La rencontre - défi de Poledra

Je ne sais pas si vous avez déjà organisé une fête hors de chez vous avec au moins une dizaine de personnes ?
Si oui, vous conviendrez que ce n'est pas forcément simple. Surtout si les participants habitent aux quatre coins de la France voir même plus loin.
Ce qui aide, c'est qu'en général, tout ce petit monde se connaît déjà. Ils sont amis ou membres de la même famille. Ils se côtoient depuis longtemps, ils savent les habitudes des uns et des autres, leurs goûts, leurs secrets.

Imaginez un instant que les participants à l'évènement prévu ne se soient jamais vues. Et assimilez qu'elles viennent vraiment des quatre coins du globe.
Vous trouvez que c'est un boulot titanesque ? Vous avez raison.
Vous allez me demander à quoi ça sert ?
A rien peut-être. Ou alors à tout.
Parce que ces personnes se connaissent d'une certaine façon. Elles parlent ensemble depuis plus ou moins longtemps sur le net. Des liens se sont créés entre eux. Certains plus fort que d'autres évidemment. C'est souvent comme ça dans les groupes.

Quand l'idée a fusé au détour d'une conversation, tout le monde a dit que c'était génial !
C'est bien beau de balancer ça.
Mais après, il faut concrétiser les choses.
D'abord, il faut trouver une date. Qui convienne à tout le monde évidemment.
Parce qu'il est hors de question que certains restent sur le banc de touche.
D'autant plus que les connaissant, les absents seraient tentés de faire la révolution.
Vous, qui lisez ce texte, vous voyez de qui je parle ? Non ? Mais si. Regardez bien au fond. Imaginez que les laissés pour compte soient ces filles-là. Ça y est, vous avez compris ?
Donc, il faut trouver une date.
Pour faire les choses bien, vous mettez en place un Doodle qui donne le choix entre plusieurs dates. Vous trouvez que certaines sont tout à fait extravagantes et d'autres, beaucoup trop banales.
Et forcément, tout le monde donne son avis. C'est à ce moment-là, en général, que ça commence à devenir compliqué. Je suis sûre que vous êtes d'accord avec moi.
Presque personne n'est du même avis.
Et vous vous mettez à stresser. Vous pensez que, même si tout le monde semble motivé, tout part plutôt mal.
Comme la première proposition n'a pas permis de trouver un consensus, vous proposez d'autres dates. Et, ô miracle, l'une d'elle convient à toute votre bande de joyeux drilles.

Vous êtes soulagé parce que vous savez que le plus difficile est fait.
Je vous vois venir. Vous allez me dire que trouver une date, c'est bien. Mais qu'il faut aussi trouver un endroit qui plaise à tout le monde.
Un lieu fédérateur. Un lieu unique qui laissera à tous un souvenir impérissable.
Je vois déjà sourire les filles du fond. Vous avez compris n'est-ce pas ?
Je vous avais dit que seule la date serait difficile à trouver.
Les conversations pour en parler ont à peine commencé que la même idée émane de tous les participants. Il n'y a qu'un seul endroit où ils peuvent se retrouver. Ils le savent tous.
La rencontre aura donc lieu au Magasin Général. A Bordeaux.
C'est un clin d'œil. C'est une évidence. Dès que l'idée a fusé, ils ont tous pu entrevoir le soupir de soulagement de leur épicière préférée.

Et puis, comme dans les rayons du magasin, dans les rantbooks des uns et des autres, vous avez, quand vous allez vous rencontrer, envie de rire. Alors, vous décidez de corser les choses en demandant à chacun de venir avec un signe distinctif, déterminé à l'avance.
Pour que ça soit équitable, un tirage au sort est effectué par une main innocente. Vous choisissez l'un des enfants d'un des membres de votre groupe. 
La petite menotte détermine les « gages » de chacun. A l'annonce de ceux-ci, personne ne râle. Pourtant certains n'ont pas eu de chance. Vraiment pas de chance.

Certains programment leur voyage en avion, d'autres en train ou en voiture. Certains d'entre vous n'auront qu'à prendre leur vélo.
Vous en profitez pour poser quelques jours de congés pour visiter la région. Il parait qu'elle regorge de bons produits. Elle a su vous vendre son terroir votre amie.
Vous savez que vous allez faire le touriste. Ça ne vous dérange pas plus que ça. Surtout quand vous avez la chance d'avoir des autochtones à disposition.

