Point de vue: [T/p]

Cela faisait déjà trois jours que nous habitions dans le château du Bataillon d'exploration. C'était leur base à l'extérieur des murs, ou plutôt entre les Murs Rose et Sina. J'étais contente d'être dans la nature: ça me permettait de me ressourcer et de faire différent de la monotone pièce blanche dans laquelle je me réveillais après chaque session de réalité virtuelle.
Heureusement, après cinq jours à boiter, mes blessures s'étaient enfin guéries...

Bref, il était évidement que, pour vérifier notre niveau, nos supérieurs nous testent en combat à mains nues et au maniement de l'équipement tridimensionnel. Comme d'habitude, j'étais placée avec ce Jean Kirschtein.

- Alors? J'imagine que tu vas encore me frapper dans les couilles? me demanda-t-il, arrogant comme toujours.

- Oui, si tu insistes tant... répondis-je franchement en haussant des épaules, innocente.

Contrairement à notre dernière bataille, ce fut lui qui fonça en premier. Il dirigea son poing directement dans ma figure. Je l'esquivai aisément, penchant ma tête sur le côté. C'est sûr que s'il attaque en premier, je me tirerai indemne de cette bataille; je n'aurai qu'à tout éviter, trouver une faiblesse et le tour sera joué!

Ma stratégie gagnante ainsi établie, j'esquivai facilement toutes les attaques de Jean, qui se fâchait esquive après esquive. Dès qu'il voulait m'envoyer un coup de pied, je stoppais sa jambe d'un bras. Remarquant que je ne répliquais jamais, Jean décida de me pomper un peu afin de me forcer à l'attaquer.

- Hé, la bizarroïde! appela-t-il.

- Quoi? dis-je, irritée par ce surnom.

- Tu sais...

Il s'interrompit pour donner un coup que je parai aisément. Tandis qu'il était près de moi, il haussa un sourcil provocateur.

- Tout le monde me surnomme "face de cheval", mais pour une bonne raison: parce que je peux te chevaucher quand tu veux, ma jolie~

- Oh! m'exclamai-je, ma figure soudainement toute rouge. Mon espèce de sale pervers! Reviens ici!

Il sembla heureux que je fonce sur lui, prête à lui assaillir le plus puissant coup de poing qui le défigurera pour toute sa vie. Jean attrapa mon poing dans sa main, ce qui me déstabilisa. Il profita de ce moment de confusion afin de me faire perdre l'équilibre: il me poussa vers l'arrière en même temps de botter mes pieds. Je tombai vers l'arrière, poussant du même coup un petit cri de surprise.

Encore une fois, il se retrouva sur le dessus, maintenant fermement mes poignets au sol. Cependant, il avait déjà prévu ma prochaine technique: il plaça ses genoux entre mes deux jambes, à peu près à la mi-cuisse, m'empêchant ainsi de l'attaquer aussi sournoisement que lors de notre dernière bataille. Fier d'être, pour de bon, le dominant, il sourit en coin, haussant un sourcil, et il se pencha vers moi.

- Qu'est-ce que je disais, hein? murmura-t-il dans mon oreille.

- Kischtein!

Aussi vite que l'éclair, Jean était debout à côté de moi, saluant le supérieur qui venait de le nommer. Encore un peu déboussolée, je reposai mon poids sur mes coudes et levai la tête vers la source de la voix forte. Sans surprise, je vis le Caporal-chef, les bras croisés et une expression terriblement sévère sur son visage habituellement neutre. Il ne semblait décidément pas d'humeur radieuse...

- Kischtein, que faisiez-vous avec mademoiselle [T/n]? demanda Levi, fronçant davantage des sourcils.

- Euh, r-rien de trop dangereux, m'sieur. J'avais réussi à la plaquer au sol, tout simplement...

Le Caporal-chef ne sembla pas tellement convaincu, mais il ne répondit rien. Il ne fit que jeter un regard noir à Jean et lui ordonna de partir. Entre-temps, je m'étais assise, prête à ma relever. Levi vint poser un genou au sol, juste à côté de moi.

- Tu me déçois, [T/n].

- Vous savez, je ne suis pas classée 6e pour mes talents au combat à mains nues, m'sieur, répondis-je sèchement en me levant et en m'époussetant.

- Décidément, tu aurais sérieusement besoin de t'améliorer, ta prestation était pitoyable, dit le Caporal-chef.

Je fronçai des sourcils, atteinte.

- Je n'ai pas besoin d'aide. L'important, c'est le maniement de l'équipement tridimensionnel, non?

- Pas tout à fait. C'est décidé, je vais t'entraîner moi-même, annonça Levi avant de tourner les talons.

- Quoi? Mais je viens de vous dire-

- Ce n'était pas un choix, mais un ordre. Sois debout à minuit si tu ne veux pas que je te réveille brusquement.

