•Chapitre 35•

         Il se sentait chuter, indéfinitivement, n'ayant pas l'idée de s'arrêter ni même de s'inquiéter. Il se sentait vide, infiniment, il n'avait pas envie de s'en préoccuper. En fait, il ne sentait plus rien, il avait juste des impressions. C'était un vent contraire, plaquant ses cheveux contre son front, qui lui indiquait qu'il tombait, c'était ce manque d'arrêt brusque qui lui indiquait qu'il ne s'arrêtait pas, c'était ce manque d'inquiétude qui le rendait si vide. Quels étaient ses tracas avant d'atterrir ici ? Quelle avait été sa dernière pensée ? Ses dernières paroles ? Est-ce que ça lui importait vraiment au fond ? C'était cet état là qu'il recherchait. Ce silence, cet apaisement. Il était conscient qu'il en avait eu marre d'un stress constant qu'il l'empêchait de vivre pleinement sa vie. Il était persuadé d'avoir commencé quelque chose de nouveau. Il n'y avait pas que du négatif. Il se faisait l'idée qu'il avait sourît par moment, rigoler quelques fois, aimer tout le temps. Oui, il aimait. Mais qu'est-ce qu'il aimait ? Était-ce ça, la source de son angoisse ? Avait-il réussi à s'en détacher ? Non, il était certain que non. Parce qu'il ne voulait pas. Et pourtant, il se laissait imaginer une vie sans ce stress, cette angoisse et ses questions permanentes qui le taraudait sans cesse. Elle n'était pas plus belle. Elle était même fade. Elle ne lui apportait rien. Pas d'émotions extrêmes qui le faisait se sentir en vie. Oui, c'était bien ça dont il avait besoin : de ressentir les choses. Et cette chose qu'il aimait était la source principale de ses sensations et émotions. Il se la représentait entourée de lumière, mais quelque chose de pas trop éblouissant, assez lumineuse pour être vu mais assez constrastée pour être observé. De taille moyenne. Suffisante. Il appréciait cette lumière, ça lui réchauffait le cœur. Il voulait s'y accrocher mais il avait peur, peur de perdre ce calme dans lequel il était à présent. Un, deux, trois. Un bout de lumière alla s'éclater en feu d'artifices un peu plus loin. Un, deux, trois. Un deuxième, plus proche et plus coloré, parcouru de rouge et de vert. Un, deux, trois. La lumière frétillait, l'invitant presque à la rejoindre. Un, deux.. il n'approcha pas. Il avait peur de l'abimer. Elle était si spéciale, si unique, la touchée la souillerait. Un.. il ferma les yeux pour ne plus la regarder, il avait trop peur de l'entacher, de trop s'extasier. Zéro. Ce fût elle qui vînt à lui. D'abord discrètement, elle frôlait son échine nu de tissu, entrelaçant délicatement ses doigts et ses chevilles. S'il bougeait, il avait peur de la briser, alors il se laissait aller aux sensations qu'elle lui procurait. De la chaleur, de petits picotements comme des frissons, des caresses, de la fluidité. Elle s'enroulait sans plus se presser, remontant le long de sa colonne vertébrale, descendant jusqu'à ses flancs, il appréciait chaque sensation. Il ne se sentait plus tombé. Il s'allongeait suivi du mouvement de la lumière qui le détendait plus qu'il ne l'était. Tout ça lui était inconnu. Mais il s'ouvrait à la découverte. Elle prit bientôt tout son corps dans ses rayons, comme si elle l'enlaçait. Et il savait que c'était ça, qu'il aimait. Il prit le temps de tout sentir sur lui comme à l'intérieur. Il se sentait libre, libéré d'une pression dont il n'avait même pas conscience, vide de cette peur qui lui bloquait et tordait les tripes. C'était simple mais c'était ce dont il avait toujours espéré : le calme et la sérénitude.