Les mois ont passé depuis le lancement au détour d'une conversation de cette idée saugrenue.
Tout est prêt.
La rencontre va enfin avoir lieu.
Vous trépignez tous d'impatience.

Vous voulez savoir comment ça s'est passé, c'est ça ? Oui ? Non ?
Il parait que je suis une personne gentille et généreuse. Alors je vais tâcher de l'être.
Je vais vous raconter.
Je vais vous raconter notre rencontre.
Vous êtes prêts ?

« Ça y était. Le jour J était enfin arrivé. Ça faisait maintenant plus de 6 mois que nous organisions tout ça.
Tout était parfaitement calé.
Mes copines rhône-alpines (ou presque) et moi-même nous étions retrouvées à Lyon pour prendre l'avion pour Bordeaux.
Comme nous habitions toutes pas très loin les unes des autres et il nous était apparu totalement évident que nous devions voyager ensemble.

Notre rencontre, rien qu'à nous (les autres, s'il vous plait, ne soyez pas jaloux) a donc eu lieu dans un hall d'aéroport. Bien avant la grande réunion.
Je crois, les filles, que vous serez d'accord avec moi quand je dis que les gens qui nous ont vu à l'aéroport nous ont pris pour des dingues.
Entre moi complètement stressée de ne pas être à l'heure qui ressentait des élancements prurigineux et qui me grattait de partout, toi faustaweb,  qui nous parlait de la nouvelle céréale à l'odeur fort désagréable (pour parler poliment parce que tu ne l'avais pas dit comme ça) qui avait été plantée à côté de ta maison et toi beacelianoah qui nous racontait en long en large et en travers la nouvelle passion de ton fils pas pour les combis mais pour un dinosaure au nom absolument imprononçable, il faut bien avouer qu'il y avait de quoi.
Nous n'avons pas vraiment su comment nous comporter les unes envers les autres pendant, quoi, peut-être 10 secondes.

Après, les autres autour de nous ont dû penser que nous nous connaissions depuis la nuit des temps. Ils ont surtout dû se dire que nous nous comportions comme des gamines un jour de Noël à sauter partout.
Le vol s'est bien passé. Pas de turbulence, un bon pilote qui ne fait pas se crasher l'avion. Bref, un vol normal. Ça aurait été trop triste qu'il nous arrive quelque chose.
Nous sommes bien trop jeunes pour mourir. N'est-ce pas ?

Une fois sorties de l'aéroport d'une des capitales du vin rouge, nous avons pris un taxi pour nous amener au Magasin.
Notre chauffeur était un homme d'une cinquantaine d'années ventripotent au crâne dégarni et à l'odeur douteuse. Mais il en aurait fallu bien plus pour nous décourager.
Après les passants et le personnel de l'aéroport, lui aussi a dû nous trouver bizarres. On commençait à avoir l'habitude et ça nous a fait rire de plus belle.
Pendant le trajet, nous avons tenté d'imaginer la tête des autres. Ça a été facile pour certains, nous les avions vu en photo. Mais pas tous. Et au bout d'un bon moment, nous en sommes venues à mélanger les pseudos, nos idées et par ne plus savoir qui était qui.
Heureusement, au moment où nous avons commencé à passablement tout mélanger, nous étions arrivées à destination.

Après avoir consciencieusement payé le taxi, qui avait l'air soulagé de nous laisser, nous avons découvert notre lieu de rendez-vous.
L'ancienne caserne et ses pierres jaunes. Les graffitis sur les murs menant au magasin.
Et la pancarte. Cette pancarte que nous avions si souvent vue sur le site.
Nous étions émues. Voir le Magasin en vrai, c'était... je ne sais pas... un peu étrange. C'était comme une sorte d'aboutissement. Nous y étions.
Nous allions rencontrer les autres. Enfin.

Nous avons tout de suite remarqué que nous n'étions pas les premières. Comme nous devions tous venir avec un signe distinctif, nous avons facilement repéré que l'un des nôtres était déjà là. C'était Lycomede.
Il faut dire que sa « particularité » ne pouvait pas passer inaperçue. Devoir se balader avec une photo en grand format de la scène du puits des grottes de Lascaux sur laquelle on voit une représentation ithyphallique d'un homme préhistorique entre un bison et un rhinocéros, vous conviendrez que l'on ne voit pas ça tous les jours.
Le tirage au sort ne l'avait pas gâté, le pauvre.

