S08 - Thème "Contrainte - Sans la lettre M"

La loterie de l'horreur

Anatole et Justine, jeunes trentenaires originaires de la région paloise, arrivèrent tout excités à leur hôtel.

Pour une fois qu'ils avaient de la chance aux jeux, ils avaient bien l'intention d'en profiter.

Un banal ticket de loterie, acheté à un jeunot devant un centre social, leur ouvrait les portes d'un des plus grands palaces parisiens, durant 24 heures.

Après avoir foulé le tapis rouge au pied duquel le taxi les avait déposés, ils furent accueillis par le directeur en personne. Ils eurent aussi droit à une visite guidée de l'hôtel, avant d'être conduits dans la suite qui leur avait été attribuée.

Ils passèrent l'heure qui les séparait du déjeuner à arpenter les couloirs et à prendre chaque recoin en photo, pour les diffuser sur leurs réseaux sociaux.

Une fois attablés, le choix du repas fut d'abord cornélien, puis un plat finit par convenir au couple. Ils optèrent pour un pot-au-feu. La proposition était d'autant plus alléchante que la carte précisait que le chef y ajoutait un ingrédient personnel.

Ils constatèrent qu'autour d'eux, beaucoup de clients craquèrent aussi pour celui-ci. A les voir, ils se régalaient.

Les gens installés juste à côté de leur table engagèrent la conversation.

- Bonjour. Vous venez d'arriver ?

- Oui, lui répondit Justine.

- Et je parie que vous n'êtes pas des habitués de ce genre d'endroit, leur dit-elle avec le sourire.

- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? lança Anatole, piqué au vif.

- Juste votre air ébahi, vos yeux écarquillés à chaque fois qu'ils se posent quelque part. Vous êtes si adorables. Vous nous faites revenir trente ans en arrière, dit-elle en regardant son partenaire.

- Oui, c'est tout nouveau pour nous. Nous avons gagné un séjour d'un jour et une nuit, tous frais payés.

- Oh ! Vous aussi !

- Nous aussi ?

- Oui, c'est régulier ici. Tous les deux ou trois jours, un nouveau couple débarque. Des jeunes gens toujours agréables et enthousiastes.

Les plats arrivant, leur conversation s'arrêta sur cet échange.

Le spa occupa la quasi-totalité de leur fin de journée. Piscine chauffée, jacuzzi privatisé, sauna... Ils testèrent toutes les installations.

Pour finir en beauté, une hôtesse vint les chercher et les guida jusqu'au salon de détente. Ils y trouvèrent des peignoirs d'un blanc pur, ainsi qu'une bouteille d'un grand cru et ses flûtes.

Baignés dans une pièce à l'éclairage discret et avec un fond de chansons douces, ils n'eurent aucune peine à se relaxer.

Quelques instants plus tard, deux jeunes filles les rejoignirent et débutèrent les soins.

La séance finie, Anatole et Justine, prirent la direction des cuisines où ils étaient attendus par le chef. L'hôtel leur offrait, en dernier privilège avant leur départ, de participer à la préparation dudit pot-au-feu.

Ils allaient enfin découvrir le secret qui donnait tout son cachet à la recette. Enthousiastes, ils trépignaient devant les portes battantes.

Un subalterne arriva, leur donna gants, tabliers, charlottes et sur-chaussures et les envoya se désinfecter toutes les zones de peau nue.

Flottant encore sur leur petit nuage, le cerveau toujours nébuleux à cause de l'alcool et la relaxation, ils entrèrent sans trop voir ce qui les entourait. Ils distinguèrent à peine les contours des tables, des pianos de cuisson, des fours géants. En revanche, rien de bien clair.

Aussitôt assaillis par le personnel, ils se laissèrent porter sans protester.

Ce n'est qu'une fois allongée sur un étal de boucher que Justine essaya de se rebiffer. Anatole, ayant bu plus qu'elle, ne réalisait pas ce qu'il se passait. Elle se débattit, hurla en appelant au secours.

Elle vit quelqu'un avancer vers elle en tenant une grosse seringue. Elle s'égosilla de plus belle avant de sentir la piqûre et de s'évanouir. Elle put juste apercevoir des gens débouler, pistolets au poing, en criant « POLICE ». Elle avait la sensation de les connaitre, sans arriver à les identifier.

Lorsqu'ils reprirent connaissance, Charles et Géraldine, leurs voisins de table, leur révélèrent leurs vraies identités et leur expliquèrent la situation.

Policiers sous couverture, ils enquêtaient depuis plusieurs dizaines de jours sur les disparitions inquiétantes d'une vingtaine de touristes de passage dans ce palace. Seule preuve reliant les affaires entre elles, les tickets gagnants de la « loterie de l'horreur », ainsi que leurs services avaient appelé l'affaire.

Ils firent analyser tous les plats du restaurant, dont le pot-au-feu, et découvrirent que l'ingrédient caché était en fait de la chair, tant appréciée par les cannibales, conjuguée à la viande et que les disparus étaient drogués par des psychotropes glissés dans les verres.

Ils les suivirent tout au long de la journée et ne surgirent qu'à la dernière seconde pour prendre les coupables en flagrant-délit.

Sauvés de justesse, Justine et Anatole avaient été à deux doigts de passer à la casserole !

OUF !!!

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