S03 : Thème "Distorsions"

D'un monde à l'autre

Chapitre 1 : Distorsions


Tout a commencé avec une souris. Cette petite chose grise s'est glissée, depuis la salle d'embarquement, dans le bagage à main de Pénélope.

Ne s'étant rendue compte de rien, celle-ci le rangea dans le compartiment prévu à cet effet.

Une fois tous les passagers à bord, l'avion décolla. Direction l'Ile de Madagascar. Près de onze heures de vol. Mais elle y était habituée. Pour son travail de médecin humanitaire, elle voyageait dans le monde entier.

Un masque sur les yeux, elle s'endormit en quelques minutes. Deux heures plus tard, bercés par le rythme de croisière ou aidés de somnifères ou d'un whisky bien tassé, la quasi-totalité des voyageurs faisaient de même.

Seuls les membres du personnel navigant gardaient un œil ouvert, à tour de rôle.

Notre petite amie à quatre pattes choisit ce moment-là pour sortir de sa cachette. Elle se faufila d'un compartiment à un autre en furetant dans la plupart des bagages. Pour son plus grand bonheur, beaucoup contenaient de quoi grignoter.

Entendant du bruit, elle se rencogna contre une paroi, derrière un sac à dos.

Pénélope ouvrit le battant et, les paupières à demi closes, fouilla dans sa besace à la recherche d'une bouteille d'eau. Elle en but deux gorgées, la rangea et se rendormit aussitôt.

Le rongeur reprit son exploration, s'engouffra dans une poche latérale du sac et, sautillant sur une sorte de télécommande, appuya sur plusieurs boutons.

Immédiatement, une énorme secousse secoua la carlingue de l'engin qui s'enfonça dans un trou noir.

L'avion et tous ses passagers, plongés dans un profond sommeil, glissèrent inconsciemment dans une faille, aussi appelée distorsion temporelle.

Ils revinrent à eux, réveillés par des bruits de coups sur le fuselage. L'appareil était au sol, mais personne ne savait où ils se trouvaient et encore moins comment ils avaient pu atterrir.

Tout à coup, des hurlements s'élevèrent du poste de pilotage. Le commandant de bord et son copilote faisaient face à une vision d'horreur. Agrippés à la visière grâce à des ventouses sortant de ce qu'on pourrait appeler leurs bras, des êtres en partie humains, en partie robots et en partie animaux tentaient de briser le vitrage. Des silhouettes d'hommes, des extrémités de membres en métal et des faces de rongeurs. Absolument terrifiants !

Tétanisés par la peur, ils retenaient leur souffle. Mais lorsque la première fissure apparut, ils s'éjectèrent de leurs sièges et s'extirpèrent de la cabine, pâles, hagards et tremblants.

Ils coururent vers le fond de l'appareil, entrainant tout le monde dans leur sillage.

Une des hôtesses de l'air, comprenant leur intention, les dépassa et ouvrit précipitamment une trappe cachée. Tous sautèrent à l'intérieur de la soute et se faufilèrent au milieu des bagages, espérant trouver une cachette.

L'accès refermé et condamné à l'aide d'énormes valises empilées les unes sur les autres, le pilote s'effondra. Malgré tout le sang-froid dont il devait faire preuve au quotidien, il péta les plombs et partit dans une crise de nerfs qui effraya ceux qui l'entouraient.

Une fois son calme légèrement revenu, il tenta de leur expliquer ce dont ils avaient été témoins et qui avait déclenché sa réaction qui, finalement, n'était pas si disproportionnée que ça.

Des gémissements, des pleurs, des petits cris aigus montèrent de l'assemblée, maintenant toute aussi effrayée qu'eux. Sous le choc de ces révélations, deux personnes d'une soixantaine d'années furent même victimes de malaises vagaux.

Seule une passagère restait à l'écart, silencieuse : Pénélope. Elle semblait être ailleurs, très loin de cet avion.

Un steward, la pensant en crise de tétanie au vu de la crispation de son visage et de son corps, s'approcha lentement d'elle et lui effleura le bras. Ne la voyant toujours pas réagir, il lui prit la main gauche et la serra un peu plus fort. Bien mal lui en prit car, dans un réflexe d'autodéfense, elle lui balança un crochet du droit, direct dans le plexus. Toutefois, cela eu le mérite de la ramener dans le monde des vivants. Réalisant son geste, elle s'excusa et s'échappa vers la trappe. Après avoir balancé plusieurs valises sur le côté et soulevé la plaque à une vitesse phénoménale, elle se hissait hors de la cale lorsque ses compagnons tentèrent de la stopper. Mais ils ne furent pas assez rapides. Elle avait pris la fuite et, par la même occasion, les avaient mis en danger. Leur choix fut vite fait. Ils condamnèrent à nouveau l'accès, la laissant à la merci des monstruosités humanoïdes.

Au-dessus de leurs têtes, pour éviter de se faire repérer, la fuyarde rampait au sol en direction de son siège, où elle espérait pouvoir arriver à attraper son sac.

Apparemment, leurs assaillants commençaient à se lasser. Ils avaient l'air d'être moins nombreux et, surtout, moins virulents. S'ils la voyaient, ils reviendraient à la charge et elle n'y survivrait probablement pas.

Tout en surveillant l'extérieur à travers les hublots, elle se glissa sur son fauteuil et attendit, immobile, le moment opportun pour agir.

Après vingt minutes de stress, elle bondit sur la poignée du compartiment et en sortit sa besace à la vitesse de l'éclair. Son trésor à la main, elle s'aplatit sur la moquette et s'autorisa à respirer à nouveau. Elle se glissa sous une banquette et fouilla les poches à la recherche du boitier à l'origine, selon elle, de cette catastrophe.

Les chiffres affichés sur la télécommande lui arrachèrent un petit cri de stupeur. Comment avaient-ils pu se téléporter plus de 500 ans plus tard, en 2534 ???!!! Était-ce elle qui, en rangeant sa bouteille d'eau, avait aléatoirement programmé cette année-là ? Sinon, qui donc ? Personne ne s'était approché de sa place. Encore moins de son bagage.

Elle tapa 2021 sur le clavier et resta un moment avec le doigt au-dessus de la touche de validation. Que se passerait-il s'ils remontaient le temps en emportant ne serait-ce qu'un humanoïde avec eux ? Quelles en seraient les conséquences ?

Perdue dans ses réflexions, elle se rendit compte trop tard qu'une de ces créatures, ayant réussi à se faufiler dans l'interstice créé entre la porte et la carlingue, fondait sur elle.

Dans un sursaut de panique, elle appuya sur le bouton juste avant de s'évanouir.

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