             Comme d'une question, la lumière l'emportait de nouveau dans une chute, et il l'accompagnait sans l'ombre d'un doute. Ils ne tombèrent pas bien longtemps, juste assez pour qu'il ouvre les yeux, se retrouvant sur une route, en pleine nuit, sous la pluie, protéger des gouttes par la lumière qui restait à ses côtés. Certes était au milieu de la circulation mais aucun véhicule motorisé ne le percutait. D'abord, il ne comprit pas ce qu'il voyait, c'était sombre et bien banal. Mais un détail lui sauta aux yeux. La circulation s'était arrêtée, aucun piéton ne traversait et il n'y avait pas de claxon qui s'élevait. Juste des cris. Un bruit de crépitement. De la chaleur. Et une odeur de brûlée. Un accident. Deux voitures venaient de se rentrer dedans. Une petit clio grise avec un logo A délavé sur l'arrière et une BMW noire dont l'avant était complètement écrasée jusqu'au pilote et son passager. Et il eût la certitude qu'il y avait quatre morts. La lumière l'incita à s'avancer, à aller voir. Ne serait-ce pas irrespectueux d'aller vers l'accident ? Mais personne ne le voyait et il avait la sensation que cette scène n'était pas d'aujourd'hui. Il laissa la lumière le guider les yeux fermées jusqu'aux deux voitures. Il vit une jeune conductrice dans la clio, elle avait la tête posée contre son volant brillant d'un liquide noir, les mains toujours accrochées à celui-ci. Morte. Il s'en trouva sincèrement désolé. Mais il ne pouvait rien faire, c'était déjà passé. Dans le plus gros véhicule il y vit deux adultes dans la quarantaine, voir la cinquantaine. La femme, sur le siège passager, avait la tête inhumainement penchée sur le côté, le nez et menton en sang, des mèches de cheveux collants sur le liquide sombre qui s'échappait de ses plaies. Morte. L'homme, son mari au vu de la bague dorée à son annulaire, était avachi contre l'airbag, les mains fermement accrochées à son volant. Son sang aussi recouvrait petit à petit la couleur crème de la protection mais ce n'était pas dû au choc mais aux éclats de verres qu'il avait sans doute reçu de son pare-brisé éclaté. Mort. Et la dernière personne fût un adolescent à l'arrière, bien attaché à son siège, les bras et la tête balants, son corps était retenue par la ceinture de sécurité. A première vue, il n'était pas mort comme les trois autres, mis à part l'énorme bout de verre qui s'était frayé un chemin jusqu'à son arcade sourcilière, il était juste inconscient. C'était les marques d'étranglements sur son cou qui lui indiquait qu'il avait vécu un sort différent des autres mais que sa vie s'était achevée tout aussi tôt. Qui était-il pour avoir mérité ça ? Qu'avait-il fait pour mourir dans ces conditions ? Ses cheveux soyeux perdaient de leur vitalité à vue d'œil, ses doigts se décrispaient encore. C'était récent mais trop tard. Il en était désolé aussi, mais il n'y pouvait rien. Il sentît la lumière se recroqueviller contre lui alors qu'il entendait un énorme bruit provenant de plus haut, un éclat de lumière envahit un maigre instant le ciel avant de voir une présence passer sans difficulté le toit de la voiture. Il ne se passa pas une minute avant qu'il n'entende un cri désespéré et strident. Il se sentait triste d'entendre un tel son provenir d'un être céleste. Il hurlait à s'en briser la voix alors que personne ne l'entendait, pas même celui pour lequel il pleurait, le plus jeune de tous dans cet accident. Plus le temps passait, plus la lumière autour de lui se recroquevillait, il avait cette impression d'assister à quelque chose de grave mais il ne pouvait pas agir. La peine de l'être de lumière résonnait en lui alors qu'il pleurait sa perte. Il l'entendît haïr un mot, une signification, il l'entendait geindre sa condoléance. C'était déchirant comme image mais il n'était que spectateur d'un événement déjà produit. La lumière l'appelait et il détournait le regard. Un éclair passa au même moment.
         Il s'éveillât. Il reprit conscience. Il avait mal. Physiquement ou émotionnellement ? Les deux. Cette scène n'était pas juste une scène, ça avait été la sienne. Ça avait été sa perte. Toute la tristesse que l'être avait ressenti avait été la sienne et elle l'envahit à nouveau. Il s'était senti impuissant, désespéré et infiniment triste. C'était fini et pourtant il était incapable de se dire qu'il pouvait avancer maintenant. Pas sans lui. Pas sans sa lumière. Submergée par l'émotion, il tentait de serrer le poing pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Il fût surprit d'être bloqué par quelque chose de dur et de nombreux. Il entendit une voix après le chaos. Une calme, mais une prise aussi par l'émotion.

