S17 - Thème "Naissance/Adoption"

Les méandres de l'adoption

Aujourd'hui, Sacha fait sa rentrée en sixième. Même si ses meilleurs amis sont à ses côtés, son arrivée dans le collège, immense par rapport à sa petite école de quartier, l'impressionne beaucoup.

La première heure de cours fut consacrée aux présentations. Chaque élève devait donner son prénom, son âge et expliquer sa vie en quelques mots.

Son tour arriva.

- Bonjour. Je m'appelle Sacha et j'ai 11 ans. J'ai deux frères et une sœur, plus petits que moi, et on a tous été adoptés. Lucas et Louis sont de vrais jumeaux qui ont 8 ans et Eléa a 1 ans. Il n'y a pas très longtemps qu'elle est arrivée dans notre famille, mais on l'aime déjà très fort.

- Merci Sacha. C'est très intéressant. D'ailleurs, qui d'autre ici a été adopté ? enchaina leur professeur de français.

Six mains sur trente se levèrent. Parfaite équité, il y avait trois garçons et trois filles. Cela déclencha un débat dans lequel des questions très pertinentes furent posées.

Voyant l'engouement que le sujet générait, une idée germa dans l'esprit de l'enseignant. A la fin du cours, il demanda aux six jeunes concernés de rester un peu.

- Les enfants, votre situation familiale m'a donné envie de faire travailler la classe sur un projet un peu particulier mais, avant de le mettre en place, je vais avoir besoin de votre accord.

- Pourquoi Monsieur ? C'est vous le prof. C'est à vous de décider du travail à faire, non ?

- Oui, tu as raison Sacha. Mais dans ce cas-là, vous êtes directement concernés. Je ne veux donc rien vous imposer.

- Ok. C'est quoi ce projet ?

- Et bien, je pensais faire travailler la classe en six petits groupes sur un fil rouge courant sur le premier trimestre de l'année scolaire. Le thème de ce fil rouge sera de raconter votre parcours de vie sous forme d'exposés à présenter aux autres classes de sixième juste avant les vacances de Noël.

- C'est nous qui allons choisir les groupes ?

- Oui, si vous arrivez à vous mettre d'accord et à sélectionner quatre copains chacun, on peut faire comme ça.

- Et on doit vous répondre de suite ?

- Non, car même si vous acceptez, il me faudra la validation de vos parents. Vous reviendrez me voir à la fin de la journée. Je vous donnerai un courrier explicatif à leur faire passer et me ramener l'autorisation remplie et signée. Allez, filez en récréation maintenant.

A la fin de la semaine, toutes les familles ainsi que la direction de l'établissement ayant validé le projet, le professeur de français, en collaboration avec les six élèves, composa les groupes. Il passa ensuite le week-end à établir un plan de travail, l'intégra dans l'emploi du temps de sa classe et, le lundi suivant, le présenta à ses élèves.

- Bonjour à tous. Avant de commencer le cours, je vais vous demander de sortir vos emplois du temps. Après concertation avec Monsieur le Directeur, nous avons convenu de remplacer une de vos heures d'études par une heure supplémentaire de français.

- Quoi ! Mais pourquoi M'sieur ???!!!

- Du calme, je vais vous expliquer. Cette heure ne rentrera pas dans le programme scolaire. Nous allons la mettre à profit pour travailler sur un projet collaboratif sur le thème de l'adoption. Nous avons créé six équipes de cinq avec, à leur tête, les six élèves qui vont me rejoindre au tableau.

A cette annonce, des invectives commencèrent à fuser à leur encontre. L'enseignant y mit aussitôt fin en appelant les élèves un par un et en les affectant à chaque groupe.

Après leur avoir distribué un livret comportant toutes les étapes du projet, il leur en détailla les grandes lignes et leur accorda le reste de l'heure pour commencer à y réfléchir.

***

Les jours et les semaines passèrent, rapprochant petit à petit les élèves de sixième B de la date fatidique : la présentation de leurs exposés aux autres classes de même niveau. Mais cela n'avait pas l'air de les stresser.

- Sacha ! Ramène tes fesses ici, lança une gamine survoltée dans la cour de récréation.

- J'arrive... j'arrive. Pas la peine de crier.

- Dépêche ! Tu vas rater le meilleur !

Sacha accéléra le pas et se mit à courir pour rejoindre ses amis. Malheureusement, son pied se prit dans un trou et l'envoya valser la tête la première sur le bitume.

Branle-bas de combat. Cris, attroupements, alerte, pompiers et départ pour l'hôpital toutes sirènes hurlantes.

