Chapitre 31

L'aube les trouva éveillés et fâchés. Vestar s'était résigné à avouer à Alrek ce qu'il lui avait dissimulé jusque là. Comme prévu, le blond avait été furieux. Il lui en voulait assez pour lui battre froid comme s'ils étaient revenus un an en arrière.

Vestar devait admettre que ça le blessait. Ça l'effrayait, aussi. Il détestait ce masque que le blond pouvait arborer à l'envie. Il ne laissait rien passer et Vestar se retrouvait comme étranger, rejeté avec une brutalité inattendue. Toutes ses insécurités quant à leur relation revinrent avec la force d'un bélier en pleine poitrine.

Il géra la situation de son côté avec ses hommes. Il allait devoir faire face à sa mère et il désespérait de ne pas avoir le soutien de son fiancé. Il avait horreur de ressentir ce manque. Il aurait dû s'y attendre après dix mois passés sans se séparer d'Alrek. C'était cette forme de conditionnement qu'il n'avait pas vue arriver et dont il ne connaissait toujours pas les tenants et les aboutissants. Il découvrait chaque jour de nouveaux effets et il redoutait de découvrir qu'il avait été amené à ressentir ce qu'il ressentait pour Alrek.

Alrek semblait tenir pour acquis sa présence à ses côtés, leur relation. Il ne paraissait pas inquiet le moins du monde. En vérité, il avait l'air si froid lorsque Vestar était dans les parages qu'il était devenu impossible de lire en lui. Vestar avait perdu le mode d'emploi entre deux baisers.

Il s'obligea à se concentrer sur ce que racontait ses généraux improvisés. Ils étaient plus que décidés à récupérer Northedge et à destituer Elina. Malgré tout, ils n'étaient toujours pas enthousiastes à l'idée de s'allier aux isstadiens. Ils ne faisaient qu'amplifier les doutes de Vestar.

À l'aube, Alrek le rejoignit devant les portes avec son escorte.

- Je t'ai cherché toute la nuit, murmura le blond. Où étais-tu ?

- J'étais avec les miens à définir un plan d'attaque.

- Pourquoi ne m'as-tu pas fait appeler ? N'étions-nous pas censés affronter cela ensemble ?

- En effet. Nous l'étions jusqu'à ce que tu redeviennes aussi froid que distant.

Alrek tourna la tête vers lui, surpris. Son faciès était inexpressif et seul le subtil arc de son sourcil incitait Vestar à croire qu'il y avait des émotions sous le masque.

- Ne t'attends pas à ce que j'accepte une telle attitude, continua-t-il. Je veux bien admettre que j'ai eu tort mais je n'accepte pas ta façon de gérer notre conflit. Tu me tournes le dos à un moment où j'ai besoin de toi pour un désaccord.

  -Tu peux comprendre que je n'ai pas apprécié que tu me caches quelque chose comme ça.

- Oui, je le comprends. Ça ne t'excuse pas. Imagine si j'avais réagi comme ça après toutes les manipulations que tu m'as fait subir avant que tu ne m'avoues que tu savais qui j'étais réellement. Penses-tu que nous serions là ?

Alrek garda le silence et détourna le regard.

- Si tu te fermes à la moindre contrariété, nous ne tiendrons pas, Alrek.

- Je suis encore en train de chercher comment tu peux être là, comme ça. J'ai passé cinq ans à me convaincre que je t'avais perdu et puis, d'un coup d'un seul, tu réapparais dans ma vie sous les plus mauvaises augures. En dépit de tout ce qu'il s'est passé, j'ai du mal à croire que tu puisses m'aimer sans tes souvenirs, seulement avec le temps que tu as passé en tant que mon knähund en tête. J'ai été exécrable avec toi et pourtant... Tu es là.