"- Eh..."

          Il sentît une caresse sur le coin de son œil droit, c'était aussi chaleureux que la lumière qui l'avait accueilli. Il voulait ressentir ce contact quand il disparu, tournant la tête pour espérer le retrouver. Il avait entendu des bruits de vêtements froissés s'approcher mais rêvait-il toujours ? Avec difficulté, il ouvrit les paupières lentement, battant des cils plusieurs fois pour s'adapter à la lumière ambiante qui lui agressait les pupilles. Il entendit quelqu'un renifler, alors qu'il sentit le dos de sa main être caressé doucement. Il tomba sur une masse sombre par delà une masse blanche qui passait sous lui. En remontant son regard il tomba sur le visage rougit de sa lumière, entouré de la naturelle de l'extérieur qui s'éclipsait en couleur orangé. Il avait le nez aussi coloré que le dessous de ses yeux, ses joues brillaient et ses lèvres étaient sèches. Qu'est-ce qu'il s'était passé pour qu'il soit dans un état pareil ? Il aurait voulu lui demander ce qu'il lui arrivait, s'il allait bien mais il ne réussit à articuler qu'un :

"- Tu es là."

         Le brunet hochait vivement la tête avant de rigoler de soulagement en embrassant le dos de la main de l'ange qui se demandait vraiment ce qu'il lui arrivait.

"- Toi aussi, tu es là."

           Une voix masculine lui fit lentement tourner les yeux. C'était monsieur Kim, accompagné de Riki, qui paraissait lui aussi soulagé en regardant le noiraud. Le sourire qu'affichait le blondinet était nouveau sur son visage. Ce qui le laissait plus perplexe.

"- Qu'est-ce qu'il y a ?

- On ne savait pas trop si tu te réveillerais, admit son ami."

           Il avait juste enfin vraiment dormi, ce n'était pas comme s'il était mort non plus. Un bon roupillon et ça repart. Docteur Kim resta sans voix quelques secondes, désabusé de la franchitude du garçon.

"- Je ne l'aurais pas dit comme ça, mais oui."

           Puis il s'approcha de son lit, s'asseyant sur le rebord du matelas, une planche à la main. Ça lui rappelait des souvenirs, il avait l'impression d'être nostalgique de sa première rencontre avec le poivre et sel.

"- Alors, commençait-il, le regard compatissant, comment tu sens ?"

            Il était encore à l'ouest, décroché de la réalité. Il fronçait les sourcils pour essayer de trouver un mot sur lequel placer son ressenti. Et le seul qui lui venait fût :

"- J'ai mal."

           Monsieur Kim hocha lentement la tête avant de noter sa réponse sur sa feuille.

"- Où exactement ?

- Au ventre."

           L'adulte avança sa main jusqu'à des tubes reliés à des machines, silencieuses cette fois, où il dévissa légèrement un petit boulon de coleur jaune.

"- Morphine. Ça devrait faire effet."

          Puis il lui posa une série d'autres questions comme s'il ressentait des vertiges, s'il avait des hallucinations comme voir des licornes ou d'immenses araignées dans le fond de la pièce. Dix minutes plus tard, il lui conseillait de se reposer alors qu'il emmenait Riki avec lui. Quand la porte fût fermée, il réalisa que Jungwon n'était pas parti avec eux. Il n'était pas intervenu de toute la petite interrogation et il fixait ses doigts caresser la main de l'ange. Il paraissait vraiment inquiet.