Mais finalement, plus de peur que de mal, la radio n'avait décelé aucune fracture. Toutefois, sa cheville gauche présentait une rupture des ligaments. Le retour au collège se fit donc dès le lendemain de sa sortie, sur des béquilles et le pied engoncé dans une énorme attelle pendant au moins trois semaines.

***

Début décembre, par un mardi matin glacial, la classe de sixième B suait en cours de sport. Au programme, basket dans une salle surchauffée. Entre dérapages et glissades, les chutes étaient nombreuses, mais l'une d'entre elle signa l'arrêt du match.

Le prof de sport accouru et trouva Sacha par terre, se tordant de douleur en se tenant la cheville gauche. Le verdict du médecin urgentiste est sans appel : rupture des ligaments.

Béquilles, attelle... enfin, vous connaissez le topo.

***

Le jour J arriva enfin. Une centaine d'adolescents étaient réunis dans la salle de théâtre du collège. Derrière les rideaux, se trouvaient les sixièmes B, certains fébriles, d'autres stressés mais tous impatients.

Le professeur entra en scène et fit une brève présentation de ce qui attendaient les « spectateurs ».

- Bonjour à tous. Nous vous avons réunis ici aujourd'hui pour assister à une représentation un peu spéciale. Vos camarades vont vous présenter non pas un spectacle, mais des exposés retraçant les parcours de six d'entre eux, dans les affres de l'adoption.

« Je vous remercie d'accueillir le premier groupe, qui va vous raconter l'histoire d'Alizée.

Il se retira sous les applaudissements timides des adolescents, pour la plupart avachis dans leurs sièges.

Six élèves avancèrent vers le centre de la scène et s'assirent en demi-cercle, entourant ainsi Alizée, debout, qui prit la parole.

- Je suis Alizée, mais ce n'est pas mon prénom de naissance. Mes parents biologiques m'avaient appelée Lolita. Ils sont d'origine mexicaine.

« Lorsque j'ai été adoptée, j'avais trois mois. Avant moi, mes nouveaux parents avaient déjà accueilli Maël, suivi de Noé. Après moi est arrivée Zoé. Nous sommes donc quatre frères et sœurs, tous d'origines différentes, mais liés par les liens indéfectibles tressés par l'amour de nos parents adoptifs.

- Alizée, quand et comment as-tu appris ton adoption ? l'interrogea un de ses camarades.

- Dans notre famille, une tradition a été mise en place. Pour chaque enfant, le jour de ses quatre ans, une fête est organisée en son honneur. C'est à ce moment-là que nos parents nous révèlent la vérité sur notre adoption et, lorsqu'ils la connaissent, nous racontent l'histoire de nos origines.

- Est-ce que tu en as voulu à tes parents biologiques de t'avoir abandonnée ? lui demanda un autre.

- Non, parce que je sais qu'ils m'ont confiée à l'adoption alors que je n'avais que quelques jours car ils étaient très jeunes, beaucoup trop jeunes pour m'élever. Ils l'ont fait pour moi, pour que j'ai une belle vie.

- Considères-tu tes parents adoptifs comme tes vrais parents ? la questionna un troisième.

- Oui, bien sûr. Ce sont eux qui m'ont élevée, aimée, soignée. Dans mon cas, les liens qui nous unissent sont plus forts que les liens du sang.

- As-tu déjà rencontré tes parents biologiques ?

- Non, mais j'ai eu l'occasion de leur écrire il y peu de temps. J'ai eu besoin d'aide parce que je ne parle presque pas l'espagnol et qu'ils ne comprennent pas le français. Alors Maël, mon frère aîné, a joué les traducteurs pour moi. Ils ne m'ont pas encore répondu et je ne sais pas s'ils le feront un jour.

- Est-ce que tu te sens différente des autres enfants, de ceux qui vivent avec leurs parents biologiques ? lui demanda le dernier.

- Non, absolument pas. Pour moi, ce n'est pas une différence. C'est plutôt une force.

Sur ces derniers mots, Alizée quitta la scène, escortée par ses cinq camarades, sous les applaudissements retentissants de la salle.

- Bravo pour votre exposé les enfants. Voici maintenant le groupe numéro deux, avec Camille à sa tête.

Celle-ci entra en scène, accompagnée d'une autre jeune fille.

- Hé Camille ! Ça fait quoi d'avoir deux papas et deux mamans ?

- Hé Charline ! Ça fait quoi d'avoir un papa et une maman et une belle-mère ?

- Euh...