Vestar fit signe aux gardes de reculer pour leur laisser un minimum d'intimité. Ce n'était pas une conversation qu'il aurait pensé avoir juste avant les retrouvailles risquées avec sa mère. Ce n'était ni le lieu ni l'endroit mais il n'avait pas le choix. Il devait rassurer Alrek. Au moins temporairement. L'incertitude dans les yeux du jeune roi était difficile à voir.

- Tu n'as pas été tendre, c'est vrai. Tu étais froid et gardé mais tu lisais aussi bien en moi que moi en toi. J'ai accepté de prendre des risques qui n'étaient pas nécessaires pour toi alors que j'aurais pu m'en passer. Et puis, tu as toujours tenu ta parole. Tu ne m'as pas torturé. La seule chose difficile que j'ai été forcé d'accomplir a été d'actionner la roue et nous savons tous deux que, contrairement à ce que tu as argué, tu n'avais pas le choix. Si tu avais tenté de te mettre moi et ton père, il m'aurait fait exécuter.

Le souffle tremblant d'Alrek servit de réponse.

- Mon propre père a été mon pire geôlier. Tu m'as toujours nourri, logé et gardé en un seul morceau. Je n'ignore pas que tu as fait de ton mieux pour me protéger alors même que je n'en avais pas conscience.

- Mais...

- Arrête de faire comme moi et de te retourner l'esprit. Je t'ai demandé de m'épouser, Alrek. Je ne reviendrai pas sur ma décision.

Le blond se tourna vers lui et entrouvrit les lèvres. Ses mots restèrent bloqués dans sa gorge et tout ce que Vestar put faire pour le rassurer fut de l'embrasser. Un court baiser qui en disait plus qu'un discours.

Il s'était trompé. Alrek était loin de prendre leur relation pour acquise. Il doutait autant que lui. Il avait peut-être même plus peur que lui mais ne l'exprimait pas.

Vestar avait pensé réussir à déchiffrer Alrek suffisamment bien pour le comprendre. Cet instant lui prouvait qu'il était loin de connaître toutes les subtilités qui composaient son fiancé. En dépit de son air froid et confiant, de son attitude assurée, Alrek était aussi effrayé que lui. Il avait des insécurités dont Vestar n'avait aucune idée.

Ils étaient plus semblables qu'il ne l'aurait songé. Ils possédaient tous deux leurs peurs et leurs insécurités à propos de leur relation. Ce n'était pas commun et c'était difficile à comprendre, même pour eux. Leur passé était unique en son genre. L'absence de souvenir de Vestar compliquait énormément leur situation. Jusqu'à leur mariage, ils ne seraient pas à l'aise. Ni l'un ni l'autre n'avait de certitude absolue quant aux sentiments de l'autre. Pour Alrek, ça devait être encore pire puisqu'il savait que Vestar ne se souvenait pas de leur passé commun.

- Vraiment ?

La voix du jeune roi était à peine audible, timide et fragile.

- Puisque je te le dis.

Il saisit sa main et la pressa. Alrek se rapprocha de lui et Vestar sourit doucement. Il se pencha sur son fiancé et déposa un baiser sur ses lèvres.

- Quel spectacle écœurant que tu m'offres, fils ! cria Elina, sa silhouette gracile s'encadrant dans l'ouverture des portes de la citadelle. Si j'avais su que j'ouvrais mes portes à une ignominie pareille... !

- La seule ignominie que je vois, c'est celle où tu te places en possesseur de Northedge, répliqua Vestar. Le trône ne t'appartient pas.

- Parce que tu crois que le peuple préférera une monstruosité comme toi sur le trône ?

- J'en suis certain. La preuve en est que...

Il ne termina pas sa phrase. Il ouvrit le bras sur l'armée qu'il s'était constituée. Seulement des gens du peuple. Des céraméens de tout âge, de tout sexe, de toute provenance. C'était la preuve que le peuple était derrière lui et les dents serrées d'Elina prouvaient qu'elle le savait. Elle redressa le menton avec fierté.