Les présentations passées, nous avons attendu les autres.
Vous vous rendez compte quand même, que nos bordelaises n'étaient même pas les premières arrivées.
Non mais franchement! Où va le monde ? Les plus près qui n'étaient même pas là.
Nous discutions de ça quand Fiorthnir a fait son entrée. Il n'y avait pas d'autre mot pour décrire son arrivée. Il était absolument impossible pour nous de la louper. La petite main innocente n'avait pas été tendre avec elle non plus.
Son signe distinctif était d'être un anachronisme. Allez trouver une idée quand vous devez relever ce genre de défi.
Et bien, elle a admirablement réussi son coup. Vous imaginez Marie-Antoinette qui débarque au 21ème siècle ? Je suis sûre que oui.
Elle avait soigné le moindre détail. Nous étions émerveillés (en bien ou en mal, je vous laisse deviner) par sa robe rose bonbon pleine de nœuds plats et de petites fleurs.
Elle nous a avoué se sentir un peu encombrée par ces atours d'un autre temps. Pour dire les choses beaucoup plus simplement, elle mourrait littéralement de chaud sous ses innombrables couches de tissus. Et n'arrivait pas à marcher tout à fait normalement tant sa robe prenait de la place.
Elle avait quand même gardé ses converses aux pieds et ça lui donnait vraiment un air décalé.
Nous l'avons prise en photos sous toutes les coutures.

Comme ma copine adorée Fausta avait posté la veille un nouveau chapitre de The Walking Dick, la conversation devint légèrement graveleuse.
En plus son signe distinctif était de venir avec un tube de spermicide. Se mettre à parler de ça et de saucisson, de zombites et  de grimpeurs, forcément, ça ne pouvait pas donner un échange vraiment normal. On ne se refait pas que voulez-vous.
Heureusement que nos petits jeunes n'étaient pas encore parmi nous. Ils auraient pu être choqués par nos propos.
Quoique, les jeunes de maintenant, ce n'est plus vraiment ce que c'était. Allez, ne vous vexez pas, c'est juste pour vous taquinez, on vous aime très fort les loulous.

Alors que nous étions en train de rire comme des bossus, une de nos deux bordelaises a enfin daigné pointer le bout de son nez. Ce n'était pas trop tôt.
Vous vous demandez bien qui c'était, n'est-ce pas ?
Ce n'était pas notre épicière mais notre apprenti criminologiste en herbe, lancovit.
Elle avait réussi à piquer une robe d'avocat, on ne sait pas trop où et elle aussi, semblait mourir de chaud. Du noir par 35 degrés dehors, c'est pas ce qu'il y a de mieux.
Vous n'imaginez même pas comme j'étais ravie de la voir.
Depuis le temps que nous parlions ensemble !

Le niveau de nos propos ne s'améliora pas avec son arrivée. Il y a toujours des blagues fumeuses dans certains métiers mais parler cadavre en plus de zombies en érection, ça devenait très très dur pour nos zygomatiques.
Il fallait qu'on se calme et nous pensions que l'arrivée des plus jeunes allait nous y pousser. Ça ne marcha même pas.
Pourquoi, alors que nous avions mal aux mâchoires, avait-il fallu que ça soit E-vermeil déguisé en bolchevik qui se pointe sur ces entrefaites ? Pourquoi ? Nous n'avions même pas pu arrêter de déblatérer nos âneries. Ce qui est plutôt sympa (ou pas me direz-vous) c'est qu'il ne fut même pas choquée par nos propos. Plus rien n'étonne les jeunes de nos jours.
Mais où va le monde les amis ? Où va le monde ?

Nos deux autres jeunettes, Atalune et xxAllianne qui avaient dû négocier sec avec leurs parents pour qu'ils acceptent de les laisser venir nous rejoignirent peu après.
Ces deux gamines-là nous ont semblé bien trop sérieuses au premier abord.
Elles parlaient matrice et trigonométrie !
Je me suis vraiment demandée (et je suis sûre de ne pas être la seule) ce qui leur passaient par la tête. Parler mathématiques à un moment pareil, c'était un peu bizarre, il faut bien l'avouer.
Nous étions quand même là pour nous détendre. Mais bon, nous n'avons certainement pas tous les mêmes définitions de la détente.