- Voilà. Chaque famille est différente. Pourquoi doit-on toujours les comparer ? C'est vrai que la mienne est plutôt atypique, mais ce n'est pas pour autant qu'elle est anormale. Combien, dans notre classe, vit dans une famille « classique » avec un papa, une maman, des frères et sœurs, un chat et un chien ?

- Tu as raison, excuse-moi. Dis, tu veux bien nous raconter ton histoire ?

- Je vais faire mieux que ça. Viens t'asseoir avec moi, regarde et écoute.

Une fois installées, un nouveau décor se mit en place. Une table, quatre chaises, deux garçons et deux filles.

- Salut les filles. Ça va ?

- Salut les gars. Ça va et vous ?

- Oui, nickel. Pourquoi vous vouliez nous voir ?

- Eh bien...

- Oui ?

- Eh bien on a une proposition un peu spéciale à vous faire.

- Une proposition ? Quel genre ? Pourquoi vous avez l'air si stressées ?

- C'est un peu compliqué. Tout d'abord, je tiens à vous dire que vous n'avez aucune obligation d'accepter. Si vous refusez, ça ne changera rien à notre amitié.

- Allez accouche ! Tu me fais flipper là.

- Ben, tu ne crois pas si bien dire...

- ???

- Voilà, avec Mélissa, l'envie d'avoir un bébé nous démange de plus en plus et...

- Et ?

- Et on voudrait savoir si Nico et toi vouliez le concevoir avec nous, lâcha Amandine dans un souffle.

- Quoi ???!!! cria Fabien en sursautant. Et comment vous comptez faire ça ? Parce que je suppose qu'avant de nous balancer cette bombe, vous avez bien défini tous les détails.

- En effet, on a déjà réfléchi à tout. Il y a plusieurs options mais celle qui nous parait la plus facilement réalisable c'est que l'un de vous donne son sperme et que l'une de nous se fasse inséminer. Ainsi, le bébé aurait un parent biologique dans chaque couple.

- Et les deux autres ?

- C'est là que ça se complique... On n'a pas encore creusé toutes les pistes mais, pour le moment, il n'y rien dans la loi française qui nous donnera plus de droits.

- Et qui élèvera cet enfant ?

- Si vous le désirez autant que nous, on peut mettre un système de garde alternée en place dès sa naissance. Ou encore mieux, on se trouve une maison dans laquelle nous pourrions vivre tous les cinq, en colocation, sans que cela empiète sur nos vies de couple respectives. Ainsi, le bébé aura ses quatre parents avec lui au quotidien.

- Ce que vous nous demandez est quand même énorme...

- Oui, c'est une grosse responsabilité. Mais comme je vous l'ai dit, vous n'êtes pas obligés d'accepter. On a pensé à vous car vous êtes nos meilleurs amis. Vous êtes donc les mieux placés pour remplir ce rôle.

- Vous nous laissez combien de temps pour vous répondre ?

- Autant que vous voulez. On ne parle pas d'adopter un chien.

Le tableau suivant montra les deux couples dans une chambre d'hôpital, avec un poupon dans les bras.

- Bienvenue parmi nous belle petite Camille. Je te présente ta famille. Nicolas est ton papa de sang, Fabien et Mélissa sont ton papa et ta maman de cœur et moi je suis Amandine, ta maman de sang. Nous ne formerons jamais une famille classique, mais ce qui est sûr c'est que, pour chacun de nous, tu seras toujours notre trésor, notre merveille.

Camille et Charline revinrent au centre de la scène.

- Voilà, maintenant tu sais tout. Même si, pour l'instant, papou et mamou ne peuvent pas m'adopter officiellement, pour moi, il n'y a aucune différence entre eux et papa et maman.

Ce fut ensuite au tour de Nino et de son groupe.

- Nino, tu peux me réexpliquer l'histoire de ta famille ? Je n'y comprends que dalle...

- Nous aussi, on veut bien savoir. Tu veux bien nous en parler ?

- Ok, mais je vous préviens, ça va être long.

- Pas grave. On t'écoute.

- J'ai onze ans et, pendant huit ans, j'ai eu deux familles. Ma famille biologique et ma famille d'accueil. Mais depuis trois ans, j'ai été adopté par cette dernière car, selon le juge, mes vrais parents étaient « défaillants ». Il faut dire que j'ai toujours été plus proche de ma famille d'accueil. Je les ai toujours considérés comme ma vraie famille. Maintenant, c'est officiellement le cas.

- Tu vois toujours tes parents biologiques ?

- Non, plus depuis mon adoption. Mais je suis toujours en contact avec mes deux sœurs qui ont aussi été placées.