- Tu es un traître à ton peuple, Vestar. Tu as été fricoter avec l'ennemi et tu l'as ramené sur les terres de tes ancêtres ! Tu veux pervertir tout ce qui a bâti notre royaume. Tu veux détruire notre lignée. Est-ce que le peuple sait cela ?

- Je ne m'en suis pas caché. Ils savent.

Démonter les arguments que lui lançait sa mère lui apportait une sensation de pouvoir. Il retrouvait enfin ses mécanismes stratégiques. Jusque là, Elina ne se présentait pas comme un ennemi inquiétant. Toutefois, il se força à ne pas la sous-estimer. Elle était arrivée sur le trône après de longues années d'attente. Elle avait une patience effrayante pour obtenir ce qu'elle voulait. Son esprit devait être encore plus retors que le sien. Elle avait poli son rôle de femme inutile et négligeable. Elle savait ce qu'elle faisait.

- Je vois que le fils est aussi doué que le père pour manipuler. Tu penses vraiment qu'il t'aime ? Tout ce qu'il veut, c'est ton trône ! Il a réussi à doubler son père et à te convaincre de renier tous les principes avec lesquels tu as été élevé. Dès que vous aurez commis l'infamie de vous marier, il te fera tuer et prendra le pouvoir.

- C'est ce que tu as tenté de faire et on dirait bien que je ne suis pas si facile à assassiner. Tu m'as envoyé à Isstad pour me faire tuer et tu as échoué. Je suis toujours là, bien vivant. Mais ta chère fille, elle, est toujours à Isstad, là où tu ne la trouveras jamais sans notre aide.

- Tu penses détenir quelque chose contre moi mais tu te trompes. Anda n'a aucun intérêt pour moi. Si elle est incapable de se sortir du pétrin toute seule. Je pensais l'avoir mieux éduquée que ça. C'est triste.

Vestar ne répondit pas mais haussa un sourcil moqueur. Il ne la croyait pas. C'était possible qu'elle soit sincère mais c'était peu crédible. Elle avait besoin d'Anda pour que ce règne féminin qu'elle tentait d'instaurer perdure. Si elle créait une matriarchie et qu'elle mourait avec elle, c'était trop de travail pour rien. Sans Anda, ça serait totalement inutile. Donc, elle avait besoin de sa fille.

- Dans ce cas, je pense que tu peux envoyer un message pour que tes hommes se débarrassent d'elle, dit Vestar à Alrek. Elle ne nous servait déjà à rien, de toute façon.

Alrek tourna la tête vers Hardan et hocha la tête une seule fois. Son capitaine transmit l'ordre à un subalterne qui disparut. La façade d'Elina commença à s'effriter. Vestar tenait la bonne ficelle. Il lui suffisait de pousser un peu plus pour qu'une ouverture se crée.

- Et si nous passions au véritable sujet ? proposa Vestar. Tu te tiens sur un trône qui n'est pas le tien.

- Tu n'as plus aucun pouvoir, mon cher. Plus ici. Ce n'est pas ton armée de bras cassés qui va changer quoi que ce soit.

- Tu appelles ton peuple des « bras cassés » ? Quel bel exemple ! Tu dois vraiment tenir à lui pour le traiter ainsi !

Elina s'avança vers lui, encadrée par ses gardes. Elle avait l'air riche et royal. Elle détonnait avec son énorme robe aux couleurs chatoyantes sous la lune et ses lourds bijoux. Vestar et Alrek arboraient des tenues d'équitation isstadiennes sobres et légères. Autour d'eux, seuls les soldats portaient une armure. Les autres portaient des tenues céramennes, des toges blanches ou ocres, des pantalons bouffants et des tuniques larges qui oscillaient dans la brise nocturne. Il n'y avait qu'elle pour se présenter avec une robe de bal. L'excès de trop était assurément la tiare posée sa coiffure complexe.

