Défi de Alephos - Ma Muse
C'était un vendredi d'avril. J'étais dans mon appartement parisien, enfermé dans mon bureau. Mes doigts effleuraient une partition et je fredonnais les quelques notes que j'avais gravees à l'encre dans le papier. La mélodie était triste, presque déprimante, alors que je la voulais douce et chaleureuse. Alors, j'ai abandonné pour l'énième fois et je m'en suis voulu de n'être qu'un bon à rien. J'ai froissé la feuille et l'ai lancée dans ma corbeille.
Je regardais les détritus de papier qui s'entassaient près de ma poubelle. Il devait y en avoir une bonne trentaine. Depuis des mois, je n'arrivais pas à composer la moindre chanson et ça m'exasperais. Je faisais souvent des concerts et j'avais des fans. Je commençais à avoir de la notoriété, mais sans nouveau titre, ma carrière allait rapidement couler. Je n'avais pas envie que cela se finisse, la musique c'était tout pour moi. Je n'avais rien d'autre. Il fallait que je change d'air, alors je suis allé me balader en ville.
J'avais marché jusqu'au Parc qui se trouvait deux rues plus loin. C'était magnifique de nuit. Tu aurais dû voir ça. La faible lumière des lampadaires donnait une ambiance mystérieuse à ce jardin. Tout était si calme, si tranquille. J'aurais pu rester des heures ici, sans bouger, seulement à observer cet endroit magnifique.
Cette petite balade m'avait bien détendue, même si j'étais encore sacrément énervé. J'avais marché tranquillement. Les rues étaient remplies de couples qui ne cessaient de s'embrasser, me rappelant mon célibat. La vie se jouait de moi. Arrivé devant mon immeuble, je suis rapidement monté jusqu'au quatrième étage. C'est là que je t'ai vu. Tu te tenais devant ma porte, en train de glisser quelque chose sous ma porte. Je me suis alors approché, toujours sur les nerfs.
- Je peux vous aider ?
J'avais dit cela avec tellement de mépris, tu était terrifiée, n'est-ce pas ? Tu m'as regardé comme si j'allais te dévorer. Tu avais à peine réussi à parler.
- Je suis... la nouvelle propriétaire du café en bas de l'immeuble... Désolé de venir à cette heure-ci...
Tu étais tellement timide que s'en était mignon. En une simple phrase, tu avais réussi à me faire oublier tous mes problèmes.
- Aucun problème, Mademoiselle la propriétaire du café. Ravi de faire votre connaissance. Désolé d'avoir été agressif, je suis quelque peu tendu en ce moment... je m'appelle Jules et vous ?
- Appelez-moi Cathy.
Tu m'avais souri, et quel beau sourire tu avais. C'était un sourire sincère et reconfortant, ça m'avait mis de bonne humeur. Ça peut paraître bête, mais c'était tellement beau, en étant tellement rien.
Je t'ai invité à entrer boire un verre. Il était déjà près de 22h00, mais tu n'as pas refusé. Tu n'es reparti que deux heures plus tard. Qu'est-ce que nous avions ri ! Je crois que c'est ce qui m'a plu en premier chez toi : Ton humour. Le temps était passé à une vitesse folle. Tu étais de très bonne compagnie. Ça faisait longtemps que je n'avais pas passé une aussi bonne soirée. Il faut dire que je n'étais pas très sociable.
Quand j'eusse été seul, j'ai ramassé le bout de papier que tu avais glissé sous ma porte. Je me souviens parfaitement de ce que tu y avais marqué.
"Bonjour nouveau voisin ou nouvelle voisine ! Je m'appelle Catherina, et je viens d'acheter le café d'en bas. Ne vous inquiétez pas, j'ai tout changé dedans (surtout cette vieille cafetière toute rouillée, beurk!). Alors si vous avez un moment n'hésitez pas à passer me voir, je vous offre la café !"
Ca te ressemblait tellement... Après cela, je suis allé me coucher avec le sourire. Je n'ai même pas pensé à bosser sur mon morceau. Je me sentais tellement bien.
À partir de ce soir-là, je suis venue prendre mon petit déjeuner chez toi tous les matins. Je ne sais pas si c'était pour tes pâtisseries délicieuses, ou simplement pour te voir. Lorsque j'arrivais, mon café au lait et mon croissant fourré au miel m'attendaient déjà à ma table habituelle. Ça me mettait de bonne humeur avant de partir au travail. Et oui, malheureusement je ne vivais pas encore de la musique. Ça ne t'as empêché de venir à tous mes concerts. Tu aimais ma musique, tu n'arrêtais pas de me le dire, et venant de toi c'était le plus beau des compliments.
Nous sommes rapidement devenus inséparables. On ne passait pas une journée sans se voir. Tu te souviens de cette sortie à la fête foraine ? C'était génial. On aurait dit des gosses, surtout quand on a fait le trampoline géant.
Et puis il y a eu CE soir. Je t'avais invité à manger chez moi. J'avais fait des pâtes. C'est bon les pâtes... bon, d'accord la cuisine ce n'était pas mon truc.
Après avoir bien mangé -et rigolé-, on a parlé de ma musique. Je t'ai parlé de ma composition en cours. Bien sûr, je n'avais pas du tout progressé dans son écriture. J'en étais encore à gribouiller sur des feuilles pour ensuite les jeter. D'ailleurs, je n'avais toujours pas vidé ma poubelle.