- Comment ont-elles réagi quand tu as été adopté ?

- Elles ont été un peu tristes en pensant qu'on ne se verrait plus, mais elles ont vite compris que ça ne changerait rien entre nous.

- Tu les vois souvent ?

- On essaie de passer une journée ensemble deux à trois fois par mois. Mais je les ai au téléphone quasiment tous les jours. Elles ont la chance d'avoir été placées dans la même famille d'accueil.

- Est-ce qu'elles vont aussi être adoptées ?

- Je l'espère pour elles. Mais pour le moment, ce n'est pas prévu. Elles sont encore jeunes, trois et cinq ans, et nos parents biologiques ont toujours l'autorité parentale sur elles. Les services sociaux espèrent qu'après m'avoir perdu, ils réagiront et se reprendront en main pour avoir une chance de continuer à les voir. Mais d'après ce qu'elles me racontent de leurs visites, c'est pas gagné. Ils ne font aucun effort en ce sens...

- Merci à vous six. Nous sommes à la moitié des exposés. C'est maintenant au tour de Sacha D. et ses camarades.

Les spectateurs virent arriver Sacha D. dans un fauteuil roulant entourée de ses cinq amies.

- Sacha, tu as toujours su que tes parents n'étaient pas tes vrais parents ?

- Euh... t'as vu ma tronche ? Evidemment que je l'ai toujours su. Je suis d'origine asiatique, chinoise plus exactement, et mes parents adoptifs sont des français pure souche. Il n'y a pas de ressemblance frappante entre nous...

- Oups. Question bête.

- Plutôt oui. Bref, passons. Tu as d'autres questions dans ce style ?

- Tu avais quel âge quand tu as été adoptée ?

- Je n'avais que quelques mois. J'ai été placée en pouponnière dès ma naissance car à l'époque, en Chine, il existait une loi totalement débile selon moi, appelée Politique de l'enfant unique. En gros, les familles étaient composées d'un papa, une maman et un enfant. Et, en règle générale, les filles, même premières nées, étaient abandonnées car les chinois voulaient des garçons pour perpétuer les lignées.

- Mais c'est affreux !

- Oui, comme tu dis.

- Et toi, tu sais pourquoi tu as été abandonnée ?

- Si j'en crois la lettre laissée par mes parents biologiques, ils avaient déjà un enfant et ne pouvaient donc pas me garder.

- Tu leur en veux ?

- A eux, non. Mais au gouvernement chinois oui, beaucoup. Ils ont privé des milliers d'enfants de leurs familles. Heureusement, depuis 2015, cette stupide loi n'existe plus.

- Tu sais si tu as d'autres frères et sœurs ?

- Non, je n'en ai aucune idée. Et je ne sais pas si j'ai vraiment envie de le savoir.

- Pourquoi ?

- Ben, tu réagirais comment si tu apprenais que, quelques années après ton adoption, tes parents avaient profité du retrait de la loi pour faire d'autres enfants qu'ils pouvaient garder auprès d'eux ?

- Ah oui, je n'avais jamais vu ça sous cet angle. Mais je pensais surtout à d'autres enfants mis à l'adoption, comme toi.

- Je ne sais pas et je ne suis même pas sûre d'avoir un moyen de le découvrir.

- Le jour de la rentrée, tu nous parlais de tes autres frères et sœurs, tous adoptés. Est-ce qu'ils sont aussi d'origine asiatique ?

- Non. Louis et Lucas, les jumeaux, viennent d'Ethiopie et nous sommes allés chercher Eléa l'été dernier en Colombie.

- Est-ce que tu voudrais connaître tes parents biologiques ?

- Un jour peut-être, mais pas pour l'instant.

- Tu disais qu'ils t'avaient laissé une lettre. Est-ce que tu veux bien nous dire ce qu'elle contenait ?

- A vrai dire, pas grand-chose. C'est ma mère biologique qui l'a écrite. Dedans, elle m'a expliqué pourquoi ils m'avaient abandonnée et ils m'ont donné quelques informations sur eux, comme leurs prénoms, leurs âges et la ville où ils vivaient à l'époque et où je suis née : Hangzhou. Mais depuis le temps, ils ont très certainement déménagé. Trop peu d'éléments pour pouvoir les retrouver. Ils m'ont aussi écrit que, même s'ils savaient que je ne le garderais certainement pas, ils m'avaient baptisée Bao qui signifie « Trésor ». Peut-être une façon pour eux de me dire qu'ils ne m'ont pas abandonnée de gaieté de cœur.

Sacha tourna son fauteuil et roula en direction des coulisses, suivie de ses camarades.