Sur ce, il me laissa là, seule, nageant dans la confusion. Levi venait vraiment de me donner un rendez-vous? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez lui? Je lui avais pourtant clairement dit que je n'avais pas besoin de son aide. Je grognai d'irritation, fâchée; c'était sûre qu'il me considérait comme une faible s'il voulait me former lui-même. Je frottai mon bandage sur mon avant-bras, mélancolique.

~~~

À la fin de la journée, je pus finalement retourner dans ma chambre. Enfin, un peu de repos sera bien mérité... Je fis quelques pas dans la pièce...

...

Ariane avait arrêté la simulation. Je retirai le casque, respirant bruyamment. Je me demandais ce qui lui prenait d'arrêter si soudainement: j'aillais me coucher, elle aurait pu attendre, genre, deux minutes? Elle me tendit un petit plateau de nourriture que je pris. Je n'avais pas beaucoup faim, alors je n'en prenais que de petites bouchées alors qu'elle me grondait.

- [T/p], tu dois absolument accepter l'aide de Levi, commença-t-elle brusquement.

Je faillis m'étouffer avec mon verre d'eau.

- Q-Quoi? Pourquoi? demandai-je, surprise.

- Quelle question! C'est le soldat le plus fort de l'Humanité qui va te former afin de devenir une vraie machine à tuer! Tu ne peux pas passer à côté d'une telle offre!

Je restai silencieuse, en plein dilemme intérieur. Je classai les avantages et les inconvénients dans ma tête; comme inconvénients, il aurait le manque de sommeil et d'énergie. Cependant, les points positifs étaient plus nombreux: je vais passer du temps seul à seul avec Levi, je vais devenir super musclée et très bien entraînée. Malgré ma réticence interne, je pensai aux dernières paroles que Levi m'avaient dites:

"Ce n'était pas un choix, mais un ordre."

- D'accord... murmurai-je avant de prendre une bouchée de poulet chaud.

- Parfait. Donc, je ne sais pas comment vous allez vous entendre pour les horaires, mais si tu as besoin de t'entraîner le soir en plus des journées normales, il ne faut pas que ça dure trop longtemps.

- Pourquoi?

- Parce que. Tu vas te surmener sinon.

J'eus quelques soupçons, mais je jouai l'innocente. Ariane m'ordonna de me reposer un peu avant minuit.
À cette heure, elle me replongea dans la réalité virtuelle...

Lorsque j'ouvris mes yeux, je sentis mes épaules se faire violemment secouer. Je sentais quelque chose de froid et dur contre ma joue.

- Enfin, il était temps que tu te réveilles, gamine.

Je m'assis soudainement, réalisant que j'étais couchée sur le sol. J'avais dû tomber alors que nous avions interrompu la réalité virtuelle... Levi était agenouillé à mes côtés, ne semblant pas de bonne humeur. Je déglutis perceptiblement.

- J'imagine que je suis en retard... murmurai-je en me levant.

- Qu'est-ce que tu faisais endormie sur le plancher?

Merde...

- Je... euh... me suis effondrée de fatigue? tentai-je.

Il n'eut pas l'air convaincu, mais il ne poussa pas son interrogatoire plus loin, heureusement. Il ne fit que se lever et tourner les talons avant sortir de ma chambre.

- Dépêches-toi.

- Oui oui, j'arrive Caporal-chef...

- Amènes ta cape aussi.

Ma cape? Pourquoi j'aurais besoin de ma cape? Confuse, je m'exécutai docilement et nous quittâmes le château, silencieux. Remarquant qu'il ne s'arrêtait pas sur les terrains d'entraînement, je commençais à me poser des questions. Il me tira soudainement de mes pensées.

- Allons, ne me fais pas attendre, dit-il sans même se retourner.

Donc, je le suivis silencieusement, n'osant pas parler ou contrer ses ordres. Alors que nous marchions dans la forêt sombre, j'essayais d'oublier mes questions en observant la nature. C'était à la fois magnifique et terrifiant. La façon dont les branches resemblaient à des doigts de sorcières crochus et les ombres qui dansaient afin d'appeler le diable m'effrayaient. S'il n'y avait pas une sorte de malaise entre nous deux, je pense que je me serais agrippée à la manche de Levi, simplement parce que j'avais peur qu'une entité démoniaque sorte de nulle part et nous attaque.

Je pense que j'ai regardé trop de films d'horreur aussi...

- Voilà, nous y sommes, fit la voix rassurante de mon compagnon de voyage.

Devant nous se trouvait un magnifique lac. De bas nuages flottaient à une dizaine de mètres seulement au-dessus de l'eau. Alors que je m'avançais vers l'étendue infinie, les brillants rayons de la lune perçaient les doux nuages. L'eau scintilla de mille feux, comme si des diamants flottaient à la surface. Les ombres délicates des nuages créaient des motifs foncés et aléatoires sur l'eau. La vue était tout simplement superbe, trop belle pour pouvoir faire partie d'un monde aussi cruel et impitoyable qu'est le nôtre.

- Wouah... soupirai-je, émue. C'est magnifique.

Alors que je me détournais lentement pour jeter un coup d'œil à Levi, j'esquivai de justesse un poing. Mes longs cheveux détachés frôlèrent la peau pâle de l'homme. M'attendant à une réplique, je plongeai sur le côté et m'éloignai en me repoussant de mes mains. Donc, mon mouvement au complet ressemblait à une roue latérale, mais exécutée vers l'avant. Toujours accroupie au sol dans une position de Ninja, je regardai Levi, furieuse.

- Quoi? Mais c'était quoi cette attaque soudaine? hurlai-je.

- Ton entraînement vient de commencer, dit-il simplement, préparant ses poings.

Il veut se battre, alors il va se battre... Ce fut de cette manière brusque mais efficace qu'il m'introduisit à l'entraînement du combat à mains nues. Après avoir testé mon niveau, il corrigea mes faiblesses et me poussa jusqu'au bout. Nous pratiquâmes ainsi pendant trois heures avant de retourner au château, épuisés. Bref, je l'étais beaucoup plus que lui: il abordait toujours sa figure neutre et antipathique.

Je sens que les prochaines semaines ne seront pas de tout repos...