Depuis 4 mois, je n'avais pas écrit la moindre ligne d'accords. La rage que j'avais enfouie avait refait surface, je me suis à nouveau énervé comme je le fais si bien. Je t'ai emmené dans ma chambre et quand tu as vu les multiples tentatives dans la corbeille, tu m'as simplement dit :
-Patience et longueur de temps font plus que colère ni que rage.
- Ça veut dire quoi ?
- Ça veut dire que tu arrêtes de t'énerver, tu te calmes et tu composes tran-qui-le-ment.
Je n'avais pas vraiment compris sur le coup. Tu as vidé ma corbeille sur mon lit. Tu as déplié chacunes des pages d'écritures. Tu as lu tout ce que j'avais pu écrire. Je ne savais pas que tu t'y connaissais particulièrement bien en musique. Tu m'as proposé de regrouper un rif avec un autre, en rajoutant un pont par-ci, un sol par là. Et bizarrement, c'était harmonieux. Le rythme était doux mais prenant. Exactement comme je le voulais
On a continué à écrire pendant une bonne heure. On avait réussi à écrire un morceau entier en seulement une soixante de minutes. C'était incroyable. Je t'ai timidement remercié, et toi tu m'as offert un baiser. Je ne m'y attendais pas, mais, je ne t'ai pas repoussé, au contraire. Je tai embrassé à mon tour. C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte d'une chose : je t'aimais. Au fond de moi je le savais depuis longtemps, mais je ne l'admettais pas.
Le lendemain matin, quand je me suis réveillé, tu étais dans mes bras. Je n'avais jamais été si heureux. Maintenant cela fait plus de deux ans que je me réveille auprés de toi, auprès de celle que j'aime. Tu rends ma vie tellement plus simple, tellement plus belle. Ma carrière à décollé, je ne m'arrêtais plus d'écrire. Tu m'inspirais tellement. Grâce à toi je vivais de ce que j'aimais. J'étais heureux.
Malheureusement, le bonheur n'est pas éternel... J'ai eu mal, très mal. Quand les médecins me l'ont diagnostiqué, je n'y croyais pas. Je ne voulais pas y croire, parce que je ne voulais pas te quitter. Certes, ça m'a fait du mal, mais la plus grande douleur, c'est quand j'ai vu tes yeux pleins de larmes et de désespoir. La tristesse que j'ai vue en toi m'a anéanti. Je ne voulais pas que tu pleures pour moi... Non, s'il te plaît, ne recommence pas... Ne laisse pas mon cancer gagné... Ne le laisse pas te détruire comme il le fait avec moi.
Les chimio, ne m'ont pas aidé à guérir, ni aucun autre traitement d'ailleurs. Je suis à un stade trop avancé de la maladie.
Après que... après que je sois parti, ne t'arrête pas de vivre. Vis. Vis à fond. Pour moi. Tu vas me manquer, Cathy. Tu es la plus belle chose qui soit arrivé dans ma vie.
Je ne t'oublierai pas. Je n'oublierai ta façon bien à toi de beurrer tes tartines. Je n'oublierai pas tes cheveux frisés qui te prennent une heure à coiffer le matin. Je n'oublierai pas là si belle couleur de tes yeux qui me rendent fou. Je n'oublierai rien de tout ça. Je n'oublierai rien de toi. Parce que je t'aime Cathy. Je t'aime.
- Moi aussi je t'aime, je ne pourrai jamais t'oublier... Je dois te dire quelque chose. Jules, je... je suis enceinte...
- Wouah... Tu ne pouvais pas me faire un plus beau cadeau. Un enfant de toi, c'est tout ce que je désirais. Je ne le verrais pas grandir, mais je compte sur toi pour prendre soin de lui. Tu seras une mère merveilleuse, je le sais. C'est bizarre... Je sens que je vais partir. C'est la fin fin. Mon cancer m'a grignoté petit à petit et il vient de finir son repas. C'est nul de mourir sur un lit d'hôpital, mais au moins tu auras été la dernière personne que j'aurais vue. Est-ce qu'il y a une plus belle fin qu'être avec celle que l'on aime ?
- Pourquoi... pourquoi les meilleurs partent-ils toujours en premier ?
- Cathy... Quand tu vas dans le jardin, quelles fleurs tu cueuilles en premier ?
- Les plus belles...
Jules sourit faiblement. Il regarda sa dulcinée une dernière fois.
- Mon amour, je pars. Prends soin de toi et de notre enfant. Je t'aime, ma muse...
Jules ferma lentement les yeux. Son rythme cardiaque ralentit jusqu'à ne plus exister. Un affreux bruit perçant résonnait en continu dans la chambre d'hôpital. Cathy attrapa la main de son conjoint et commença à pleurer. Jules était définitivement parti. Les médecins arrivèrent à toute vitesse. Ils essayèrent de le sauver en lui prodiguant un massage cardiaque de dernier recours, mais il était déjà trop tard. Cathy pleura toutes les larmes de son corps, même si elle savait pertinemment que ça ne le ramènerait pas. Elle allait devoir vivre sans lui à partir de maintenant. Vivre dans celui qu'elle aime.
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