Alexandre, le petit rigolo de la classe, pris sa place au centre de la scène et se lança dans un long monologue sous le regard attentif des cinq autres élèves de son groupe.

- Salut les amis ! Moi c'est Alexandre et, comme vous vous en doutez, j'ai aussi été adopté. Mais de ce que j'ai entendu, aucun de mes compatriotes n'a d'histoire similaire à la mienne. Parce qu'il faut dire ce qui est, elle est un peu chelou ! Pour tout vous dire, je n'ai décroché la nationalité française qu'à l'âge d'un an. Jusque-là, j'étais américain !

« Mais comment est-ce possible ? allez-vous me dire. Ben, en fait chez nous, seule ma mère est stérile. Du coup, mon père est allé planter sa petite graine dans le ventre d'une mère porteuse aux Etats-Unis et, quand je suis né, lui seul m'a reconnu avant de me ramener en France, plusieurs semaines plus tard.

« C'est ce qu'on appelle la GPA pour Gestation Pour Autrui. Mais le problème, c'est que c'est illégal dans notre pays. Donc, étant né à l'étranger, il a fallu me faire faire un passeport pour que je puisse « voyager » jusque chez moi. En parallèle, ma mère a lancé une procédure d'adoption plénière afin que nous devenions enfin une vraie famille et que je puisse acquérir la nationalité française.

« Maintenant, vous comprenez mieux pourquoi je suis fils unique ! termina Alexandre dans un grand éclat de rire.

- Merci jeune homme. J'ai beaucoup aimé ta représentation. Tu devrais sérieusement songer à faire du théâtre, lui dit le professeur avant de s'adresser au public. Avant de passer aux questions/réponses, je vous demande d'accueillir notre dernier groupe, celui de Sacha L., enchaina-t-il avant de se retirer.

L'ultime entrée en scène généra un brouhaha dans la salle. Les spectateurs incrédules virent d'abord une jambe tendue sur une cale de fauteuil roulant. Une jambe gauche sertie d'une attelle immobilisant le pied. Lorsque le groupe fut dans la lumière, le silence se fit.

- Bonjour. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Sacha et j'ai eu onze ans en juillet. Je n'aime pas trop parler en public, donc je vais vous la faire courte. J'ai été adopté alors que je n'étais qu'un bébé et je suis fils unique. Même si j'ai toujours su que mes parents n'étaient pas mes parents biologiques, avant mon entrée en sixième, je n'avais jamais ressenti le besoin d'en savoir plus sur mes origines. Mais ce fil rouge m'a poussé à me poser des questions et je vais vous relater les éléments que j'ai pu réunir grâce à ma famille.

Je suis né dans la province de Hangzhou, en Chine, le 13 juillet 2009. Mes parents avaient tous les deux vingt-cinq ans et ont été obligés de me placer à l'adoption car ils avaient déjà un fils et ne pouvaient donc pas me garder sans se retrouver dans l'illégalité. Ils s'appelaient Tian et...

- Mai-Linh ? l'interrompit une voix féminine et chevrotante depuis les coulisses.

Sacha retourna son fauteuil d'un mouvement brusque et télescopa celui de l'autre Sacha, qui l'avait rejoint sur scène.

- Et je parie qu'ils t'avaient baptisé Bao. J'ai raison ? lui demanda-t-elle.

- Oui, tu as raison, lui répondit-il. Mais ça veut dire que... Tu penses que... Tu veux dire qu'on est...

- Jumeaux ? Oui, c'est ce que je pense. Même si cela nous parait complètement fou, combien y a-t-il de chances que toutes ces concordances, toutes ces similitudes soient simplement le fruit du hasard ? J'avais déjà remarqué que l'on se ressemblait, mais comme on dit, les asiatiques ont tendance à avoir plus ou moins la même tête. Et avoue que nous avons fait fort en nous retrouvant, le même jour, aux urgences avec exactement la même blessure au même endroit, lui dit-elle en montrant leurs fauteuils roulants, utilisés seulement aujourd'hui afin qu'ils ne soient pas gênés pour les mises en scène de leurs exposés.

Plongés dans leurs ahurissants échanges, les deux adolescents ne remarquèrent pas que leur professeur avait invité les autres élèves de sixième à quitter la salle en silence et contacté leurs parents respectifs en leur demandant de venir de toute urgence au collège avec, si possible, une copie des lettres laissées par les parents biologiques des enfants.

Avant de les faire entrer, il leur expliqua la découverte que venaient de faire les deux Sacha et leur laissa le temps d'assimiler l'incroyable nouvelle.

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