- J'ai tout un escadron de l'armée derrière moi, Vestar. Ce n'est pas une poignée de paysans qui va m'effrayer.

- Pourtant, tu devrais savoir que des soldats ne vaudront jamais un peuple déterminé. Tu veux te placer en souveraine mais tu ne sais pas la première chose de la gestion d'un peuple. Et le peuple te déteste. Quand bien même réussirais-tu à te débarrasser de moi qu'il ne t'acceptera jamais. Tôt ou tard, il se soulèvera contre toi et tu perdras ta jolie couronne.

- Tu ne sais pas ce que j'ai établi depuis que je t'ai chassé à Isstad. Tu n'en as pas la moindre idée. Ils devaient embrasser le sol que je foule avec tout ce que j'ai fait pour eux !

Elle commençait à s'énerver. Les doigts d'Alrek se resserrèrent autour des siens, lui faisant comprendre qu'il le sentait aussi. Le soutien de son fiancé eut un effet revigorant sur son moral.

- Tu n'as rien fait pour lui. Tout ce que tu as fait, c'est pour toi. Ton seul accomplissement, c'est d'avoir réussi à faire accepter des mariages à Rhesad et Udlica. Quoi que, même eux sont en danger. Alrek est un bien meilleur parti que toi, soyons honnêtes.

- Sauf qu'il n'est pas tellement disponible, n'est-ce pas ?

- Je fais les meilleurs choix avant tout le monde.

Elina se mit à rire avec tant de sarcasme dans la voix qu'elle en parut folle. Vestar échangea un bref regard avec Alrek. Hardan s'approcha d'eux et murmura à l'oreille de son roi qui, à son tour transmit le message à Vestar.

- Un problème est survenu parmi mes hommes. Un traître retarde leur arrivée.

- Un traître ?

- Envoyé par mon père. Il tente d'empêcher l'arrivée des renforts. Tu dois continuer à gagner du temps.

Vesta acquiesça en silence et se redressa. Le meilleur moyen de gagner du temps avec quelqu'un comme Elina était d'adresser le sujet de plein front. Le vrai problème serait de le faire sans avouer qu'une compagnie était dissimulée à quelques minutes de là.

- Ton allié Caspar n'a pas l'air très utile, je suis au regret de te l'annoncer. Il n'a rien trouvé de mieux que planter un espion dans nos rangs. Comme tu peux le voir, ça n'a pas été très utile.

- J'ai toujours su qu'il ne me servirait pas à grand-chose. Je voulais juste t'envoyer là-bas. Il est trop faible pour aller contre son fils.

- Pas comme toi, n'est-ce pas ?

- Exactement. Il faut savoir être ferme, surtout avec ses enfants.

- C'est pour cela que tu as toujours fait tapisserie ? C'est ça que tu appelles « être ferme » ? Faire partie du paysage et ne servir à rien ?

Si elle avait pu, elle aurait franchi les quelques mètres qui les séparaient et l'aurait giflé. Son nouveau capitaine la retint par l'épaule d'un geste peu discret. Vestar eut un sourire insolent.

- Je vois que tu as déjà trouvé quelqu'un d'autre avec qui partager ta couche. Il devrait peut-être un peu plus discret. Après tout, il n'est que l'un de tes nombreux accessoires. S'il continue ainsi, il finira pendu à une branche de ton cher cerisier et chassera les oiseaux.

- Tu ferais mieux d'apprendre à te taire, Vestar.

- Pourquoi ? Parce que personne d'autre ne t'a jamais dit la réalité dans sa glorieuse nudité ?

- Fais attention à toi, Vestar. Ne va pas trop loin.

- J'irai aussi loin qu'il le faudra pour que tu comprennes que ce trône ne t'appartient pas et que tu ferais mieux d'abandonner l'idée de le garder.

- Tu as bien trop de confiance en toi, fils.

