joli petit sourire aux lèvres, tu remets en cause sacrément de choses. Ça te casse à l'intérieur. Je suis en quête de quelque chose, mais le problème c'est que je ne sais pas quoi. Alors, pour y répondre encore une fois, est ce que j'apprécie être avec toi, oui, est qu'on est en couple, non. J'en sais rien ce que tu représentes. Peut-être que tu es la femme de ma vie, mais peut être que non. Alors, si tu veux, on arrête tout maintenant, et je m'en vais. T'es une fille chouette, et je n'ai pas envie de te faire de mal.
- Non, reste.
Je l'ai écouté, et on s'est endormi dans les bras l'un de l'autre. Je sais, je suis un enfoiré, mais je crois qu'à la différence des autres personnes, j'ai au moins le mérite de le dire, pas vrai ?
Au réveil, je pensais encore à Jessie, et ce durant une bonne partie de la journée. Comme quoi, malgré les règles que je m'étais fixé, elle avait gagné. Et moi je me traînais cette gueule de bois jusqu'au moment d'écrire ce papier. Et voilà !
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