Les yeux plongés dans ceux de mon reflet, j'engage une longue bataille de regard pendant laquelle toute la haine que je dévoue à mon corps s'extériorise. Ce corps, que me renvoie le miroir, est d'un laid remarquable. Ma peau est parsemée de multiple tâches roses, comme si on avait manqué de pigment beige et qu'on s'était dit: et si on le remplace par du rose ? Personne ne verra la différence. Tu parles ! Tout le monde la voit ! Dans le métro, les uns fixent un peu trop mes bras et mon visage, les autres fuient inlassablement mon regard. Pour eux, je ne suis pas une bête de foire, je suis un monstre, une anomalie, une tâche. Je les entends, ceux qui parlent à voix basse, comme si mes tâches rendaient sourde, les même qui me critiquent, avec leur regard de dégoût. Je vois aussi celui des personnes à qui je parle, seules mes tâches retiennent leur attention. Je n'en peux plus de ces jugements permanents ! Savent-ils que, moi aussi, je suis humaine ?? Savent-ils que je n'ai jamais choisi d'être comme ça ?? Savent-ils que j'aimerais me les arracher ?? Épurer jusqu'au sang ce corps parsemé de rose ?? Savent-ils que le soir, avant de me coucher, j'espère ne jamais me réveiller ?? Que dans mes rêves les plus fous, je n'ai pas ces taches difformes sur mon corps ? LE SAVENT-ILS ???
Pourtant, face à eux, je reste muette, je détourne le regard, seul mon coeur pleure et il n'a plus de larmes.