Elle s'avança vers lui, ses gardes lui collant aux talons. Vestar ne broncha pas et la regarda droit dans les yeux. Il ne céderait pas une once de pouvoir à Elina. Elle n'avait plus rien de sa mère. Maintenant qu'il revoyait son visage, il ne retrouvait rien de maternel. Elle avait pris de l'âge et ses traits s'étaient durcis. Les yeux bleus étaient cernés, la peau s'était creusée. De près, elle ne payait pas de mine. Elle avait perdu de sa splendeur.

- Tu crois que je n'ai rien prévu pour ton arrivée ? Tu me crois si stupide ?

- Si ta planification est aussi bonne que celle de Caspar, je doute de craindre quoi que ce soit.

Un sourire sinistre étira les lèvres pleines de sa mère. Elle leva la main. À côté de lui, il sentit Alrek se tendre. Ses propres muscles se bandèrent en préparation de ce qui l'attendait. Il ne dévia pas le regard, le gardant rivé sur le visage d'Elina. Il faisait confiance à son instinct. Il l'avait gardé en vie jusque là et il le sauverait encore.

- Tes ordres mettent du temps avant d'être mis en œuvre. C'est assez pathétique.

- Tu ne sais vraiment pas ce qui t'attend.

- De ce que je vois, peu de choses m'attendent, on dirait. J'aurais tendance à croire que ton escadron s'est retourné contre toi.

- Qui te dit que j'ai fait appel aux soldats ?

Son sourire s'élargit. Elle pensait avoir l'avantage sur eux. Ce qui n'était pas le cas. Pas un seul instant Vestar n'avait-il songé qu'elle ferait appel à une alliance fragile avec une armée qu'elle n'avait pas dû fidéliser. La seule alliance certaine qu'elle avait pu former venait des mercenaires. Tant qu'elle les payait correctement, elle était certaine d'obtenir ce qu'elle désirait. Et ils s'y étaient préparés.

Cependant, dans le plan original, les hommes d'Alrek devaient être prêts à agir. Le retard causé par le traître l'inquiétait. À quelle distance étaient-ils ? Sauraient-ils intervenir ? Cumulés, ces deux événements bénins prenaient des proportions inquiétantes. La situation était devenue potentiellement dévastatrice si tout ne se passait pas correctement.

Le feu prit soudainement. Il se répandit à toute vitesse autour d'eux et les piégea. Ils ne pouvaient plus fuir. Le seul chemin possible était de foncer droit dans les portes de Northedge. S'ils s'y essayaient, c'était quitte ou double. Soit l'armée était de leur côté, soit ils se faisaient massacrer.

- A COUVERT ! cria quelqu'un.

Des flèches se mirent à pleuvoir. Vestar attira Alrek vers lui et le protégea des projectiles. Son fiancé l'entraîna à l'écart.

- Ce n'est pas moi la cible, lui cria Alrek. Viens !

Vestar se laissa entraîner derrière le rempart de l'escorte isstadienne. Sakari se plaça devant lui, l'épée sortie. C'était inutile puisqu'il ne pouvait pas battre des flèches avec une lame. La seule solution était de se débarrasser des mercenaires qui les arrosaient de projectiles. S'ils ne le faisaient pas, ils ne pourraient pas s'en sortir.

Néanmoins, il était plus préoccupé par les portes qui se refermaient derrière Elina. S'il les laissait faire, il serait bloqué derrière les fortifications et ils mouraient tous. Il devait tenter d'entrer. C'était la seule solution. Quand bien même n'auraient-ils probablement pas le soutien des hommes d'Alrek à temps, ils devaient essayer. Quitte à mourir, autant tout faire pour arracher Elina au trône.

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NdlA : Eh bien, Eh bien ! Ca ne sera pas un chapitre joyeux pour finir l'année ! Dites-moi quand même ce que vous en pensez ! Vont-ils gagner ? Vont-ils survivre ?

Et surtout, BONNE ANNEE EN AVANCE, les amis !

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