"- Jungwon...

- Je suis désolé."

Lui qui allait lui demander qu'est-ce qui lui trottait dans la tête allait avoir une réponse plus rapide que prévu.

"- Pourquoi tu t'excuses ?, alors que son vis-à-vis sanglotait.

- Je.. si... ça n'aurait jamais dû arriver."

Heeseung avait commencé à ouvrir sa bouche pour lui demander quoi il parlait avant de se souvenir de ce qu'il s'était passé. Ça avait été d'un pitoyable affligeant qui attristai l'ange d'avoir mit en danger le brunet parce qu'il était incompétent dans ses fonctions d'ancien guerrier et de gardien.

"- J'ai pas su te protéger.

- Ce n'était pas à toi de le faire, lui assurait le noiraud.

- Mais... c'est de ma faute, si tu n'avais pas été là...

- Il en avait après moi."

Le regard surprit du garçon trouva les yeux de Heeseung. Il avait bien remarqué que le démon s'était uniquement focalisé sur lui et pas l'humain. Il ne savait pas qui en avait après lui mais il s'acharnait. Un silence se prolongeait entre les deux jeunes hommes qui ne se lâchait pas du regard, oubliant l'espace dans lequel ils étaient pendant un instant. Il repensa à l'accident, à ce qu'il avait vu et ce que la lumière avait tant voulu lui montrer. Son cœur se pinçait, tandis qu'il approchait sa main de son visage, passant son pouce lentement sur sa cicatrice en se pinçant les lèvres. Tout ça par sa faute.

"- J'aimerais tellement être normal."

           Le regard fuyeur de Jungwon ne faisait que confirmer que lui aussi aurait aimé qu'il soit humain. Ça lui aurait évité beaucoup moins de danger et de complications de famille dérangée.

"- Je donnerais tout pour être humain.

- Ne dis pas n'importe quoi, rigolait doucement le brunet.

- Je suis sérieux."

            Le sourire du jeune homme s'effaçât, alors qu'il vint attraper sa main pour embrasser sa paume, délicatement. Un long frisson avait parcouru l'échine de l'ange qui sentait des papillons s'envoler dans son bas-ventre.

"- Tu sais, applatissant la main du noiraud contre sa joue, la première fois que je t'ai vu, c'était ici, tu parlais avec monsieur Kim."

             Comment ça la première fois ? Heeseung n'était-il pas le seul à l'avoir vu à l'hôpital en premier avant qu'ils ne se croisent vers le secrétariat ? Et il avait dit qu'il parlait avec le docteur Kim, ça voulait dire qu'il parlait de ce jour. Il sentit son cœur battre plus rapidement.

"- Tu détonnais parmi tous, j'avais l'impression qu'il n'y avait que toi. Je venais juste récupérer mes médicaments à l'époque et Sunghoon m'avait accompagné, il est revenu me voir quelques secondes avant que tu n'entres, tu paraissais aussi perdu que moi la première fois que je me suis balader dehors, souriant en se remémorant cela, je ne pensais pas que c'était possible de tomber amoureux d'un inconnu juste en un regard."

         Heeseung le regardait avec toute la tendresse du monde, lui non plus ne pensait pas ça possible. Ça avait été un véritable choc, tant qu'il en avait vacillé et inquiété une infirmière.

"- Moi, je ne sacrifierai rien du tout si ça signifie te perdre."

          Si Heeseung devait être touché, c'était gagné.

"- Mais si je dois tout sacrifier pour te garder, accrochant son regard avec une sincérité déconcertante, je le ferais."

          Sorti de son contexte, c'était un peu terrifiant. Si Jake disait cela, ça serait beaucoup moins mignon tout d'un coup.

"- Si j'étais humain, tu ne serais pas en danger constamment.

- Si tu étais humain, on ne se serait sûrement pas rencontré. Alors, je ne regrette pas que tu sois un ange, que tu sois mon ange."


















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[PAS RELU]

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