La conversation dériva petit à petit vers l'orthographe. Normal entre écrivains en herbe non ? Mais quel vaste sujet !  Entre les dysorthographiques, les intégristes de l'accent circonflexe, ceux aimant les phrases ampoulées et j'en passe, il y avait de quoi faire.
Alors que nous déblatérions là-dessus, une voix nous interrompit : « on écrit hémoroîdes ou hémorroïdes? Et tarabiscotte ou tarabiscoté? »
Cette voix, je l'aurais reconnue entre mille. Bon, entre mille, peut-être pas. J'exagère un peu. Il faut dire que j'attendais depuis un moment de l'entendre en « vrai ».
C'était celle de fabienm .
Je ne sais pas trop depuis combien de temps il était là. Il faudrait que je lui demande un jour, tiens. Toujours est-il qu'il ne nous avait même pas dit bonjour.
Et forcément, en nous tournant tous vers lui, Lycomede lui fit remarquer.
Je ne sais même plus ce qu'il a répondu.
J'étais ailleurs. Partie quelque part dans mes pensées. On ne se moque pas s'il vous plait. Je dois dire pour ma défense que j'avais imaginé notre première vraie rencontre une bonne centaine de fois. 
Et maintenant qu'il était là devant moi, je ne savais toujours pas quoi faire. Je voulais profiter de l'instant mais à force de penser, je ne savais pas si j'allais y arriver. Oui, je suis un peu timbrée sur les bords. Mais c'est pour ça que vous m'aimez bien non ?
Quand il s'est tourné vers moi et qu'on s'est regardé, je crois qu'on a eu l'air aussi cons l'un que l'autre d'ailleurs.
Fausta, qui nous voyait complètement paumés, nous a facilité la tâche. Franchement, ma belle, merci!
- Pol, je te présente Fabien. Fabien, je te présente Pol. Putain, vous avez l'air trop cons, si vous vous faites pas un câlin dans la seconde, je vous force à le faire. Et je vous oblige à vous déguiser en panda. Un noir et l'autre roux. On ne verra que vous!
- T'es sûre qu'il faut que je lui fasse un câlin ? J'ai pas vraiment envie de me faire jeter parce que Monsieur n'est pas tactile!
- Ouais, je suis sûre. J'me fiche pas mal de tout ce que tu pourras dire Fabien.
J'ai regardé Fabien avec une petite lueur de défi dans le regard (tu as vu, j'ai écrit "regard" rien que pour toi, vu que tu ne le dis jamais) pour voir s'il allait faire ce que Fausta nous demandait.
Il l'a fait. Faut pas la contrarier notre copine !
Mais bon, elle avait raison. Tu avais raison ! Ça nous a débloqués. On s'est mis à nous marrer en pensant à nos têtes d'à peine quelques minutes avant. Et on s'est parlé comme toutes les autres fois au téléphone sauf que nous étions l'un à côté de l'autre.
C'était bien. C'est ça, c'était bien.

Il ne manquait plus que  K_Gitsh.
Nous ne pouvions rien commencer sans elle.
Ici, c'était sa maison. Son antre. Son épicerie. Celle qu'elle partageait avec nous, qu'elle nous avait appris à aimer.
Ce que nous ne savions pas, c'est qu'elle était là depuis longtemps. Qu'elle nous observait. Comme elle sait si bien le faire.
La garce.
En même temps, vous en conviendrez tous, c'était logique qu'elle fasse ça.
Quand elle a dû trouver qu'elle nous avait assez fait attendre, elle est apparue.
Elle rayonnait. Elle semblait fière d'elle de nous avoir eus.
Elle était toute de vert vêtue. C'était son gage. D'être habillée de la tête aux pieds d'un joli vert smaragdin.
Elle nous a amené visiter cet endroit dont nous connaissions tous les rayons sans les avoir jamais vus.
Elle nous les présentait comme dans son magasin à elle. Avec la même ferveur. Avec le même engouement. Avec la même envie de partage.
Nous sommes ensuite allés nous poser au restaurant. Des français qui ne prennent pas l'apéro et ne mangent pas ensemble ne sont pas des vrais.
Des huîtres, du saucisson, des baguettes, des haricots, des champignons, des légumes et fruits en tout genre, et du vin trônaient sur la table qui nous était réservée.
Uniquement des bons produits. Bizarre la connaissant non ?

Je vous passe les détails du repas et de la journée. Ce n'a été qu'une suite de franches rigolades. Je vous laisse imaginer.
C'est ce qu'il y a de mieux."

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